17.10.10

Raku.

Je ne travaille pas la terre. Même pas la terre du jardin, enfin, ce n'est pas ce que je préfère.
Je ne travaille pas la terre. Du moins, pas encore.
Hier, j'ai réalisé que vraiment, j'étais une "manuelle". Pas tant parce que je sais faire, non, je ne suis pas douée, mais parce que j'aime faire. Pas qu'un peu.
J'appliquais l'émail au pinceau, je réfléchissais aux couleurs, je tentais d'imaginer le résultat, et rien d'autre ne comptait. J'avais la tête vide de tout ce qui n'était pas à ce que je faisais.
Je me sentais bien. Tout comme les moments où je fais glisser le pinceau en poils de marte sur la toile, quand je caresse à l'huile, le lin. Tout comme l'instant où je façonne le pâton. Celui où j'entaille à la lancette le pain prêt à être enfourné. Ou bien même quand je tape ces mots.
Hier, donc, j'ai participé à un atelier Raku, et j'ai adoré.
L'ambiance d'abord, ça y fait beaucoup, des copines que je connaissais, des filles comme moi qui aiment faire.
Et puis, la découverte.
Ce qu'est l'émail: une poudre que l'on dilue dans l'eau et que l'on applique au pinceau, on dépose, sur la terre cuite, le biscuit. Oui, presque encore une histoire de pâtisserie.
La poudre n'a pas forcément la couleur finale. C'est la cuisson qui va transformer le pigment. Elle vitrifie.
Le Raku se caractérise par le "craquelage" de l'émail. Plus c'est craquelé, plus c'est "réussi".
J'avais choisi un petit bol et un poisson grand comme ma main. Des pièces déjà cuites nous on permis de déterminer les couleurs que nous choisirions.
A partir de là, on peut imaginer n'importe quoi.
J'ai choisi le vert. Il y en avait deux. Un très profond, émeraude foncé je dirais, et l'autre "vert printemps".
La surprise de ce que la cuisson révèlerait. J'avais un gros doute sur mes choix de couleurs, les verts ne s'assortissent pas toujours et en plus j'avais décidé de mettre un peu de nitrate d'argent.
Et puis, il y a le noir. Les endroits qui ne sont pas émaillés, vont noircir à la cuisson. J'aimais bien cette idée. La couleur et le noir charbon. Les contrastes.
Bref, quelques couches d'émail déposées sur la terre cuite, au gré des fantaisies, un petit sourire d'incertitude mais je n'étais pas là pour faire de l'art, juste pour essayer et y prendre du plaisir.
Nous sommes descendues au jardin.
En plus, il faisait beau. Froid, mais beau.
Le four est en trois morceaux. Un plateau, un cylindre et le couvercle.
Un trou au pied du plateau est juste là pour passer l'embout qui projette la flamme. C'est un four en grillage, à l'intérieur duquel est enroulé une fibre céramique (on dirait du coton blanc).
On pose les pièces sur des petites cales, puis on replace le cylindre, le couvercle et enfin allumage.
Une sonde donne la température. Il faut atteindre 1000 degrés.
Pendant cette heure de chauffe, petit café terrasse, au soleil.
Martine demande qui voudra bien l'aider à soulever le cylindre à la fin de la cuisson, cylindre posé sur le plateau sur lequel sont les pièces.
Euh...
J'étais d'accord, moi, si je peux aider...les autres étaient toutes contentes, faut dire que Martine nous prévenait de la chaleur, et nous faisait comprendre que ce n'était pas anodin.
Nous regardions dans le trou aménagé dans le couvercle. Les terres émaillées avaient la couleur orange translucide de la braise, impossible de deviner le résultat à ce stade. Mais c'était beau. Il faut le faire à la nuit tombée nous disait Martine, là, c'est magique. La lumière des poteries, leur transparence, on voit presque à travers. Nous étions toutes impatientes. De vraies gamines. A notre âge.
J'ai soulevé le cylindre, une main sur la poignée, Martine de l'autre côté, et les poteries ont commencé à changer d'aspect.
Martine a pris une grande pince, et posé chacune des pièces dans une grande caisse dans laquelle il y avait de la sciure de bois. Les flammes ont pris tout de suite. Elle nous a demandé de rajouter de la sciure sur les pièces en même temps qu'elle posait les autres, une à une, précautionneusement. Tout brûlait.
Oui, à la nuit, ce doit être un spectacle magique.
Le Raku c'est ça, continuer de cuire les pièces dans la sciure de bois, puis, enfumer. C'est-à-dire, poser un couvercle sur la caisse pour étouffer le feu, qui donc produira la fumée nécessaire.
On attend un peu, encore, on est impatientes n'oublie pas, on trépigne presque. On a pu voir les couleurs presque définitives au moment où les pièces brûlaient.
Mais, on voulait tourner autour de nos pièces, les admirer, voir le brillant du verre, le chatoiement des couleurs, le jeu du soleil sur l'émail.
Enfin.
Martine a repris sa pince et fait glisser les pièces dans des bidons d'eau. Très lentement. On avait peur, imagine que ça casse. Le contraste du chaud et du froid tu vois.
Mais non.
Tout s'est bien passé. On faisait OoooO, AaaaAAA, on riait, on constatait les réussites et les essais mitigés. Mon petit bol par exemple, pas top, l'émail trop épais, avait fait mille petites bulles. Un peu rustique le truc.
Les coqs étaient magnifiques. Les poulettes aussi, très mignonnes avec leurs pois verts.
Et mon poisson, ben ma foi, je l'aime mon petit poisson. Les verts sont assortis, le brillant de l'argent, brillant, le noir où je le voulais...pas une oeuvre d'art, donc, mais un grand plaisir.
Le seul bémol, tu vois, c'est que j'ai envie de recommencer.
Non, pire.
Je veux faire la poterie d'origine, émailler et cuire, tout, tu vois, de A à Z.
Tu crois que je peux le faire avec trente huit heures hebdo? avec la peinture à l'huile, la danse africaine, l'écriture, la lecture, et la familia??
Qui trop embrasse mal étreint...va falloir choisir...
Regarde, je vais te faire envie, un petit diaporama :-)

8 commentaires:

  1. J'ai découvert le raku au mois d'aout à St Denis en visitant l'atelier d'une sculpteuse. Je comprends ton enthousiasme et j'admire ton art de raconter. Bravo pour tout cela.
    Pour voir mon billet : http://iletdechriss.over-blog.com/article-raku-54944657.html

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  2. Tout à l'heure, je vais chercher les pièces que j'ai confectionnées au mois d'août. J'ai hâte de voir le résultat. La poterie apprend la patience: confection, premier séchage, réalisation des émaux, premier ponçage, première cuisson, application des couleurs avec l'espoir que l'on fait bien, deuxième cuisson. Il faut du temps pour que les pièces naissent. Avec toujours le frisson de la voir se casser, s'abîmer à la cuisson,.... C'est qu'on y met du sien! J'ai hâte! Je me suis aussi trouvée manuelle avec la poterie, le contact de la terre entre les doigts, le froid, l'humidité, tu verras, je suis certaine que ça te plaira! Je te souhaite de trouver le temps de pouvoir essayer. Ah oui! N'hésite pas non plus à essayer le tour! C'est une belle lutte contre la physique.

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  3. Chriss, merci :-))
    Mlle Nanou, olala, tu me fais envie :-) ! tu nous mettra une photo?
    Le tour? bé, oui, envie aussi :-))

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  4. Les mains dans...17 octobre 2010 à 17:16

    J'aime énormément ces billets où tu parle de ce que tes mains et ton corps font, agissent sur, créent, etc Tu as l'art de raconter et transmettre l'envie. C'est un don chez toi. C'est un billet sur une navigation, tu te souviens, qui m'avait fait mettre mon premier commentaire.
    Et d'un. et de 2..le travail de la terre c'est magique. C'est une connerie de ne pas le pratiquer + (je parle pour moi). En plus au dernier atelier j'ai récupéré de la bonne terre qui dort sur le balcon et on peut toujours papouiller et laisser sécher. C'est le temps, le geste, le temps des gestes, qui comptent, peu importe le résultat quand on débute. C'est la nuit des temps des gestes. Pour moi c'est le retour aux sources profondes de l'Homme et le corps impliqué en entier.

    L.

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  5. c'est vraiment incroyable comme technique, surtout le passage chaud-froid... bon résultat en tout cas et photos impressionnantes quand ça flambe ! planning chargé dis donc pour 2010-2011....

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  6. oulalalalala ce que tu me donnes envie d'aller patasser à mon tour.
    je suis fascinée par le raku ; les craquelures sont un support de médiation infinie...

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  7. Les mains de L. :-). un don! pfff voyez-vous ça! merci quand même :-).
    C'est que j'ai vraiment aimé et du coup, je vais piquer de l'argile aux enfants :) mais je ne sais pas si ça supportera une cuisson, faut que je vérifie.
    Roréa, oui, incroyable, beau, très beau, tu as le coeur qui bat tant que tu ne vois pas la pièce dans tes mains, finie, refroidie et belle (même si c'est moche, c'est beau puisque c'est toi qui l'a fait :) )
    Le planning? euh...j'y réfléchis là :-))
    Tanakia, effectivement, comme tu le dis, doit y avoir des lignes infinies de possibles m&ditations sur les craquelures. C'est fascinant de regarder , encore et encore. Je n'ai pas assez de craquelures sur mon poisson...faut vraiment que je recommence...

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  8. Tu as réussi à retenir tous ces mots, le nom, l'ordre des opérations, tu m'épates et me fascine, comme lors de cette soirée où je te regardais en silence pétrir le pain...
    Une chose est sûre, si j'avais le choix je participerais à des cours de gâteaux bretons, à condition que ça soit toi la "chef"...

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