31.1.12

Plat pays

Ce plat pays devenu mien
Reflète le calme, et c'est pas rien


On y construit de minuscules cabanes, bon, et quelques bicoques de folie...


On y accède par la mer
Ou on y descend par la porte du ciel


On y joue du piano
molto, crescendo, bellissimo


Mais il n'y a qu'ici
Que j'ai vu le soleil attirer à lui
L'arc-en-ciel de minuit. 


30.1.12

La lettre

Ce matin, il y avait deux choses nouvelles qui m'ont fait plaisir, n'ayant aucun rapport entre elles si ce n'est le média qui les a introduites dans mon oreille.
Léonard Cohen et le Jury du livre Inter.
Pour le premier, c'était à l'époque un 33 tour des parents qui, glissé sous le diamant alors que j'avais 16 ans, répondait à toute la mélancolie qui était la mienne. Je ne comprenais pas les paroles, mais cette voix, nomdidjiou, cette voix me faisait vibrer.
J'en ai acheté un seul depuis, pour dire que je suis fan mais pas à la folie, que j'écoute de temps à autre parce que l'homme de la maison n'aime pas. Pour lui ce n'est pas de la musique. Mais j'adore toujours fredonner Léonard...alors cet album, dès qu'il sera sur la plateforme où je suis abonnée, j'écouterai.
Entre Higelin 70 et Cohen 77, je me dis que c'est dans les vieux pots qu'on fait la meilleure soupe.

Pour le jury du livre Inter, c'est autre chose, c'est au moins aussi vieux dans mon souvenir, au moins aussi vieux que l'envie d'avoir une librairie.
La librairie j'ai fait une croix dessus, ma maison finira bien par y ressembler.
Mais là, vois-tu, c'est un truc qui me trotte à chaque fois.
Chaque année pendant 20 jours, je me lève avec l'idée d'écrire une lettre.
Une lettre à France Inter, une lettre entière, qui dit le livre.
Enfin, qui dit ce qu'il est pour moi, ce machin que j'ouvre, que je sens, que je respire, qui me tache les doigts de noir, qui me fait partir, qui me fait pleurer parfois, ou rire, voire glousser comme une dinde, qui me fait dire des passages à voix haute à l'agacement du conjoint qui soupire, qui m'est cher (le livre, et le conjoint of course).
Je ne peux pas rester sans lire.
Et lire me fait grandir.
Ou me permet d'attendre des heures qui deviennent des minutes.
Ou me donne envie d'écrire.
Ou me décourage d'écrire.
Ce matin, c'était un petit peu différent.
Je pensais à deux personnes à qui je laisserais ma place s'il fallait choisir entre elles et moi.
Deux lectrices.
Laure et Stéphanie.
Avec ces deux là, on s'est déjà échangé un livre, des disques, des lettres.
Elles lisent.
Elles écrivent.
Je me suis dit que ce serait chouette de s'écharper sur un livre qui nous partagerait. Ou que ce serait chouette d'aimer un livre pour des tas de raisons différentes.
Parce qu'un jury qui aime un livre, il le choisit pourquoi?
Est-on objectif dans le choix d'un livre?
Moi, non.
Ou j'accroche, ou je n'accroche pas, je suis incapable d'en faire une analyse comme on a appris au lycée, ça me fait braire ça. Non, je suis capable de dire que le choix des mots, la danse des mots, leur musique, leur tempo m'a fait valser, basculer, onduler. C'est tout.
Alors ce matin, c'était le premier matin où je me dis jusqu'au 20 février, est-ce aujourd'hui que j'écris cette lettre?
Et tu sais pourquoi?
Parce que c'est l'occasion de lire des livres que je n'aurais pas choisis. Et que donc, je découvrirais des auteurs, ils me tomberaient sur le coin de l'oeil, ils me bouleverseraient peut-être.
Je voudrais être bouleversée par le choix des autres. Aussi.
Mais bon.
Faut l'écrire cette lettre. Et comment dire bien ce qui tient tellement à coeur?


27.1.12

Roman photo

Un matin que j'avais passé une nuit blanche, et courte, et trop longue, et triste et trop noire, je me suis levée avec le coeur comme ça :


Il y avait de la glace à l'intérieur de moi, elle avait recouvert mon foyer, des murs jusqu'au toit, de l'herbe jusqu'aux arbres.
Un feu n'y a pas suffit.
Un café n'a rien fait.
Un chat, miaulait.
J'en ai pris mon parti.
J'ai bu du petit lait.
Mangé mon pain frais.
Le chat et moi, on a discuté.
Il s'enroulait entre mes jambes, il aurait été chien il m'aurait tendu sa laisse.
Il griffait mon pantalon, il aurait été chien, il m'aurait aussi léché la main.
Mais les chiens ne font pas les chats, je lui ai dit.
Je suis sortie.
Il m'a suivie.
C'est comme ça les chats parfois, ça fait le chien, rien que pour voir jusqu'où ça va loin.
Je suis allée là :


Le chat m'a dit, c'est qui ces trois vieilles qui papotent au milieu du chemin?
Elles faisaient des gestes avec leurs bras, elles étaient sèches comme des bouts de bois, elles n'avaient pas l'air d'avoir froid, elles se figeaient au son de nos voix, au chat et moi.
Je voulais faire feu de tout bois, je voulais qu'elles me disent enfin qui je suis, qui je deviens, qui je serai, si ça valait la peine tout ça.
La peine.
Les vieilles ont dressé leurs branches, toutes droites, et en haut, et à gauche et à droite, et en bas aussi parfois.
Puis elles se sont tues.
Dans le silence le chat a entendu le chant de l'oiseau, sur la plus haute branche, un rossignol sans doute, mais je ne voyais point de fontaine, ni de coeur à rire.
Ah si, me dit la vieille la plus vieille, regarde, ces deux là, comme ils s'aiment :


J'en ai eu des frissons d'aise.
J'en avais à pleurer.
Avec ces deux là qui s'aimaient sous un ciel embarrassé, ils en devenaient flous, ils en devenaient fous.
J'ai préféré les laisser s'embrasser, s'emmêler, adoubés par les éléments cléments.
J'ai marché encore, avec le chat qui faisait grise mine de l'eau salée, et des ajoncs gelés.
On a fini par trouver refuge sur une île qui faisait face au sentier des douaniers morts et enterrés depuis des années, même qu'on ne les a jamais retrouvés.


Je me suis endormie, le chat sur mon bras, qui ne demandait que ça.
A mon réveil, la chanson Marlène de Noir Désir me sonne aux oreilles comme une urgence.
Il est question de vie ou de mort, il est question d'amour qui coule et de combats, il est question d'en sortir, de soldats  qui s'endorment et s'apaisent dans le creux de tes bras, de ta voix, de tes bas.
C'est bien ma veine.
Ma guerre est au dedans de moi.
T'es pas d'accord le chat?



Noir Désir : Marlène

25.1.12

Les Anciens

Il y a eu mes grand-mères. Celle qui n'hésitait pas à nous offrir une tablette de chocolat et avec qui je pouvais me disputer en sachant qu'on se réconcilierait peu de temps après. Celle que j'ai mieux connu pendant mes années de Fac, avec qui je partageais des repas et des verres de champagne, dans la chambre de sa maison de retraite juste en face des bâtiments de la fac d'histoire.
Il y a eu la grand-mère de mon homme, fine et rieuse, avec qui les parties de domino duraient des heures.
Il y a ces personnes âgées, un peu perdues à qui on nous forçait de vendre des cartes bancaires alors qu'elles oubliaient régulièrement le mode d'emploi et le code, pour qui nous sortions dans le froid de l'hiver pour retirer des sous alors qu'il aurait été si simple de le leur donner directement de notre tiroir de caissière.
Il a y cette Philomène qui me racontait son Mendon d'antan, qui vient de perdre son centenaire de mari, à l'enterrement duquel je n'ai pas pu aller, parce que le samedi c'est comme le mercredi, je passe plus de temps en voiture que me mettre au courant de ce qui se passe.
Pardon Philomène.
Et puis, il y a l'Amicale des Anciens, ce groupe de joyeux "vieux" qui se retrouve pour une tombola avec des lots qui seront resservis d'une année sur l'autre, qui boivent du chocolat chaud ou du café avec la galette des rois. Et qui organisent ces voyages de "Tamalou" une journée maximum, parce que plus c'est trop long. Et qui sont contents de dire où ils vivent, la maison en pierre avec l'escalier, ah oui.
Je n'ai pas repéré tout de suite ma voisine, Denise, qui disait "ah, mais enfin je me disais bien que je t'avais vue quelque part, tu es venue boire des cafés chez moi!" Je lui ai collé deux bises une fois que je l'ai reconnue. Hors contexte hein, on ne voit plus rien.
Ils sont fiers que je les prenne en photo, ils veulent voir s'ils sont encore beaux, je leur montre.
Qu'est-ce que c'est être vieux?
Est-on vieux au regard des autres ou au sien propre? Est-on vieux parce qu'on voit tout les gens de sa génération mourir, alors qu'on se sent encore bien vivant? Est-on vieux parce qu'on a du mal à se lever le matin, à enfiler ses chaussons ou pire, ses collants?
Tous ces gens que je vois qui ont deux fois (j'allais dire trois mais statistiquement je n'en rencontre pas tant) mon âge, je les trouve de moins en moins "vieux".
Je n'ai plus envie de dire "vieux", d'ailleurs. Ce mot peut avoir une connotation péjorative, comme de dire qu'un vieux est un être humain diminué, un moins que rien.
Ils sont emprisonnés parfois dans un corps qu'ils doivent réapprendre, apprivoiser, des habitudes de comportement à changer pour pouvoir continuer de vivre.
Mais dans leurs yeux, leurs sourires, je peux deviner qui ils sont encore vraiment.
Je constate que les hommes, même à 80 ans ou plus, continuent de faire du charme. Ils draguent les petites jeunes, et les femmes de leur génération avec autant de malice qu'avant, peut-être plus.
Ils n'ont plus rien à prouver, plus rien à perdre, ils ont vécu du mieux qu'ils pouvaient ces vieux et vieilles, ils ont eu une vie, peut-être deux, ils savent dans leur corps et dans leur âme que le temps passe et atténue toutes les peines. Ils savent aussi que rien n'est jamais acquis et qu'il faut vivre au jour le jour, parce que leur lendemain est incertain.
Alors, ils foncent. Ou ils démissionnent. Ils ont tous les éléments nécessaires pour pouvoir faire un choix.
Sans doute que je me fais des idées. Qu'il subsiste entre eux de vieilles rancunes, des histoires impossible à oublier qui maintiennent autant leur indifférence que leur amitié. N'empêche.
J'admire les "anciens" de l'être devenu et d'être encore debout.
 Les anciennes...                                                                               et ma grand mère vers 20/25 ans...


20.1.12

Interlude du du di dou.

Un peu de musique?
Juste pour patienter, avant que les mots reprennent la parole et que la tête suive.
Pour vous, petits veinards, la vidéo maladroite faite samedi dernier lors du Grand Cabaret d'Hoari, la très dynamique fabrique à idées et événements sympathiques de Locoal Mendon.
Ici, vous entendrez la voix qui m'a le plus émue de la soirée, même si d'autres très chouettes talents ont eu la part belle (comme les Sing Girls for example) c'est Fatiha avec le guitariste Eric Nédelec, vraiment très très bons tous les deux.




Ecoutez, y a rien à regretter!

PS: je sais bien que t'en as marre que je change tout le temps de décor, mais autant j'aime les coquelicots autant c'était quand même pas lisible.
Puis j'encadre. Comme si ça pouvait influencer.

15.1.12

Ganivelles

Ganivelles, en bord de plage, en bord de dunes, frontière.

Bien sûr, y en a plein ici.
Elle tournent autour des plages, elles soulignent les dunes, elle retiennent le sable, elle protègent les fleurs.
Toi, tu es à l'extérieur. Tu voudrais bien rentrer. Pour toucher, sentir, voir, passer la ganivelle interdite, faire quelque chose qui te fait battre le coeur.
Comme les fois où tu posais ton pied sur l'étagère de la cuisine, celle qui avait deux portes blanches, tu passais ta main à tâtons là où tu savais de source sûre (depuis la dernière fois) que se cachait le chocolat.
Qu'il était bon ce carré-là...
Ce larcin coupable, te faisait battre le coeur, affluer le sang à tes joues, presque tu manquais de trébucher de ce plaisir inavouable.
Tu n'avais pas pu te retenir.
Tu n'avais pas pu dire non à ton envie de chocolat, ce goût dont tu ne sais plus la première fois.
Bien sûr, il y a des ganivelles.
Ce n'est pas comme ça qu'on dit peut-être.
Il y a peut-être quelqu'un passé avant toi qui a rabattu deux lattes, il y a peut-être une faille.
Comme c'est toi, que tu connais le chemin du chocolat, tu as tout de suite vu cette entrée furtive, ce chas qui laissera passer la souris.
Les ganivelles t'entourent.
Elles se font parfois si pressantes, si fortes, si nombreuses, que tu sens bien que l'air ne passe plus, ni même l'ombre d'un soupçon d'un parfum de chocolat, doux ou bien amer, quel qu'il soit.
Tu te connais.
La contrainte tu n'aimes pas.
Qu'on t'enferme, tu n'aimes pas.
Qu'on t'ordonne, encore moins.
Les ganivelles sont là, nul doute que tu ne tentes de les franchir un jour.
Et encore et encore, comme quand il était si simple de ne chiper qu'un seul carré de chocolat.
Parce que le chocolat, tu aimes trop ça.

Le groupe Art le Quint lors du Grand cabaret samedi soir.

12.1.12

Coquelicot

Ai piqué l'image de fond au fond de l'hébergeur.


Avais envie de couleur.
       Ai envie de printemps.
De ces jours où les oiseaux chantent (hier, concert hallucinant).
       De l'herbe verte et tiède sous la plante du pied nu.
De la caresse du soleil sur le cou.
                                     Envie d'une robe légère qui flotte au vent. 


De rouler la peau dans l'eau salée.
              De sentir le sable crisser entre les doigts mouillés.


De musique endiablée.


Ai senti le sang bouillir. 
            Les joues rougir.


Parfois, je voudrais être un coquelicot froissé 


                    qui se plisse du vent 
                                   qui le fait danser, 
                                                   qui rougit des doigts qui le frôlent, 


qui reste droit dans l'herbe tendre, 
                              qui fait de la prairie un tableau pointilliste, 


                                                  qui donne aux yeux une couleur qui dit la vie. 


ENVIE

9.1.12

Ménage

Ouvrir un tiroir, le repousser, ne pas le fermer, trop plein, le rouvrir, sortir, défaire, refaire, plier, ranger et enfin, fermer.
Ouvrir une porte, se faire assommer, ramasser, refaire, entasser, défaire, trop plein, jeter, vider, ranger, fermer.
Passer le balai, donner un coup sur la poussière du temps, faire son petit tas, constater, soupirer, jeter, fermer.
Se voir dans la glace, constater la ride, là, tu la vois, elle y est, je ne l'avais pas hier, et puis ce cheveu blanc, là sur le dessus de cette tête défaite, refaire, sourire, coiffer, plisser, éteindre.
Sortir dans le jardin.
L'herbe a poussé, les bourgeons bourgeonnent, comment ça sa fait, c'est ce foutu temps, à l'envers, donne moi un hiver que je gèle.
Défaire les draps, laver, refaire son lit comme on se couche, repasser, étirer, tendre, border.
Dormir enfin.
Ouvrir un oeil, prudent, voir un ciel, charmant, se dire, oh voilà demain qui vient aujourd'hui, que faire de lui?
Un nouveau jour, une nouvelle vie, un lendemain qui chante.


6.1.12

Il faudrait

Il faudrait...

Des nuages de lune, 
dans le sable de dune.

Des fragments de soleil,
Tissés de nids d'abeilles.
Ou des araignées dentelières,
En habits de lumière.

Il faudrait aussi 

De l'herbe rouge,
Et du papier mâché.
De l'eau qui bouge,
Et des assiettes cassées.

Ou bien 

De quoi courir plus vite
De quoi manger plus
De quoi rire souvent
Fou
Et puis dormir.

Et encore

Le pouvoir de l'oubli
Pour penser à demain.