30.12.10

Temps gris.


Tu as raison. Il faisait beau le jour de Noël.
J'avais oublié. La sensation de gris plutôt que celle du bleu.
Pourtant, quand nous avons pris la route, je me souviens avoir chaussé mes lunettes de soleil.
Il y a eu la rade, et ce moment où tout est beau, mais en général c'est aussi le moment des nuages. C'est pour ça, le sud.
Nous avons roulé jusqu'à la maison de l'eau. Nous sommes arrivés en même temps que les autres, un bon timing cette fois.
Tu vois, je rentre en terrain inconnu, en terrain étranger. Je suis, mais je ne suis pas. Des bises, des sourires, ah oui, tiens, ça faisait longtemps, tu as grandi, oh, tu t'es coupé les cheveux, quelle belle table, ça sent bon...etc.
La fenêtre s'ouvrait sur le large, les bateaux, à vrai dire, le regard est attiré, aimanté par cette vue. Tu imagines? assis dans le canapé noir, tenir une tasse de café, en voyant les "chevaliers gambettes" parcourir l'herbe marine, juste sous ton regard, parce que l'eau descend. Ou bien, avoir l'oeil sur les tadornes, le père, la mère, les petits à la queue-leu-leu, une famille où l'harmonie.
Nous sommes à table. Les conversations, les plats.
Nous sommes nombreux. Et avec ma seule oreille, c'est comme d'habitude, je me concentre le temps que je peux et ensuite, je laisse tomber. C'est là qu'est le meilleur presque. Se concentrer sur une seule conversation, essayer d'en saisir des bribes, associer des bâtons rompus pour tenter une cohérence, rire en mon fort intérieur des associations malhabiles, rire aussi de ce que les gens oublient que je n'entends pas mais que j'écoute, les laisser croire que je suis naïve, que je ne comprends rien, prendre ma distance pour mieux voir, le mépris, l'indifférence, les faux-semblant.
Comme de voir les petits groupes de fumeurs se former à l'extérieur. Il fait froid. Un groupe, celui-là parle politique. Un peu plus tard, un autre groupe se forme, cette fois il s'agit de continuer de rire de la blague faite à table. A la nuit, les confidences. Croit-on. Commencer à dire les choses importantes et s'interrompre quand l'interlocuteur ne fait même plus semblant d'écouter. Il a fait ta B.A. il a donné l'illusion de s'intéresser à toi. Et toi, tu restes sur le banc, à regarder le reflet des lumières de la rive d'en face sur l'eau calme. A contempler l'amertume.
J'ai parfois le rire fou qui monte à voir le comique des situations. Et pourtant, j'ai gardé le souvenir d'un ciel gris. Comme un rire jaune.

27.12.10

Les routes.

 Mettre la marmaille. Empiler la valise. Vérifier les niveaux, les pneus. Dégivrer le pare-brise. Tourner la clé. Puis tourner la clé. Et rouler.
Il y a des routes que l'on connaît par coeur. Se laisser conduire. Somnoler. Un peu. Parce que la route.
Savoir où l'on est à la simple ouverture de la paupière. A la longueur de la descente. Au bosquet sur la droite. Au ralenti d'un virage.
Cette route, du Morbihan au nord Finistère, 9 ans que nous la parcourons. Au départ, une petite voiture blanche, prendre de la vitesse dans la descente avant de tenir la distance sur le mont Armorique, si tu ne sais pas, la route t'apprends que le Finistère nord est plus haut que le Morbihan.
De temps en temps, faut faire la recherche de la station radio que tu veut garder, les épaules de Darwin crachottent vers Quimperlé.
Laisser le babil parfois encore doux des enfants. Espérer qu'ils vont dormir un peu. Tu crois que c'est loin n'est-ce pas, cette route?
Même pas. 175 km.
La distance se mesure à mes souvenirs. Aux étapes, aux balises qui s'ajoutent avec le temps.
Sur la route, il y a les endroits où j'ai pu vivre, ceux que j'ai visité, ceux que j'ai aimé. A chaque panneau, une histoire.
Tu veux savoir?
Port-Louis, sur ta gauche quand tu montes, un endroit du bout, comme j'aime à dire, tu n'y passes pas, tu y vas. 4 ans.
Quimperlé, bon, tu pousses un peu jusqu'à Mellac et tu as un gîte adorable, dans une maison en pierre, 1 an.
Quimper, tu vois de loin les deux flèches de la cathédrale dans la courbe de la descente vers la ville, les rues pavées, le mont Frugy où j'ai porté le costume fin XIXème, je dois bien avoir une photo, non, tu ne la verras pas, 6 ans.
Je ne vais pas te parler tout de suite de la route vers le centre Finistère, c'est la deuxième route. Alors, on continue vers Le Faou, avec ces vallées boisées, les éoliennes qui battent l'air, l'étendue d'eau que j'essaie de photographier en vain à chaque passage, on ne s'arrête pas à cet endroit, pas d'aire possible, juste du 110.
Après, après l'excitation augmente dans notre dos, on sent la mer encore plus proche, le haut d'une autre côte va bientôt dévoiler un paysage superbe, celui de la rade de Brest. Regarde bien, ça ne dure pas longtemps, toujours trop vite, toujours un moment de silence : Aaaah BrestC'est beau quand même hein? Oui, mais non, fait trop froid. 
Après, c'est la série de virages, récemment passée à 90 (enfin, récemment...) et puis le pont.
Ce Pont de l'Iroise, parallèle à celui de Plougastel, ce pont où j'ai connu les bouchons des vendredis et dimanche soir, en rentrant et en allant à l'U.B.O. En dessous, tu vois Le Passage, un endroit où on fait de la voile...comme tant d'endroits en Bretagne. 9 ans de vie.
La suite de la route est plus récente. Elle précède l'arrivée, jusqu'au port du fond de l'Aber. Ces 20 dernières minutes avant d'apercevoir la maison qui nous attend.
Cette maison qui offre le paysage de la photo du bas. Avec ces reflets fabuleux, le calme d'un paysage  serein.
La deuxième route est bien plus ancienne.
Elle remonte à mes premières années. Celle qui mène de la ville où vivait ma grand-mère, à la campagne,  la vraie, avec ces champs bocagers, ces collines, ces bruns et ces verts, ces ocres en automne, le bleu aussi, crois-moi.
C'est une route simple, sans chichis, il faut que tu connaisses les virages si tu veux dépasser le 80 parce qu'aucune bande blanche ne la dessine. Parfois, la boue des roues d'un tracteur te dit que la vie continue, à son rythme différent.
Cette route est longue de trois quarts d'heure. Précisément. Sauf qu'en partant des Abers, il faut rajouter 15 mn. Dès que tu as quitté Brest, tu sais que la campagne. Ce paysage vallonné, où chaque courbe cache la prochaine, qui te rapproche du centre de la Bretagne, ce coeur de légende, où tout peut se produire, où chacun peut croire ce qu'il veut.
On arrive dans les Monts d'Arrée par plusieurs routes, mais celle qui vient de Brest est celle que je préfère. Elle se termine dans le bourg, par un lacis de courbes qui sont l'écrin du village, avec en son sommet, la pointe de l'église. Toute une vie.
C'est là que la famille, de mon côté comme on dit, a ses racines. Et on dirait bien que quelque soit le chemin que prenne notre vie, il y aura toujours un sillon tracé dans la terre de mes ancêtres pour retrouver mon chemin.
Un jour, tu verras...

PS: cette fois, j'ai mis les photos en haute résolution. Tu peux les agrandir beaucoup, si tu veux bien voir. N'hésite pas, c'est un plaisir de partager avec toi.

23.12.10

On y est! (y est-on?)

Aujourd'hui, c'est la veille de la veille de Noël et je suis libre.
Libre de la maison mère, l'Entreprise, comme ce vaisseau qui finira bien par exploser au rythme où il va. De là à dire que j'ai quitté le navire...
Non.
Si le navire avait tenu sa route, avait pris soin de son équipage, tenu compte du fret, et des quidams qui attendent au port, il va s'en dire que j'aurais pu rester. Avec le sourire, en plus.
Mais non.
Ils m'ont donné les clés d'une porte, après que je les ai forcés un peu, et cette porte s'ouvre sur un ailleurs, ce paysage dont je vous ai déjà parlé.
Ainsi, cette année, Noël aura un goût particulier. Celui des possibles.
Noël, on va en rabâcher encore un peu, t'inquiète, c'est bientôt fini. Une fois la frénésie commerçante épuisée, les ventres distendus, quelques cadavres sur des bancs gelés, le printemps reviendra, et ce sera bien.
Noël, c'est la lumière dans les yeux des enfants. On leur dit parfois le reste du monde, ils ne peuvent pas comprendre, c'est tellement incompréhensible. On ne leur montre pas toujours pour qu'ils restent gais.
On passera les festivités en famille, avec les sourires forcés ou ceux qui sont sincères, il y en aura j'espère, et puis, la vie normale reprendra son cours, et ce sera bien.
Ici, nous serons cinq, puis plus de dix et encore plus de dix le lendemain. Nous irons dans le nord, si la neige nous laisse les routes. Quand je dis nord, c'est Finistère, n'aie pas peur.
J'annoncerai à tout le monde mon nouvel état, celle qui est officiellement licenciée, avec encore de l'avenir devant elle, j'aime à le penser, et y croire surtout.
Tant pis pour les esprits chagrins, ceux qui ne comprennent pas que parfois il est des conditions de travail qui sans être difficiles, sont insupportables, question de conscience, question de survie mentale.
J'en ai fini avec les chiffres, les calculs foireux, les intérêts non partagés.
Mais tout reste à faire.
Il va sans dire que ce blog étant une source inépuisable de belles rencontres amicales, souvent vérifiées de visu, je penserai à vous.
Et de fait, je vous embrasse tous, bien fort, sincèrement.
Et vive 2011!
On peut agrandir, même. (en cliquant).

22.12.10

Rentrer...

Toujours un pont...

 
Une ville, des plages...

Un tableau abstrait...


Ré la blanche a mis un manteau gris, mais même encore, elle avait des couleurs.
Nous avons été choyés, je crois que nous les avons rincés nos amis...:-)

Demain, une autre page va se tourner.
C'est fou, cette fin d'année!

Quelle vous soit douce...douce...douce...


19.12.10

Partir, paaaartir...

A l'heure où vous lirez, lirez-vous? je ne serai pas là. Nan. Partie.
Ça vous fera des vacances, tu me diras, tu pourras travailler pépère peinard derrière ton écran, sachant déjà que je ne serai plus là.
Ne te réjouis pas trop vite l'ami, je ne pars pas longtemps, si peu de temps en fait que je me demande pourquoi j'en parle.
Ça m'est déjà arrivé de partir trois jours sans que quiconque s'en doute.
Ça m'est déjà arrivé de ne pas t'écrire pendant plus de trois jours sans que personne le sache.
D'ailleurs, tu dois te dire que ça m'arrive tous les jours de ne pas écrire pendant trois jours.
Ben non, figure toi. Pas un jour sans mot. On pourrait même dire comme pas un jour sans pain.
D'ailleurs, je vais prendre mon carnet, celui où on écrit avec cette chose trop oubliée qu'est un crayon. Tiens, faut pas que je l'oublie celui-là.
Je, nous, partons trois jours.
Faut que tu saches qu'on ne le fait jamais, ça, partir à cinq. J'exagère. On part. Dans la famille. Une heure et demi ou deux de route. Le bout du monde, tu sais où c'est? ben je connais le bout du monde comme si j'y vivais.
Non.
On ne part jamais à cinq ailleurs que dans la famille à deux heures au plus de trajet.
Mais là.
Là, tu vois, on prends nos couettes, et nos bottes. Nos brosses à dents, et nos culottes (c'est pour la rime que je viens du même coup, gâcher).
On va regonfler les pneus, on va vérifier, tout, pour partir bienheureux.
Et puis.
On va sur une île. Pas n'importe laquelle. Une île plate comme une bonne huître. J'y suis déjà allé, nous y sommes allés à deux. Cette fois, on débarque, on se joue envahisseurs. (ah oui, au fait, j'aime pas les huîtres et si tu sais où j'habite c'est presque une hérésie).
On prends nos vestes et nos bonnets, nos pulls et nos cirés. On ne sait jamais. Même si là on sait qu'il y aura de la pluie. C'est pas grave, je vais te dire, on va chez des amis.
Je sais la vue : plate. Je sais les gens : diserts. Je sais le menu : rires. Je sais le goût : bonheur.
Je sais que je suis heureuse d'y aller, parce qu'on y est attendus.
On part trois jours, plus loin que le bout du monde, sur une île plate, chez des amis, et je vais te dire : c'est beau la vie!
(souhaitez leur bon courage...)

16.12.10

Le temps.

J'entre dans ta chambre. Tu dors encore. Ou bien tu fais semblant. Je m'approche, je sens ta chaleur avant même que mes lèvres se posent sur ta joue. Je vois une fossette. Ainsi, tu fais semblant. Ou bien est-ce le baiser qui t'as réveillée. Tu gardes le pouce dans ta bouche et les yeux fermés, tu passes à l'aveugle, mais l'aveugle qui connait la route, ton bras chaud autour de mon cou. Je me retrouve joue à joue avec toi. Nous restons ainsi. Et puis tu ouvres les yeux. Tu me chatouilles le nez de ton index alors que le pouce continue d'être dans ta bouche. Enfin, tu te retournes, ta tête sur mes genoux, je passe la main dans tes cheveux, et puis, je te demande si tu veux que je te porte. Tu fais oui de la tête.
Tu grimpes sur mon dos.
Comme avant, quand tu étais minotte, dans l'écharpe. Parfois je me dis, ah, l'écharpe. Ta tête trouve sa place contre le haut de mon dos, et nous descendons l'escalier. Tu te moules encore à moi, mais je sais que ça ne durera pas. Ta grande soeur et ton grand frère ne le font plus déjà.
Le soir, alors que j'écris ici, ou ailleurs, tu viens près de moi sur le canapé, et là encore ta tête trouve sa place dans mon giron. Ta main fait la boucle dans tes cheveux, ce geste enfantin perpétuel, presque une marque de fabrique. Celui que tu faisais dans les miens, alors que tu étais dans le tissu bariolé, endormie, bercée, ballotée aussi.
Ou bien, alors que je suis dans la cuisine, que mes mains font le pain, tu t'approches, et ton bras autour de ma cuisse, tu t'appuies.
Parfois, encore, tu demandes un câlin. Je te prends dans mes bras, et je te serre contre moi.
Tous ces moments dont je prends la mesure parce que je sais.
Je sais qu'un jour, c'est moi qui voudrai te faire un câlin, c'est moi qui chercherai la chaleur de tes bras, ton odeur, ta douceur, ton rire coquin.
Plus que le temps qui passe sur moi, je vois celui qui va te prendre à moi, naturellement, insensiblement, mais très certainement.
Je te dirai encore que je t'aime, comme les seuls mots que je dirai toujours, à toi, à eux, mes enfants, petits êtres vivants, tout petits et déjà grands.

15.12.10

Chocolat


J'ai trouvé un petit boulot.
Un petit boulot, deux après-midi.
Un petit boulot payé en sourires.
Un petit boulot mignon et gourmand.
Ils ont fait des chocolats.
Les petits de l'école maternelle.
Ont-ils tout mangé? 
En tout cas, ils en avaient plein les mains et les bras.
Tu veux la "recette"? 
Va voir là-bas!



13.12.10

Ce soir, j'ai tué l'oiseau.

Et c'était bien.
Ce n'était pas triste.
Il faut que tu comprennes le comment du pourquoi.
Tu ne sais peut-être pas que je me suis lancée dans la danse africaine à corps perdu pour retrouver le mien.
Tu ne sais pas que la première fois, j'ai eu mal aux jambes pendant quatre jours entiers, des jours à tirer une grimace à chaque marche d'escalier.
Et j'ai aimé avoir mal.
Pas parce que je suis masochiste, juste pour les muscles redécouverts, ceux qu'on oublie dans cette vie moderne.
La deuxième fois, j'ai eu moins mal. A vrai dire j'étais presque déçue.
Mais je n'arrivais pas à faire les pas, les ordonner. Une chorégraphie, tu sais, ça raconte une histoire.
Je ne connaissais pas encore les personnages.
Ce soir j'ai tué l'oiseau.
J'ai harponné avec ma lance, avec élan, et j'ai dit merci, merci à la terre et au ciel.
Il faut que tu saches, que cet oiseau, je l'ai mérité.
D'abord, il a fallu faire intervenir le féticheur, c'est celui qui porte le masque, celui qui parle aux esprits, à la nature, qui appelle la chance sur toi. J'ai été le féticheur.
Ensuite, il a fallu chercher. Il faut chercher l'oiseau dans la forêt, dans la savane, n'importe où, mais l'oiseau.
Avec mes coudes pliés, mon pas arrêté, un seul petit pas, à regarder à gauche, puis à droite, j'étais le chercheur.
Et puis, je bondissais au-dessus des racines, je faisais le pas de forêt, celui qui écarte les branches, c'est beau d'écarter les branches, tu ne le sais pas, mais c'est ample, c'est faire de la place à ton passage de ta tête à tes pieds. J'ai été chasseur.
Soudain, l'oiseau.
L'oiseau aux grandes ailes déployées, qui battent, en deux temps, alors qu'il avance sur une patte au milieu d'un étang. Tu le vois cet oiseau? Il saute, d'une jambe et puis d'une autre, enfin, il recule, tout en battant des ailes, encore. A t-il entendu le chasseur? Pourtant, il est si beau cet oiseau, tête baissée, les pattes sur les pointes, et il regarde le ciel, en se ployant sur les genoux, comme se livrant à la fortune céleste.
J'ai été l'oiseau.
Et voilà que le chasseur s'approche. Il bondit toujours, il porte une lance, il va en avant, croit-il avoir entendu l'oiseau? Alors, il fait demi-tour, avance encore, la lance prête...
Il s'arrête...
Il donne un coup de lance, et donne à la terre, il recommence, et offre encore...
L'oiseau a tenu bon, quatre coups, c'est beaucoup.
Mais c'est un combat loyal, les ailes de l'oiseau contre ma lance. J'ai été le chasseur.
Ce soir, j'ai tué l'oiseau, de quatre coups de lance, et je me suis prosternée quatre fois vers la terre, et j'ai remercié quatre fois le ciel, en levant mes bras vers lui.

11.12.10

Le Sapin

Impossible de me souvenir de tous les Noëls. Du fait de mon grand âge sans doute.
Néanmoins, tous les Noëls dont je me souviens se sont passés au pied d'un sapin.
Le premier qui me revient, c'est grâce à une photo. J'y vois mon frère et moi, mes grand-parents dans leur appartement brestois. Il y a l'"Amour" derrière, cette statue de marbre blanc qui se trouve dans un autre salon à présent. Le salon des grand-parents de mes enfants.
Souvent, nous recherchions le plus grand, le plus beau sapin. Un sapin capable de toucher le plafond, comme s'il pouvait rejoindre le plafond de la nuit étoilée, avec la plus belle et la plus brillante à la cime de l'arbre.
Il y a eu les Noëls dans l'île, où nous n'avions pas de véritable sapin mais des cryptoméria.
Nous reproduisions les mêmes rites, les mêmes habitudes, avec juste le plaisir d'aller sur le sable écrire que Noël à 25° à l'ombre, c'était bien.
Le Noël de 1987 était particulier.
Par chance, il a fait beau. Nous sommes allés à la plage, mais la température ne devait pas dépasser 10°. C'était en Bretagne, un sable blanc, des pulls aux cols roulés, des vestes chaudes, on pouvait croire qu'on s'était adaptés au retour sur le sol métropolitain. Je crois que ces années-là, on essayait plus que jamais de faire encore plus haut le sapin, encore plus beau. Comme pour ne pas regretter le cryptoméria tropical.
Les années ont passé.
Il y a eu des moments où Noël n'avait plus d'importance. Je me laissais prendre par l'ambiance, quelques moments de chaleur familiale, mais pas de sapin dans mon appartement, juste peut-être quelques guirlandes sur un yuka poussiéreux.
Et puis, les enfants.
Leur regard devant les lumières de la ville, devant les étoiles électriques urbaines, devant les pitoyables pères Noël se multipliant sur les toits, faisant perdre à mes yeux toute magie.
Voilà que nous avons acheté des sapins. Pas très grands. Parfois, ils ne perdent pas leurs aiguilles, les années riches, ou bien se déplumant chaque jour un peu plus, les années maigres.
Il y a deux ans, j'ai décidé que les sapins faméliques, c'était fini.
Ah ah ah.
J'ai pris un rideau que j'ai agrafé aux poutres du salon, et je l'ai décoré avec les boules et guirlandes idoines, bien dorées, bien rouges, bien brillantes.
L'an dernier, les enfants ont réclamé un vrai sapin. Enfin, un sapin.
Bien sûr, j'étais en retard, je n'en ai pas trouvé de beau, alors.
Alors, en hésitant à peine, mais alors, à peine, j'ai opté pour une horreur artificielle.
Je me suis mise à la la hauteur de ceux qui investissent leur maison de tuyaux d'arrosages lumineux, de père Noël dégonflés et pendus, j'ai acheté un sapin montable et démontable, un truc qui se range dans une boite en carton sans souffrir de perdre ses aiguilles, une merveille, je vous le dis, et attention, en plaqué or véritable, du vrai toc, une splendeur digne de tout mon excellent bon goût.
J'ai rapporté l'objet à la maison.
L'homme était atterré, autant que moi devant cette pure folie, mais les enfants adorent.
Je dois dire qu'en le replaçant dans le salon il y a quelques jours, j'ai été prise d'un fou rire devant cette aberration. Pour la peine, les enfants ont tout fait, de l'installation des tiges métalliques en or poilu dans le tronc en plastique, à celle des guirlandes toutes en or massif et aux breloques incassables (quoique).
Notre sapin trône fièrement à côté de la télé, la beaufitude affichée.
Allons nous oser inviter nos amis cette année?

Et vous? votre sapin?

8.12.10

Let it be

J'avais l'âge de la Seconde.
Nous devions être 35, au moins, je pourrais recompter sur la photo que j'ai toujours, prise dans cette classe. Belle photo pleine de couleurs, comme la vie là-bas.
Il fallait descendre un escalier, rentrer dans une sorte de jardin, ou plutôt, la baraque était dans un endroit où la végétation pouvait reprendre ses droits. Je dis baraque, mais il s'agissait en fait d'une vieille case. Quand j'y pense, c'est étonnant, une grande case en bardots de bois, sur les murs extérieurs, du bois à l'intérieur, sur les murs, un vieux plancher il me semble. Je ne suis plus très sûre.
Nous n'avions pas assez souvent cours de musique.
Ici, point de flutes discordantes. Quelques très vagues notions de solfège. C'est là que j'ai appris à dessiner les clés de fa et de sol.
ll y avait un piano droit, en bois aussi, un vieux truc sûrement, mais qu'en sais-je?
C'était le jeudi.
Nous aimions aller à ce cours.
Surtout les filles, je crois bien. Le prof, tu vois. Un beau mec, faut dire, aussi blond que son frère était brun (et prof de sport) bronzé, et appartenant à un groupe de musique dont le nom me revient soudain (incroyable la mémoire!) : Axe!
Ah ah ah, s'agissait-il du même qui disait "laissez Axe agir"?
Nous étions donc tassés, là, et c'était parfait.
Parce que nous chantions.
Je passe la période Gold avec "un peu plus près des étoiles" (ça y est tu as l'air en tête? bon courage...)
Ou encore Goldman "je marche seul" (oui, choix fantastique, en plus j'étais fan, j'avoue)
Un jour, on a appris Les Beatles.
J'avais bien écouté un disque chez une copine (dont j'ai oublié le prénom, on n'avait pas dû être amies longtemps). Il me semble aussi que nous avions le disque avec la pomme verte dessus à la maison.
Enfin, bref, nous avons appris Let it be, je reste persuadée qu'il faut apprendre les langues par la musique (ou en traduisant des bouquins de cuisine, la motivation est grande!)
C'est la seule chanson en anglais dont je connaisse vraiment les paroles.
(Je connais "Suzanne" aussi, mais c'est un autre celui-là, rien à voir )
Tiens, je te mets un petit lien si tu veux écouter avec moi...


C'est pas très sexy, n'est-ce pas, mais impossible de le trouver autrement...
M'enfin, là, tu peux même faire karaoké derrière ton ordinateur et rien que pour ça je voudrais être une petite souris...:-)

7.12.10

La Fenêtre

Alors, une phrase qui m'a ouvert une fenêtre. Pas encore une porte, mais au moins une fenêtre. Une vue sur un paysage inconnu, ou pas encore totalement exploré, une vue d'un possible, de quelque chose qui quitte le domaine du rêve, qui s'envole de l'oreiller, pour se poser sur l'herbe verte d'un pré voisin.
Il reste tout à faire. L'herbe ne suffit pas, il faut de la couleur pour qu'elle paraisse encore plus verte, un arbre puis deux, un verger, des pommes, des pêches, de quoi tenir l'été, l'hiver.
Elle regarde dehors, elle voit cette colline qui descend vers un endroit encore caché. Elle peut imaginer ce qu'elle veut, un cours d'eau, de la vie, un étang, un miroir, une route, un chemin.
Elle espère que la fenêtre sera assez grande, assez vaste pour qu'elle puisse l'enjamber, elle n'a jamais eu peur des chemins de traverse, sauter par la fenêtre pour rejoindre une vie meilleure, espérer qu'en bas, dans la courbe douce de la colline, il y aura...elle ne sait pas, elle s'en fiche, ce qui lui plaît c'est juste cette fenêtre, comme une ouverture possible sur un autre monde.
A elle de faire ce qu'il faut pour modeler son paysage, cultiver son jardin, faire vivre son verger.
Tout est possible.

1.12.10

Faire ou ne pas faire

C'est un souci, presque.
J'aime faire. Trop. J'aime essayer. J'aime ce que j'essaie.
Qui dit "qui trop embrasse, mal étreint"?
C'est un sage, c'est certain.
Clarinette, peinture, danse, lecture, pâtisserie, photographie, écriture...
Mes journées peuvent être plus longues que ma résistance, mais je sais bien qu'il faut faire des choix.
D'autant plus que ces journées risquent bientôt d'être inexistantes, le jour où l'entreprise récupérera sa perle rare, et que la bête humaine, transformée, lobotomisée, perdra tout esprit de création, d'action, de réflexion, d'envies, de vie...
Alors, je me perds en conjectures, que faire dans les mille choses qui me titillent les doigts, les yeux, la peau?
Se rassembler, unifier, user toutes mes éventuelles capacités?
Choisir, une seule, et s'y consacrer?
Ne rien faire, attendre que le temps fasse son oeuvre (ça, je sais que j'aurais du mal à)
J'en suis là. Encore pleine d'envies et lucide quant à la possibilités de les réaliser. Perdue.