29.1.09

Et Cinq!

Le Petit Homme a cinq ans.
Depuis que ses soeurs ont commencé à fêter leurs anniversaires, il voudrait que tous les jours ce soit le sien:
-C'est ce matin mon anniversaire maman? me demande t-il le soir
Il a beaucoup de questions le petit homme, elles tournent dans sa tête, elles sortent impromptues comme au moment du bisou:
-Pourquoi tu serais triste si j'étais mourru?
-Ce qui est pire que la mort, c'est d'être mort...parce qu'on est écrasé comme une crêpe! (comme le dragon/sorcière dans la Belle au bois dormant, oui, j'ai mis du temps à comprendre)
-Moi, je ne veux pas que tu sois mort maman, tu me manques trop quand tu es mort...
-Est ce que Pépé et Mémé et Grand mère et Tadig ils sont vieux?
Il a choisi depuis Noël son cadeau:
-Si, maman, je voudrais la Baleine à bosse avec la bouche qui s'ouvre.
La baleine! ça alors, avec ton père on est surpris, tu en as choisi une à la même date l'an dernier!
-Tu peux me montrer mon cadeau maman, il y a un trou dans le paquet, j'aimerais bien la voir, je crois que ce n'est pas la même...
C'est parce que maman a aussi pris le baleineau, et c'est sa nageoire qui a fait le trou dans le paquet. Alors petit homme est un peu déçu, elle a l'air plus petite que dans le magasin;
-Tu as essayé d'ouvrir sa bouche maman? est ce que c'est profond?
Et puis le temps passe, il reste encore beaucoup de jours avant la date finale...
-Mais pourquoi E. a son anniversaire avant moi puisque elle est plus petite?
-Et puis je voudrais plein de dinosaures.
..
Enfin, c'est la grand jour...tu restes muet devant la frise de bois sculptée en creux de Stégosaures, peins en vert, ou noir. Tu me demandes:
-Tu peux les compter maman, tu sais je ne sais pas encore bien compter...
Les grands parents l'ont bien compris, les dino c'est ton truc alors tu vas en recevoir encore deux monstrueux, c'est simple dans ta chambre ça va sentir le Zoo, on va se faire mordre les orteils en écrasant tes animaux dont je ne sais même plus le nombre...
Et puis, le paquet rouge, celui que tu convoites depuis plusieurs semaines, tu l'avais vu caché dans le tiroir haut de la commode, tu faisais semblant de vouloir l'attraper avec ta grande soeur.
Tu déchires le papier, tu trouves le baleineau, tu t'interroges et puis tu la vois enfin, vite tu la saisis, tu regardes si elle flotte bien en lui faisant faire des cercles dans l'air maritime du cargo de bois qu'est notre maison les soirs de tempête.
Elle ouvre sa grande bouche et tu y rentres intégralement l'index ce qui te fait sauter de joie!
Maintenant, si on me demande quel âge vous avez, je hausse le sourcil gauche, celui qui me fait cette nouvelle ride découverte hier, elle m'est tombée dessus comme ça sans crier gare, rien vu venir, et je réponds pour l'année 2009: 7, 5, 3...
Et si tu me demandes un petit frère pour jouer avec lui au dinosaure...


23.1.09

Trois.


"Mamaaaan, mamaaaan....!"
Je cours, je viens, je te rejoins petite fille qui pleure...
"Alors là, le dragon il va manger le crocodile...et sa maman est là, elle va le sauver"
Ah bon, tu joues avec ton frère, tu as pris ta voix pour la prêter au crocodile, je suis bête j'ai cru que tu avais besoin de moi...

"T'as vu? je suis réveilléeeee" et tu bondis sur le lit, tous les matins, avec ton grand sourire, et ta voix haut perché et pleine de coffre, parfois nous te demandons de baisser le volume.

Tu me suis, tu t'accroches à ma jambe, le bras tout autour, et l'autre bras soutient la main qui soutient ton pouce dans ta bouche. Tu le fais systématiquement, dès que tu sais que j'ai besoin de mobilité comme si tu avais peur que mon attention se détourne de toi. C'est là que tu me dis: "je veux un câlin."

Au sortir de la sieste, tu as les joues roses, les mains douces et chaudes, tu as faim.
Tu me rejoins dans le bureau, tu montes sur mes genoux, je ne peux plus rien faire..
Tu dis "oui", tu dis "Yesss", et tu dis "ouais".

Trois ans, une vie, ton rire.
Bon anniversaire ma Chérie!

16.1.09

The cat

Plus aucun savoir vivre dans cette maison.

La dernière en date ne me fiche jamais la paix, je me retiens de toutes mes forces de ne pas lui envoyer un coup de patte sur le bras.

Imagines: tu dors sur le canapé du salon, le gris, ton préféré puisque tu y fais tes griffes comme tu y fais ton nid. Il fait bon par là, c'est près du poêle. Et tout à coup, alors que ton rêve poursuis sa course contre le mulot et que tu es proche de la victoire, et bien un humain pas plus haut que la botte de ma maîtresse arrive et me saute sur le poil. J'ai failli en mordre ma moustache!

Pour qui elle se prend celle là? déjà, je reçois moins de caresse, voire plus du tout depuis qu'elle est là, et maintenant je dois supporter ses brutalités?

Ah ah, il y a quelque chose que ma maîtresse n'a pas vu, c'est que son rejeton, elle s'enfile mes croquettes! j'arrive devant mon bol et il est entamé, je le sais, il y a un creux en lieu et place de la bosse! J'essaie de la prendre sur le fait, mais avec tout le temps que je passe dehors maintenant, c'est difficile.

Ouais, dehors, tu as bien lu. Il est loin le temps où je dormais toute la nuit blotti contre les jambes de ma maîtresse. Maintenant, c'est pire qu'un chien, je n'ai plus le droit de passer la porte de leur chambre, ni celle du rejeton. C'est que je me fais vieux depuis quelques mois. J'ai pris du poids, les mulots se font rares, et j'aime rester au chaud. Il y a des jeunes chats dans le quartiers qui viennent chercher des noises, ils sont plus nombreux chaque jour et je me défends moins bien. Je ne trouve pas ça juste. Le gros blanc surtout. Il me semble que c'est mon petit fils, il n'a pourtant aucun respect, il me passe devant quand ma maîtresse nous donne à manger dehors. Et je le laisse faire.

Allons, j'ai réussi à me faufiler dans la chambre. Je vais arrêter de me plaindre et tenter de profiter de ma sieste qui risque d'être courte. Ce n'est pas de ma faute si mes puces se laissent tomber sur le sol et qu'en suite elles se trompent d'animal et se retrouvent sur les jambes du maître! dès qu'il en sent une, m'éloigner le plus vite possible, il a tendance à se rappeler ma présence rapidement. Et en général, je me retrouve dehors.

Il paraît que je ronfle. Je ne peux pas dire le contraire, avec l'âge je deviens sourd.

8.1.09

Germaine

A douze ans, j'étais aussi grande qu'elle.
Petite bonne femme, toute ronde, elle avait le cheveux noir et l'oeil bleu.
Sa coiffure était la même du matin au soir, depuis mon premier souvenir jusqu'au dernier. Un peu comme ces femmes que l'on voit se jeter sur les blindés à la Libération, elle les porte en une sorte de chignon qui lui fait le tour de la tête. Ça lui fait comme une couronne, et en fait, pour nous, c'était une reine.
J'ai l'image de sa silhouette se découpant sur la fenêtre de sa chambre, alors qu'elle les coiffe. Ils lui tombent plus bas que le dos, elle les tient de la main gauche, pendant que la droite fait passer la brosse de plastique noir et caoutchouc rose, d'abord sur les pointes puis au final sur la tête. Elle est assise sur le fauteuil en sky, à côté du téléphone orange avec le cadran qui tourne en faisant schhh, tictictictic...
Elle ne se regardait même plus dans la glace, si elle l'avait jamais fait, en ajustant ses épingles.
On habitait loin, la mondialisation ayant commencé dans la ville du département et allant s'étendre jusqu'aux départements d'Outre mer, mais la joie de la revoir était toujours la même: courir en bondissant de la voiture pour aller se jeter dans ses bras.
Elle nous attendait toujours, comme par un curieux sixième sens se passant de portable, devant la porte de sa maison en pierre recouverte d'un enduit abîmé. Sans doute, le coup de klaxon paternel devant une autre maison, celle du grand virage, lui disait que notre arrivée était imminente. Elle sentait l'eau de cologne, et souriait en nous serrant contre elle.
Elle n'avait rien, mais donnait tout.
Avec mon frère, on se faisait une fête du séjour que nous allions passer chez elle; libres de tout faire, de regarder la télé et de manger du chocolat Milk*. On ne le faisait jamais trop longtemps, la maison voisine avait un immense portique avec trapèze et anneaux, et la maison après était celle de mon amie d'enfance. J'y allais avec les sacs à main que Mamie me laissait prendre, suffisamment en cuir pour faire la dame, et jouer à être grande.
Sa maison était comme une caverne, avec des recoins, des piles, des tas, des tiroirs pleins de trésors, ou d'objets hétéroclites qu'elle ne devait jamais vouloir jeter. On ne sait jamais.
L'essentiel était de pouvoir faire craquer le parquet sous la moquette rouge, le faire trembler en faisant des bonds, et monter au grenier trouver des objets encore plus vieux et poussiéreux. Sans compter la collection de la revue "Nous deux" dont les photos à bulles m'ont fascinées.
Elle avait gardé l'armoire avec les affaires de Papi. Un jour, j'ai porté son caban de marin, celui comme Corto Maltèse, bleu marine en laine, doublé de coton blanc rayé. Trop large aux épaules, un peu serré sous les bras, mais un vrai, le seul à résister au temps breton.
On avait 50 ans d'écart. Une jeune Mamie en somme. C'est pourquoi ça n'aurait jamais du se passer comme ça. Pendant longtemps je n'ai pas cru à son départ, elle avait 62 ans. D'abord quand mon frère me l'a dit. Et puis quand je la voyais apparaître à la fenêtre de la cuisine de la maison au toit plat, quand il faisait nuit. Je fermais les yeux et elle n'était plus là.
J'ai quelques points communs avec elle.
Le même nez.
Et la même faculté de rangement. Celui qui fait qu'il n'y a que moi qui trouve. Bien trop compliqué pour les autres.
Je pense en avoir d'autres, mais ma modestie m'empêche d'en faire étalage...eh eh.

PS (après les commentaires de Noèse et de Kitem): Mamie est partie quand j'avais 12 ou 13 ans, je ne sais plus. C'est maintenant que je réalise qu'elle était jeune. Nous étions absents, loin, à une dizaine de milliers de kilomètres. C'est pourquoi je pense que je n'ai pas cru à sa disparition et que je la voyais de la fenêtre de la cuisine là bas à St Pierre.
Je vous remercie de vos sentiments de tristesse, ils restent valables même à 20 ans d'intervalle.