Un matin que j'avais passé une nuit blanche, et courte, et trop longue, et triste et trop noire, je me suis levée avec le coeur comme ça :
Il y avait de la glace à l'intérieur de moi, elle avait recouvert mon foyer, des murs jusqu'au toit, de l'herbe jusqu'aux arbres.
Un feu n'y a pas suffit.
Un café n'a rien fait.
Un chat, miaulait.
J'en ai pris mon parti.
J'ai bu du petit lait.
Mangé mon pain frais.
Le chat et moi, on a discuté.
Il s'enroulait entre mes jambes, il aurait été chien il m'aurait tendu sa laisse.
Il griffait mon pantalon, il aurait été chien, il m'aurait aussi léché la main.
Mais les chiens ne font pas les chats, je lui ai dit.
Je suis sortie.
Il m'a suivie.
C'est comme ça les chats parfois, ça fait le chien, rien que pour voir jusqu'où ça va loin.
Je suis allée là :
Le chat m'a dit, c'est qui ces trois vieilles qui papotent au milieu du chemin?
Elles faisaient des gestes avec leurs bras, elles étaient sèches comme des bouts de bois, elles n'avaient pas l'air d'avoir froid, elles se figeaient au son de nos voix, au chat et moi.
Je voulais faire feu de tout bois, je voulais qu'elles me disent enfin qui je suis, qui je deviens, qui je serai, si ça valait la peine tout ça.
La peine.
Les vieilles ont dressé leurs branches, toutes droites, et en haut, et à gauche et à droite, et en bas aussi parfois.
Puis elles se sont tues.
Dans le silence le chat a entendu le chant de l'oiseau, sur la plus haute branche, un rossignol sans doute, mais je ne voyais point de fontaine, ni de coeur à rire.
Ah si, me dit la vieille la plus vieille, regarde, ces deux là, comme ils s'aiment :
J'en ai eu des frissons d'aise.
J'en avais à pleurer.
Avec ces deux là qui s'aimaient sous un ciel embarrassé, ils en devenaient flous, ils en devenaient fous.
J'ai préféré les laisser s'embrasser, s'emmêler, adoubés par les éléments cléments.
J'ai marché encore, avec le chat qui faisait grise mine de l'eau salée, et des ajoncs gelés.
On a fini par trouver refuge sur une île qui faisait face au sentier des douaniers morts et enterrés depuis des années, même qu'on ne les a jamais retrouvés.
Je me suis endormie, le chat sur mon bras, qui ne demandait que ça.
A mon réveil, la chanson Marlène de Noir Désir me sonne aux oreilles comme une urgence.
Il est question de vie ou de mort, il est question d'amour qui coule et de combats, il est question d'en sortir, de soldats qui s'endorment et s'apaisent dans le creux de tes bras, de ta voix, de tes bas.
C'est bien ma veine.
Ma guerre est au dedans de moi.
T'es pas d'accord le chat?
Noir Désir : Marlène
C'est très beau ce conte, tout comme ces chênes enlacés.
RépondreSupprimer"le sentier des douaniers morts et enterrés depuis des années, même qu'on ne les a jamais retrouvés." Excellent !
Merci grand frère.
SupprimerIl y a parfois des contes autobiographiques avec des chats complices. Méfie-toi de ces chats de la Ria qui font parfois commerce avec le diable.
SupprimerMarcus (druide rétais)
Magnifique, très chère....
RépondreSupprimerTrois mots dont je prendrai grand soin, merci monsieur :-)
SupprimerCette nuit, avec tes mots, tu m'as emportée loin, si loin en moi... je dors pas, comme tu vois,j'erre dans ton forêt comme les "iele" de notre folkore, je vais allumer un feu et danser autour.Et demain ? J'ai même pas de chat. Juste ta musique.
RépondreSupprimerPour les douaniers, je tiens quelques infos de mes aïeux naufrageurs...
RépondreSupprimerIls ne sont pas venus jusque la tes aïeux c'est bien trop au sud!
Supprimerbon sang, ce texte est sublime ! Et les photos tout autant ! Sont-elles de toi ?
RépondreSupprimerMais je me permet un lien au boudoir vers ce billet qui m'enchante littéralement.
Pakita merci. Toutes les photos de ce blog sont de moi sauf quand je précise :-). C'est sur ma presqu'île hier matin que je les ai faites ;-). Grosse bise
SupprimerUrgence
RépondreSupprimerEt les matinées blanches
Où sont les anniversaires de la vie qu'on veut ?
ici bas
ici bas
Ici bas, ce jour là, la brume rendait doux le moindre tracas :-)
SupprimerMmmmmh je me vautre dans cette belle page, et je ronronne
RépondreSupprimerMiaouuuu de chez moi à chez toi...
SupprimerTe dire encore une fois que c'est un plaisir de te lire et ce roman photo vraiment, c'est une belle réussite !
RépondreSupprimerBon dimanche Tifenn
Merci Chriss à dix milles km qui écoute la même chose que moi :-))
SupprimerTu me fais penser à quelques aventures de chats vues. Celui de mon frère, qui n'hésitais pas à monter sur le réservoir de la moto pour l'accompagner quand il allait faire des courses au village en Cévennes, à 10 kms de là. Ou celui de mon ami, qui s'insérait dans la procession : le bouc, puis les chèvres, le chien, Jean-Jacques et enfin le chat :D
RépondreSupprimerJe trouve tes photos magnifiques, elles restituent parfaitement l'atmosphère hivernale dans notre beau coin.
Et très joli texte. Merci