28.4.11

L'oiseau des mers.

L'air est doux. 
Seuls, les cris des enfants tentent de faire croire au ressac qu'il y a plus fort que lui.Tu regardes le ciel, la mer, les toits des maisons, noirs sur façades blanches, très blanches au soleil qui s'y reflète. 
S'il y a bien des endroits que tu aimes, il en fait partie. Juste du sable, un carré de ciel et le bruit de l'eau. Tu crées ta bulle, avec le battement de coeur de l'océan. 
Il y a l'oiseau. Cet oiseau-là.


Si tu ne l'as pas vu voler, tu ne peux pas savoir à quel point il est difficile de fixer son image. Toujours en mouvements. Toujours gracieux. Une danse. Tu aimes y voir le Paille-en-queue de là-bas, cet endroit où tu as été une autre. A cause des pointes à l'arrière, qui s'effilent dans la lumière du couchant.
C'est un chasseur, un conquérant, c'est Une, parce qu'on lui donne du madame, on dit LA Sterne, l'hirondelle des mers. Elle file, avec le courant, un poisson sans doute a éveillé son attention, elle plane un instant, battant des ailes comme le faucon, et elle se laisse fuser, comme une flèche, tu as le temps de voir l'éclaboussure de sa chute dans l'eau salée et déjà elle est revenue dans le lit du ciel, fine, élancée, joueuse.
Tu prends mille clichés, en espérant qu'au moins une photo...tu en as quelques unes, de loin, parce que la limite de ton oeil objectif très subjectif.
En attendant de savoir, tu te laisses aller au repos. Tu regardes au sol. Ce sable grossier, composé de millions de grains ronds, plats, toujours doux. L'homme à côté de toi compose des piles. Tu l'imites.
Tu imagines les gestes millénaire des doigts dans le sable, ces gestes mécaniques, que tu fais sans réfléchir, qui finissent par polir le bout de tes doigts, comme pour adoucir aussi, le bout de ta vie.
La lumière encore, la lumière toujours, la rondeur, l'éclat, la couleur...
Et voilà.


Ce sont des moments comme ça. 
Où voler et ratisser, c'est doux, comme un soir d'été. 

25.4.11

I did it!

Elle a dit, on se retrouve chez K. vendredi soir, à 19H, c'est la maison en bois derrière la poste. Tiens, une maison en bois? moi aussi!
J'y étais vers 19H15, l'horaire était flottant, d'ailleurs K. n'était pas encore là, mais G. est arrivée en même temps que moi, ouf, c'était la bonne maison. Quand tout le monde a fini d'arriver, on était 6.
Le temps qu'on s'y mette, on avait goûté le vin de noix apporté par F. qui le fait elle-même.
Il faisait beau, chaud, le jardin était accueillant avec sa table, ses bougies, le hamac...
Le petit poste posé sur un rebord de fenêtre a donné de la voix...nous nous sommes échauffées, un peu, entre les rires et le vin de noix, avait-on besoin d'avoir encore plus chaud?
Pendant plus d'une heure nous avons dansé dans le jardin. Pieds nus dans l'herbe, de temps en temps un caillou, une pomme de pin, le plus souvent la fraîcheur.
Danser dehors, la danse africaine en plus, qui est toujours en lien avec la nature, dans le jardin d'une maison en bois, ça avait quelque chose d'évident et d'exceptionnel à la fois. Nous étions bien.
J'étais ravie, moi, qui n'appartient pas à ce groupe de danseuses confirmées, d'avoir été si bien intégrée. Elles m'ont fait de la place, sans m'exclure, avec un naturel déconcertant, j'en suis toujours émue.
Le soleil a lancé ses derniers rayons au moment des étirements, et nous nous sommes reposées autour de la table, encore une fois. Je n'ai pas vu qui a allumé les bougies, je tentais de suivre les conversations, et puis il y avait cette chouette qui hululait, sauf que ça ne faisait pas d'autre bruit que celui d'une courroie d'alternateur ayant besoin d'être changée.
L'homme de la maison (le pauvre) a offert le vin de pêches de ses parents. Oui oui oui...c'était une soirée sympathique, je te dis. M'enfin, au final, un verre de chaque seulement, je conduisais moi.
Le lendemain on devait se retrouver à 14h à Auray. Pour se mêler à la foule du carnaval. Je n'avais même pas peur, les autres non plus je crois, parce que l'ambiance. Elle était si bonne, on savait qu'on était là pour s'amuser, sans se prendre au sérieux, et c'est ce qui s'est passé. On s'est un peu grimées, on a revêtu les pagnes et les foulards, j'avais décidé de rester pieds nus parce que je n'avais jamais dansé avec quelque chose aux pieds, même si à la maison on m'a dit que j'étais déraisonnable, le goudron etc...
On savait qu'il ferait chaud. En fait on a eu très chaud, quasiment tout de suite la bouche en carton.
Je crois que je n'avais pas peur parce que je ne connaissais personne. Et puis, ultra concentrée pour suivre notre belle prof, légère et gracieuse, qui nous mettait des pas que je n'avais jamais appris.
La difficulté a été d'adapter nos chorégraphies au trajet, avancer alors que c'est un pas qui recule, avancer encore quand c'est un pas qu'on fait en fixe. Les percussions nous suivaient, des élèves aussi...Trois fois on s'est mises en demi-cercle pour faire nos sauts, nos pas, nos chorégraphies répétées la veille dans ce jardin aimable.
Sauf que là, on buvait des litres d'eau.
A la fin, une pluie d'orage nous est tombée dessus, parfaite.
Nous avions dansé deux heures dans les rues, on était en bien grande forme, ravies, contentes.
Fallait que je rentre, des Zôtes arrivaient, mais comme j'ai passé un bon samedi!



21.4.11

Résister.


C'est un océan. Noir. De la lave, crois-tu. Comme ce jour où tu as arpenté la caldeira du Piton de la Fournaise, le volcan que tu as vu dans tous ses états, dont la lumière faisait face à celle du soleil couchant, certains soirs, facétie de volcan sans doute. J'exagère, tu n'as pas vu le volcan dans tous ses états. Tu l'as vu de nuit et puis un jour entier tu en as fait le tour.
C'était un jour exceptionnellement bleu, et tu es rentrée avec les jambes rouges. Tu avais prévu ce qui est souvent prévisible à 2600 m d'altitude, soit des nuages et du vent. Tu as eu soleil et beau temps.
C'est un océan noir, et tu marches, des années plus tard, sur cette roche brune, qui éteint presque la lumière du ciel, qui en avale la couleur, mais toi, tu t'en balances, puisqu'un bref instant tu t'es crue ailleurs.
Tu regardes où tu poses tes pieds nus, aux ongles peints, c'est la saison qui veut ça, et puis bientôt ce sera la seule couleur sur le goudron noir de la ville, quand tu vas essayer de bondir pour attraper les branches, ou courir entre les gouttes de pluie.
Ton appareil photo en bandoulière, tu es prête. C'est un jour d'avril, où la mer, loin, s'est retirée,  pour découvrir ce monde abrupt, tranchant, tout entier fait d'ombres et d'ombres plus noires encore.
Tu vois deux ou trois taches de couleurs vives. Tes enfants. A la recherche de trésors improbables, de grottes oubliées, d'os de dinosaure ou encore d'arbres fossilisés. On ne sait jamais.
Sous tes pieds, c'est chaud. Le soleil a donné de ses rayons, généreusement. Les flaques d'eau claire sont tièdes. Un court-bouillon pour petit poisson.
Tu continues de marcher. Tu ne réfléchis à rien. Ou plutôt, l'esprit se déroule tout seul, enfin au repos. Rares moment où tu as le droit de ne penser à rien. D'oublier. Et ne rien faire d'autre que laisser ce qui t'entoure entrer en toi, imperceptiblement. Un souffle qui détourne ta tête, une  couleur vibrante qui se tend vers toi. Oui. Tiens, une couleur dans cet mer noire.
Tu es bien éloignée du rivage. Loin sur les rochers nus et arides. Tu ne t'y attendais pas. Mais au milieu de cette nuit de pierres, une fleur,  puis mille.
C'est un petit sommet, qui s'échappe hors de l'eau à marée haute. Hors-d'eau. Plein d'air. Il est couvert de ce lichen jaune si particulier, et de toutes ces fleurs déjà en bouquets.
Tu as l'impression que les pierres fleurissent.
Et tu es émue de constater que la nature partout est la plus forte. Comme si la vie.

Quelques pas...


Impossible de trouver cinq minutes, entre un rayon de soleil et un autre. Et puis c'est bientôt les vacances. On se sent déjà en vacances, avec ce bleu là.
Je voulais raconter la suite de la chasse de l'oiseau, rappelle-toi, quand j'ai tué l'oiseau une première fois. J'avais dû rater mon coup, parce que je n'avais pas encore fêté ça.
Depuis j'ai pris de l'assurance. Malgré les lundis de vacances et les lundis de pneumonie. J'ai appris à faire des bonds, encore plus haut, même si lever ce qui me sert de coussin d'assise, n'est pas toujours chose facile, et même si je n'ose pas regarder dans les miroirs de la salle quelle allure j'ai.
Juste assez pour voir que je suis rouge et trempée. Juste assez pour voir qu'avec les autres filles, on ressemble à un groupe, qui s'amuse de plus en plus. D'ailleurs, les moins motivées ne viennent plus. C'est vrai qu'une heure en moins c'est un acquis de moins et à force, il y a des tas de pas qu'on ne sait pas et on ne peut plus aussi bien rattraper les autres.
Ainsi, je tuais l'oiseau. Un grand, assurément, puisque mes bras battaient l'air et mes jambes sur les pointes, s'avançaient au milieu du cercle, un étang nourrissant.
Et puis, je disais merci. Et puis, les pas qui commencent à se faire joyeux, après que tu as attaché à ta taille, la dépouille de l'échassier. Et tu sais comme la joie est grande de rapporter de quoi manger. Alors, un bond à droite et deux petits pas, un bond à gauche et deux petits pas, et encore, et encore, pendant que tes bras, tes mains, tapent le djembé.
La joie est encore plus épuisante que la chasse crois-moi. On dirait un sprint, une course rapide, où chacun de tes membres bouge, vole, saute, en rythme des percussions déchaînées.


Ensuite, notre prof nous a parlé du carnaval d'Auray. Et demandait qui voulait y participer. Carnaval, déguisement, donc cachée, j'ai dit, oui! Malgré les zotes qui arrivent. Malgré la trouille. On était quatre à s'inscrire.
Alors, on était invitées à répéter au cours d'après, celui des "grandes, celles qui ont plus d'heures dans les jambes que nous, jusqu'à dix ans.
Finalement, les autres de mon groupe ce sont désistées, empêchées par la vie qui court.
Je me suis retrouvée seule lundi dernier,  deux heures et demie de danse africaine. Je suis passée de la bouteille d'eau de 30cl à celle de 50 et j'aurais bien eu besoin d'1l !
Je recommence vendredi soir.
Parce que c'est samedi. Après demain.
J'ai un joli pagne et un foulard. Mais ça, tu ne verras pas...parce que je ne prendrai pas de photo!
Avec les grandes, j'ai appris une nouvelle chorégraphie, sans histoire, juste pour le geste. Des bonds (paniers de basket), des "donne, prend", des petits sauts genre gavotte, et les bras qui s'ouvrent, amples. J'aime bien cette deuxième  choré là, car elle plus rapide et plus envolée. M'enfin, je la rate encore. Quand ça se produit, louper un temps, faut attendre deux ou trois temps pour reprendre le pas dans le bon sens. Pas simple.


En attendant samedi, nous nous baladons, nous faisons des photos, et je dois écrire aussi sur la façon qu'ont les pierres de fleurir.
Demain peut-être?

18.4.11

Rosa Candida, livre de ces trois jours-là...

Pour partir en voyage, il suffit de prendre un livre. A mon amie qui me demandait quelle heure est-il alors que je lisais, je répondais l'heure du livre et pas celle du monde réel.
Toujours un livre, jamais d'ennui.
Quand je pars en voyage, il y a toujours un livre.
Cette fois-ci, j'avais pris Brunetti dont il me restait quelques pages à finir. Ce qui fut fait, avant même la fin du premier soir, puisque souvent il y a le soir et puis le début de la nuit.
L'autre jour, j'avais été contrainte (ah ah ah) et forcée d'aller faire un tour dans ma librairie préférée, puisque le livre que je comptais offrir était déjà en la possession de celui à qui.
C'est la couverture qui m'a attirée.
Comme le tissu d'une improbable robe que je ne saurais jamais coudre (tiens, au fait j'ai un ourlet de pagne à faire, me voilà bien embêtée, si, si), ou bien comme le rappel de la tapisserie qu'on avait arrachée des murs de notre premier appartement, j'ai vu les ronds colorés.
En parlant d'appartements (aujourd'hui je vais digresser), j'ai reçu ma première convocation de Pôle emploi à un appartement que j'ai occupé à Brest, il y a 12 ans. C'était rue Alsace-Lorraine, quartier Saint-Pierre pour ceux qui connaissent, qui a précédé la Rue de la Tour, Tour Tanguy, à Recouvrance, notre dernière occupation brestoise. Mais ils auraient pu l'envoyer aussi rue Charles Berthelot, ou bien rue Bugeaud, ou encore Rue Magenta et pourquoi pas, tant qu'à faire, Rue Jeanbon Saint-André. Puisqu'en résumé, du haut de la Rue Jean Jaurès, en passant par Saint Martin et Kerinou, je suis allée à Recouvrance, et Saint-pierre, pas mal de quartiers au fianal. Ils ont eu de la chance de me trouver pas vrai?
Bref, revenons-en à ma tapisserie.
A Dialogues, j'ai acquis ce petit bouquin coloré, aux pages très douces, pas râpeuses comme les P.O.L. ou les poches. Non, douces.
Comme l'histoire. Une sorte de roman d'initiation d'un jeune garçon innocent, mais pas tant, puisqu'il a fille conçue, dans une serre, où des roses, plein de roses. Il se rend dans un monastère, reconstituer une roseraie dont il a entendu parler par sa mère alors qu'il était tout petit.
C'est tendre, c'est beau, pas besoin de savoir où se trouve le monastère ni comment il y va, cette histoire pourrait s'appliquer à n'importe quelle époque, dans n'importe quel lieu.
Un livre qui donne le sourire et de la confiance en l'espèce humaine.
Je ne t'ai pas dit quoi?
Ben, c'est parce que je suis bien incapable encore de me souvenir exactement du nom de l'écripasvaine, islandaise, je vais vérifier quand même. Audur Ava Ólafsdóttir. (Fille de Olaf donc, si je me souviens bien d'Arnaldur...)
Le roman est du nom de la rose, Rosa Candida...
Je vais m'intéresser de plus près à cette maison d'édition...Zulma.

Quand vous partez quelque part, vous prenez un livre? un bouquin? rien?

13.4.11




Quelques jours d'absence, en amoureux, sur le bord de l'eau...
De la musique imposée, si vous ne voulez pas le son, faut couper.
Mais se priver des mots de Dick, ce serait dommage...
A bientôt!

11.4.11

Brest, La Blanche...



Souvent, nous rentrons "chez nous". Dans ce département du bout du monde, celui qui donne son nez à la France, cet endroit d'où l'on peut croire que la terre est ronde, ou bien que l'horizon est à ta porte.
Vivre là-bas, c'est ne pas avoir de frontière. C'est toujours avoir la sensation que quoiqu'il arrive, on peut s'échapper. Puisqu'il n'y a pas de murs. Pas de montagne qui empêche l'air de circuler. Et toi, de prendre le large.
Si tant est que la terre fait l'homme, c'est ma façon de comprendre pourquoi le Breton est voyageur. 
Souvent, si nous rentrons chez nous, c'est pour nous rendre dans la famille. D'un bord et de l'autre, l'armor et l'argoat. 
Mais rarement, voire jamais, nous ne retournons dans la ville qui nous a fait "nous" lui et moi, la ville où les ponts nous font battre le coeur, où les rues soufflent un vent d'ouest formidable, où la place de la liberté est de granit, forte, fiable et lumineuse.
Je suis allée dans mon QG d'antan, l'endroit où je me sentais chez moi, bien, entourée de ces livres qui sont des murs, une maison, la librairie la plus intelligemment conçue que je connaisse, Dialogues. 
Tu entres, l'odeur te prends le coeur. Tu te souviens de ces heures passées à lire sur les canapés bleus, rayon Bandes Dessinées. Des livres compulsés sur les table Le Corbusier, des cafés bus, avec d'excellents gâteaux, en bonne compagnie. Ton regard porte sur l'amas des livres, tous ces livres, que tu voudrais rien qu'à toi, que tu es contente de ne pas avoir encore lus, parce que c'est un plaisir de savoir qu'il y a encore tant à découvrir.
Et puis, tu montes à l'étage (par commodité tu t'es garée comme avant dans le petit parking du bas), et les portes coulissantes te font déboucher sur la rue de Siam.
Rue venteuse s'il en est.
Tu t'attends à retrouver les fontaines, les arcades, et tu vois des trous, des grues, des engins de chantier, des rails enterrés, le futur tramway. La rue est comme élargie, plus aucune voiture n'y circule.
Tu es dans un immense couloir,  et tout au bout, les grues géantes. Que font-elles là? 
La vue est totalement dégagée vers la mer. C'est bleu aujourd'hui. C'est blanc. 
Brest la grise est devenue blanche et nue. C'est une page vierge où commencent à s'écrire les mots d'une ville en devenir. Il ne reste depuis longtemps presque plus rien d'une ville ancienne, rasée par les bombardements de la guerre. La Tour Tanguy, à l'angle de l'immeuble où nous avons vécu avant de partir dans le sud, le sud Bretagne, les bateaux militaires le long de la Penfeld, et le pont de Recouvrance, emmailloté. Que lui font-ils à ce pont qui se lève de temps à autre pour laisser passer des bateaux trop haut? S'illumine t-il toujours de bleu à la nuit? 
Je ne reconnais plus la ville de mes années studieuses, presque studieuses, mais je devine qu'elle va encore grandir, devenir une autre tout en restant la même. Brest ne peut pas avoir peur des changements, elle vit avec. 
Alors, j'ai voulu la montrer à l'homme, qui lui non plus, n'avait rien vu.
Nous sommes revenus sur nos pas, le soir. Avons franchi les portes du cinéma. 
"Tous les soleils". Voilà un film qu'il fait du bien de voir. Frais. Tendre. Et où tu entends chanter l'italien, rien que ça... La tarentelle a résonné dans ma tête longtemps après...
Et puis, nous sommes descendus. Le port de commerce, là où les "jeudis du port". Brest 96, 2000 et les autres. La fête, les vieux gréements, les bateaux de toute taille.

L'Abeille Bourdon en lieu et place de l'Abeille Flandres. 
Un nouveau port de plaisance, pour nous une surprise totale, le plaisir de longer la très longue digue qui protège les beaux, très beaux bateaux de l'ancienne base navale, là où parfois nous avions le droit d'entrer justement pour faire de la voile avec les "militaires". 
J'ai pris un grand plaisir à faire des photos, posant l'Apn sur les murs en pierres ou sur la rambarde métallique.
Ce samedi soir, j'ai oublié les matins gris carrés dans mes fenêtres de studio. 
J'ai juste un peu rajeuni, et puis vieilli aussi. Puisque rien n'est immuable, que tout change...et moi aussi.

Sur les photos : l'Abeille Bourdon, La Recouvrance (le bateau cette fois), le Château, et le port...

8.4.11

Une journée de Printemps...





Hier, c'était comme l'été. On a marché dans le jardin, puis dans la ville. J'avais l'appareil en bandoulière, comme une touriste. Je suis une touriste chez moi, parfois. Il y a encore tant de choses que je n'ai pas vues, remarquées.
Hier, c'était l'été. On a eu chaud, enlevé nos pulls légers, émis l'idée d'aller se baigner, avec un sourire incrédule. Pourquoi pas?
Il faisait si chaud. Et puis un vent doux, tiède, juste le vent du bord de mer.
Même si en ce moment dans la campagne, les odeurs ne sont pas douces. Mais âcres. Désagréables. Les champs sont noirs, ils tranchent contre le vert tendre des pousses nouvelles, et le jaune d'or des champs de colza, de plus en plus par ici. Je ne m'arrête pas encore pour prendre ces couleurs là. Je devrais, c'est beau. Vert, jaune, bleu. Un arbre parfois.
Ce matin, les oiseaux s'ébattent dans les branches. Ils pépient plus fort que jamais. Ils nous disent de sortir.
Alors, nous allons quitter la ville pour les champs, entrer dans un  sentier qui coupe une forêt. Tenter de trouver le bord de mer. Marcher. Profiter de ces journées chômées pour se retrouver à deux, comme dans l'ancien temps, celui d'avant les enfants.
Se dire encore une fois qu'on est pas malheureux.

5.4.11

"J'ai dix ans..."


Un jour, j'ai eu 10 ans. C'était en 1982.
Je n'ai jamais oublié.
Pas pour les tartes à la récré, je ne me souviens pas des récrés de mes 10 ans. Non.
C'était les vacances. C'était le printemps. On avait déjà fouillé dans le jardin pour les oeufs de Pâques. C'était d'ailleurs un beau jardin, de belles vacances. J'étais amoureuse d'un blond plus vieux que moi d'au moins trois ans, et je me faisais des films. Les vacances que je passais avec lui, sa soeur et leurs parents. De belles vacances, desquelles je me souviens par images instantanées, des moments fugaces, des sourires et des émotions.
Un jour, nous avons fini le trajet de la Somme vers la Bretagne, en descendant cette route que je connais par coeur, depuis je l'ai même descendue en rollers (avec un autre amoureux...), et nous nous sommes garés dans la cour de la maison-qui-n'existe-plus-mais-qui-ressuscite-en-ce-moment-même.
Je crois que la voiture était noire.
Je crois que la façade de la maison était grise, un crépi qui laissait parfois entrevoir la pierre. Restait-il encore le rosier grimpant? Je suis descendue de la voiture. De l'arrière. Sans détacher la ceinture puisqu'à l'époque ce n'était pas obligatoire, ni même seulement suggéré.
J'ai vu Mamie. Ma grand-mère. C'était des vacances où on passait du temps chez les grand-mères.
Son chignon était aussi noir et bien fait que de coutume. Ce rouleau qui lui faisait le tour de la tête, avec ce bon mètre de cheveux qu'elle n'a jamais eu blancs.
Je devais être presque à sa taille du haut de mes dix ans. Mamie n'était pas grande. Elle sentait l'eau de Cologne. Je le sais, parce qu'elle me serrait dans ses bras à chaque retrouvailles. Tout à coup je réalise que je ne me souviens plus du son de sa voix. Il me semble qu'elle était toujours un peu essoufflée. Ce qui ne l'empêchais pas d'avoir du coffre lors de nos disputes...
Je devrais pourtant me rappeler l'intonation de ce qu'elle m'a dit ce jour-là. Parce que je n'ai pas oublié le bond que mon coeur a fait et la joie que j'ai ressentie.
Est-ce que les enfants ressentent toujours cette joie-là, à l'annonce de cette nouvelle? Est-ce une émotion universelle?
Mon coeur a fait un bond quand Mamie a prononcé, avant même de me dire bonjour et de m'embrasser,
"Tu as une petite soeur".
Je n'ai jamais oublié ce moment. De ma part c'est rare, de me souvenir à ce point.
Ma petite soeur, cadeau de mes dix ans.
Elle est vieille comme moi maintenant. Elle a 29 ans aujourd'hui. Bientôt 30. Elle est maman aussi. Elle a bien changé depuis les heures où je lui appliquais une pièce de cinq francs sur son nombril. Depuis le temps où elle se vautrait sous l'oeil bienveillant de Letchis, dans les quelques 5 ou 6 chiots de bergers allemands. Elle a même survécu à l'administration d'un sirop qu'elle avait bu pour jouer alors qu'elle était sous ma surveillance...
Tiens, regarde, une photo. Tu sais ce qui est marqué au dos de la première? "photo pour rassurer Mamie"...ben oui, Mamie, elle avait peur pour nous, dans ce pays si loin...
Pays du bonheur, pourtant.

Aujourd'hui, je vais faire l'escargot...il filait vite ce matin, sur la feuille verte...


BON ANNIVERSAIRE SOEURETTE (et Roréa...et les filles d'avril)

4.4.11

J'avais pris un bouquin...


Sur ma table de nuit, une pile de livres. Ceux déjà lus, ceux à lire, et celui en cours. 
Ma veste sur le dos, je suis montée vite fait le prendre, retenir la page, et le fourrer à côté de l'Apn dans mon sac à dos. Rose, le sac à dos.
On avait tout défait et tout refait dans la chapelle le matin même. Histoire de ne pas voir les dos des cadres du voisin encadrer les cadres de ton oeuvre d'art à toi et vice-versa. Tu vois? 
Autant dire que j'avais zappé le vernissage à la salle Emeraude, qui n'a rien d'une pierre précieuse, sauf par ce qu'elle contient parfois.
Puis j'avais du monde à la maison. Puis j'attendais des Zotes. Fallait donc bien que tout soit prêt. 
Quand même, on était assez contents d'avoir réussi à caser tout le monde, sans que personne n'occulte personne, et permettant une circulation relativement fluide, sauf quand il y avait des bouchons.
J'avais pris mon bouquin. Page 208.
Donna Leon, tu connais? Elle raconte les aventures du commissaire Guido Brunetti. Celui qui vit à Venise et connais les ruelles comme sa poche. Et aime bien manger. Et qui a une femme superbe, avec un caractère au moins aussi breton que le mien, qui s'appelle Paola. (Oui, tu comprends le pourquoi du Paola, il vient de là).
Je m'étais dit, au cas où. Des fois que. Sait-on jamais. Parce que j'ai horreur de m'ennuyer, et avec un bouquin je ne m'ennuie jamais. Enfin, en même temps, je crois qu'un bottin m'ennuierait.

(tu peux cliquer et agrandir; les gravures de Leïla Damak et mes photos)

C'est moi qui avait les clés, alors je devais être la première. Mais ça n'a pas toujours été le cas. Parfois, des curieux attendaient à la porte close de la chapelle!
J'ai ouvert. Cette fois, du premier coup, et sans que la poignée de l'autre côté, ne tombe. 
Avec trois rallonges de 25m, on avait mis les spots de la chapelle en fonctionnement. C'était mieux, vu le jour gris.  Leïla avait apporté du thé. Pierre, des pâtisseries marocaines. 
Du moment où on a ouvert jusqu'au dernier soir, il y a toujours eu un visiteur. Ni Leïla ni moi ne nous sommes assises. Leïla fait des gravures. Je ne savais pas avant ce jour, ce qu'était une gravure. Maintenant je sais par coeur, parce que Leïla, Leïla Damak, avec toujours autant de passion, a expliqué à tous ceux qui lui posaient la question, tous donc, comment elle faisait. Quand elle n'était pas là, j'avais eu le temps d'apprendre le discours, et répéter à ceux qui me posaient la question. Tu sais quoi? je trouve très intéressant la gravure. J'aimerais bien voir agir la presse, et puis le geste de la main qui manipule la pointe, ou bien le vernis qui peint le dessin pour la technique de l'eau-forte. Et puis l'application des encres, plus ou moins liquides, les couleurs. 
Je crois que je vais ouvrir un blog à Leïla!
Je te parle de Pierre. Pierre Bellot. C'est mon "patron", puisque j'ai fait quelques heures de secrétariat pour lui. Il est peintre de la bouche. Il est connu. A l'habitude des expos. C'était bien d'avoir son avis. Tu trouveras sa biographie sur le net, et tu verras que c'est un type très fort. (faudrait un blog à Pierre aussi, je crois...)
Il y avait aussi des voisins qui exposaient leurs tableaux à l'acrylique. Ceux qui tenaient la crêperie près de chez moi. Ils y sont encore, pour aider leur fils. M. et Mme Le Floch. Avec un nom comme ça, certain qu'ils ont des origines finisteriennes!
Et puis un sculpteur sur bois. Serge Tiemey. Avec qui on s'est rendu compte qu'il aurait pu connaître mes parents, etc etc...avec qui on s'est rendu compte que le monde est tout petit petit.

(Tableaux huile et encres de chine de Pierre, tableaux acryliques de Loïc et Annick Le Floch, Sculptures de Serge Tiemey)

J'avais pris mon bouquin, et je n'ai pas ouvert mon sac à dos rose une seule fois. 
Puis, il y a eu le dimanche. Le soleil enfin en milieu d'après-midi. Parfois, j'avais l'impression d'être à un mariage. Parler. Parler à tout le monde. N'oublier personne. Ceux qui viennent pour toi. Ou parce qu'ils te connaissent. Pour te faire plaisir. Pour passer un petit bonjour. Une ancienne collègue, un blogueur qui ne vit finalement ni au Canada, ni en Belgique, mais dans le Morbihan. La famille. Les amis d'ici. Que des bonnes surprises. 
J'avais les jambes cassées, mais le coeur comblé. 
J'ai appris beaucoup. J'ai aimé beaucoup. Je crois que tout le monde sera d'accord pour dire que ces deux jours d'expos entre les différents lieux, ont été un succès. Le temps a été avec nous. Et les Locoalo-Mendonnais aiment l'art et la culture. 
Beaucoup ont été surpris d'apprendre que leur voisin faisait de la peinture, de la sculpture, des gravures...Il y a eu des rencontres et des échanges. On se reconnaîtra mieux en se croisant dans les rues, on se fait la bise, on se tutoie. Tous potes. 
Ah ah! Pourvu que ça dure!