26.8.10

LES BOITES 3/3

 Voilà la dernière partie.


Elle raconta la vision du ciel bleu ce matin et les parfums des fruits qui se lovaient sur ses genoux.
Elle nous faisait comprendre à quel point la vie qu'elle menait dans ce pays tout gris manquait de couleurs et de saveurs. Que c'était comme ces fruits, posés là, innocents et si puissants. Un concentré de vie et de chaleur. Des teintes et des parfums inconnus d'ici.
L'amour qu'elle nous portait, me disais-je, devait être démesuré pour qu'elle puisse trouver assez de joie, pour rester, si loin de là-bas.
Je savais néanmoins, parce qu'elle me l'avait dit, que parfois, c'est l'éloignement qui rend plus fort ce qu'on a perdu. Le rare et le précieux.
Ce n'était pas de la tristesse, peut-être de la nostalgie.
Elle replaça le couvercle sur la boîte.
Au moment où elle fit ce geste, je revis l'image forte du matin, celle du ciel bleu au-dessus de l'eau claire, l'air du dehors nous chatouillant la nuque, alors que j'avais enfin réalisé que la piscine avait fait coulisser le toit pour libérer le bassin en plein air. Nous avions nagé dehors, et maman l'avait compris tout de suite. C'était le pourquoi des couleurs et surtout de la lumière se reflétant dans l'eau scintillante. Comme quand elle était petite. Le soleil fait tout briller. Surtout les yeux de ma mère.
Elle refermait la boîte, laissant à l'intérieur tous les parfums et les saveurs. Tout comme le moment où, partant de la piscine, je m'étais retourné, surpris par le bruit que j'entendais ; le toit de la piscine qui glissait, cachant la lumière du soleil dans le cube de verre.

C'était son talent à elle. Faire un pas de danse avec l'ordinaire, le rendre beau, extraordinaire.

J'avais six ans, j'en ai soixante. Tout à l'heure, nous mangerons des letchis, et des mangues, nous irons nager dans l'eau salée, avec les poissons multicolores qui se cachent dans les coraux.
Je viens de refermer la dernière boîte de ma mère, il y a trois jours, j'ai clos ses paupières.
Le ciel est bleu, elle a rejoint sa terre.
   
                                                                          .FIN.

25.8.10

LES BOITES 2/3

Le début est là.

La suite à présent.

Je trempais mon pied dans l'eau claire, où brillaient mille étoiles et autant de perles, je regardais la couleur de l'eau, sans toujours comprendre cette lumière, mais j'étais satisfait du regard de maman, et de savoir le pourquoi des couleurs.
Nous avons nagé, sous la voûte bleue, riants l'un l'autre de nos éclats de vagues, maman plongeait, en avant, en arrière, elle savait toujours bien nager, même s'il elle disait qu'elle n'avait plus la force d'avant.
Et puis, harassés et joyeux, nous étions rentrés à la maison.
Mon père était là, faisant les cent pas, un air bizarre sur son visage. Un léger sourire, resté suspendu, ne demandait qu'à dévaler jusqu'au rire.
Quand je vous dis que l'ordinaire fit un pas de valse, ce jour-là, je ne mens pas.

Maman parlait de la piscine, du ciel bleu et de la joie de nager dans ces conditions-là. Papa ne l'interrompait pas, comme en attente, patient et impatient à la fois.
Il lui pris le coude et la conduisit dans notre cuisine framboise, où sur la table, se trouvait un beau paquet jaune.
Il ne dit rien de plus.
Maman avait cessé d'être volubile, je voyais son visage se colorer comme le mur, encore un effet de lumière, pensais-je alors.
Je crois bien que c'était la première fois que je voyais un colis, et pour une première fois, elle fut inoubliable.
Maman défit le carton, en retira une grande boîte blanche avec un couvercle juste posé dessus.
Elle posa ses deux mains sur les côtés, pris une profonde inspiration et souleva la mince plaque de polystyrène.
Je vis soudain, comme une impression de deux images superposées, les mêmes émotions que ce matin à la piscine se succéder sur le visage de ma mère. Cette évidence me sautait aux yeux. C'était extraordinaire.
Elle tenait serré contre elle le couvercle, le déposa doucement sur la table, et se pencha en avant, sur ce qui se cachait dans la boîte blanche. Je ne voyais rien, moi, trop petit encore, mais.
Mais je sentais.
Je ne savais pas encore.
Je vis d'abord les larmes de maman. Elle ne souffrait pas pourtant, c'était un peu comme quand elle éminçait les oignons, de l'eau qui coule, sans douleur.
Une sorte de lumière intérieure faisait briller ses yeux, ses joues étaient roses, elle m'attrapa la main, et me donna à sentir le minuscule ananas qu'elle me tendait.
Incomparable.
Un ananas Victoria, souffla t-elle.
Elle ouvrit le tiroir pour en sortir un couteau et découpa un autre fruit étrange, une sorte de boule ovoïde de couleur verte, à la chair jaune pâle, et croquante. Elle le saupoudra de sel, et me le fit goûter. Une mangue, me dit-elle.
Un délice.
Maman s'assit, comme abattue par tant d'émotions.
Comme à la piscine, elle nous évoqua son pays.
Papa écoutait, ému aussi sans doute, lui qui n'y avait pas encore mis les pieds.



24.8.10

Le pour et le contre...

Le pour.
Gagner des sous.
Manger des pâtes avec du beurre.
Voir du monde.
S'habiller bien (et donc faire une journée shopping)
Sourire.
Ne plus réfléchir à demain.
Faire partie des femmes actives.
Payer des impôts (oui parfois, on a envie d'en payer).


...

Le contre.

Ne plus pouvoir écrire.
Ne plus voir ses enfants (horaires de fermeture: 19H00!!!)
Payer des impôts (cherchez pas...)
Ne plus lire.
Ne plus regarder le ciel.
Ne plus faire de moto quand je veux.
Ne plus voir ses enfants.
Ne plus manger de pain maison.
Fermer la chambre d'hôtes.
Ne plus être joignable, par toi.
Ne plus faire de photos.
Ne plus rêver.
Continuer à porter des jeans et des vieux pulls.
Ne plus voir les gens que j'ai envie de voir.
Faire un métier qui ne me convient pas, pas pas pas du tout.


...
Mais.

Voilà. Ce sont les questions qui tournent dans ma tête à l'heure des décisions. Cette semaine, j'aurai RDV avec le grand patron pour décider de mon avenir professionnel.
Je suis sur un fil, celui de l'indécision, gagner sa croûte, oui, mais à quel prix?
Beaucoup de femmes font ce choix, parce qu'elles n'ont pas le choix. Ce sont celles que vous croisez dans le métro, qui regardent au sol, parce qu'elles vont là où la nécessité les mène, ce sont celles qui ont perdu leurs yeux ouverts sur la beauté des choses parce qu'elles doivent nourrir leur famille, payer un loyer, rembourser leurs prêts, manger chaque jour, survivre.
Ma conscience me dit: elles y arrivent, elles parviennent même peut-être à trouver des satisfactions, parce que la tâche leur plaît, ou bien qu'elles sont satisfaites du travail bien fait.
La voie que j'ai choisie n'est pas simple, elle me coûte au quotidien, le quotidien des factures. Mais.
Je vis ma vie, suis-je égoïste de préférer manger des pâtes toutes nues, de me poser chaque jour la question du lendemain, l'angoisse de la panne de la voiture, ou une autre bêtise du genre, irréparable quand tu n'as pas le sou qui te permet de remplacer la pièce usagée?
Suis-je coupable d'espérer un jour que l'accueil des Zotes rapporte au moins juste assez pour rester dans cette maison en bois, dans ce pays de vacances, que tes enfants aient de quoi se vêtir?
Suis-je à ce point inconsciente de me poser ces questions, reprendre le travail dans une entreprise, un travail qui ne m'épanouit pas, qui lutte contre mes principes, ou le peu que j'ai de principes?
 Voilà.
Voilà où j'en suis aujourd'hui.
Et ce n'est qu'une miette de mes pensées qui traînent, les autres sont ailleurs, merci, élevées par un Vent qui me porte et me maintient, l'envie.
Je.
PS: le RDV est le 22/09 finalement.
Et comment vas-tu?
Je. :-)

23.8.10

LES BOITES 1/3

Voilà, je passe ici mettre une partie de nouvelle, écrite pour un concours. Je me suis lancée dites donc.
Le thème c'était :
"L'Exil".


Un jour, j'ai vu pleurer ma mère.
Ça ne date pas d'hier, mais c'est tout comme. Nous habitions ce pays gris, alors, gris de ciel et de murs.
C'était un jour ordinaire, un de ces jours où l'on se lève, sans savoir. Ce n'est pas facile de déterminer le moment où plus rien n'est comme avant.
C'est peut-être quand nous avons décidé d'aller à la piscine, c'est peut-être là que l'ordinaire a fait un pas de travers.
La piscine, je la connaissais bien, nous y allions le mercredi, avec maman, et c'était un plaisir que nous partagions ensemble.
Le bâtiment, un carré de verre était hors d'âge, déjà. Les vestiaires rudimentaires, avec les impossibles cabines où le toit fuyait l'eau du ciel.
Les bancs communs, avec leur structure de fer qui porte manteaux et serviettes. Les casiers, numérotés avec la clé que l'on fixe au poignet. Ou à la cheville pour les plus aventuriers. Ici, j'étais encore petit, je suivais ma mère dans les vestiaires des filles. J'en ai vu, des femmes, de toutes tailles, de toutes corpulences. J'aimais cette promiscuité, imposée mais acceptée.
Ce jour-là, après le pédiluve, je tenais la main de maman quand nous avons franchi les portes en rideau de plastique.
Maman s'est arrêtée. Sa main s'est crispée puis détendue sur la mienne, elle s'est exclamée d'un air joyeux que je ne lui connaissait que les jours de soleil : « regarde ! ». Je levais la tête pour suivre la direction de son doigt, et constatais que le plafond était bleu.
Bon.
Je ne comprenais pas le sourire de maman et ses yeux joyeux. Ni même pourquoi cette lumière. Et ce plafond bleu.
Il me vint à l'idée que c'était encore une histoire de couleur. À la maison, nous avions beaucoup de couleurs. C'était maman qui les y avait mises, qui les avait choisies, surtout le mur framboise de la cuisine. On en aurait mangé. Papa essayait bien d'y mettre le ola, parfois, mais, à la maison, aucun mur n'était vraiment blanc. Alors le bleu du plafond de la piscine, avait dû donner une idée à maman.
Je le lui demandais.
Ce jour-là, où l'ordinaire a trébuché sur la margelle de la piscine, j'ai compris les couleurs de maman. Elle m'expliqua que dans son pays, rien n'était gris. Si quelque chose le paraissait, il était vite recouvert d'une couleur. Les cases multicolores aux dentelles de lambroquins (c'est ainsi qu'elle prononça), les fleurs à profusion dans les jardins, les verts partout, le ciel bleu chaque jour, et si un jour, la pluie, même elle, était aussi chaude que l'eau de mon bain.
Maman parlait, sa bouche souriait, son regard portait ailleurs, elle était belle. Je me sentis soudain triste, et je lui demandais alors d'une voix tremblante pourquoi elle ne retournait pas là-bas, dans son pays de couleurs ? Elle m'expliqua, me regardant droit dans les yeux, qu'elle avait choisi ce pays tout gris, mon pays, car c'est grâce à lui qu'elle avait fait la connaissance d'un petit garçon extraordinaire, qui la consolait de tous les gris de la terre.



21.8.10

Dumbledore Rétais.

Nous le connaissons tous, sous cette image:
 Mais il nous raconte des bobards.
 Au départ, je crois bien que je le prenais pour un espion. A défaut d'un grand sorcier. C'était dans un autre temps.
Je me disais, comment fait-il pour savoir tout ça?
Dès qu'on lui parle d'un truc, je sais pas moi, un oiseau, un bateau, un caillou, dans les cinq minutes qui suivent, Dumbledore nous renseigne sur son poids, son envergure, peut même nous sortir des images d'archives, ou la géolocalisation précise de l'engin.
Ah ah. On a fini par le trouver ce dolmen (allée couverte en fait).
Je lui parlais des croix de Mané Beniguet, l'instant qui suivait, il en savait plus que moi. Grrrr.
Un jour, le Président et Madame sont venus ici.

Ils ont été adoptés.
Un jour, ses sujets que nous sommes, avons fait la route jusqu'à sa présipauté.
On a rencontré les Marcusettes, on en est revenus étourdis, c'est vivant chez lui.
Il se trouve que le Président prend un an de plus aujourd'hui, ma grand-mère dirait qu'il entre dans sa cinquante sixième année, version pessimiste pour dire, il a 55 ans.
Quel beau nombre. Parfaitement équilibré.
Je serais tentée de dire que c'est le début de la vie. En fait. Oui, les filles sont grandes, les grandes vacances approchent (vite, plus vite, oui, je sais), vous allez voir que bientôt le Président et sa dame seront en vadrouille à parcourir les routes de France et de Bretagne, à repérer toutes les balises de l'IGN incluses dans le béton ou dans la pierre, qu'ils prendront en photo au risque de tomber à l'eau.
Ou bien, il écrira un livre.
Parce que môssieur Marcus a des histoires à ne plus finir. des trucs de dingues, des trucs de fous, mais ne l'est-il pas un peu au fond?
N'empêche, quand on a cette chance d'une perspective de temps libre, bientôt (oui, plus vite oui, je sais), des anecdotes venues de l'enfance en passant parc le lycée, l'armée, le boulot et la vie tout court, un certain talent pour les raconter, et une plume acérée et humoristique, je dirais qu'il n'en faut pas plus pour se mettre à écrire un bouquin.
T'as déjà commencé avec le blog. Y a plus qu'à.
55 ans.
La vie qui recommence.
Bon anniversaire jeune homme ;-)

19.8.10

Abbey Lincoln.


Découvrez Abbey Lincoln!


Je crois avoir déjà parlé d'elle, mais je ne sais plus où. Normal, vu l'ordre qui règne ici.
Ainsi donc, elle est partie. J'avoue avoir été surprise de savoir son âge, soit parce qu'il me ramène au mien, soit parce que ça me paraît être hier encore le concert de la dame auquel nous avons eu la chance d'assister il y a euh...quelques années? on va dire dans les années quatre-vingt dix, à l'époque où nous habitions encore à la fin de la terre, là où tous les horizons sont vastes et dégagés, là où le regard croise une île ou une autre et le plus grand océan.
Je m'en allais parler de ce pays où regarder dehors c'est avoir une fenêtre de possibles, tant la vue porte loin, les jours de beau temps.
Bref.
Ainsi, nous nous sommes assis dans la grande salle sombre, la première chose qui m'aie frappé étant l'âge du public, ah ah ah, le mien maintenant et plus encore sûrement.
L'avantage, c'est que j'aime toujours cette musique, voire encore plus, mon horizon de finistérienne exilée dans le grand sud s'étant agrandit. Tout de même.
Concert.
La nuit s'est faite dans l'amphithéâtre du Quartz, et elle est entrée. Petite, grande chemise noire ample, pas lents, une chaise.
Un piano.
Elle s'est mise à chanter "bird alone" le morceau du disque que j'avais, que nous avions, écouté mille fois. "you gotta pay the band".
Ma réaction a été immédiate, entre l'écoute d'un CD et la vision réelle de l'artiste sur scène, il y a eu émulsion, j'ai pleuré.
C'est ce qui me fait dire que même si le son d'un CD est "parfait", l'émotion d'un concert est forte, et j'aime ça.
Bonne route, Madame Lincoln, vous méritez bien le repos...
Maintenant, faut que je file, j'ai un pain et une tarte à faire, et surtout un dessin "hyper cool" pour le fils. Un aigle royal. Et tu dessines les branches aussi hein maman.
Je lui ai dit OK s'il se couchait hyper cool aussi.
Nan mais.

18.8.10

21.15.8

Parfois, se prendre à regarder derrière soi, ces dates qui te reviennent soudain en tête, et tu te dis, mince, tout ça?
Nous étions trois à écouter le prêtre, Lui, elle et moi. Elle, 8 mois, assise sur mes genoux. Je n'avais d'yeux que pour elle, déjà, la prunelle de mes yeux.
Il parlait, ils parlaient, parfois j'avais les larmes aux yeux, d'autres fois c'était de rire, parce que quand même ils avaient fait un beau discours. J'ai bégayé, j'ai même fini mon "discours" avec un fou rire.
Le fils de l'armor et la fille de l'argoat. S'ils me lisaient, on en rirait encore.
Il y a 21 ans déjà.
Il était si beau, presque noir de soleil et ses yeux clairs.
Un jour, il y a eu l'appartement. 15 ans. C'était grand, un beau plancher en chêne noir, aux larges lames mal dégrossies, lissées, usées par les ans. Une tapisserie affreuse, vert et or, des paons, tous alignés les uns au-dessus des autres dans des lianes de feuilles. Je dis paon, parce que ça y ressemblait, si ça se trouve, c'était peut-être des coqs. Au fond, nous ne savions plus car nous avons punaisé des draps blancs à tout les murs pour mieux voir la lumière se refléter. Dans ce pays tout gris.
Nous étions si jeunes, quand j'y repense, des gamins, pleins d'espoirs, d'idées, sûrs de nous et de notre avenir.
Si on m'avait dit il y a 21 ans ou 15 ce que serait aujourd'hui, j'aurais bien eu du mal à le croire.
Mais peu importe.
Nous étions nombreux ce jour là, nous trois et plus de cent autres personnes.
Il y a eu du vent, beaucoup de vent, même en plein mois d'août nous n'avions pas chaud.
A la séance photo de couple, j'étais transie, avec juste ses bras pour me tenir chaud. Qu'avais-je donc fait de ma fille déjà? ah! elle devait être avec ses grand-mères.
En fait, ça fait 9 ans et 8 ans entre hier et aujourd'hui que je lui ai dit oui.
J'ai dit deux fois oui.
Il y a donc 21 ans qu'il est entré dans ma vie, 15 que nous la partageons, et 9 que nous nous sommes dit oui.
Et je crois bien que je dirais encore oui, aujourd'hui.

14.8.10

Nuit.


Découvrez Melody Gardot!
J'ai monté mon noir destrier, mon Tigre adoré, et j'ai pris le vent. Dans les bras, dans le ventre, sur les cuisses. J'ai remis la doublure de ma veste, mes bottes épaisses.
J'ai filé.
Droit vers la mer, droit sur le Pont qui la traverse, à un endroit où il ferait bon s'arrêter si le Tigre n'aimait pas tant rouler.
Tu vois ce pont? Parfois, je passe en dessous, je regarde l'eau verte, je regarde le courant, la force du courant qui fait des ronds, des cercles, de l'écume blanche, tant et tant que tu ne trouves d'endroit calme, que près, très près de la côte, abrité du vent. A mes pieds.
Quand c'est marée haute, la mer peut paraître dormir. Mais. Si tu regardes d'un peu plus haut, tu vois bien ses yeux en mouvement qui veillent, qui te disent la prudence.
Alors j'ai traversé une nouvelle fois. Je n'allais pas à la Barre, pas cette fois, j'allais prendre des forces chez mon amie. C'est gagné, je suis revenue requinquée, à la nuit noire.
Le Tigre noir dans la nuit noire, ce doit être juste la lumière d'un phare. Un phare rond et aimable, blanc et brillant.
Je ne roule pas souvent la nuit, je suis donc bien plus prudente. Je vais moins vite, parce que, vois-tu, je ne vois pas plus loin que la lumière de mon phare. Parfois, même pas de bandes blanches sur les côtés, juste un ruban noir, dans la nuit noire et mon noir destrier.
Un fantôme.
Celui de mon ombre qui me rattrape et me dépasse quand je passe sous un réverbère.
Ton ombre. Celle qui m'accompagne, partout.
Il y avait d'autres phares dans cette nuit d'encre. J'ai levé la tête un court instant, et j'ai vu les étoiles. Plein d'étoiles. Je ne me suis pas arrêtée pour les compter, je me suis dit qu'il était impossible cette fois encore de tenter de les mesurer. C'est comme le vent. Une force incroyable qui te rend tout puissant et si petit en même temps.
Enfin, j'ai fait taire le ronronnement de ma bête. Je l'ai couchée, un peu, sur un pied.
J'ai ôté le casque, et j'ai ouvert grand les yeux.
Je t'ai vu.
L'effet miroir sans doute, ou bien simplement les mêmes étoiles que toi, le même ciel, assurément.
Pas besoin de lire, cette nuit, je suis nourrie du ciel noir et du Vent.
Bonne nuit...

13.8.10

Sans vent.


Découvrez Anis!
Faut que je bosse mais j'arrive pas.
Faut que je repasse les draps, mais c'est pas ça.
C'est comme un poids qui m'engourdit le bras, je ne veux pas bouger, rester juste là.
A regarder le ciel bas, un ciel qui va causer dans peu de temps si ça se trouve, tant il paraît lourd.
Le poids du ciel sur mon bras.
Le vent se tait, les feuilles d'arbres dorment sur leurs branches, l'attente du temps qui passe, ou bien.
Ou bien quoi?
Hier j'ai envoyé la nouvelle pour le concours.
Je ne sais même plus combien de fins, combien de version, tant est si bien qu'au fond, j'y perd un peu mon latin. Est-ce mieux, est-ce bien?
Faut que je bosse mais j'arrive pas.
Y a le pain à faire, ça attendra, au moins lui, il cuit le matin, c'est déjà ça. Je peux remettre à demain.
Y a le soleil qui ne vient pas, qui va sécher les draps? vu que le vent. Déjà.
Pourtant tout va, tu vois, enfin sauf le temps, mais ça.
Pourtant tout va, c'est vrai, je m'amuse avec un nouveau jouet sur mon carnet magique, tu verras.
Faut que je bosse, moi, allez, qu'est-ce que j'attends?
Sais pas.
La pluie, le beau temps, un grand coup de vent.
A l'eau?
Nan, même pas, fait trop froid.
Et puis t'es pas là.
Je savais que l'océan serait grand, et long, et profond, et noir les jours de nuages, et silencieux les jours de passage.
Je sais que Vent il y a, je sais, mais j'arrive pas.
Bon.
Je vais faire comme si wonderwoman, ou superjaimie, ou moi, quoi, tout bêtement.
Hop, au boulot ma vieille, après t'iras à la barre, prendre le vent dans l'angle, en pleine face, tu t'arrondiras, le dos rond, en attendant que ça passe, ce grand n'importe quoi.
Vive le vent, un coup dans le dos qui te pousse en avant.
Je te dirai, vu que je vais me couper la tignasse encore, ça pousse trop vite ces machins-là.
Ben justement, magne toi cocotte, c'est dans deux heures, t'as plus qu'une heure trente pour tout faire.
Quoi?
Oui.
Repasser, refaire, nettoyer, passer, fleurir, admirer, profiter, rendre joli...
Ben tu vois, ça revient, t'as envie, rendre beau, faire tout bien.
Ca t'auras pas servi à rien de parler comme ça, tout mal et de guingois.
C'est fait exprès tu vas me dire.
Ben oui, on s'amuse comme on peut.
C'est comme ça, quand le silence te remplit les oreilles.
Que t'as du temps, à rien faire, à tout faire au dernier moment, à attendre, juste attendre, que ça passe, le temps.
A très vite, c'est promis?
Parce que je...
Enfin, tu sais, quoi.

11.8.10

L'eau revoir...

Nous nous sommes embrassés comme si c'était pour se revoir demain, mais j'avais mes lunettes de soleil, pour cacher ma gorge nouée.
Je n'étais pas la seule, je crois bien, à ressentir cette sorte d'émotion qui existe quand des amis que nous aimons, s'en vont, pour un ailleurs trop lointain pour qu'on se donne un rendez-vous "à demain".
D'habitude c'est moi qui part.
D'habitude je ne ressens que de la joie aux départs.
Mais là.
Ben là, on avait pas envie qu'ils partent, hein.
Pour tout ce qu'on a partagé.
Des discussions, des envies, des projets, des parties de "time's up" jusqu'à pas d'heure même sur la plage, même les réveillons.
Des fous rires.
Tony Blair. Pour l'un des rires de cet après-midi. Comprenne qui sait.
Juste pour qu'il nous reste ce sourire après les larmes.
Heureusement que tout le monde ne part pas.
On se voit très vite, ceux qui restent, j'ai des amis chers à vous présenter aussi.
On jouera à jungle speed, ils se reconnaîtront, là.
J'ai envie de dire à mes amis que je tiens à eux, et que c'est précieux.

10.8.10

Solitude...

On pourrait croire que je n'aime pas être seule.
On pourrait croire que je m'ennuie, seule.
On pourrait croire.
On devrait savoir, que trois enfants, c'est occupant.
On devrait savoir, que parler, parler, répondre aux questions, écouter, écouter, se taire, approuver, gronder, guider, aider à choisir, être responsable...c'est fatiguant, aussi.
Même si.
Parfois, les vacances font que je me retrouve seule (mais pas seule vraiment, puisque si je suis seule c'est pour rester avec mes Hôtes qui me font le plaisir de venir ici), seule sans Homme et sans enfants.
Comme à la fin de cette semaine, dès jeudi.
On pourrait croire que je vais savoir.
M'occuper.
Mais.
Les premières heures, je vais me perdre dans le grand silence d'une maison vide, et crois-moi, ça fait une différence.
Et puis.
Les heures qui suivent, je vais m'étourdir de musique. Ecouter pour de vrai. J'entends par là, que je vais être sur le canapé, je ne ferai rien d'autre qu'écouter. Ou bien. Ou bien je danserai. Parce que c'est ça aussi la musique. Parfois. Elle swingue. Elle ondule.
J'écrirai.
Voilà que je me suis mise à tenir une sorte de journal d'août. Tu sauras.
Je crois bien aussi que je ferai les choses graves, les choses pas drôles de la vie du travail, celles de mon travail d'avant, des décisions à prendre, que je ne parviens pas à prendre.
Et puis, je corrigerai la version corrigée d'aujourd'hui (la quatrième mazette!) de la nouvelle que je voudrais envoyer à un concours. Juste pour le thème qui me plaisait, pas pour le concours lui-même, il n'y a à gagner que la satisfaction d'un travail achevé.
La moto, bien sûr. Etre seule, ce sont des perspectives de balades en moto. Sous le soleil, vers la plage, vers la barre, prête à nager dans l'océan, si le temps.
J'attaquerai d'autres recettes d'Alfredo, il est temps, les légumes d'été, tu vois, tu sens.
Je prendrai soin de mes Zôtes pour qui je suis mieux disponible dans ces jours-là.
Et puis, dimanche soir, quand la tribu rentrera, la maison sera claire, et le repos de mon esprit.
On saura que j'aime aussi être seule.
Avec mes chats.
Avec le Vent, la pluie et le beau temps.
Avec. 

9.8.10

J'aime...

Ce que je fais,
Ecrire,
Lire,
Regarder la mer,
Entrer en elle,
Sentir le vent,
Mes enfants,
l'Homme,
La vie que je mène,
Les discussions profondes avec des inconnus,
Rencontrer des gens,
Ecouter,
Le jazz, et pas que,
La musique,
Danser, même n'importe comment,
Hurler: Vanina ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah, vanina  ah ah ah ah haaaa ha ha ha haaaa,
Seulement dans la voiture, un jour de soleil, avec le grand vent de la fenêtre ouverte,
En rire,
En rire encore quand j'avoue que je le fais,
Ton rire,
Le cou de ma fille, à l'endroit du bisou,
Ses joues,
Le sourire éclatant de mon autre fille,
Les fossettes de mon fils,
Mes enfants (oui, encore, je le redis, quand on aime...)
Le sable sous la plante de mes pieds,
Marcher pieds nus,
Sentir le bois chaud de la terrasse,
Ou l'herbe humide de rosée,
Revoir des amis pas vus depuis longtemps,
Se raconter tout,
A toi, te dire tout,
Ou presque,
Voyager,
Déplacer mon canapé, pour croire que je voyage,
Faire le pain,
Façonner la pâte,
T'en donner un bout,
Te le faire écouter chanter,
L'odeur du pain grillé,
Et celle du café,
Me réveiller et voir le ciel bleu,
Me réveiller avec un bisou de l'un de mes trois,
Me réveiller en pensant à toi.
Ou m'endormir dans tes bras...
Ou...
J'aime, surtout quand j'aime,
Et c'est la vie qui me mène.
J'aime...

7.8.10

La Pêche.

                                 (clique sur la photo si tu veux voir plus grand)
Moi, je ne pêche pas. Ou pas ce que l'on s'attend à pêcher.
Mais Eux, si.
Faut voir. Trois crevettes à la pêche aux moules. Ah. Non, je raconte des beaux bars, c'est ma fille qui le dit (celle de quatre ans ET DEMI). Ils pêchent avec une canne à pêche, une vraie, une ligne, un hameçon, un plomb. C'est un ami (merci J.) qui les a initiés. Parfois, un coup de pouce suffit à entrer dans un engrenage heureux de pêcheurs satisfaits.
Faut voir, alors je vous montre. Ne soyez pas jaloux, pas la peine, juste admiratifs, comme je le suis.
Quatre cannes (c'est leur père le quatrième) et leurs petites jambes. En réalité, il n'y a que trois cannes qui servent vraiment, le papa n'a pas le temps de lancer sa ligne, tant il court de droite et de gauche (surtout de gauche, si on vous demande) pour relancer les lignes, accrocher les vers...ah, oui, les vers. Je crois bien que c'est pour ça que je ne pourrai pas pêcher pour de vrai.
La pêche c'est attendre le poisson, mais pour l'appâter faut bien lui donner à manger. Alors, arénicole. C'est franchement bof, l'arénicole. D'abord, tu vas le déterrer, ou plutôt le dévaser. (là où tu vois des petits serpentins de vase ou de sable, dessous, arénicole il y a).
Tu fais provision de dizaine de vers, et puis tu te décides à agrafer ton vers au hameçon. Et ça, c'est beurk. Parce que le vers saigne.
Mais.
Tu lances ta ligne, loin, là où tu as vu briller les écailles de poissons ou bien là où tu vois les ronds des poissons qui tournent, qui narguent.
Et puis, selon ton humeur, tu restes debout, ou bien tu t'assois, ou encore, tu cales la canne entre deux rochers. Et tu attends. Tu vois la ligne bouger, le haut de la canne ployer, tu entends les cris "j'ai une touche, j'ai une touche" et hop, tu moulines.
Bon, parfois tu ramènes un paquet d'algues. Tu pourrais demander à Patrick quoi en faire, mais tu n'as pas le temps, alors tu relances si le vers n'a pas été mangé (oui, sont forts les poissons, parfois ils arrivent à gober le vers sans se faire hameçonner), ou bien tu recommences l'opération accrochage de vers. Beurk.
Et puis, plus souvent qu'on aurait pu le croire, le petit miracle de ramener un poisson, un vrai, entier, même pas carré, un qui brille et qui se débat autour du vers qu'il a bien avalé avec le crochet.
La maman court prendre une photo (oui, ça, on ne change pas) le papa attrape un torchon pour tenir le poisson et décrocher le hameçon. On relâche parfois la prise, quand elle est trop petite. Tu sais, petit poisson deviendra grand.
Mais, le soir, on a dorades et bars à la régalade.
La dorade a des dents féroces et des épines dorsales tranchantes, faut s'en méfier.
C'est quelque chose de magique, ça, de manger sa propre pêche, et de poissons aussi bons. Ceux que tu trouves à prix d'or sur les étals de marché, et quand tu vois le travail que ça représente, tu comprends.
Je suis ravie que les enfants aiment pêcher, qu'ils savent pêcher même s'ils ont besoin d'aide, c'est un moment de plaisir partagé.
Je ne pêche pas, non, mais je mange.
Du bar juste grillé au four avec un filet d'huile d'olive, c'est un poisson si fin qu'il se suffit à lui-même. De la dorade, que tu peux lever en filet et faire griller avec de la chapelure au beurre salé. Oui, je sais, c'est gras, mais qu'est-ce que c'est bon!
Faudra que j'essaie avec du fenouil m'a dit Marcus, y a plus qu'à.
En attendant, je vous offre quelques photos de cette pêche là, et puis le paysage, parce que c'est le pays qui veut ça. C'est beau, tu sais. Oui, tu sais.

4.8.10

La Robe.

Je me suis offert une petite robe. Tu l'aimes. Petite robe, façon de parler, elle est si longue. Elle est robe, comme le glaçage d'un gâteau enrobé. Elle rend beau. Je suis une meringue à la peau blanche, enrobée de chocolat mat. Tu voudrais imaginer croquer dedans. Imagine. Un chocolat avec un coeur dont tu ignores la saveur.
Alors tu croques.
Bien sûr, tu attends quelque chose, on croit toujours connaître le goût du chocolat, mais. Voilà que tes yeux fermés pour mieux déguster, tu cesses d'y goûter. La surprise. C'est que, vois-tu, il y a une liqueur, à l'intérieur.
Alors, tu sens la chaleur qui passe de tes lèvres à ta gorge. Elle fait glisser le chocolat et tu soupires d'aise.
La robe.
Elle cache tout, elle enrobe. Elle est douce, tu le sais, puisque tu l'as tenue en main. Enfin, tu crois.
Puisqu'entre la robe et moi, tu ne sais pas.

1.8.10

Bleu.

C'était vendredi soir. Mais peu importe le jour. C'était un soir.
Ca faisait longtemps que je n'avais pas parlé des nuages ni de la plage.
C'est un pays où l'on peut se sentir isolé rien qu'en regardant le ciel, ou bien le sable.
Nous étions peu nombreux, là.
C'était un soir, un soir où l'on remarque les messages inscrits sur le sable, par des mains aimantes, où l'on regarde les adultes redevenir des enfants, à qui lance le caillou le plus loin, ou bien, les silhouettes solitaires et pensives, venues là pour se ressourcer sans doute.
Il est des paysages, en plein vent, où chaque détail prend de l'importance. On se dit que les îles savent léviter au-dessus des océans, ou que les nuages savent se transformer en touches de pinceau, légères, comme une idée de blanc, juste suggérer.
Nous sommes restés nez au vent, j'ai fermé les yeux un long moment, le temps que les battements de mon coeur répondent au reflux de l'océan, et au Vent.
Ce Vent qui bat. Comme la vague et le temps. Je.