30.12.10

Temps gris.


Tu as raison. Il faisait beau le jour de Noël.
J'avais oublié. La sensation de gris plutôt que celle du bleu.
Pourtant, quand nous avons pris la route, je me souviens avoir chaussé mes lunettes de soleil.
Il y a eu la rade, et ce moment où tout est beau, mais en général c'est aussi le moment des nuages. C'est pour ça, le sud.
Nous avons roulé jusqu'à la maison de l'eau. Nous sommes arrivés en même temps que les autres, un bon timing cette fois.
Tu vois, je rentre en terrain inconnu, en terrain étranger. Je suis, mais je ne suis pas. Des bises, des sourires, ah oui, tiens, ça faisait longtemps, tu as grandi, oh, tu t'es coupé les cheveux, quelle belle table, ça sent bon...etc.
La fenêtre s'ouvrait sur le large, les bateaux, à vrai dire, le regard est attiré, aimanté par cette vue. Tu imagines? assis dans le canapé noir, tenir une tasse de café, en voyant les "chevaliers gambettes" parcourir l'herbe marine, juste sous ton regard, parce que l'eau descend. Ou bien, avoir l'oeil sur les tadornes, le père, la mère, les petits à la queue-leu-leu, une famille où l'harmonie.
Nous sommes à table. Les conversations, les plats.
Nous sommes nombreux. Et avec ma seule oreille, c'est comme d'habitude, je me concentre le temps que je peux et ensuite, je laisse tomber. C'est là qu'est le meilleur presque. Se concentrer sur une seule conversation, essayer d'en saisir des bribes, associer des bâtons rompus pour tenter une cohérence, rire en mon fort intérieur des associations malhabiles, rire aussi de ce que les gens oublient que je n'entends pas mais que j'écoute, les laisser croire que je suis naïve, que je ne comprends rien, prendre ma distance pour mieux voir, le mépris, l'indifférence, les faux-semblant.
Comme de voir les petits groupes de fumeurs se former à l'extérieur. Il fait froid. Un groupe, celui-là parle politique. Un peu plus tard, un autre groupe se forme, cette fois il s'agit de continuer de rire de la blague faite à table. A la nuit, les confidences. Croit-on. Commencer à dire les choses importantes et s'interrompre quand l'interlocuteur ne fait même plus semblant d'écouter. Il a fait ta B.A. il a donné l'illusion de s'intéresser à toi. Et toi, tu restes sur le banc, à regarder le reflet des lumières de la rive d'en face sur l'eau calme. A contempler l'amertume.
J'ai parfois le rire fou qui monte à voir le comique des situations. Et pourtant, j'ai gardé le souvenir d'un ciel gris. Comme un rire jaune.

27.12.10

Les routes.

 Mettre la marmaille. Empiler la valise. Vérifier les niveaux, les pneus. Dégivrer le pare-brise. Tourner la clé. Puis tourner la clé. Et rouler.
Il y a des routes que l'on connaît par coeur. Se laisser conduire. Somnoler. Un peu. Parce que la route.
Savoir où l'on est à la simple ouverture de la paupière. A la longueur de la descente. Au bosquet sur la droite. Au ralenti d'un virage.
Cette route, du Morbihan au nord Finistère, 9 ans que nous la parcourons. Au départ, une petite voiture blanche, prendre de la vitesse dans la descente avant de tenir la distance sur le mont Armorique, si tu ne sais pas, la route t'apprends que le Finistère nord est plus haut que le Morbihan.
De temps en temps, faut faire la recherche de la station radio que tu veut garder, les épaules de Darwin crachottent vers Quimperlé.
Laisser le babil parfois encore doux des enfants. Espérer qu'ils vont dormir un peu. Tu crois que c'est loin n'est-ce pas, cette route?
Même pas. 175 km.
La distance se mesure à mes souvenirs. Aux étapes, aux balises qui s'ajoutent avec le temps.
Sur la route, il y a les endroits où j'ai pu vivre, ceux que j'ai visité, ceux que j'ai aimé. A chaque panneau, une histoire.
Tu veux savoir?
Port-Louis, sur ta gauche quand tu montes, un endroit du bout, comme j'aime à dire, tu n'y passes pas, tu y vas. 4 ans.
Quimperlé, bon, tu pousses un peu jusqu'à Mellac et tu as un gîte adorable, dans une maison en pierre, 1 an.
Quimper, tu vois de loin les deux flèches de la cathédrale dans la courbe de la descente vers la ville, les rues pavées, le mont Frugy où j'ai porté le costume fin XIXème, je dois bien avoir une photo, non, tu ne la verras pas, 6 ans.
Je ne vais pas te parler tout de suite de la route vers le centre Finistère, c'est la deuxième route. Alors, on continue vers Le Faou, avec ces vallées boisées, les éoliennes qui battent l'air, l'étendue d'eau que j'essaie de photographier en vain à chaque passage, on ne s'arrête pas à cet endroit, pas d'aire possible, juste du 110.
Après, après l'excitation augmente dans notre dos, on sent la mer encore plus proche, le haut d'une autre côte va bientôt dévoiler un paysage superbe, celui de la rade de Brest. Regarde bien, ça ne dure pas longtemps, toujours trop vite, toujours un moment de silence : Aaaah BrestC'est beau quand même hein? Oui, mais non, fait trop froid. 
Après, c'est la série de virages, récemment passée à 90 (enfin, récemment...) et puis le pont.
Ce Pont de l'Iroise, parallèle à celui de Plougastel, ce pont où j'ai connu les bouchons des vendredis et dimanche soir, en rentrant et en allant à l'U.B.O. En dessous, tu vois Le Passage, un endroit où on fait de la voile...comme tant d'endroits en Bretagne. 9 ans de vie.
La suite de la route est plus récente. Elle précède l'arrivée, jusqu'au port du fond de l'Aber. Ces 20 dernières minutes avant d'apercevoir la maison qui nous attend.
Cette maison qui offre le paysage de la photo du bas. Avec ces reflets fabuleux, le calme d'un paysage  serein.
La deuxième route est bien plus ancienne.
Elle remonte à mes premières années. Celle qui mène de la ville où vivait ma grand-mère, à la campagne,  la vraie, avec ces champs bocagers, ces collines, ces bruns et ces verts, ces ocres en automne, le bleu aussi, crois-moi.
C'est une route simple, sans chichis, il faut que tu connaisses les virages si tu veux dépasser le 80 parce qu'aucune bande blanche ne la dessine. Parfois, la boue des roues d'un tracteur te dit que la vie continue, à son rythme différent.
Cette route est longue de trois quarts d'heure. Précisément. Sauf qu'en partant des Abers, il faut rajouter 15 mn. Dès que tu as quitté Brest, tu sais que la campagne. Ce paysage vallonné, où chaque courbe cache la prochaine, qui te rapproche du centre de la Bretagne, ce coeur de légende, où tout peut se produire, où chacun peut croire ce qu'il veut.
On arrive dans les Monts d'Arrée par plusieurs routes, mais celle qui vient de Brest est celle que je préfère. Elle se termine dans le bourg, par un lacis de courbes qui sont l'écrin du village, avec en son sommet, la pointe de l'église. Toute une vie.
C'est là que la famille, de mon côté comme on dit, a ses racines. Et on dirait bien que quelque soit le chemin que prenne notre vie, il y aura toujours un sillon tracé dans la terre de mes ancêtres pour retrouver mon chemin.
Un jour, tu verras...

PS: cette fois, j'ai mis les photos en haute résolution. Tu peux les agrandir beaucoup, si tu veux bien voir. N'hésite pas, c'est un plaisir de partager avec toi.

23.12.10

On y est! (y est-on?)

Aujourd'hui, c'est la veille de la veille de Noël et je suis libre.
Libre de la maison mère, l'Entreprise, comme ce vaisseau qui finira bien par exploser au rythme où il va. De là à dire que j'ai quitté le navire...
Non.
Si le navire avait tenu sa route, avait pris soin de son équipage, tenu compte du fret, et des quidams qui attendent au port, il va s'en dire que j'aurais pu rester. Avec le sourire, en plus.
Mais non.
Ils m'ont donné les clés d'une porte, après que je les ai forcés un peu, et cette porte s'ouvre sur un ailleurs, ce paysage dont je vous ai déjà parlé.
Ainsi, cette année, Noël aura un goût particulier. Celui des possibles.
Noël, on va en rabâcher encore un peu, t'inquiète, c'est bientôt fini. Une fois la frénésie commerçante épuisée, les ventres distendus, quelques cadavres sur des bancs gelés, le printemps reviendra, et ce sera bien.
Noël, c'est la lumière dans les yeux des enfants. On leur dit parfois le reste du monde, ils ne peuvent pas comprendre, c'est tellement incompréhensible. On ne leur montre pas toujours pour qu'ils restent gais.
On passera les festivités en famille, avec les sourires forcés ou ceux qui sont sincères, il y en aura j'espère, et puis, la vie normale reprendra son cours, et ce sera bien.
Ici, nous serons cinq, puis plus de dix et encore plus de dix le lendemain. Nous irons dans le nord, si la neige nous laisse les routes. Quand je dis nord, c'est Finistère, n'aie pas peur.
J'annoncerai à tout le monde mon nouvel état, celle qui est officiellement licenciée, avec encore de l'avenir devant elle, j'aime à le penser, et y croire surtout.
Tant pis pour les esprits chagrins, ceux qui ne comprennent pas que parfois il est des conditions de travail qui sans être difficiles, sont insupportables, question de conscience, question de survie mentale.
J'en ai fini avec les chiffres, les calculs foireux, les intérêts non partagés.
Mais tout reste à faire.
Il va sans dire que ce blog étant une source inépuisable de belles rencontres amicales, souvent vérifiées de visu, je penserai à vous.
Et de fait, je vous embrasse tous, bien fort, sincèrement.
Et vive 2011!
On peut agrandir, même. (en cliquant).

22.12.10

Rentrer...

Toujours un pont...

 
Une ville, des plages...

Un tableau abstrait...


Ré la blanche a mis un manteau gris, mais même encore, elle avait des couleurs.
Nous avons été choyés, je crois que nous les avons rincés nos amis...:-)

Demain, une autre page va se tourner.
C'est fou, cette fin d'année!

Quelle vous soit douce...douce...douce...


19.12.10

Partir, paaaartir...

A l'heure où vous lirez, lirez-vous? je ne serai pas là. Nan. Partie.
Ça vous fera des vacances, tu me diras, tu pourras travailler pépère peinard derrière ton écran, sachant déjà que je ne serai plus là.
Ne te réjouis pas trop vite l'ami, je ne pars pas longtemps, si peu de temps en fait que je me demande pourquoi j'en parle.
Ça m'est déjà arrivé de partir trois jours sans que quiconque s'en doute.
Ça m'est déjà arrivé de ne pas t'écrire pendant plus de trois jours sans que personne le sache.
D'ailleurs, tu dois te dire que ça m'arrive tous les jours de ne pas écrire pendant trois jours.
Ben non, figure toi. Pas un jour sans mot. On pourrait même dire comme pas un jour sans pain.
D'ailleurs, je vais prendre mon carnet, celui où on écrit avec cette chose trop oubliée qu'est un crayon. Tiens, faut pas que je l'oublie celui-là.
Je, nous, partons trois jours.
Faut que tu saches qu'on ne le fait jamais, ça, partir à cinq. J'exagère. On part. Dans la famille. Une heure et demi ou deux de route. Le bout du monde, tu sais où c'est? ben je connais le bout du monde comme si j'y vivais.
Non.
On ne part jamais à cinq ailleurs que dans la famille à deux heures au plus de trajet.
Mais là.
Là, tu vois, on prends nos couettes, et nos bottes. Nos brosses à dents, et nos culottes (c'est pour la rime que je viens du même coup, gâcher).
On va regonfler les pneus, on va vérifier, tout, pour partir bienheureux.
Et puis.
On va sur une île. Pas n'importe laquelle. Une île plate comme une bonne huître. J'y suis déjà allé, nous y sommes allés à deux. Cette fois, on débarque, on se joue envahisseurs. (ah oui, au fait, j'aime pas les huîtres et si tu sais où j'habite c'est presque une hérésie).
On prends nos vestes et nos bonnets, nos pulls et nos cirés. On ne sait jamais. Même si là on sait qu'il y aura de la pluie. C'est pas grave, je vais te dire, on va chez des amis.
Je sais la vue : plate. Je sais les gens : diserts. Je sais le menu : rires. Je sais le goût : bonheur.
Je sais que je suis heureuse d'y aller, parce qu'on y est attendus.
On part trois jours, plus loin que le bout du monde, sur une île plate, chez des amis, et je vais te dire : c'est beau la vie!
(souhaitez leur bon courage...)

16.12.10

Le temps.

J'entre dans ta chambre. Tu dors encore. Ou bien tu fais semblant. Je m'approche, je sens ta chaleur avant même que mes lèvres se posent sur ta joue. Je vois une fossette. Ainsi, tu fais semblant. Ou bien est-ce le baiser qui t'as réveillée. Tu gardes le pouce dans ta bouche et les yeux fermés, tu passes à l'aveugle, mais l'aveugle qui connait la route, ton bras chaud autour de mon cou. Je me retrouve joue à joue avec toi. Nous restons ainsi. Et puis tu ouvres les yeux. Tu me chatouilles le nez de ton index alors que le pouce continue d'être dans ta bouche. Enfin, tu te retournes, ta tête sur mes genoux, je passe la main dans tes cheveux, et puis, je te demande si tu veux que je te porte. Tu fais oui de la tête.
Tu grimpes sur mon dos.
Comme avant, quand tu étais minotte, dans l'écharpe. Parfois je me dis, ah, l'écharpe. Ta tête trouve sa place contre le haut de mon dos, et nous descendons l'escalier. Tu te moules encore à moi, mais je sais que ça ne durera pas. Ta grande soeur et ton grand frère ne le font plus déjà.
Le soir, alors que j'écris ici, ou ailleurs, tu viens près de moi sur le canapé, et là encore ta tête trouve sa place dans mon giron. Ta main fait la boucle dans tes cheveux, ce geste enfantin perpétuel, presque une marque de fabrique. Celui que tu faisais dans les miens, alors que tu étais dans le tissu bariolé, endormie, bercée, ballotée aussi.
Ou bien, alors que je suis dans la cuisine, que mes mains font le pain, tu t'approches, et ton bras autour de ma cuisse, tu t'appuies.
Parfois, encore, tu demandes un câlin. Je te prends dans mes bras, et je te serre contre moi.
Tous ces moments dont je prends la mesure parce que je sais.
Je sais qu'un jour, c'est moi qui voudrai te faire un câlin, c'est moi qui chercherai la chaleur de tes bras, ton odeur, ta douceur, ton rire coquin.
Plus que le temps qui passe sur moi, je vois celui qui va te prendre à moi, naturellement, insensiblement, mais très certainement.
Je te dirai encore que je t'aime, comme les seuls mots que je dirai toujours, à toi, à eux, mes enfants, petits êtres vivants, tout petits et déjà grands.

15.12.10

Chocolat


J'ai trouvé un petit boulot.
Un petit boulot, deux après-midi.
Un petit boulot payé en sourires.
Un petit boulot mignon et gourmand.
Ils ont fait des chocolats.
Les petits de l'école maternelle.
Ont-ils tout mangé? 
En tout cas, ils en avaient plein les mains et les bras.
Tu veux la "recette"? 
Va voir là-bas!



13.12.10

Ce soir, j'ai tué l'oiseau.

Et c'était bien.
Ce n'était pas triste.
Il faut que tu comprennes le comment du pourquoi.
Tu ne sais peut-être pas que je me suis lancée dans la danse africaine à corps perdu pour retrouver le mien.
Tu ne sais pas que la première fois, j'ai eu mal aux jambes pendant quatre jours entiers, des jours à tirer une grimace à chaque marche d'escalier.
Et j'ai aimé avoir mal.
Pas parce que je suis masochiste, juste pour les muscles redécouverts, ceux qu'on oublie dans cette vie moderne.
La deuxième fois, j'ai eu moins mal. A vrai dire j'étais presque déçue.
Mais je n'arrivais pas à faire les pas, les ordonner. Une chorégraphie, tu sais, ça raconte une histoire.
Je ne connaissais pas encore les personnages.
Ce soir j'ai tué l'oiseau.
J'ai harponné avec ma lance, avec élan, et j'ai dit merci, merci à la terre et au ciel.
Il faut que tu saches, que cet oiseau, je l'ai mérité.
D'abord, il a fallu faire intervenir le féticheur, c'est celui qui porte le masque, celui qui parle aux esprits, à la nature, qui appelle la chance sur toi. J'ai été le féticheur.
Ensuite, il a fallu chercher. Il faut chercher l'oiseau dans la forêt, dans la savane, n'importe où, mais l'oiseau.
Avec mes coudes pliés, mon pas arrêté, un seul petit pas, à regarder à gauche, puis à droite, j'étais le chercheur.
Et puis, je bondissais au-dessus des racines, je faisais le pas de forêt, celui qui écarte les branches, c'est beau d'écarter les branches, tu ne le sais pas, mais c'est ample, c'est faire de la place à ton passage de ta tête à tes pieds. J'ai été chasseur.
Soudain, l'oiseau.
L'oiseau aux grandes ailes déployées, qui battent, en deux temps, alors qu'il avance sur une patte au milieu d'un étang. Tu le vois cet oiseau? Il saute, d'une jambe et puis d'une autre, enfin, il recule, tout en battant des ailes, encore. A t-il entendu le chasseur? Pourtant, il est si beau cet oiseau, tête baissée, les pattes sur les pointes, et il regarde le ciel, en se ployant sur les genoux, comme se livrant à la fortune céleste.
J'ai été l'oiseau.
Et voilà que le chasseur s'approche. Il bondit toujours, il porte une lance, il va en avant, croit-il avoir entendu l'oiseau? Alors, il fait demi-tour, avance encore, la lance prête...
Il s'arrête...
Il donne un coup de lance, et donne à la terre, il recommence, et offre encore...
L'oiseau a tenu bon, quatre coups, c'est beaucoup.
Mais c'est un combat loyal, les ailes de l'oiseau contre ma lance. J'ai été le chasseur.
Ce soir, j'ai tué l'oiseau, de quatre coups de lance, et je me suis prosternée quatre fois vers la terre, et j'ai remercié quatre fois le ciel, en levant mes bras vers lui.

11.12.10

Le Sapin

Impossible de me souvenir de tous les Noëls. Du fait de mon grand âge sans doute.
Néanmoins, tous les Noëls dont je me souviens se sont passés au pied d'un sapin.
Le premier qui me revient, c'est grâce à une photo. J'y vois mon frère et moi, mes grand-parents dans leur appartement brestois. Il y a l'"Amour" derrière, cette statue de marbre blanc qui se trouve dans un autre salon à présent. Le salon des grand-parents de mes enfants.
Souvent, nous recherchions le plus grand, le plus beau sapin. Un sapin capable de toucher le plafond, comme s'il pouvait rejoindre le plafond de la nuit étoilée, avec la plus belle et la plus brillante à la cime de l'arbre.
Il y a eu les Noëls dans l'île, où nous n'avions pas de véritable sapin mais des cryptoméria.
Nous reproduisions les mêmes rites, les mêmes habitudes, avec juste le plaisir d'aller sur le sable écrire que Noël à 25° à l'ombre, c'était bien.
Le Noël de 1987 était particulier.
Par chance, il a fait beau. Nous sommes allés à la plage, mais la température ne devait pas dépasser 10°. C'était en Bretagne, un sable blanc, des pulls aux cols roulés, des vestes chaudes, on pouvait croire qu'on s'était adaptés au retour sur le sol métropolitain. Je crois que ces années-là, on essayait plus que jamais de faire encore plus haut le sapin, encore plus beau. Comme pour ne pas regretter le cryptoméria tropical.
Les années ont passé.
Il y a eu des moments où Noël n'avait plus d'importance. Je me laissais prendre par l'ambiance, quelques moments de chaleur familiale, mais pas de sapin dans mon appartement, juste peut-être quelques guirlandes sur un yuka poussiéreux.
Et puis, les enfants.
Leur regard devant les lumières de la ville, devant les étoiles électriques urbaines, devant les pitoyables pères Noël se multipliant sur les toits, faisant perdre à mes yeux toute magie.
Voilà que nous avons acheté des sapins. Pas très grands. Parfois, ils ne perdent pas leurs aiguilles, les années riches, ou bien se déplumant chaque jour un peu plus, les années maigres.
Il y a deux ans, j'ai décidé que les sapins faméliques, c'était fini.
Ah ah ah.
J'ai pris un rideau que j'ai agrafé aux poutres du salon, et je l'ai décoré avec les boules et guirlandes idoines, bien dorées, bien rouges, bien brillantes.
L'an dernier, les enfants ont réclamé un vrai sapin. Enfin, un sapin.
Bien sûr, j'étais en retard, je n'en ai pas trouvé de beau, alors.
Alors, en hésitant à peine, mais alors, à peine, j'ai opté pour une horreur artificielle.
Je me suis mise à la la hauteur de ceux qui investissent leur maison de tuyaux d'arrosages lumineux, de père Noël dégonflés et pendus, j'ai acheté un sapin montable et démontable, un truc qui se range dans une boite en carton sans souffrir de perdre ses aiguilles, une merveille, je vous le dis, et attention, en plaqué or véritable, du vrai toc, une splendeur digne de tout mon excellent bon goût.
J'ai rapporté l'objet à la maison.
L'homme était atterré, autant que moi devant cette pure folie, mais les enfants adorent.
Je dois dire qu'en le replaçant dans le salon il y a quelques jours, j'ai été prise d'un fou rire devant cette aberration. Pour la peine, les enfants ont tout fait, de l'installation des tiges métalliques en or poilu dans le tronc en plastique, à celle des guirlandes toutes en or massif et aux breloques incassables (quoique).
Notre sapin trône fièrement à côté de la télé, la beaufitude affichée.
Allons nous oser inviter nos amis cette année?

Et vous? votre sapin?

8.12.10

Let it be

J'avais l'âge de la Seconde.
Nous devions être 35, au moins, je pourrais recompter sur la photo que j'ai toujours, prise dans cette classe. Belle photo pleine de couleurs, comme la vie là-bas.
Il fallait descendre un escalier, rentrer dans une sorte de jardin, ou plutôt, la baraque était dans un endroit où la végétation pouvait reprendre ses droits. Je dis baraque, mais il s'agissait en fait d'une vieille case. Quand j'y pense, c'est étonnant, une grande case en bardots de bois, sur les murs extérieurs, du bois à l'intérieur, sur les murs, un vieux plancher il me semble. Je ne suis plus très sûre.
Nous n'avions pas assez souvent cours de musique.
Ici, point de flutes discordantes. Quelques très vagues notions de solfège. C'est là que j'ai appris à dessiner les clés de fa et de sol.
ll y avait un piano droit, en bois aussi, un vieux truc sûrement, mais qu'en sais-je?
C'était le jeudi.
Nous aimions aller à ce cours.
Surtout les filles, je crois bien. Le prof, tu vois. Un beau mec, faut dire, aussi blond que son frère était brun (et prof de sport) bronzé, et appartenant à un groupe de musique dont le nom me revient soudain (incroyable la mémoire!) : Axe!
Ah ah ah, s'agissait-il du même qui disait "laissez Axe agir"?
Nous étions donc tassés, là, et c'était parfait.
Parce que nous chantions.
Je passe la période Gold avec "un peu plus près des étoiles" (ça y est tu as l'air en tête? bon courage...)
Ou encore Goldman "je marche seul" (oui, choix fantastique, en plus j'étais fan, j'avoue)
Un jour, on a appris Les Beatles.
J'avais bien écouté un disque chez une copine (dont j'ai oublié le prénom, on n'avait pas dû être amies longtemps). Il me semble aussi que nous avions le disque avec la pomme verte dessus à la maison.
Enfin, bref, nous avons appris Let it be, je reste persuadée qu'il faut apprendre les langues par la musique (ou en traduisant des bouquins de cuisine, la motivation est grande!)
C'est la seule chanson en anglais dont je connaisse vraiment les paroles.
(Je connais "Suzanne" aussi, mais c'est un autre celui-là, rien à voir )
Tiens, je te mets un petit lien si tu veux écouter avec moi...


C'est pas très sexy, n'est-ce pas, mais impossible de le trouver autrement...
M'enfin, là, tu peux même faire karaoké derrière ton ordinateur et rien que pour ça je voudrais être une petite souris...:-)

7.12.10

La Fenêtre

Alors, une phrase qui m'a ouvert une fenêtre. Pas encore une porte, mais au moins une fenêtre. Une vue sur un paysage inconnu, ou pas encore totalement exploré, une vue d'un possible, de quelque chose qui quitte le domaine du rêve, qui s'envole de l'oreiller, pour se poser sur l'herbe verte d'un pré voisin.
Il reste tout à faire. L'herbe ne suffit pas, il faut de la couleur pour qu'elle paraisse encore plus verte, un arbre puis deux, un verger, des pommes, des pêches, de quoi tenir l'été, l'hiver.
Elle regarde dehors, elle voit cette colline qui descend vers un endroit encore caché. Elle peut imaginer ce qu'elle veut, un cours d'eau, de la vie, un étang, un miroir, une route, un chemin.
Elle espère que la fenêtre sera assez grande, assez vaste pour qu'elle puisse l'enjamber, elle n'a jamais eu peur des chemins de traverse, sauter par la fenêtre pour rejoindre une vie meilleure, espérer qu'en bas, dans la courbe douce de la colline, il y aura...elle ne sait pas, elle s'en fiche, ce qui lui plaît c'est juste cette fenêtre, comme une ouverture possible sur un autre monde.
A elle de faire ce qu'il faut pour modeler son paysage, cultiver son jardin, faire vivre son verger.
Tout est possible.

1.12.10

Faire ou ne pas faire

C'est un souci, presque.
J'aime faire. Trop. J'aime essayer. J'aime ce que j'essaie.
Qui dit "qui trop embrasse, mal étreint"?
C'est un sage, c'est certain.
Clarinette, peinture, danse, lecture, pâtisserie, photographie, écriture...
Mes journées peuvent être plus longues que ma résistance, mais je sais bien qu'il faut faire des choix.
D'autant plus que ces journées risquent bientôt d'être inexistantes, le jour où l'entreprise récupérera sa perle rare, et que la bête humaine, transformée, lobotomisée, perdra tout esprit de création, d'action, de réflexion, d'envies, de vie...
Alors, je me perds en conjectures, que faire dans les mille choses qui me titillent les doigts, les yeux, la peau?
Se rassembler, unifier, user toutes mes éventuelles capacités?
Choisir, une seule, et s'y consacrer?
Ne rien faire, attendre que le temps fasse son oeuvre (ça, je sais que j'aurais du mal à)
J'en suis là. Encore pleine d'envies et lucide quant à la possibilités de les réaliser. Perdue.




28.11.10

La Plaine



J'ai rêvé.
Je ne sais plus bien si j'étais endormie, un peu moins que le chat sur mon ventre, au coin du feu et du canapé gris, ou bien sous la chaleur bariolée de mon oreiller.
Je dormais.
J'ai vu cette route, ce lacet clair, se faufiler sur la plaine. La lumière qui frappait de beauté les vignes, le marron et le vert, et l'ombre d'une voiture qui te fait réaliser la grandeur de l'espace.
Il faisait beau ce jour là.
Un jour de ces vacances inoubliables, celles qui m'avaient fait revenir chez moi, un temps. Nous avions une ridicule petite, toute petite voiture, le siège bébé seul passager possible, petite voiture légère pour monter les cols, tourner les épingles à cheveux, pour accéder là-haut.
Je tenais le volant. J'y tenais. Ma route, comme si moi seule devait la tracer. Pélerinage des souvenirs.
Dans mon rêve j'étais seule.
Au coin d'un feu, d'une rue, celle qui te fait rencontrer le vent en pleine face alors que tu tournes à l'angle de ta rue.
J'ai vu ce sentier tracé au milieu de quelques arbres éparpillés, égrenés par une main aimable, oubliés par le vigneron, heureux homme.
La plaine est brune, rouge, ocre, noire, brûlante du soleil du matin, qui n'était encore rien. Nous roulons. Muets. Ecrasés par la grandeur de cette route 66 en plein milieu d'une île. Un désert de sable. Nous savons que c'est exceptionnel. Le temps bleu. La route. Le sable. J'étais loin de penser qu'il y aurait du vent sur cette plaine. Ni celui d'un pont, ni celui d'un bord de mer. Là, nous étions dans le coeur de la Fournaise, si proche. Nous rentrerions, huit heures plus tard, après avoir descendu la caldéra, atteint le sommet, fait son tour. Rouges écarlates, alors que le vent frais nous avait fait oublier le danger du soleil à plus de deux mille mètres d'altitudes, sous les tropiques.
Je vois cette image d'une plaine, dans mon rêve, une plaine métropolitaine,(au fond je crois bien que j'avais la chaleur du chat sur mon giron), et, tu ne sais pas, mais dans mon esprit, il n'y a pas de doute qu'elle se confond avec la plaine des Sables. Si loin, si proche.
J'ai rêvé, sans doute, mais c'est comme si c'était vrai.
C'est quand le chat est parti, que je l'ai su.


26.11.10

Le Pont Lorois.

C'est un commentateur anonyme ce midi, qui a fait que j'ai visionné cette vidéo que j'avais faite un jour où j'étais déjà un peu folle.
Ce billet date de mai 2008, un siècle en somme.
Je viens de retrouver mon camescope, il est actuellement en charge.
Ce Pont est de mes favoris. Il va d'un endroit que j'aime à un autre endroit que j'aime, il surplombe cette merveilleuse Ria d'Etel qui change tous les jours d'aspect et de couleur.
Aujourd'hui, j'aurais la tentation de filmer de ma moto, mais crois bien que je n'en ferai rien, bien trop dangereux. Si je lâchais la caméra tu te rends compte?
Tiens, regarde, avec un peu de chance tu ne l'as pas encore vue, et tu aimeras.
J'espère (même si l'animateur radio t'agaces un tantinet).

21.11.10

Réconciliation


Huelgoat, le Chaos.

Vois.
Le ciel se reflète dans le verre de la table basse. J'y vois du bleu et du blanc.
Le poêle est chaud, il diffuse juste ce qu'il faut.
L'une dort, les deux autres lisent sur le canapé. L'homme, corrige.
Il y a la lumière du soleil sur le mur framboise, cette même lumière d'hiver que nous avions hier au-dessus du chaos rocheux d'Huelgoat.

(ménage de la vierge)

C'est étrange cette envie que j'ai depuis quelques temps de dire et montrer aux enfants les lieux que j'aime. Ils ont grandi, ils aiment voir, admirer, il en faut peu pour qu'ils soient épatés.
Voir et marcher sur d'aussi gros éboulis, à leur taille, a de quoi leur laisser des souvenirs.
Et puis, c'est comme si tu étais là. C'est facile d'imaginer que mes yeux voient et que tu vois derrière eux.

Eglise Notre Dame de Rumengol (Le Faou)

Les églises bretonnes, riches, baroques quasiment avec tout cet or qui déborde de l'amour des paroissiens pour leur dieu. Y croire ou pas, peu importe, lieu de culte, lieu curieux pour les profanes, qu'on ne sait lire qu'avec un guide ou une connaissance que je n'ai pas. Se sentir bien dans le calme de la nef, oser franchir le choeur pour y photographier la Cène. 

Ne pas oser plus, alors que chaque travail du bois est remarquable, quand tu réalises les détails, que tu ressens l'envie que l'artisan avait de faire correctement les choses, pour qu'elles passent le temps, les siècles.

Cygne, le coeur.
Et puis, ce cygne. 
A la blancheur translucide qui m'a rappelé une autre transparence. Avec une lumière adéquate, la luminosité de ses plumes blanches, pures, c'est banal un cygne, mais c'est comme un coucher de soleil, c'est un banal beau dont je ne me lasse pas.
Il est donc des jours, des heures, où le repos. 
Il est un temps qui s'accorde à l'humeur, doux, bleu, à la lueur douce d'un soleil hivernal, qui sublime la cime des arbres, flamboyants d'automne. 
Prendre ces moments comme prendre des forces, pour l'après. 

19.11.10

La Courge?


J'ai plein de choses à dire. De ces choses que l'on ne dévoile ni sur un blog ni sur aucun réseaux sociaux qui ne sont sociaux que d'apparence. N'oublions pas qu'un salarié s'est fait viré d'avoir laisser sa langue fourcher, en public s'il vous plaît, car chacun sait qu'internet n'a d'intime que les mots que tu glisses. 
Malheur à toi d'en dire trop!
Je tairai donc.
Je vais te parler de la pluie et du beau temps?
Tu connais? 
C'est vrai quoi, c'est un sujet essentiel, qui n'engage à rien. C'est la phrase que tu lances pour éviter un blanc,  parce que tu ne connais pas assez la personne en face pour laisser le blanc, le silence bruyant, les non-dits, s'installer
Les blancs. Ils te donnent le degré d'intimité avec ton interlocuteur. 
Il y a des blancs lumineux et des blancs violents. Des blancs sages et des blancs cassés.
La page blanche.
J'ai plein de choses à dire, il faudra que tu les devines. 
J'ai une pleine page blanche de rouge. Colère rouge. A gommer à blanc ou à laisser fuir, la soupape.
Regarde bien le blanc de mes yeux, ils font silence, mais ils disent beaucoup.
Tu sauras qu'il ne faut pas venir me chercher, c'est une évidence, toi, tu le sais, parce que tu me connais. 
Eux, risquent de s'y frotter, je suis échauffée à blanc, il risque d'y avoir feu. 
Ils ne savent pas, puisque je ne dis rien.
Comme il se doit sur internet.
BDM ce sont vraiment des C. Mais j'ai rien dit, pas vrai?
(ça soulage).

14.11.10

Le cimetière.


Ça faisait longtemps que j'avais prévu d'y aller.
Comme rendre visite à un parent lointain, le genre de visite que tu ne fais qu'une fois l'an. Parfois c'est par obligation.
Mais je ne vais les voir que quand j'ai envie ou besoin. Oui, besoin.
C'est une sorte de courtoisie, les tenir au courant de ma vie, l'air de rien. Marquer les moments importants.
Il y a eu des moments importants, des moments beaux, des moments graves, je suis allés les voir, ces fois-là.
Au début, ils n'étaient que trois. Un jour, ils ont été quatre. Parfait peut-être pour une belote ou un bridge, que sais-je? Je peux rêver qu'ils se trouvent parfois, qu'ils échangent, leur histoire a quelques choses communes, nous, moi, mes enfants.
Le temps passe, les événements aussi, quoi de plus naturel que d'aller poser ses questions, ses rêves, ses élucubrations, devant la tombe de ceux qui te sont chers.
Il pleuvait.
Depuis quelques jours, il pleut comme toutes les larmes de l'humanité.
Il y a eu un vent violent aussi, mais aujourd'hui, il s'était calmé. Pas de danger de branche volante donc.
J'ai dit aux enfants Venez, je vais vous montrer où sont Papi, Mamie, Bon et Mamie-Jo.
Nous avons longé l'église, j'ai dit c'est là que papa et maman se sont mariés. Ils étaient ébahis. Sans doute que c'est quelque chose qui leur est étranger, quelque chose d'impossible, puisque c'était avant. Avant Eux.
C'est un bel endroit.
On ne peut pas dire ça de tous les cimetières. Il y en a tant qui sont plats, anonymes, tristes.
Celui-là, je le connais depuis toujours, je n'ai jamais eu peur.
Leur montrer des tombes, leur montrer des noms. Un lieu, un lieu pour après, peut-être. Le rendre familier.
J'ai dit, devant la tombe au granit rose et lisse, et en redressant les fleurs de la toussaint bousculées par le vent de ces derniers jours, qu'ici étaient Bon et Mamie-Jo. Ma grande a déduit, qu'ils étaient allongés, l'un à côté de l'autre. J'ai expliqué le cercueil que l'on met en terre. En le disant je me souvenais.
"J'aurais la meilleure vue, face à l'église". Elle me l'a dit, un jour, alors que nous devions boire la coupe de champagne d'avant le déjeuner..
Mais pour moi, rien ne valait la vue de l'autre côté.
C'est un cimetière qui dégringole un coteau plongeant. Je sais qu'en contrebas il y a la route en lacets qui mène au Faou, entre autres. On y voit loin. Un peu comme l'océan, rien n'arrête le regard, sauf peut-être aujourd'hui cette mer de nuages gris.
C'est pour ça que c'est la tombe de Mamie et Papi ma préférée.
D'abord, elle a toujours été claire.
Des cailloux blancs, qui, les jours de beau temps, réverbèrent le soleil.
Et puis, la vue.
Ma fille a demandé pourquoi Jesus était tombé, c'est vrai qu'il est allongé sur le lit de pierres blanches, et ma foi, je ne le trouve pas si mal, là. Au repos.
Je ne sais pas où il était accroché avant, je l'ai toujours vu dans cette position. A regarder le ciel.
S'il se tenait assis, il verrait la colline ronde et charnue, aux bosquets lointains, limites de champs bocagers.

Nous avons arpenté les deux allées qui nous concernent. Avec un arrêt devant les noms familiers.
Ce n'est pas la peine de s'adresser à eux en paroles, je me dis qu'il suffit de se présenter face à eux pour qu'ils sachent, qu'ils sachent tout.
Ils ne jugent pas, ils accompagnent, cela me va.
Les enfants ont habité le cimetière de leurs pas de course, de leurs rires et de leurs questions.
Ils savent, d'un bord comme de l'autre à présent, où ils sont et ce qu'ils sont.
Et c'est bien.

11.11.10

Varier...

Je ne pourrai pas t'en vouloir si tu me fais part de ton agacement devant les changements spontanés de mes couleurs.
Je sais bien que ce n'est pas bon pour mon image de si souvent varier.
Mon image.
Elle n'est pas celle que tu crois. Faut-il encore le dire.
J'aime changer, comme j'aime ne pas manger chaque jour le même plat. Parfois, la recette est banale, parfois elle n'a pas de goût, et parfois, elle pétille les papilles...Je ne serai jamais satisfaite. Je ne me contenterai jamais d'une seule recette. Toujours, continuer de chercher, ne pas se lasser, lire, encore et encore, écrire, même sur une nappe en papier.
Dehors, c'est le déluge. Mais un jour il fera beau.
Les arbres ont des feuilles, le vent les emporte, elles tapissent le sol comme un tapis d'or.
Je regarde le vent déménager mon paysage, c'est violent mais c'est beau.

1.11.10

Arc-en-ciel.

C'était hier.
Une journée où toutes les saisons se donnent rendez-vous, un dîner de famille de saisons, avant de laisser la main à l'hiver, qui voudrait bien.
Il y a des moments comme ça, tu as l'impression d'être au coeur des éléments, des conflits, des passions, des bonheurs...tu te fais balader, tu te laisses entraîner, tu suis, en ouvrant grand les yeux et le coeur à tout ce qui se passe à l'extérieur.
Ainsi, il a fait bleu. Il a fait gris. Il a fait bleu et blanc. Il a fait pluie. Il a fait parka, il a fait pull, il a fait tee-shirt, il a fait tondeuse, et feu de bois. Vraiment une journée mélanges.
Et puis.
A midi, c'est décidé, fallait sortir. Prendre l'air. Virer les microbes de la grippe, les éreinter, les refroidir, bang bang.
Il faisait beau. Et puis il a fait pluie.
Mais.
Nous avons dépassé le nuage, nous sommes allés plus vite que lui, et soudain c'était bleu derrière et devant...devant, c'était magique. Un arc-en-ciel complet. Surplombant la petite mer de Gâvres, d'un bord à l'autre, franc et lumineux.
Bien sûr, je n'avais pas mon véritable appareil, duquel j'avais bêtement laissé la batterie vide, seulement mon téléphone. Mais quand même. Tenter de se mettre sous les pieds de l'arc-en-ciel. Courons. Marchons. Eparpillons nous dans la lande salée, tentons d'aller trouver la source des couleurs.
Il y a eu deux arc-en-ciel. A moins que le deuxième n'ait été que le reflet du premier. Tu le vois?
Regarde la guirlande enfantine qui tente de trouver la maison des couleurs.
Et puis. Nous nous sommes retournés. Pour voir la mer. La mer en grand. Que rien n'arrête. Des surfeurs fous s'y ballotaient. Des rouleaux blancs sous le ciel tourmenté, avec un soleil malicieux.
Il fallait parler fort. Il faut souvent parler fort, quand tu es près de la mer, elle est si bruyante.
Nous aurions pu rester des heures. Mais le nuage a fini par lâcher ses cordes de pluie.
A regret, nous nous sommes repliés, des couleurs et du vent plein l'intérieur.

31.10.10

Changer


"Nous allons dormir une heure de plus"
Eclat de rire de l'homme.
"Il n'y a pas de changement d'heure pour les enfants" me dit-il.
S'il y a bien une vérité, c'est qu'un changement arbitraire de l'heure n'influence pas plus le sommeil des enfants que le moment où la mer monte, et où le soleil se lève.
Nous nous sommes levés alors que le soleil avait déjà posé sa lumière sur l'étang. Nous nous sommes presque forcés à rester au lit, pour tenter de répondre à l'aspiration européenne. Presque. Parce que bien sûr nous avons fait plusieurs aller-retours dans la chambre des enfants pour leur dire de baisser le volume, respectons les consignes bon sang de bonsoir.
Il est vrai qu'ouvrir les yeux alors que le ciel est déjà bleu, c'est bien. C'est mieux. Je me souviens du temps où j'allais travailler le matin nuit, et que je rentrais le soir nuit. La lumière du jour, jamais. Bientôt, le cycle naturel va faire qu'on se réveillera encore à la nuit. Les jours sont courts. Alors autant en profiter, n'est-ce pas?
C'est ainsi que, bien qu'ayant une pile impitoyable d'habits d'enfants à trier/ranger/donner/jeter, je décide que ce dimanche bleu (gris?), nous sortirons.
C'est ainsi que, même si la grippette, nous sortirons.
Emmitouflés, capuchonnés, blottis, nous irons voir la mer, et le vent donner dans les vagues la sensation que nous ne pouvons rien contre Dame Nature, que quoiqu'il arrive elle sera plus forte que nous, et que ce n'est pas ce changement d'horaire arbitraire qui va donner au soleil la volonté de se lever plus tôt.
Juste, reculer l'heure de faire le ménage :-). C'est déjà ça, pas vrai?

28.10.10

Mon automne

Laisse moi te raconter mon automne. Mon automne pas monotone. 
C'était il y a bien longtemps. Je n'aimais pas comme il faut, je vivais, mais je ne voyais pas. Vivre chaque jour sans savoir. Depuis j'ai appris, après avoir quitté ce pays où les saisons se ressemblent toutes, qu'il faut regarder car rien ne dure jamais. Un jour, c'est toi qui part, un jour tout disparaît.
L'éternité c'est bon pour les contes. 
Un matin, j'ai atterri dans ce pays gris, j'étais devenue aveugle. Plus rien ne comptait que la perte. Je me faisait un cocon de cette perte. Je m'en nourrissais. Je croyais que plus rien n'avait d'importance, j'étais comme morte, puisque j'avais tout perdu. C'est ainsi quand tu quittes, quand on t'arrache. 
Et puis.
Et puis le temps. 
Le temps a fait sa route, il a tracé son chemin jusqu'à mes yeux qui se sont rouverts. Parfois, il m'arrivait de sourire. Je pouvais marcher plus vite. J'aurais presque couru. Pourrais-je aimer encore?
Il a fait beau parfois. Du bleu, tu vois. 
Il y a un endroit en Bretagne, où tu domines tout. C'est presque vrai, parce que c'est le plus haut sommet d'ici. Tu souris? oui, ici le plus haut sommet atteint 384 mètres, clocher inclus. C'est le mont Saint-Michel de Brasparts. Tu mets un S à Brasparts oui. Tu pourrais dire Menez Sant Mikel, si tu veux faire local.
Il devait faire froid, il fait toujours froid en haut du mont, mais. 
Il devait y avoir du vent. Un mont sans vent c'est du pain sans sel. 
C'est peut-être le vent qui a dessillé mes paupières. Ou un rayon de soleil. J'ai vu le lac bleu. Bleu presque turquoise. Et tout autour, la lande, rousse. Et c'était beau.
Je prenais conscience qu'au fond, tout n'était pas gris, que je pouvais encore aimer, que je pouvais voir et être émue de ce qui se montrait à moi. 
Depuis, si j'aime l'été comme jamais, l'automne est devenue une de mes saisons préférées, pas moyen de faire autrement. 
J'avais envie de te le dire. De le partager. Au cas où, ce matin, tu te sois levé fatigué, ou angoissé. Demain, tu regarderas par la fenêtre, peut-être pourras-tu voir les couleurs fabuleuses de l'automne. S'il le faut, descends dans ta rue, ton jardin, il y aura un arbre, c'est certain, qui te fera de l'oeil, qui se fera beau et ocre, ou qui fera ressortir le bleu du ciel ou l'herbe verte, ou le noir bitume. L'automne est doux, l'automne est fort, il te prépare à l'hiver, où rien n'est plus pareil. 
Et même en hiver...(en hiver faut se réchauffer, allumer des feux, se pelotonner, se bichonner, s'embrasser pour mieux s'embraser...)
Tu me diras?


25.10.10

L'île verte ou comment nous avons failli devenir Robinson.


Ce jour-là, il faisait un temps froid. Froid mais beau. Presque très beau. Juste de gros cumulus, paquets oubliés de coton dans le bleu du ciel, qui laissaient parfois le soleil se faufiler, juste assez pour qu'on aie le temps de se dire, j'enlève mon manteau, ou pas?
Il y a des paysages en Bretagne, qui sont magnifiques. Beaucoup.
Il faut que tu imagines. Du sable blanc, très fin, un sable qui fait mal aux yeux si le soleil s'y réverbère, même en hiver. Une mer bleue, souvent, noire, parfois, vert émeraude quand elle veut bien, translucide, une transparence trompeuse qui te met le sol à portée de bras, alors que la profondeur de l'eau, quand même.
Nous étions 10.
Quatre adultes et six enfants. Deux voitures, oui, en pleine pénurie d'essence, des adultes fous donc, à moins que la pénurie...non, pas de politique aujourd'hui.
Les enfants, grappe de raisin vivante, s'égrènent sur le sable en quelques secondes. Ils s'entendent bien, cousins, cousines, frères, soeurs, c'est beau les enfants vivants. La plage est immense, le vent, du nord.
Les adultes, repus de leur déjeuner, décident de se poser à flanc de dune, jetant un oeil fréquent sur les enfants, un, deux, trois, quatre, cinq, six, sont tous là, c'est bon.
Je les voit s'éloigner, ils sont à une centaine de mètres, mais le sable est grand, il y a de la place, c'est libre de mouvement, c'est bien.
Ils vont sur les rochers plus loin devant, ceux qui font la base d'un promontoire, au sommet herbeux. C'est de la couleur encore. Je décide alors de les rejoindre, les rochers, quand même, ça peut.
Je grimpe avec eux sur les rochers, plein de photos, plein. Ils s'y prêtent avec un plaisir que je ne leur avait pas connu avant, comme s'ils avaient eux aussi, tous, l'envie de garder souvenir de cette journée.
Pour garder souvenir, nous avons gardé souvenir.
Ca.

Parce que tu vois, à un moment, je réalise que c'est bientôt l'heure du goûter. Oh non, se plaignent-ils, c'est vrai, les rochers, les crabes, les huitres, les batailles de goëmon c'est tellement mieux. Mais j'insiste.
Nous sommes alors, derrière le sommet rond et vert du promontoire, côté mer.
Nous grimpons. Je regarde vers la plage. Les trois autres adultes, là-bas, à deux cent mètres.
Et je vois.
Je vois que l'eau, cette perfide, a formé un cordon d'une cinquantaine de centimètres de large, entre le promontoire et la plage. Le promontoire devient une île.
Je réalise l'urgence. Je fais presser le mouvement, je ne sais pas quelle est la profondeur de l'eau qui est en train de monter, vite.
Je me dis, mince, est-ce qu'ils vont venir là-bas, m'aider à traverser avec les petits.
Parce que, tu vois, l'eau monte, mais vraiment très vite. Nous parcourons les 30 mètres dans les rochers le plus vite possible, je tire par les bras les retardataires, je dis vite vite, l'eau monte.
Arrivés en bas, le cordon s'est élargi. En quelques toutes petites minutes il est large de 50 m. Je fais soulever les pantalons, ils ont des bottes, ce ne sera pas grave si elles sont mouillées, j'enlève mes croquenots, mes chaussettes, et je prends sur le dos la petite qui a des bottes en cuir et pas le temps de les enlever, non,  vraiment pas le temps.
Finalement nous traversons presque cent mètres, enfin ça les faisait bien à notre arrivée. C'est comme de remplir la baignoire, tu vois le niveau monter, à l'oeil nu, et le bord rester statique ou presque alors que toi tu te diriges vers lui.
Les enfants avaient de l'eau jusqu'aux cuisses, moi jusqu'aux genoux.
Je peux te dire que j'étais contente d'arriver.
Je ne me suis pas méfiée, personne ne s'est méfié, même sur la plage, la mer est arrivée sur le coté, tu vois, elle n'est pas montée par le devant de l'île, comme on aurait pu croire, comme on a cru.
Voilà. C'était ma leçon du week-end.
Crois-moi, je n'oublierai plus la marée dans les endroits que je ne connais pas bien.

Agrandir le plan

Et puis quitte à passer en mode Robinson, je choisirais l'été, et toi. Rien que.

23.10.10

Les films.

J'enrage quand je vois le ciel gris car je sais qu'il va falloir lutter. C'est tellement plus facile sous le bleu et la lumière.
Mais.
Mes petites recettes: la musique d'abord, un bon Frizzante, ou bien San Séverino, Anis, ou bien...toute musique bien rythmée qui fait danser, celle qui te porte à travers toi, presque à ton insu.
Nécessairement, je repense souvent à ce film, totalement réjouissant, qui me donne la chair de poule, qui m'éveille à tout, pas de temps mort, il y a l'histoire (c'est comme si tu lisais un polar), la musique (le jazz, le blues, le tango, tout...) et la danse. Les scènes de danse.
Chicago.
Si tu n'as pas vu ce film, quelle chance (je dis la même chose à ceux qui ne connaissent pas la Bretagne, car ils vont découvrir un monde merveilleux), quelle chance, tu vas tomber dans le panier de la vénéneuse Velma, la vamp, qui sait danser comme une sorcière envoutante. Tu vas vibrer au claquements des talons, onduler avec les épaules de ces femmes magnifiques, tueuses d'hommes, mais magnifiques quand même ah ah ah, tu vois, déjà, il fait gris dehors, mais je m'amuse à penser à ce film!

Ecoute, vois, et vis!

20.10.10

Manif


Non. Je ne vais pas faire de politique, ni en parler. Je ne suis pas douée pour ça. Mais.
Marcher. 
T'es à côté d'une femme qui a un sifflet en bouche et qui rythme sa marche avec le sifflement, qui bat la mesure avec les percussions derrière. Elle danse presque, ses pieds, ses bras, tu vois le petit groupe de percussions, qui y va franchement, content, tu te laisses prendre.
Marcher avec.
Tu es seule, tu es deux, tu es mille, ou un million, c'est pareil au fond, c'est l'unité d'un groupe, on est tous différents, tous pareils.
Marcher avec eux. 
Des gens que tu ne connais pas. Des plus vieux, des plus jeunes, tu aperçois même le petit bonnet d'un bout'dchou sur les épaules de son père, ou bien une mère avec son bébé en écharpe et tu te rappelles la manif du C.N.E., enfin, contre, tu portais ta fille en écharpe, bien serrée, en lui bouchant parfois les oreilles.
Marcher avec eux contre.
Contre une réforme. Le sujet varie. Le pouvoir du peuple, la voix des petites gens, la seule façon de dire non. Même si. Même si de l'autre côté il n'en fiche rien, va savoir, ça finira bien par arriver jusqu'à lui?
Tu marches, solidaire, avec des gens comme toi et moi, qui n'ont même pas, peut-être, voté comme toi, contre lui, mais on a le droit de changer d'avis pas vrai? 
Tu es contente, il y a comme une joie qui te prend au ventre de voir tout ce monde, pour une fois, dans cette ville assez conformiste, ça bouge, tu ne parviens pas à voir le début et la fin du défilé, ils ont rallongé le parcours, on arrive même jusqu'à la voie express. CRS. Une petite dizaine face à nous. Pas grand chose.
Il y a comme une excitation de voir enfin le pouvoir du nombre. C'est dérisoire, mais. 
Mais tout est bloqué. Tiens, entend-on une mouche voler à l'Elysée? Il n'y a guère que les mouches, qui peuvent encore voler.
Manifester. Son droit à dire. Sa façon de penser. Réagir. 
Pour qu'il entende. (non, je ne mettrai pas de majuscule).

17.10.10

Raku.

Je ne travaille pas la terre. Même pas la terre du jardin, enfin, ce n'est pas ce que je préfère.
Je ne travaille pas la terre. Du moins, pas encore.
Hier, j'ai réalisé que vraiment, j'étais une "manuelle". Pas tant parce que je sais faire, non, je ne suis pas douée, mais parce que j'aime faire. Pas qu'un peu.
J'appliquais l'émail au pinceau, je réfléchissais aux couleurs, je tentais d'imaginer le résultat, et rien d'autre ne comptait. J'avais la tête vide de tout ce qui n'était pas à ce que je faisais.
Je me sentais bien. Tout comme les moments où je fais glisser le pinceau en poils de marte sur la toile, quand je caresse à l'huile, le lin. Tout comme l'instant où je façonne le pâton. Celui où j'entaille à la lancette le pain prêt à être enfourné. Ou bien même quand je tape ces mots.
Hier, donc, j'ai participé à un atelier Raku, et j'ai adoré.
L'ambiance d'abord, ça y fait beaucoup, des copines que je connaissais, des filles comme moi qui aiment faire.
Et puis, la découverte.
Ce qu'est l'émail: une poudre que l'on dilue dans l'eau et que l'on applique au pinceau, on dépose, sur la terre cuite, le biscuit. Oui, presque encore une histoire de pâtisserie.
La poudre n'a pas forcément la couleur finale. C'est la cuisson qui va transformer le pigment. Elle vitrifie.
Le Raku se caractérise par le "craquelage" de l'émail. Plus c'est craquelé, plus c'est "réussi".
J'avais choisi un petit bol et un poisson grand comme ma main. Des pièces déjà cuites nous on permis de déterminer les couleurs que nous choisirions.
A partir de là, on peut imaginer n'importe quoi.
J'ai choisi le vert. Il y en avait deux. Un très profond, émeraude foncé je dirais, et l'autre "vert printemps".
La surprise de ce que la cuisson révèlerait. J'avais un gros doute sur mes choix de couleurs, les verts ne s'assortissent pas toujours et en plus j'avais décidé de mettre un peu de nitrate d'argent.
Et puis, il y a le noir. Les endroits qui ne sont pas émaillés, vont noircir à la cuisson. J'aimais bien cette idée. La couleur et le noir charbon. Les contrastes.
Bref, quelques couches d'émail déposées sur la terre cuite, au gré des fantaisies, un petit sourire d'incertitude mais je n'étais pas là pour faire de l'art, juste pour essayer et y prendre du plaisir.
Nous sommes descendues au jardin.
En plus, il faisait beau. Froid, mais beau.
Le four est en trois morceaux. Un plateau, un cylindre et le couvercle.
Un trou au pied du plateau est juste là pour passer l'embout qui projette la flamme. C'est un four en grillage, à l'intérieur duquel est enroulé une fibre céramique (on dirait du coton blanc).
On pose les pièces sur des petites cales, puis on replace le cylindre, le couvercle et enfin allumage.
Une sonde donne la température. Il faut atteindre 1000 degrés.
Pendant cette heure de chauffe, petit café terrasse, au soleil.
Martine demande qui voudra bien l'aider à soulever le cylindre à la fin de la cuisson, cylindre posé sur le plateau sur lequel sont les pièces.
Euh...
J'étais d'accord, moi, si je peux aider...les autres étaient toutes contentes, faut dire que Martine nous prévenait de la chaleur, et nous faisait comprendre que ce n'était pas anodin.
Nous regardions dans le trou aménagé dans le couvercle. Les terres émaillées avaient la couleur orange translucide de la braise, impossible de deviner le résultat à ce stade. Mais c'était beau. Il faut le faire à la nuit tombée nous disait Martine, là, c'est magique. La lumière des poteries, leur transparence, on voit presque à travers. Nous étions toutes impatientes. De vraies gamines. A notre âge.
J'ai soulevé le cylindre, une main sur la poignée, Martine de l'autre côté, et les poteries ont commencé à changer d'aspect.
Martine a pris une grande pince, et posé chacune des pièces dans une grande caisse dans laquelle il y avait de la sciure de bois. Les flammes ont pris tout de suite. Elle nous a demandé de rajouter de la sciure sur les pièces en même temps qu'elle posait les autres, une à une, précautionneusement. Tout brûlait.
Oui, à la nuit, ce doit être un spectacle magique.
Le Raku c'est ça, continuer de cuire les pièces dans la sciure de bois, puis, enfumer. C'est-à-dire, poser un couvercle sur la caisse pour étouffer le feu, qui donc produira la fumée nécessaire.
On attend un peu, encore, on est impatientes n'oublie pas, on trépigne presque. On a pu voir les couleurs presque définitives au moment où les pièces brûlaient.
Mais, on voulait tourner autour de nos pièces, les admirer, voir le brillant du verre, le chatoiement des couleurs, le jeu du soleil sur l'émail.
Enfin.
Martine a repris sa pince et fait glisser les pièces dans des bidons d'eau. Très lentement. On avait peur, imagine que ça casse. Le contraste du chaud et du froid tu vois.
Mais non.
Tout s'est bien passé. On faisait OoooO, AaaaAAA, on riait, on constatait les réussites et les essais mitigés. Mon petit bol par exemple, pas top, l'émail trop épais, avait fait mille petites bulles. Un peu rustique le truc.
Les coqs étaient magnifiques. Les poulettes aussi, très mignonnes avec leurs pois verts.
Et mon poisson, ben ma foi, je l'aime mon petit poisson. Les verts sont assortis, le brillant de l'argent, brillant, le noir où je le voulais...pas une oeuvre d'art, donc, mais un grand plaisir.
Le seul bémol, tu vois, c'est que j'ai envie de recommencer.
Non, pire.
Je veux faire la poterie d'origine, émailler et cuire, tout, tu vois, de A à Z.
Tu crois que je peux le faire avec trente huit heures hebdo? avec la peinture à l'huile, la danse africaine, l'écriture, la lecture, et la familia??
Qui trop embrasse mal étreint...va falloir choisir...
Regarde, je vais te faire envie, un petit diaporama :-)

15.10.10

Avoir chaud.

Ici, nous n'avons pas encore allumé le poêle. Il fait assez tiède encore dans la maison.
Mais.
J'ai eu froid. Tout à l'heure. Alors j'ai mis de la musique. La musique donne de la chaleur, tout le monde sait ça.
Mais j'avais encore froid.
Alors, j'ai mis par dessus mon pull, un autre petit pull, une sorte de boléro, le bas du pull arrive au milieu de mon dos.
Ma fille, la petite, a dit:
"Oh, mais il est tout petit riquiqui ce pull. Tu as froid? Attends, je vais te réchauffer"
Avant même que j'aie eu le temps de faire le noeud qui ferme le pull, en haut, ma fille, s'est jetée sur moi, les deux bras autour de mes hanches, sa tête à hauteur de mon ventre, debout sur la pointe des pieds.
"Tu as chaud, maman?"
Oh oui, ma petite chérie, j'ai chaud. J'ai chaud dehors et j'ai chaud dedans.

Tu vois, le petit radiateur a besoin de bras autour. Pour rayonner encore.
Je voudrais réchauffer encore longtemps.

14.10.10

Les gens.

Parfois, on fait des trucs fous. Faire quelques centaines de kilomètres pour voir des amis, rencontrer des gens, voir le monde ailleurs que chez soi.
C'est la perspective de ne plus avoir la liberté de bouger, qui me fait réagir. L'idée qu'un jour, le fait de regarder dehors juste pour prendre la même route que la veille et que le lendemain. La sensation de ne pas voir plus loin que le bout de mon nez ou celui de mon bureau. Voir un paysage derrière une fenêtre, mais tendre la main en vain, paysage inaccessible.
J'adore voyager.
Ou peut-être est-ce juste l'idée du départ que j'aime.
Le bagage. Même tout petit. La route.
Tu vois ce pont?
C'est tout un symbole un pont. Il se traverse. Il rejoint deux rives. Il lie.
Traverser un pont au moment d'un coucher de soleil. C'est beau.
Tu sais que tu vas voir quelqu'un que tu aimes bien, tu voudrais aller plus vite. Mais les limitations.

Partir, c'est ouvrir les yeux. Voir les différences. Même quand c'est pas loin. Même quand c'est le même pays. Parfois, la même région. Je pourrais te parler des heures de tous les paysages de Bretagne.
Là, c'était les ondulations. Les collines. Les églises. Blanches. Lumineuses au soleil du matin.
Parce qu'en plus, le temps était favorable aux mirages. Aux illusions. Il se nimbait d'une lumière lumineuse qui adoucissait les lignes.

La route était belle. Même derrière un camion. Ca pouvait me donner le temps de faire une photo volée. Parce que mon temps était court, je ne pouvais pas faire de tourisme. J'allais voir des gens. On dit gens, ça veut dire "clan" en latin. J'avais l'impression qu'ils étaient de mon clan.
M'enfin, j'aime surtout les gens bizarres. Ou bien est-ce qu'ils sont normaux et les autres bizarres? A moins que je ne sois bizarre aussi. La bizarrerie se mesure à quoi au fond? à ta seule façon de voir, ce qui est bien peu pour en faire une généralité. 
On en dit peu quand on est en face d'eux.
Mais on profite. On regarde. On admire. 

Même si certains sont assez bizarres pour manger des trucs encore plus bizarres. Figure-toi qu'il y a des pikatchou qui se mangent. Je ne sais même pas comment ça s'écrit Pikatchou. Pti chou.
Mais figure toi aussi que dans cette maison, on mange du poisson avec une sauce qu'Elle a préparé avec soin et condiments. Et que c'est vachement bon. 

Dans la maison du boulanger, le long de la Charente, on sait vivre, comme il faut, et ça vaut le coup d'un voyage. Que tu trouves trop petit, du coup.
Mais.
Je m'inviterai encore. Au moins, de le dire, c'est la liberté d'y croire.
Merci de l'accueil m'dame and co :-)

10.10.10

Les Vagues.

Il y avait des vagues
Il y avait du vent.
C'était beau, c'était sauvage,
C'était bleu,
Et plein de nuages.
Il y avait du vent
Il y avait des vagues,
Et la lumière,
Et le soleil,
Qui s'allumait,
Qui se cachait.
Il y avait des vagues
Il y avait le vent,
C'est à toi,
Que je pensais.
Il y avait les vagues,
Il y a du vent...

7.10.10

La pomme.

Hier j'ai fait une blague de très bon goût sur FB, bon goût parce que c'est moi, en parlant de la pomme.
En substance, j'ai dit que la pomme n'était pas qu'un fruit, et pas non plus qu'un péché. Ou alors je suis une pécheresse très gourmande.
Ce à quoi on pourrait dire que oui, de toute façon, c'est ce que je suis.
J'assume. Je pèche, et je croque la pomme, et même jusqu'au trognon, je ne te rendrais que la queue.
Alors, pour baptiser cette pomme qui me fait femme malhonnête, j'ai voulu faire un montage photo, un de ceux qu'il m'était impossible de faire dans d'aussi excellentes conditions. Je pensais à quelque chose de bien particulier en le faisant. C'est la photo de fond qui m'a inspirée. Celle où les gouttes sont figées sur la peau tendre de la rose, alors que la pluie s'en est allée pour laisser place à un soleil lumineux.
Tu vois?
Cette eau claire, sans doute au goût subtil et cette couleur, m'ont fait une double impression: une naïveté, fraîcheur. Et une sensualité incomparable.
J'aime quand une photo dévoile autre chose que ce qu'elle montre. il y a une rose, mais il y a une peau aussi, il y a des gouttes de pluie, à moins que ce ne soit la peau qui transpire.
C'est rose, mais.
Tu vois?
Qu'en penses-tu, toi, ami lecteur?



2.10.10

Cocoon.

Faire de sa maison. Faire de son salon. Faire de ses mains.
Un cocon.
Regarder le ciel. Compter les gouttes. Echapper au vent.
Se blottir.
Respirer les fleurs. Les roses croulantes d'eau du ciel. Faire chauffer de l'eau.
Boire un thé.
Pétrir la pâte. Sabler la tarte. Garnir de fruits.
Humer.
Mettre ses chaussettes. Glisser. Laisser le chat.
Sur mes genoux se poser.
Ouvrir un livre qui parle de la couleur du bonheur.
Ma couleur.
Rouge.
Avoir envie d'allumer un feu. Pour le tableau. 
Mettre de la musique. Ecouter le doux babil. Se laisser embrasser. Serrer dans ses bras. Poser son nez dans le creux tendre du cou. Serrer plus fort. Ils grandissent si vite.
Se sentir envahie de tendresse. Des couleurs de l'automne. De la pluie qui rince aussi, du vent qui balaie, aussi, se laisser emporter, fermer les yeux.
Se nicher dans le cocon. En écoutant Cocoon.
Tout doux.
Je.

Découvrez Cocoon!

28.9.10

Le café.

C'est sacré. L'heure du café à la maison, c'est la pause, l'instant où aucun babillage ne trouvera de réponse, parce que c'est décidé, le café, c'est sacré.
Le car a déposé les enfants comme d'habitude devant la vieille ferme en pierre, la ferme de ma voisine, Denise, je t'en ai parlé déjà, le coup des pêches.
Ils sont descendus du car, j'ai attrapé les manteaux, les cartables là où j'avais encore de la place, quand j'ai vu Denise sortir en marchant vite de chez elle, ses cheveux très blancs et ondulés secoués par sa marche, nous crier, allez, venez, me saisissant par le coude, venez, j'ai fait un café, il est tout frais, venez.
Euh...pourquoi pas.
Cinq ans qu'on est là, jusqu'ici Denise je ne l'avais pas vue, elle ne sortait pas de chez elle pour dire bonjour, elle n'avait pas de raison, même si l'an passé sa petite fille prenait la car aussi.
Alors, avec les enfants et tout leur barda, on est entrés chez Denise.
Il y a avait déjà une de ses amies, et puis le mari, invalide.
Toile cirée, lino, formica, je suis remontée des années en arrière, encore, oui, décidément, j'ai réalisé que le café en Bretagne, dans les fermes, c'est toujours le même décor. Plus ou moins vieux, plus ou moins usé.
Le café en Bretagne, c'est sacré.
Je me rappelle du déballage de crêpes, de confiture, des grands bols, du bruit de la main qui lisse la toile cirée pour les miettes, le bruit de la chaise qu'on recule, l'odeur d'un café. L'odeur de la ferme.
Un autre ami, qui ramassait des noix un peu plus loin est passé devant la porte et a été invité aussi. Il avait les mains noires du brou des noix. Moyenne d'âge, 75 ans si je ne me compte pas avec les enfants. Voire plus, je ne sais pas, elle a la pêche Denise, tu sais bien.
J'avais une chaise, les enfants sont restés debout, sauf E. sur mes genoux, surpopulation chez Denise. Son café est bon. Les petits gâteaux que les enfants ont dévorés avec l'orangin* aussi.
De quoi a-t-on parlé?
De la pluie et du beau temps, c'est comme ça en Bretagne, quand tu veux dire bonjour tu peux aussi dire, fait beau hein, le bonjour qui engage la discussion.
Parfois, des exclamations en breton, rien compris d'ailleurs, si ce n'est que l'accent me paraissait différent que dans le centre Finistère. Devait même être très différent pour que je le remarque.
On a été invités à prendre un café chez Denise. J'ai l'impression d'une sorte d'intronisation.
Il a fallu 5 ans. Peut-être qu'un jour nous serons d'ici. Un peu.
Merci Denise.

26.9.10

Le raisin des souvenirs.

On a passé la porte. La porte à la peinture écaillée, qui s'ouvre avec un bouton qu'on tourne à l'envers, comme souvent dans les vieilles maison.
Le mur en parpaings sur lequel je montais à dix ans, pour le parcourir sur toute sa longueur, de la largeur de mon pied de petite fille, a depuis longtemps disparu sous les noisetiers et le chèvrefeuille. "Mon" chèvrefeuille. Dans le jardin, hormis ce chèvrefeuille odorant, dont je mangeais les fleurs, il y a le chêne de mon frère, et le "boule de neige" de ma soeur. A leur taille, on voit bien que nous ne sommes plus gamins. Dans le chêne, on peut depuis longtemps, accrocher une balancelle, le chèvrefeuille s'est étalé sur toute la surface des trois murs en parpaings, il se noue aux noisetiers, je crois bien qu'à lui seul, il maintient le vieux mur.
Il y a le carré de pelouse. Je ne dirais pas gazon, car c'est bien de la belle herbe verte avec des touffes de chiendent, le jardin un peu sauvage, débroussaillé seulement une ou deux fois l'an, du temps de nos longues absences pour cause de vie ailleurs.
Cette maison, c'est la maison des vacances. On avait des lits superposés. Une fois, par miracle je n'étais pas dessous, le sommier du dessus s'est effondré. Pour aller faire pipi nuitamment, plutôt que de passer par la chambre parentale et descendre l'escalier coupe-gorge par la trappe, il suffisait d'enjamber la fenêtre et.
De la maison, part un chemin creux. Pas un petit creux, non, je t'ai déjà parlé de ces murs de verdure, la mousse, le lichen, les fougères,  que tu longes jusqu'à la fontaine. C'est une maison dans un endroit paisible, où la voie lactée la nuit peut donner tout l'éclairage des environs.
Hier, je voyais un objet insolite à mes pieds, un de ceux que je devais vider de la maison qui ne nous appartient plus.  Depuis quelques temps, il faut remplir des cartons et les transporter dans l'autre maison. Depuis quelques temps, je tombe sur des souvenirs inattendus, oubliés, qu'une seule couverture de livre remonte à la surface, qu'un seul objet répercute dans ma mémoire rouillée.
Incongrue, la torsade en fer forgé noir, sur lequel s'accroche un disque doré, que je prenais pour de l'or quand j'étais petite. Cet objet qui a voyagé, d'un salon à une entrée, à un autre salon, pour finir solitaire dans un sac plastique qui se rangera à la cave avant de trouver une destination finale un jour.
En le regardant, je revoyais le salon de ma grand-mère avec le portrait du chien sur la cheminée au pied de laquelle je me tenais souvent assise, sur le petit siège africain qui se trouve actuellement chez moi. Tu l'as vu, sûrement déjà.
Et puis, j'ai l'image du gong, et son son, alors que la maison avait trois étages et qu'au fond c'était bien pratique plutôt que de hurler "à table". Ensuite, je l'ai perdu de vue.
C'est une sensation étrange, de faire de ses souvenirs une fouille archéologique. Il y a des strates qui apparaissent, irrégulières, des évidences, mais comment ai-je pu oublier ça! des images qui surgissent et qui appellent d'autres questions, d'autres souvenirs. Remonter dans le temps avec les sensations intactes. Comme d'avoir mis sous clés des moments de vie, sans même s'en rendre compte, les avoir oubliés, sans même le vouloir, et soudain, j'ai dix ans, mais je ne suis plus chez moi.
Tourner la page sans regrets, parce que c'est pour avancer toujours, vers quelque chose qu'on sait meilleur, mais pas sans émotion.
Je parlerai peut-être un jour de cette boite de courrier, tout le courrier papier reçu depuis mes dix jusqu'à environ 20 ans. Etrange de retrouver des photos d'avant, les mots des autres, des gens oubliés, des gens aimés, depuis disparus.
Ce télégramme, daté du 5 avril 1990, "18 ans que c'est beau, mais surtout n'oublie pas de rester toi même". Tante G.
Voilà qui vingt ans plus tard, crois-moi, émeut.
Faire des choix en restant soi-même. A 18 ou 38 ans, c'est toujours pareil finalement.
Il n'y a que le raisin qui soit récent dans ce jardin, il se trouve que c'est lui que je voudrais bien prendre avant que nous devions rendre les clés.
Il prend racine dans le jardin de mes souvenirs, il se nourrit de la terre qui garde en elle, aussi, un de mes chats, jardin cimetière, il serait bien à prendre le soleil du ciel d'ici, s'appuyant contre le bois de la maison.
Nous mangerions ses fruits à l'automne, faisant éclater sous nos dents la peau tendre, pour enfin sentir la chair gorgée de soleil et d'eau, un fruit parfait pour changer de saison.
Partir, mais garder un peu. Juste de quoi se nourrir, juste pour ne pas oublier.