Souvent, nous rentrons "chez nous". Dans ce département du bout du monde, celui qui donne son nez à la France, cet endroit d'où l'on peut croire que la terre est ronde, ou bien que l'horizon est à ta porte.
Vivre là-bas, c'est ne pas avoir de frontière. C'est toujours avoir la sensation que quoiqu'il arrive, on peut s'échapper. Puisqu'il n'y a pas de murs. Pas de montagne qui empêche l'air de circuler. Et toi, de prendre le large.
Si tant est que la terre fait l'homme, c'est ma façon de comprendre pourquoi le Breton est voyageur.
Souvent, si nous rentrons chez nous, c'est pour nous rendre dans la famille. D'un bord et de l'autre, l'armor et l'argoat.
Mais rarement, voire jamais, nous ne retournons dans la ville qui nous a fait "nous" lui et moi, la ville où les ponts nous font battre le coeur, où les rues soufflent un vent d'ouest formidable, où la place de la liberté est de granit, forte, fiable et lumineuse.
Je suis allée dans mon QG d'antan, l'endroit où je me sentais chez moi, bien, entourée de ces livres qui sont des murs, une maison, la librairie la plus intelligemment conçue que je connaisse, Dialogues.
Tu entres, l'odeur te prends le coeur. Tu te souviens de ces heures passées à lire sur les canapés bleus, rayon Bandes Dessinées. Des livres compulsés sur les table Le Corbusier, des cafés bus, avec d'excellents gâteaux, en bonne compagnie. Ton regard porte sur l'amas des livres, tous ces livres, que tu voudrais rien qu'à toi, que tu es contente de ne pas avoir encore lus, parce que c'est un plaisir de savoir qu'il y a encore tant à découvrir.
Et puis, tu montes à l'étage (par commodité tu t'es garée comme avant dans le petit parking du bas), et les portes coulissantes te font déboucher sur la rue de Siam.
Rue venteuse s'il en est.
Tu t'attends à retrouver les fontaines, les arcades, et tu vois des trous, des grues, des engins de chantier, des rails enterrés, le futur tramway. La rue est comme élargie, plus aucune voiture n'y circule.
Tu es dans un immense couloir, et tout au bout, les grues géantes. Que font-elles là?
La vue est totalement dégagée vers la mer. C'est bleu aujourd'hui. C'est blanc.
Brest la grise est devenue blanche et nue. C'est une page vierge où commencent à s'écrire les mots d'une ville en devenir. Il ne reste depuis longtemps presque plus rien d'une ville ancienne, rasée par les bombardements de la guerre. La Tour Tanguy, à l'angle de l'immeuble où nous avons vécu avant de partir dans le sud, le sud Bretagne, les bateaux militaires le long de la Penfeld, et le pont de Recouvrance, emmailloté. Que lui font-ils à ce pont qui se lève de temps à autre pour laisser passer des bateaux trop haut? S'illumine t-il toujours de bleu à la nuit?
Je ne reconnais plus la ville de mes années studieuses, presque studieuses, mais je devine qu'elle va encore grandir, devenir une autre tout en restant la même. Brest ne peut pas avoir peur des changements, elle vit avec.
Alors, j'ai voulu la montrer à l'homme, qui lui non plus, n'avait rien vu.
Nous sommes revenus sur nos pas, le soir. Avons franchi les portes du cinéma.
"Tous les soleils". Voilà un film qu'il fait du bien de voir. Frais. Tendre. Et où tu entends chanter l'italien, rien que ça... La tarentelle a résonné dans ma tête longtemps après...
Et puis, nous sommes descendus. Le port de commerce, là où les "jeudis du port". Brest 96, 2000 et les autres. La fête, les vieux gréements, les bateaux de toute taille.
L'Abeille Bourdon en lieu et place de l'Abeille Flandres.
Un nouveau port de plaisance, pour nous une surprise totale, le plaisir de longer la très longue digue qui protège les beaux, très beaux bateaux de l'ancienne base navale, là où parfois nous avions le droit d'entrer justement pour faire de la voile avec les "militaires".
J'ai pris un grand plaisir à faire des photos, posant l'Apn sur les murs en pierres ou sur la rambarde métallique.
Ce samedi soir, j'ai oublié les matins gris carrés dans mes fenêtres de studio.
J'ai juste un peu rajeuni, et puis vieilli aussi. Puisque rien n'est immuable, que tout change...et moi aussi.
Sur les photos : l'Abeille Bourdon, La Recouvrance (le bateau cette fois), le Château, et le port...
Ah super visite guidée j'avais besoin de ces légendes sous photos !! C'est une ville que je ne connais pas, qui pour moi a toujours eu un caractère fort, un bout du monde et un commencement. Qui fout un peu la trouille ( j'aurais pu y bosser..?), tu te dis, Wouah, pas bretonne et vivre là bas...m'faut un breton non ?
RépondreSupprimerEt tu as eu le bleu ! pas le blues , hein ?
Je pouffe, peux pas m'empêcher. Parce que années studieuses. J'ai un peu de mal à imaginer, là.
RépondreSupprimer:-)))
Oui, le pont bleu est toujours bleu la nuit.^^
RépondreSupprimerMerci pour Brest, tes mots lui vont bien!
Laure, tout tout bleu, beau, blanc, rien que du plaisir :-) Oui, Brest a du caractère qui forge aussi le caractère de ceux qui y vivent....
RépondreSupprimerPhil, contente que tu pouffes, mais j'espère que tu ne fais pas partie de ceux qui pensent qu'à la Fac on "glande". Non. On ne glande pas. Mais on se frotte à la vie, seul, et ceux qui trouvent leur compte après la fac, sont plus fort que ceux qui ont suivi une école où ils étaient cadrés. La Fac, espace de liberté qu'il n'y a pas ailleurs. A chacun de savoir ce qu'il veut.
So' aaah, merci pour ce détail, on ne voit pas le pont depuis le port...
Puis, je crois que je n'ai pas tout dit sur Brest. C'est une ville prolixe, non?
Les Brestois se reconnaissent entre eux, ah ah ah!
Je suis d'accord avec toi sur la fac. Des lieux tellement ouverts. Pas facile mais...quand on rencontre LA Matière, LA bibi, LE bon prof...alors là...Waouh. Des lieux où, moi, je revis, je me réalise. Mais faut être vach'te mature. Après trente ans jusqu'à 85 ans...C'est the best !
RépondreSupprimerJe n'ai pas l'expérience de la fac, je ne peux donc pas en parler. Je ne sais pas trop pourquoi, mais j'ai du mal à t'imaginer studieuse. J'ai peut-être tort, hein, je ne te connaissais pas à l'époque. En tous cas, personnellement, je ne suis pas sûr que la fac m'aurait convenu. Bien trop facilement distrait, le gars :-)))
RépondreSupprimerL'étudiante éternelle, yes!
RépondreSupprimerPhil, en fait, je suis très très studieuse quand le sujet m'intéresse. Je pouvais rester des heures assise à prendre des notes sur des sujets aussi abscons qu'une lettre à déchiffrer en paléographie ou bien les Mésopotamiens. Je n'ai rien jeté. Tous mes cours sont là, sur papier (dans ma tête, y a plus rien).
Je reviens de 2H30 de danse africaine, je suis toujours très studieuse. Na.
Elles sont superbes tes photos de nuit, mais que cela reste entre nous car je ne devrais pas être là.
RépondreSupprimerHa Brest, je crois que c'est ma ville.
RépondreSupprimerJe l'aime tellement cette ville, j'y ai tellement de bon souvenir.
Nous brest ne nous a pas fait mais bizarrement tous les 2 nous y avons vécu!!!
Je me demande parfois si j'y retournerais un jour pour toujours
Marcus, merci :-). J'ai pris mon pied je dois dire...sur les murs :-)
RépondreSupprimerLa Corte, ah bon? tu y as vécu? Je ne sais pas si j'aurais envie d'y revivre, pas dans les mêmes conditions en tout cas!
Parfois, au detour d'une falaise en Bretagne, Philéas me montre l'horizon en me disant "par là, c'est Brest ! " on s'y rendra un jour, qui sait...avant que les grues ne le changent complètement. Mais ce n'est pas pour te déplaire ce changement. Ou si ?
RépondreSupprimer