30.4.12

Corsica #8 (Cap Corse, jour1)

Après avoir vu Bastia, je m'y trouvais assez bien pour ne plus trop avoir besoin ou envie de bouger. J'aurais voulu rester assise sur une place, comme celle de Saint-Nicolas, avec un livre pour faire semblant de lire et juste regarder le passant. Sans doute que si j'avais pris ce temps ou eu le temps de me poser quelque part un long moment, j'aurais pu saisir les conversations, l'accent, les bruits de tous les jours, qui ne soient pas ceux du ding ding de la porte d'une boutique de souvenirs, ou la musique de supermarché dans un supermarché.
Mais enfin, s'il ne faisait pas bien beau les jours qui ont suivis, il ne faisait pas pire, et nous pouvions envisager d'attaquer le Cap Corse en plein jour et non plus en plein brouillard.
J'avais fait une croix sur le désert des Agriates, il ne nous restait pas assez de jours. La Corse est plus grande qu'il n'y parait, tu ne fais pas comme ici 10 km en 10 mn mais parfois en 30 mn. Souvent, on ne passait même pas la quatrième pendant si longtemps, qu'il nous semblait fou de faire du 90 sur la route qui descend de Bastia vers Bonifaccio dont on a pris une portion un jour pour aller dans la Castagniccia. Mais c'est pour plus tard.
Ainsi donc, c'était au tour du Cap Corse, ce I dressé, ce manche par lequel je saisis la planche en bois que je me suis offerte pour couper le saucisson fumé au bois de chataigner, ou le Lunzo, avec la minuscule ilette qui fait le point, l'île de la Giraglia, sur laquelle se dresse encore un phare, devant une eau que tu n'imagines pas plus tropicale, au niveau des couleurs veux-je dire. Nous sommes partis de notre refuge de San Martino di Lota pour remonter le long de la côte Est, escarpée, pleine de roche ocre et du maquis, parsemée de tour Génoises. Des petits ports, des petites baies, nous imaginons trop bien ce que doit être la fréquentation de ces endroits l'été, idéalement balnéaires, avec des maisons dignes de paraître dans des films, sorte de petits châteaux, à moins que ce ne soit un rêve de paradis. On ne dit pas station balnéaire mais "marine". La route est assez facile, rien à voir avec celle de Porto ou encore celle de la vallée de la (Restonica.
Soudain je ne sais plus quand ... Restonica, avant ou après le Cap? On va dire après, histoire de commodité.)
Nous sommes sur le cap Corse, à gauche la montagne, les jolies courbes douces, vertes, dont l'éloignement se verra à la couleur des ombres en contre-jour quand nous rentrerons le soir. Ces images de gris, de gris sombre, de noir, que je suis incapable de rendre proprement encore en photo, pas faute d'avoir essayé.
Sur la droite, la mer. On distingue bien aujourd'hui les îles italiennes, dont je ne sais pas le nom sauf celle de Montecristo, attends je vais voir, ah oui Capraia, Elbe, Pianosa et donc Montecristo... La lumière éclaire l'horizon, on voit bien les arêtes montagneuses des îles, on pourrait presque deviner les maisons. Jusqu'à ce jour on ne voyait que les silhouettes à ras de l'eau. Comme à chaque fois, on s'émerveille de ce que la lumière peut nous jouer des tours.
Le trajet prend moins de temps que prévu, on décide d'aller pique-niquer sur Barcaggio. Et on se dit en même temps, avec un peu de chance on verra des cochons...
Nous voilà sur la plage de la pointe extrême. Rien à voir avec Crozon (Pointe extrême de cheunous). Ça fait un bout de temps que la route nous avait entraînés encore sur les sommets pour nous faire redescendre doucement vers ce bout de terre, par une petite route à une voiture, sans cochons.
Il ne fait pas encore chaud, il y a toujours du vent, je ne quitte pas ma parka, et puis le soleil apparaît, juste ce qu'il faut pour que les enfants aient envie de goûter à l'eau fraîche.
Bon, je vais être honnête, ce n'est pas pour ses plages que je retournerai en Corse. Elles sont belles, mais pas à tomber. C'est peut-être une histoire de météo, mais non, franchement, si on parle plage... mais je n'en ai pas vu des tas, juste quelques-unes de la haute-Corse, te fâche pas, je peux encore changer d'avis.
Evidemment, si tu te mets dos à la mer...ben y'a la montagne, et bon, oui, montagne/mer, beau mélange, pas de doute.
Après la baignade, nous voilà repartis pour la côte Ouest, c'est l'avantage des pointes, tu fais Est/Ouest la même journée. Ici, c'est le moulin Mattéi qui marque la limite.
Cette fois, je ne fais pas ma difficile, c'est clairement la côte Ouest du Cap Corse qui a ma faveur. Magnifique. Du relief, des baies improbables, rien de trop accessible, encore un coin qui se mérite.
Et je suis en amour de Centuri-port. Trop mignon. Des vrais bateaux de pêche qui pêchent, pas encore trop de touristes, bien que j'imagine que toutes les maisons qui donnent sur le minuscule bijou de port soient des gîtes. Je dis ça parce que beaucoup avaient les volets fermés.
Des surfeurs fous à l'entrée du port, avec une houle effrayante, et des bleus superbes. Prendre un café sur la terrasse, sous le figuier, alors que traîne encore une effluve de poisson grillé, et que le vent a laissé tomber la partie, au point que nous avons enfin la sensation de cuire (enfin moi, j'aime).
Nous sommes revenus vers Bastia en passant par le Col de Sainte-Lucie, ne faisant pas la balade de la tour de Sénèque, trop longue pour les petites jambes et trop tard dans la journée...
Devine.
Demain, ou un autre jour, je te fais la suite du cap Corse, même si t'en as marre, moi, ça me résume et ça me fait du souvenir pour après.



27.4.12

Corsica #7 (Bastia)

Je t'ai promis Bastia. J'avais écrit. Et puis par je ne sais quel coup du sort, mon Bastia d'origine s'est effacé.
Un peu comme les cartes postales qui sont toujours en bas. Un coup du sort aussi peut-être, le hasard d'un nombre de timbre insuffisant dans l'instant où il avait été convenu que nous envoyâmes nos cartes, rédigées sur la petite table du premier gîte. Qu'à chaque fois que je me trouvais dans les rues bastiaises, un coup du sort me fit perdre la présence d'esprit de chercher un buraliste, voire une poste, pour m'enquérir des timbres indispensables au voyage, tout comme le serait un bateau ou un avion. Sans doute que le sort encore voulut me perdre à errer le nez en l'air, attiré par les façades, les couleurs, la vie citadine et multiple de cette ville que je ressentis comme un savant mélange de vieux et de neuf, de cultures variées, de parfums, de bruits, de secret assemblage qu'une touriste d'une semaine ne serait pas à même de démêler, et tant mieux, Bastia me garde son mystère, je ne l'aime que plus.
Alors, nous avons débarqué sur elle, du haut de la montagne, ayant passé le col de Téghine dans un aveuglant brouillard, qui, par la force des sommets, s'est éclairci juste quand il fallait, nous dévoilant les toits oranges et l'étang de Biguglia encore flou, derrière nos essuies-glaces éreintés.
Une route littorale qui se multiplie en voies sous-tunnels ou en parallèle à l'air libre, nous fis un instant craindre de nous être perdus, nous faisant penser que Bastia était immense, bien plus grande en tout cas que Calvi. Il nous fallu en réalité quelques passages sur cette route pour comprendre son schéma global et ne pas nous engager plus de dix fois dans des quartiers où les sens interdits se multiplient aussi vite que diminue ma provision de Canistrelli.
Le lendemain de notre arrivée diluvienne, le soleil nous fit reprendre un peu de courage et plein d'entrain nous décidâmes de descendre dans la vieille ville, puisque "ce serait une erreur de l'éviter" disait notre routard.
De fait.
Je cesse de parler comme David Copperfield, c'est en somme assez fatiguant, je ne conjugue pas assez bien les temps pour me passer du présent.
Bastia.
Comment dire comme je l'aime sans savoir bien pourquoi, tout en sachant que cet amour pourrait être contrarié par un trop long séjour.
Nous avons commencé par trouver une place qui ne coûte pas 1,30 €, même passé 18H00, qui ne soit pas en double file sur l'avenue, n'ayant pas même osé faire comme les autres et nous placer gratuitement sur un rond-point, juste nous nous sommes accommodés d'un savant créneau, contre un mur qui ne nous permettait pas d'ouvrir la porte, dans le "faubourg" de Saint-Joseph. Nous commencions ainsi par le côté le plus "décrépi" de Bastia. Et pourtant.
Ici, le mur est vieux mais solide, il est en pierre. Il est chargé d'histoire et malgré son état tu ne peux que lui témoigner du respect. Je ne sais pas qui loge dans ces appartements délabrés, mais ils jouxtent les plus jolies façades de couleurs, verte, orange, rouge.
J'aime cette vieille ville qui donne sur la citadelle et sur la mer. Ses rues étroites, où la voiture est de trop.
Nous pique-niquons dans le jardin Romieu. Il se pare des couleurs d'un arbre de Judée magnifique, dont le mauve se pose sur le bleu profond de la méditerranée, avec un unique voilier en contrebas. Parce que nous ne voyons pas encore le reste du port. Nous enfilons l'allée de palmiers, nous remontons vers les murs saumon de la citadelle et le palais du gouverneur et nous nous perdons autour de l'église Sainte-Marie de l'Assomption, dans les ruelles qui toutes finissent par conduire à la mer, où je serais restée des heures à photographier les perspectives, les couleurs encore...
Enfin, nous longeons le front de mer jusqu'au vieux port avec l'église Saint-Jean Baptiste, à deux clochers et jaune sur fond bleu. Vieux-port, où les cafés et terrasses font tout le tour, où nous dégustons une excellente glace à la Gélateria. Je me sentais encore touriste, mais moins qu'à Calvi, parce que le nombre fait qu'on se perd dans l'anonymat, aussi.
Un jour encore nous irons flâner sur la place Saint-Nicolas et dans la nouvelle ville, là où tu trouves tout. Les gens, les boutiques, les souvenirs, tu ne peux pas éviter toutes ces échoppes de pacotilles où tu iras malgré tout te perdre parce que tu veux rapporter quelque chose, même si tu sais que rien, absolument rien, n'est fabriqué ici.
Un soir, j'irais encore seule faire un tour, appréciant de ne plus me perdre, de finir quand même par payer ces foutus 1,30 € en bas de la place Saint-Nicolas, parce que décidément se garer est difficile, léchant les vitrines avec application, oubliant encore ces fameux timbres, et finissant par passer le seuil de Mattéi, une des plus belles boutiques qu'il m'ait été donné de voir, tant par son "authenticité" (et je n'utilise pas souvent ce mot) que par son agencement. J'étais seule, j'avais toutes les vitrines pour moi, je n'avais pas mon APN et tant pis et tant mieux, je me suis restreinte au niveau des achats parce que, bon, hein, mais le rouge des boiseries, le plancher noir qui craque sous chacun de mes pas, le parfum suranné et les beaux produits qu'on y trouve, il y avait de quoi rester des heures. Mais je suis raisonnable, chacun sait ça.
Il y a eu une menace d'attentat pendant que nous étions là-bas, mais nous devions être en cours de promenade car nous ne l'avons appris qu'en regardant Corsica Sera (ça nous changeait du An Taol Lagad)  et ma foi nous ne nous portions pas mal.
Chaque matin, un café en haut des marches devant la porte de notre charmant gîte, chaque soir un verre de Patrimonio accompagné de Lunzo ou bien de saucisson fumé au bois de châtaignier. La gastronomie Corse nous avons profité un peu, nous ne sommes pas allés au restaurant parce que nous sommes 5, je ne sais pas si on aurait bien profité de ce moment qui devra être particulier tant il me semble qu'il y a nombre de recettes. Le petit village de San Martino di Lota, on s'y faisait de mieux en mieux, les voisins nous disaient bonjour, on entendait l'accent corse des jeunes qui remontaient la pente en tapant leur sms en même temps qu'ils parlaient, le cri et les rires des enfants à l'école primaire en contrebas, tout le monde n'était pas en vacances, loin de là.
 Nous, si.


26.4.12

Corsica #6 (Les gîtes)

Un samedi matin nous avons quitté notre premier gîte de Lumio pour nous rendre à Bastia.
C'était un gîte parfait, avec deux terrasses, de la place et un lave-vaisselle. D'autant plus parfait par contraste avec le deuxième, mais nous ne le savions pas. Je ne sais pas quels sont les critères des gîte-de-France, personnellement je n'adhère pas à leur très onéreux label, mais cette fois je me suis franchement posé la question. Pour un prix équivalent, la prestation faisait un grand écart.
Bref.
Nous avons pris la route, remontant par l'île rousse, Saint-Florent et Patrimonio. Sous un déluge ou le brouillard, nous n'avons rien vu du désert des Agriates, juste aperçu les bâteaux de Saint-Florent, bu un café sur ce port, mais à l'intérieur et trempés. Nous sommes arrivés plus tôt que prévu à Bastia, faisant fi de notre envie de balade, on avait juste besoin de se poser et de se réchauffer.
Pauvres de nous.
J'ai appelé le propriétaire comme convenu pour qu'il nous précise le lieu du gîte. Il a préféré nous y conduire, ne pensant pas, et à juste raison, que nous le trouverions nous même.
Nous sommes à Bastia, le gîte est sur la commune attenante et en hauteur, San-Martino-di-Lota. Nous sommes enfin habitués aux lacets ou virages, pas encore habitués à la circulation de Bastia pour qui je n'avais pas d'affection particulière en arrivant tant elle me paraissait trop grande, moins à taille humaine que Calvi.
Notre voiture passe sur la toute petite route, à peine plus large qu'elle, dans la pente à je ne sais combien de degrés, nous avons l'impression de plonger, j'en ai fait un film de cette route là.
Il pleut et c'est peu de le dire, la route en pente est un fleuve, nous avons de l'eau jusqu'à la chaussette si nous restons musarder devant le portail, mais on est pas fous, on veut juste se poser.
Seulement voilà, le gîte est très sombre, très très rustique, j'ai un doute sur l'état du lino, tellement que pendant deux jours je n'ai pas posé le pied nu au sol (il n'y avait pas assez de lumière pour que je voie vraiment l'état), le canapé est rudimentaire et inconfortable, il n'y a qu'une prise par chambre, donc pas de lampe de chevet (celui qui lit le soir sait comme c'est bof d'avoir le lustre au plafond qui t'éblouit), on a mis du sopalin contre le mur et la tête de lit qui donnait l'impression de se détacher à chacun de nos mouvements, évidemment pas de lave-vaisselle et bien sûr pas de chauffage "si vous voulez un chauffage c'est en supplément, c'est un gîte d'été".
Alors pourquoi tu le loues au printemps?
Les murs font 1m d'épaisseur au moins, les placards grincent mais c'est pas grave, j'ai fini par voir que le lino était propre mais juste très fendu et très usé au point de croire qu'il se fond dans le plancher très gondolé, voir bosselé. Il a fallu relaver chaque assiette, chaque verre, qui eux n'étaient pas nickel. J'ai fait semblant de ne pas voir la poussière de la salle de bain, autour de la douche. Salle de bain! salle d'eau, où avec la main droite tu touches le lavabo, avec le nez la douche et la main gauche les toilettes.
La vue mer oui, bien sûr, en fait il me semble que nous sommes sur une île et que toutes les maisons des villes littorales ont cette vue mer.
Je dois dire que j'étais très déprimée.
Dans le premier gîte, Frédéric avait mis des biscuits et une bouteille de vin Corse, il nous a même apporté un gâteau pour les enfants, un excellent gâteau, "parce que c'est Pâques quand même".
Ici, rien. Même pas de quoi faire sécher le linge, sauf un étendoir ridicule, pour trois chaussettes.
Non, pour lui, pas de pub, mais un épi de plus pour U Canetu à Lumio!
Tout à l'heure, je te raconte Bastia, parce que c'était bien, Bastia.

25.4.12

Corsica #5 (Chaos de Bonifatu)

Je ne suis pas montagnarde.
La montagne pour moi est un enfermement, un obstacle à l'horizon. Etait.
Parce que l'horizon, c'est uniquement la ligne bleue des mers n'est-ce pas, celle des Vosges on s'en fout, toute façon, connais pas.
C'est fou les a priori qu'on a des fois.
Je n'aimais que les montagnes des îles parce qu'elles descendent vers la mer. Il y a là un espoir, une sortie, que les montagnes terrestres n'ont pas, pour moi.
J'ai trouvé sympa de descendre en voiture vers Nice, en passant par les Alpes maritimes, on a eu des réflexions bêtes comme "c'est haut quand même". Le Breton qui voyage se sent idiot des fois, devant son ignorance crasse des paysages français. La fille n'était pas bien souvent sortie de sa Bretagne depuis trop longtemps. C'est sans doute qu'il faut voir beaucoup pour cesser de comparer. Comprendre enfin que partout est unique, que où que tu ailles, c'est un endroit qui appartient à quelqu'un, que tout lieu est beau pour celui qui y vit, ou peut l'être, soit par nécessité soit par évidence. La Bretagne est une évidence, est-ce que la Beauce n'est pas une nécessité?
Ainsi donc, nous avons quitté Lumio, pour pendre au rond-point vers Calenzana la route de l'aéroport, pour tourner avant Calenzana sur la droite et se retrouver presque immédiatement sur une petite route tortueuse. C'est étonnant comme tu quittes le bord de mer en quelques minutes pour grimper la montagne en lacets, et te sentir loin tout à coup, isolé. Dans chaque village que tu as vu les jours d'avant tu pensais "vaut mieux pas oublier le sel", sur ces routes-là tu te dis que ce se sont des endroits où l'on va pour voir quelqu'un ou quelque chose. Tu te demandes un instant comment ont fait les Corses dans le temps pour communiquer, se retrouver parfois, avec tous ces méandres, ces détours, ces cols, ces maquis indomptables à traverser. Est-ce que tu ne te sens pas un peu loin de tout dans ce nid d'aigle? ou bien est ce que te tu te sens le maître du monde à te suffire à toi-même dans cet isolement sauvage et magnifique?
Nous sommes allés voir le Chaos de Bonifatu, après Porto.
Après Porto, la Corse m'avait à sa cause, je ne voyais plus qu'elle enfin.
Alors même avec le ciel gris et le "vent fou" comme disait la maman de Frédéric, j'adhérais, je suivais les noeuds du trajet comme un chemin de plaisir.
On monte assez vite pour s'y rendre et en peu de temps on est seuls sur la route et dans la montagne. Faudrait pas croiser une autre voiture de toute façon parfois.
On se gare sur l'aire prévue à cet effet, comme partout ailleurs tu constates qu'elles sont immenses ces aires là et tu te dis qu'en été l'enfer doit être sur terre en Corse.
Il y a juste 3 ou 4 voitures, des marcheurs sponsorisés décathlon, on se dit bonjour à chaque fois qu'on croise quelqu'un, on sait qu'on est touriste, on vient souvent de Quimper ou de Rennes, c'est marrant.
Bref.
On attaque le sentier. Chouette le sentier. J'adore quand c'est un peu compliqué, enfin quand ce n'est pas lisse, qu'il faut fournir un effort, une attention.
Je vois nezquifrise grimper à quatre pattes parfois, le caillou qui fait la moitié d'elle. A l'aise tout de même. Sur la carte j'ai vu que certaines de nos balades croisaient le GR 20, celui qui est dit difficile et je veux bien croire. Il y'a  des cailloux ronds et verts de mousse qui s'entremêlent comme un chaos, c'est dit.
On enjambe tout ça, le long du torrent qu'on ne cesse jamais d'entendre gronder de plus en plus en contrebas. On a passé une passerelle suspendue, de celles qui vibrent et qui tremblent quand tu marches dessus, et où il est dit "pas plus de deux personnes". Ça t'éclate, ça fait même pas peur, mais c'est parce que tu es grande.
Tu dois crier pour parler, tellement le torrent.
Tu vois la lumière apparaître de temps en temps entre les nuages lourds et alors tu vois le vert translucide de l'eau qui bout plus bas, tu vois le vert tendre des feuilles du printemps se détacher du noir des troncs en contre-jour. Tu voudrais bien un peu plus de soleil pour tes photos qui te paraissent ternes après coup avec le gris des cailloux et celui du ciel.
Tu aimes ce chaos là, qui te donne à l'envie de la ciboulette sauvage perchée sur le rocher de la cascade, tu en saisis une pleine poignée qui se retrouvera dans le pique-nique du lendemain, ou bien des plants de curry, plein les doigts tu t'en mets "ça sent bizarre" dit Lesfossettes. Je ne te parles pas du romarin croisé sur la route d'Ostriconi, un plein champ, ni du thym dont belle-maman m'avait déjà rapporté plusieurs plants auparavant. Mon thym vient de Corse, sais-tu? comme l'eucalyptus qui bat ma fenêtre à l'instant où je t'écris.
Et puis, il y a cette fleur vert pâle, souple et tendre, que tu tâtes, qui est si belle. Plus tard dans une librairie où tu chercheras un bouquin de recettes corses, tu trouveras son nom dans un livre sur les plantes locales : l'hellébore.
Le silence n'existe plus dans ce chaos de pierre rondes et blanches qui reflètent la moindre lumière et qui donne envie de tremper le pied.






24.4.12

Corsica #4 (Les villages, Porto)



C'est un caillou que cette île là. Au début je ne voyais que ça. La pierre, partout, taillée sèche, raide, et droite, piquante. Grise ou ocre. Brute. Belle, large et plate, empilée comme par magie, sans colle, juste le poids.
La pierre noyée dans le vert de la végétation qui se lève au printemps, noyée dans les jardins à peine entretenus. Tu ne vois pas un seul endroit de pelouse tondue. Non. C'est comme inachevé, en mouvement, toujours en cours de quelque chose, un labour, ou rien, juste l'herbe qui pousse, les vaches ou les chèvres viendront s'en charger.
C'est un immense champ sauvage, où tu n'imagines pas la moindre cisaille. L'arbre pousse libre, entier, il n'est pas défiguré.
Il pousse sur la roche, elle aussi partout, pelée, tendue, douce ou agressive, grise et blanche, les premiers jours que tu marches dans les petits villages.
Calenzana, Sant Antonino, et Santa Restitude surtout. Il te plait celui-là. Pas tout à fait abandonné, entretenu aux abords des maisons, sauvage dans la pente qui s'éloigne du caillou, préservé, immobile et silencieux. Pas d'âme qui vive, sauf ce chat, et encore un autre.
Depuis que tu es arrivée, tu te demandes où sont les Corses. Tu n'as pas vu d'école, tu n'entends pas les voix, tu ne vois pas de banc occupé par un vieux ou une vieille, tu entends parfois l'aboiement d'un chien, tu sais l'heure juste grâce aux cloches des églises, seul bruit de vie constant et certain dans ces ruelles étroites et ombragées. Tu as vu des gens à Calvi, dans la ville des touristes, aux nombreuses boutiques de souvenirs, tu en as vu au supermarché, mais tu ne leur a pas parlé, pas encore.
Tu as pu constater que le Corse est chez lui : il se gare au milieu de la rue où ne peut passer qu'une voiture, pour aller faire sa course ou papoter avec son copain. Toi, tu es derrière, il le sait, il s'en fout. Pas grave, toi tu ris, tu as le temps, tu es touriste.
Tu n'es pas encore tout à fait séduite par le paysage. C'est joli, te dis-tu, pas encore beau, ça ressemble à la Bretagne, ça ressemble à la montagne, ça voudrait ressembler à La Réunion, tu t'agaces de penser ça, tu t'en veux, mais tu n'y peux rien, tu vois même l'Italie que tu ne connais pas, partout dans les maisons, les couleurs, les églises, les moulures, les formes....
Tu écrits quelques cartes, celles qui sont encore dans ton sac, tu vois le ciel souvent gris, tu apprécies la charcuterie que tu découvres au hasard, et les canistrelli.
Et puis, il y a le quatrième jour, le premier où il fait vraiment beau... et où tu prends la route du sud, par la côte ouest, la route qui tourne et qui tourne encore, tu es accrochée à ton siège parce que c'est Le Taiseux qui pilote et que toi, tu as juste le précipice à droite. Les Yeuxbleus sera malade là, juste une fois, le breton n'est pas montagnard.
Nous voyons nos premières vaches, Lesfossettes veut faire des photos, nous nous arrêterons mille fois pour les vaches, les biquettes et ce satané paysage dont tu sais bien qu'il ne donnera rien dans ta boite, alors qu'enfin tu es soufflée.
Enfin, oui.
Là, j'ai vu quelque chose que ne connaissais pas, qui ne ressemblait à rien, juste à cette couleur que tu préfères au-delà de tout, et que jamais tu n'aurais imaginé voir sur la roche, ce rouge si dense, cette couleur intense qui tranche la mer bleue profond, sur un ciel voilé, alors que le vert maquis saigne entre les plis de la montagne.

Descendre ou monter à Porto, c'est se taire et juste admirer.



23.4.12

Corsica #3 (Calvi)

Le premier matin, comme tous les autres, je me suis réveillée dans mes draps.
Ouvrir un oeil et croire qu'on est chez soi. Quelques secondes intemporelles où tu réalises que non, c'est mieux que ça, tu es en vacances, dans un lieu que tu ne connais pas.
Arriver de nuit, chercher la pharmacie où il faut tourner, ne rien voir d'autre que les lumières de la ville, et passer quelques heures de sommeil à ne pas savoir à quoi ça ressemble, autour de toi.
Soulever le rideau, et voir au-dessus des figuiers de barbarie, la mer bleue.
Se recoucher encore un peu car le soleil se lève à peine et que tout le monde dort encore. Ne pas se rendormir, parce que tu as envie de savoir, de voir.
Découvrir la terrasse au toit de canisses, et entendre l'appel de nezquifrise "maman, maman vient voir!".
Monter l'escalier qui grimpe autour de la maison et arriver sur le toit-terrasse qui embrasse toute la baie de Calvi. Te dire waaaaaa (parfois, tu n'as pas de mot)
La montagne verte descend vers la mer bleue.
Saint-pierre vue de la mer te revient en mémoire, instantanément. Les mêmes reliefs, les mêmes nuages.
Mais en plus modeste.
Tu es à la fois heureuse et déçue, un peu, parce que tu as déjà vu, ce paysage là, et en mieux. En plus grand, en plus fort, en plus impressionnant.
Corsica, va falloir que tu me joues un autre tour que celui-là si tu veux que je tombe dans tes bras.
Mais enfin, ce n'est pas si mal, sachant le plat pays où tu vis.

La première sortie est pour Calvi, la citadelle, l'ancienne, la belle, pas la touriste, pas celle des boutiques aux souvenirs, ni encore aux charcuteries, ni aux pâtisseries.
Là, tu vois les couleurs, les vraies, celles que tu aimes, l'italienne parfois. Tu vois les pierres, toutes ces pierres si belles, qui descendent vers la mer entre deux murs. Les fabuleux arbres de Judée qui te fascineront tout le séjour. Tu entres dans l'église Saint-Jean Baptiste et l'impression te saisit. Tu sais ce qu'est cette forme d'église. Tu sais que tu n'en as jamais vu que dans tes cours d'histoire. La croix grecque. Les fenêtres, un étage plus haut, où tu expliques à tes enfants que c'est là que les femmes allaient.
"Mais comment elles pouvaient se marier, si elles étaient séparées des hommes?" demande les yeuxbleus.
Tu te dis que peut-être le voile avait la même fonction de dissimuler.
Tu redescends de la ville déserte, tu t'étonnes de cette solitude, de ce silence.
Mais au fond, tu en es ravie.



Corsica #2 (Le bateau)

Le bateau

On a failli ne pas partir. Ne pas arriver.
Nice est une ville qui porte bien son nom. Je ne pourrais pas y vivre, elle est trop bruyante, trop bondée, trop touristique, trop quoi.
Mais là j'ai compris l'expression "côte d'azur". C'est la première fois que je voyais de l'eau de cette couleur. Bleue. Très bleue.
Le vent soufflait, un vent comme chez nous, un vent fort, qui ne nous a pas dérangés. C'était marrant, après cette longue descente en voiture, de prendre enfin un peu l'air.
Nous avons laissé la voiture sur la parking à l'heure, vers 13:00, le départ du ferry se faisant à 16.
Que croyions nous, pauvres bretons égarés, ici le vent mène la danse, et quand il y en a, on s'immobilise.
La mer avait l'air juste moutonneuse, enfin, une mer quoi, qui bouge et qui chante.
Mais le gros goéland jaune qui a fait trois essais avant de réussir pour entrer dans le port, a eu peur du vent.
Au lieu de 16, on est partis à 20h.
Pour dire. Le bateau était bondé, les passagers de Bastia et Ajaccio, les pauvres, sont montés avec nous. Finalement, nous avons pris une cabine car nous ne pouvions pas nous assoir.
Les cabines aux couvertures de lit fond jaune avec la tête de Maure enturbannée dessus, comme une revendication, nous allions en Corse, on ne pouvait plus l'ignorer, même si le rivage était si loin.
Marcher dans les coursives relevait du plus bel exercice de manège. Qu'elle est agréable cette sensation du pied qui semble se décoller du sol alors que le bateau s'enfonce dans l'écume bleue.
Alors que je croisais des visages un peu verts, j'avais envie de rire. C'était un jeu de se balader dans les couloirs. Ne pas se tenir à la rambarde, juste pour voir si je peux faire toute la longueur sans tomber.
Les enfants regardaient un film, l'ordinateur nous sauvant d'une trop longue attente.
Les lits ont été dépliés, ils se sont couchés. Nous aussi.
J'avoue quand même avoir sursauté aux nombreux bruits du bateau qui frappait la houle. Il vibrait, il tanguait, oui, la mer était démontée.
Nous avons débarqué à minuit dans la belle ville de Calvi, dont nous n'avons rien vu.
Il fallait trouver Lumio, et notre gîte, aventure improbable. Frédéric nous avait laissé les clés, et la lumière allumée, U Canetu n'attendait que nous.



22.4.12

Corsica #1 (Prologue)

Avertissement

C'est ce que je me disais l'autre soir dans les pages blanches de mes nuits sans rêves. Il faut que j'avertisse. Ici, quel que soit le nombre de mots que je vais y consacrer, quelle que soit leur valeur, ils ne seront que mon avis ultimement personnel et subjectif, exacts à l'instant où ils s'imprimeront sous tes yeux, lecteurtrice, faux dans l'instant qui suit tant est vrai que quand tu penses une chose il se peut que ton avis évolue avec le temps qui passe, et la distance, et la réflexion, comme celle de l'image que tes yeux à l'envers et énamourés te renvoient, ou comme l'enchainement imperturbable de tes pensées.
Ainsi je suis allée en Corse, et il en restera quelque chose mais je ne sais pas encore quoi, tout à fait.
Parfois tu liras peut-être ce que l'homme (que je surnommerais "le Taiseux") ou les enfants (que j'affublerais de charmants surnoms comme pour la grande "les yeux bleus", l'entre-deux "les fossettes" et la troisième "le nez qui frise") auront dit, ou compris de ce qu'ils auront vu.
Mais en dehors de ça, c'est ma vision que tu liras, inexacte parce qu'infime, juste le reflet de la vague avant qu'elle atteigne la coque jaune du bateau.
Je voudrais te raconter chaque jour, mais tu t'ennuierais.
Je ne sais pas encore bien comment je vais m'y prendre, mais voilà, je suis allée en Corse, et il en restera quelque chose, même si je ne sais pas encore quoi au-delà des 1490 photos. Un peu la même date que la découverte du nouveau monde, à deux photos près.


A bientôt, quand je me serais réveillée...

4.4.12

Sur la ligne #voyage

Je te dis dès maintenant, à J-1.
Je te dis que c'est le bazar, qu'aucune valise n'est remplie, juste quelques pochettes de ci de là. Les accumulation de linge propre à trier, le plus de propre possible pour partir. Les courses du pique-nique, des pique-niques, sont encore dans ma tête. J'annule une activité cet après-midi pour les enfants pour qu'ils rangent leur chambre... et ensuite nos gardiens de maison et de chat arrivent.
Je te dis que je pars avec mon ordinateur, mais c'est pour les photos, parce que je n'aurais pas de connexion là-bas. Tu vas me manquer, si, ça je sais qu'il va y avoir sevrage, et puis je sais aussi que je vais t'oublier, un peu, parce que j'aurais trop à voir, et à faire en bas.
Quand même, j'ai acheté un moleskine exprès pour raconter le voyage. Je suis snob mais j'en ai un pour la canard et j'adore écrire dedans. Bien l'intention de marquer chaque jour et de photographier chaque jour aussi.
Je te dis que je pars demain, et qu'avec tout ça, j'aurai un gâteau le soir chez les zamis de la vraie île. C'est quasi un voyage d'île en fait. Je quitte ma presqu'île, pour dormir sur une île avant d'en rejoindre une autre.
Demain matin, révision voiture, imagine qu'on trouve un problème. Non.
Bref, là je sais que j'ai encore mille choses à faire, les filles ont leurs médocs pour là-bas où il parait que zéro acariens, ça va leur faire du bien, on revient de chez le médecin (révision des humains).
Faut que j'aille chercher les lecteurs dvd chez les zamis d'ici. Faut que je rende les livres à la biblio.
Faut que yaka, faucon.

Je vous embrasse fort, à tantôt si c'est pas trop tard.

Biiiippp.
Vous êtes déconnectés, veuillez retenter dans 15 jours....


3.4.12

Bêêêêê..

J'adore cette activité.
Bon, ok, rendre compte du budget du conseil municipal n'est pas ma tasse de thé et de loin.
Mais aller chez les gens, voir comment ils vivent pour rendre compte de leur façon de faire, ou d'être, c'est génial.
C'est pourquoi ce matin j'avais les pieds dans une prairie de moutons, des jolis, des doux, des doudous.
Tu veux voir?
Tiens, caresse des yeux...



Lui, c'est Chouchou...



1.4.12

La clé.

J'ai eu la clé.
La chapelle était déjà ouverte par JP qui venait de ses grilles chargé.
On est venus à quatre, les bancs dégagés. Aïe le pieds. Le tien ou le sien? Vermoulus les siens.
Le soir venu, les grilles montées, le lendemain qui vient, dépêche-toi d'encadrer.
Réveil matin, associer, lier, compléter, hésiter, encore.
Découvrir ça.

La chapelle est à moi, encore un peu.
Poser, nouer, rire, s'emballer.
Tout est accroché, moins une.
Vernisser, photographier, enregistrer, pour après.
Voir le travail des autres, admirer.
Revenir.

La chapelle est à moi, encore un peu.
Voir passer 80 personnes, environ. On a compté, les petits bâtons.
Fermer, rentrer, douter.
Et puis le jour qui vient, découvrir ça.


La chapelle est à moi, encore cette fois.
Avoir un froid de canard, mais le soleil dans les yeux.
Rentrer mettre au four un petit peu pour beaucoup. Ce dimanche on était 14, avec l'amie qui prévenait la veille de sa venue.
Etre bien d'avoir des amis et une famille comme ça, qui ne t'en veut pas de n'être pas là, et qui t'offre un tiers de beaucoup, parce que c'est comme ça.
Et des bonbecks en collier, que ta fille veut dévorer.
Voir passer ... pffff, plus de 200 personnes dans la journée, discuter, écouter, aimer entendre, se rassurer.
Aimer s'exposer.
J'ai eu la clé.