Je ne suis pas montagnarde.
La montagne pour moi est un enfermement, un obstacle à l'horizon. Etait.
Parce que l'horizon, c'est uniquement la ligne bleue des mers n'est-ce pas, celle des Vosges on s'en fout, toute façon, connais pas.
C'est fou les a priori qu'on a des fois.
Je n'aimais que les montagnes des îles parce qu'elles descendent vers la mer. Il y a là un espoir, une sortie, que les montagnes terrestres n'ont pas, pour moi.
J'ai trouvé sympa de descendre en voiture vers Nice, en passant par les Alpes maritimes, on a eu des réflexions bêtes comme "c'est haut quand même". Le Breton qui voyage se sent idiot des fois, devant son ignorance crasse des paysages français. La fille n'était pas bien souvent sortie de sa Bretagne depuis trop longtemps. C'est sans doute qu'il faut voir beaucoup pour cesser de comparer. Comprendre enfin que partout est unique, que où que tu ailles, c'est un endroit qui appartient à quelqu'un, que tout lieu est beau pour celui qui y vit, ou peut l'être, soit par nécessité soit par évidence. La Bretagne est une évidence, est-ce que la Beauce n'est pas une nécessité?
Ainsi donc, nous avons quitté Lumio, pour pendre au rond-point vers Calenzana la route de l'aéroport, pour tourner avant Calenzana sur la droite et se retrouver presque immédiatement sur une petite route tortueuse. C'est étonnant comme tu quittes le bord de mer en quelques minutes pour grimper la montagne en lacets, et te sentir loin tout à coup, isolé. Dans chaque village que tu as vu les jours d'avant tu pensais "vaut mieux pas oublier le sel", sur ces routes-là tu te dis que ce se sont des endroits où l'on va pour voir quelqu'un ou quelque chose. Tu te demandes un instant comment ont fait les Corses dans le temps pour communiquer, se retrouver parfois, avec tous ces méandres, ces détours, ces cols, ces maquis indomptables à traverser. Est-ce que tu ne te sens pas un peu loin de tout dans ce nid d'aigle? ou bien est ce que te tu te sens le maître du monde à te suffire à toi-même dans cet isolement sauvage et magnifique?
Nous sommes allés voir le Chaos de Bonifatu, après Porto.
Après Porto, la Corse m'avait à sa cause, je ne voyais plus qu'elle enfin.
Alors même avec le ciel gris et le "vent fou" comme disait la maman de Frédéric, j'adhérais, je suivais les noeuds du trajet comme un chemin de plaisir.
On monte assez vite pour s'y rendre et en peu de temps on est seuls sur la route et dans la montagne. Faudrait pas croiser une autre voiture de toute façon parfois.
On se gare sur l'aire prévue à cet effet, comme partout ailleurs tu constates qu'elles sont immenses ces aires là et tu te dis qu'en été l'enfer doit être sur terre en Corse.
Il y a juste 3 ou 4 voitures, des marcheurs sponsorisés décathlon, on se dit bonjour à chaque fois qu'on croise quelqu'un, on sait qu'on est touriste, on vient souvent de Quimper ou de Rennes, c'est marrant.
Bref.
On attaque le sentier. Chouette le sentier. J'adore quand c'est un peu compliqué, enfin quand ce n'est pas lisse, qu'il faut fournir un effort, une attention.
Je vois nezquifrise grimper à quatre pattes parfois, le caillou qui fait la moitié d'elle. A l'aise tout de même. Sur la carte j'ai vu que certaines de nos balades croisaient le GR 20, celui qui est dit difficile et je veux bien croire. Il y'a des cailloux ronds et verts de mousse qui s'entremêlent comme un chaos, c'est dit.
On enjambe tout ça, le long du torrent qu'on ne cesse jamais d'entendre gronder de plus en plus en contrebas. On a passé une passerelle suspendue, de celles qui vibrent et qui tremblent quand tu marches dessus, et où il est dit "pas plus de deux personnes". Ça t'éclate, ça fait même pas peur, mais c'est parce que tu es grande.
Tu dois crier pour parler, tellement le torrent.
Tu vois la lumière apparaître de temps en temps entre les nuages lourds et alors tu vois le vert translucide de l'eau qui bout plus bas, tu vois le vert tendre des feuilles du printemps se détacher du noir des troncs en contre-jour. Tu voudrais bien un peu plus de soleil pour tes photos qui te paraissent ternes après coup avec le gris des cailloux et celui du ciel.
Tu aimes ce chaos là, qui te donne à l'envie de la ciboulette sauvage perchée sur le rocher de la cascade, tu en saisis une pleine poignée qui se retrouvera dans le pique-nique du lendemain, ou bien des plants de curry, plein les doigts tu t'en mets "ça sent bizarre" dit Lesfossettes. Je ne te parles pas du romarin croisé sur la route d'Ostriconi, un plein champ, ni du thym dont belle-maman m'avait déjà rapporté plusieurs plants auparavant. Mon thym vient de Corse, sais-tu? comme l'eucalyptus qui bat ma fenêtre à l'instant où je t'écris.
Et puis, il y a cette fleur vert pâle, souple et tendre, que tu tâtes, qui est si belle. Plus tard dans une librairie où tu chercheras un bouquin de recettes corses, tu trouveras son nom dans un livre sur les plantes locales : l'hellébore.
Le silence n'existe plus dans ce chaos de pierre rondes et blanches qui reflètent la moindre lumière et qui donne envie de tremper le pied.
le rythme de ton carnet de bord me convient tout à fait ainsi que les contenus, deux par jour siouplé avec une paille dans ma grenadine !
RépondreSupprimermoi aussi je suis pas montagne,..et puis..voilà...Mare et monti...Monts et rivières...
la corse hors été c'est très particulier, c'est la Corse. ;-))
La chose à faire étant de se bloquer trois jours dans un village de montagne et de se poser plusieurs fois par jour dans le même troquet et là....les corses arrivent enfin, au coeur....
Faut que j'y retourne, c'est dit :-)
SupprimerT'as vu sur FB, j'agrandis aussi tous les jours l'album photo...
je vais voir et je suis "ta poubelle" si t'en as trop ( arrrghh)
RépondreSupprimersuper ce carnet de voyage; me voici projetée qqs années en arrière sur la fameuse route de Porto. Merci aussi pour la carte qui me rappelle un autre souvenir : gustatif celui là et tenace :le fromage "habité" est comme le Corse qui se gare au milieu de la route; il éclipse le reste!
RépondreSupprimerbises
Aïe aïe aïe... déjà le ferry: pas possible (rapport à un voyage en Irlande toujours pas digéré), mais alors la passerelle qui brandouille dans le vide...
RépondreSupprimerSoit je n'irai jamais en Corse (dommage), soit il faut que j'apprenne à voler.
tu es malade en avion aussi ? Pour le bateau, ouf, je ne suis pas seule alors. C'est la m....... Bienheureux ceux qui n'ont jamais connu la cata d'un mal de mer à mourir sur place dans un ferry, c'est une vraie maladie, ça te prend un jour alors que tu étais en pleine forme, et tu ne t'en remets plus, diagnostic fatal.
SupprimerNan, je suis pas malade en avion, je n'aime pas trop l'idée des déplacements courts en avion, mais sinon ça va.
SupprimerMais la mer, c'est terrible. Même de retour sur la terre ferme le mal me poursuit pendant quelques jours. Epouvantable.
Malade une fois en bateau, la dernière à succomber, dans la houle des "Tas de pois" sur un First. On est 5 dessus, quand chacun tombe l'un après l'autre. Une fois que le malaise fut passé, c'était beaucoup mieux. Je suis malade par mimétisme, c'est pourquoi j'ai pris la cabine ;-) pour ne pas voir les autres!
SupprimerL'avion, allez, tous les bretons qu'on a croisé avaient pris l'avion... faut dire qu'on ne peut pas aller plus loin dans la France et quand on a qu'une semaine, 3 ou 4 jours de trajet c'est trop court!
La passerelle n'était pas bien haute, je suis sûre que tu y arriverais!
J'allais oublier: des euphorbes (pas tout à fait les mêmes) je suis sûre que tu en as plein ton jardin, regarde-bien dans les bords et les coins.
RépondreSupprimerEuphorbes oui, j'en ai, hellébore non, j'avais jamais vu! J'apprends tous les jours :-)
Supprimerben oui, hellébores, j'avais lu et vu euphorbes...
SupprimerTu as du lire dans ma tête parce qu'un temps j'ai cru que c'était euphorbes :-)
Supprimer