25.7.12

Le jardin du cinquième jour

Pas encore décanté. Pas encore capable de dire comme c'était. Bien. Parfait. Mieux que ça.
C'était juste.
Juste ce qu'il fallait. Comme tenir le La, dans la dissonance globale, comme se faire surprendre par un goût qu'on ne connaît pas, mais qui rend immédiatement d'accord, c'est un Concorde, fait de sable, de vent et d'amour, un bonheur dont tu sais qu'il va te nourrir longtemps.
Je suis allée en bonne compagnie, marcher sur une dune éblouissante, qui surplombe une émeraude, sous un ciel azur.
Vraiment.
L'air qui frottait nos bras, qui se glissait sous la jupe, l'eau fraîche, bien plus qu'ici, mais si belle, pure, et les mots dits, les sourires, les connivences, sans qu'on se soit jamais vus avant.
Le cinquième jour, c'était notre élément, un jour hors du temps mais qui sera encore, parce que c'est ainsi, les chemins empruntés doivent se parcourir pour ne pas être perdus, et nos pas ont laissé des traces sur le sable du jardin, entre les agapanthes et les asperges, sur le bois de la terrasse, au milieu d'un salon harmonieux, avec un piano blanc qui ne joue plus si souvent. Sans doute que la musique est à l'intérieur de cette amie de coeur, sereine et belle, à la voix douce et la démarche tranquille.
Je connais la route, j'en prendrai le chemin.





21.7.12

Troisième jour

Un oiseau chante.
La brume couvre l'eau lisse de la ria. Je l'ai vu en allant chercher le pain. Je n'avais pas le temps de faire des photos. Mais j'ai bien regardé.
C'est ça la différence.
Je retrouve peu à peu la vue. Peut être le soleil y est il pour quelque chose. Ou bien le fait de décider, de faire, de profiter. C'est le grand calme à la maison. Les enfants sont partis quelques jours.
J'investis mon espace, je fais de chez moi "mon" chez moi. C'est momentané, c'est libérateur.
Je me redresse, mon dos presque.
Je vois les gens que j'ai envie de voir, à l'heure qu'ils veulent. Je n'ai pas de contraintes. Ni de justification, ni de reproches. Je fais. Je vais. Je vois.
La plage à Carnac, jamais le premier jour de l'été s'il vous plaît. La foule d'un 19 juillet, où enfin les nuages s'écartent et laissent entrer le ciel bleu, les couleurs. Personne n'a prévu de crème solaire, ni de chapeau, c'est si surprenant cette éclaircie soudaine.
Alors, c'est la ruée, malgré tout. Le sable se pare de couleurs, les petites chaises de toile ras-du-sol comme faisaient mes grand-parents. D'ailleurs ce sont des grand-parents qui sont assis là, sous un parasol et contre la roche de la digue. Mon amie est là, avec ses filles, toutes joyeuses de retrouver le sable, un peu dubitative quant à la façon de le prendre, s'y habituer. Des parisiennes? non Versaillaises précisent-elles. Pour moi, de mon bout du monde c'est kif kif.
Un peu avant j'ai vu mon autre amie, d'ici, ma confidente, je l'aime aussi cette belle, finalement il y a des gens que j'aime, plus que prévu, plus que ce que je croyais à 15 ans.
C'est bien de se le dire.
Il y a des gens que j'aime.
Vraiment.
Les zotes sont charmants, elle va dire bonjour au chaton chaque matin "klein katz", elle parle allemand en le regardant, il me traduit parfois, ils se regardent souvent. Je fais des salades de fruits, il se demande comment on épluche une pêche. Je suis surprise, il dit qu'en fait il ne l'a jamais fait. Ils habitent une ville au nom trop célèbre pour poser des questions tant je suis renvoyée à l'histoire et que je ne sais pas aborder ce sujet là avec eux. Alors je me tais et je raconte la Bretagne.
Tous les jours je les passe dehors, j'ai allumé la télé hier midi et je suis tombée sur la chaîne des enfants. Je me suis dit tiens, ça fait tout ce temps que je n'ai pas regardé la télé?
C'était bien.
L'appareil photo fonctionne à plein, tous les jours, je photographie tout, même les voitures ou les verres de bière dans le bar où j'ai passé un bon moment avec un ami aussi.
Alors maintenant c'est décidé : je fais, je dis non, ou je ne dis rien, mais c'est moi qui dit, qui sais ce que je veux, moi pour moi et pas moi pour les autres.
Aujourd'hui, j'ai de nouveaux zotes, demain d'autres encore, des zotes particuliers que je vais chouchouter, mais je ne ferai que si j'ai envie, et puis j'ai des rendez-vous déjà pris.
D'ailleurs ce matin, comme je n'ai pas eu le temps de cuire le pain hier soir, un barbecue improvisé pour le deuxième jour de l'été, j'ai pris du pain de la boulangerie. Et tu sais quoi? je ne m'en suis même pas voulu. Nan. Même pas.
C'est le quatrième jour, j'écoute Bashung, le ciel est bleu et c'est tant mieux.





1.7.12

Le jardin

L'herbe n'est pas plus verte chez mon voisin.
C'est le mois de juin, et enfin nous ne voyons plus les voitures passer.
Je m'assois sur le banc sous le sumac qui fait parasol, je vois la balançoire, les lavandes, les escholzia, les Kerlaguen (cherche pas, c'est pas le nom, c'est juste de là-bas qu'elles viennent), l'olivier qui penche, les bouleaux qui blanchissent, les bambous qui grandissent, le tulipier qui rejette à son pied, les pissenlits qui dépassent tout le monde d'une tête avant qu'on la leur coupe, les cerisiers sans cerises, les pruniers lourds, les groseilles et cassis que tu n'aimes pas, tous ces trucs là que tu ne connaissais pas, mais qui sont bien jolis, y'a pas.
J'aime mon jardin mais je n'aime pas jardiner. M'y mettre. Une fois que c'est fait je suis contente d'avoir mis la main à la patte, mais avoir mal aux genoux j'aime moyen.
Je vois passer l'ombre d'un enfant entre deux buissons, eux je sais qu'ils peuvent déjà se cacher dans le jardin. Un jour, c'est un rêve, enfin le jardin sera une île, un lieu intime, où l'on ne voit ceux qui l'habitent que du ciel. Jardin secret, jardin mystère.
J'aime d'autres jardins que le mien.
Certains ont une vue, une prairie de mer. Tu es assis dans l'herbe et tu as le parfum du sel. Il n'y a pas de fin sous le paysage qui se déroule, juste des bandes de couleurs et de matières pour délimiter l'herbe de la mer. Un jour tu as descendu dans le jardin pour y cueillir, rien du tout, juste pour aller faire trempette, et c'était bien.
Il y a aussi cet autre là, où le rouge des roses plonge dans le bleu de l'océan. Et puis en arrière plan, des voiliers bien grands. Il y fait toujours frais, il y a toujours du vent, c'est la Bretagne, toujours du vent.

Et puis il y a le jardin que tu ne partages pas, qui reste en toi comme un trésor, celui de tes rêves, de tes espoirs, de tes envies, celui que tu entretiens parcimonieusement, jalousement, que tu voudrais partager parfois, mais le regard des autres en changerait ta vision des choses, et tu prendrais ombrage de cette intrusion. Alors tu respires, tu te poses et tu admires, ou bien tu critiques, tu vois, tu devines ce qu'il faut changer, le travail que ça va demander, tu regardes tes mains, tu ne sais pas si tu seras capable de faire bien, tu apprends sur le tas, les mains dans la terre, les pieds dans le foin, avec devant toi l'horizon de tes espoirs, de tes doutes, ce paysage qui ne sera jamais monotone, où tu forges tes pas, comme ton chemin de vie. (pouet pouet).