Ce matin, il y avait deux choses nouvelles qui m'ont fait plaisir, n'ayant aucun rapport entre elles si ce n'est le média qui les a introduites dans mon oreille.
Léonard Cohen et le Jury du livre Inter.
Pour le premier, c'était à l'époque un 33 tour des parents qui, glissé sous le diamant alors que j'avais 16 ans, répondait à toute la mélancolie qui était la mienne. Je ne comprenais pas les paroles, mais cette voix, nomdidjiou, cette voix me faisait vibrer.
J'en ai acheté un seul depuis, pour dire que je suis fan mais pas à la folie, que j'écoute de temps à autre parce que l'homme de la maison n'aime pas. Pour lui ce n'est pas de la musique. Mais j'adore toujours fredonner Léonard...alors cet album, dès qu'il sera sur la plateforme où je suis abonnée, j'écouterai.
Entre Higelin 70 et Cohen 77, je me dis que c'est dans les vieux pots qu'on fait la meilleure soupe.
Pour le jury du livre Inter, c'est autre chose, c'est au moins aussi vieux dans mon souvenir, au moins aussi vieux que l'envie d'avoir une librairie.
La librairie j'ai fait une croix dessus, ma maison finira bien par y ressembler.
Mais là, vois-tu, c'est un truc qui me trotte à chaque fois.
Chaque année pendant 20 jours, je me lève avec l'idée d'écrire une lettre.
Une lettre à France Inter, une lettre entière, qui dit le livre.
Enfin, qui dit ce qu'il est pour moi, ce machin que j'ouvre, que je sens, que je respire, qui me tache les doigts de noir, qui me fait partir, qui me fait pleurer parfois, ou rire, voire glousser comme une dinde, qui me fait dire des passages à voix haute à l'agacement du conjoint qui soupire, qui m'est cher (le livre, et le conjoint of course).
Je ne peux pas rester sans lire.
Et lire me fait grandir.
Ou me permet d'attendre des heures qui deviennent des minutes.
Ou me donne envie d'écrire.
Ou me décourage d'écrire.
Ce matin, c'était un petit peu différent.
Je pensais à deux personnes à qui je laisserais ma place s'il fallait choisir entre elles et moi.
Deux lectrices.
Laure et Stéphanie.
Avec ces deux là, on s'est déjà échangé un livre, des disques, des lettres.
Elles lisent.
Elles écrivent.
Je me suis dit que ce serait chouette de s'écharper sur un livre qui nous partagerait. Ou que ce serait chouette d'aimer un livre pour des tas de raisons différentes.
Parce qu'un jury qui aime un livre, il le choisit pourquoi?
Est-on objectif dans le choix d'un livre?
Moi, non.
Ou j'accroche, ou je n'accroche pas, je suis incapable d'en faire une analyse comme on a appris au lycée, ça me fait braire ça. Non, je suis capable de dire que le choix des mots, la danse des mots, leur musique, leur tempo m'a fait valser, basculer, onduler. C'est tout.
Alors ce matin, c'était le premier matin où je me dis jusqu'au 20 février, est-ce aujourd'hui que j'écris cette lettre?
Et tu sais pourquoi?
Parce que c'est l'occasion de lire des livres que je n'aurais pas choisis. Et que donc, je découvrirais des auteurs, ils me tomberaient sur le coin de l'oeil, ils me bouleverseraient peut-être.
Je voudrais être bouleversée par le choix des autres. Aussi.
Mais bon.
Faut l'écrire cette lettre. Et comment dire bien ce qui tient tellement à coeur?