29.3.12

Les hasards du calendriers

C'est comme ça.
Je roule, fenêtres ouvertes dans ma voiture sans climatisation, il fait déjà chaud, et pourtant on dit qu'en avril...
Soudain, enfin pas vraiment, mais soudain quand même, je réalise que je pars un jour particulier, la fin d'une décennie, le début d'une autre.
Le soleil me brûle la joue à travers la fenêtre ouverte, mon bras aussi.
L'hiver m'a vue au fond d'un puits sans lumière où je ne pouvais écouter certaines musiques sans laisser les larmes, où j'avais du mal à me mouvoir, tant il me semblait que l'espoir n'était pas au bout du couloir.
Le soleil fond la tôle du capot, et la musique jaillit des hauts-parleurs de la polo.
Je roule et soudain, enfin pas vraiment mais soudain quand même, je sais au plus profond que oui, je suis une fille d'avril, pas de décembre ni de janvier, pas de Noël ni de février, encore moins de novembre, ce "Du" breton qui pleut du noir sans cesse.
C'est comme ça.
Mon état se fie au soleil qui m'émeut, à la plante qui vient, au frais de l'herbe tondue, au bois qui caresse de sa soie les pieds nus, au chant des oiseaux ininterrompu, à la musique que je choisis enfin.
L'humeur de ces derniers jours est Arpeggiatesque puisque j'aime sans fin ce bruissement d'instruments anciens, cette joie qui remonte du dedans par la voix qui dit vient, et doucement te met le coeur en fête.
Je vais avoir mes quarante, pointure lourde quand tu ressembles à une fille, il va falloir les porter avant qu'ils ne m'emportent, alors forces je prends et soleil je mesure, derrière le filtre de mon bonheur, tous ces instants qui se cumulent comme un piédestal, un socle, une montagne.
Il faut que je jauge tout ce qui m'est donné, il faut que je continue de donner pour me laisser vivre.
 L'agitation des jours à venir ne me fait pas peur, ni ne me paraît insurmontable, c'est comme ça, les choses viennent à point, faire ce qu'on peut surtout, faire aussi bien.
Le soleil entre à présent par la baie du salon, il tiédit les pavés gris, il me montre la poussière et tout ce qui reste à faire, mais je sais qu'avec Christina Pluhar ou bien Andréas Scholl, ou encore je ne sais quelle musique aussi légère que l'air du printemps, je ferai mon pain sans peine, et ma peine sans chagrin.

28.3.12

Fleurs

Le soleil commence à baigner d'or liquide l'herbe verte du jardin. La jungle plutôt. Elle nous arrive aux chevilles, elle est douce et fraîche. C'est aussi l'heure de sortie des moustiques, en bataillons rapides et voraces qui redécouvrent l'air tiède en même temps que nous, pauvres humains.
Le verre est humide de rosée. Les gouttes glissent à son pied. La chaleur se fait douce, et nous entendons le passage des voitures qui ramènent chez eux les travailleurs laborieux.
Dans l'herbe, court un petit lutin. Chaussée de tongs rose, vêtue d'un short bleu turquoise et d'un T-shirt rose à petites fleurs, elle se détache bien du vert ambiant.
Elle parle. Elle fait des bonds. Elle se met en suspension comme le chat qui a repéré un papillon. Elle se penche. Incline la tête et continue de parler. Nous voyons qu'elle discourt avec les fleurs. La petite voie pointue parvient jusqu'à nous par bribes, nous ne comprenons pas les mots, mais le ton est cajoleur. Elle fait des bulles avec le savon dans le petit tube jaune en soufflant dans la tige de plastique qui se termine par un rond. Les bulles sont petites, mais elles luisent de l'arc-en-ciel. Soudain, elle jette son jouet, se plie pour voir dans l'herbe quelque chose que nous ne devinons pas. Elle court vers nous, s'approche presque essoufflée pour nous dire "maman, je vais chercher un bocal. Je viens de voir deux insectes qui font l'amour, je vais les mettre dans un bocal ce sera mieux pour eux".
Elle va chercher le pot de confiture vide, encore un qui va servir de cage provisoire comme tous les autres qui ont récolté les papillons que son frère chipe avec l'haveneau rose qui ne sert jamais aux crevettes.
Elle s'arrête un instant prendre de l'herbe qu'elle fourre dans le pot en verre, et ramasse les deux insectes, collés l'un à l'autre, leur carapace noire et rouge se détachant joliment sur l'herbe coupée.
Il est 19h00, c'est le printemps pour la nature, c'est la vie qui revient.



27.3.12

Check or not.

Lundi
Rendez-vous l'ami peintre. Check.
Rendez-vous Créatrice de mobiles, mon amie, check.

Mardi
Rendez-vous potière, check.
Sourcils, check.
Article, article, article, check.
Photos commandées, check.
Courrier posté, check.
Soleil, check.
Rendez-vous "lire et faire lire" pas check.
Activité enfant 2 pas check.
Cabaret, pas check.

Mercredi.
Rendez-vous allerguo, pas check.
Chambre d'hôtes pas check.
Désherbage, pas check du tout. Débroussaillage et tondeuse non plus.
Cadres, 6, pas check, et puis sans les photos c'est pas checkable.
Activité enfants 1, 2 et 3 pas check.

Jeudi
Rendez-vous atelier poterie, pas check.
Quimper, pas check.
Activité enfant 1 pas check.
Zotes, pas check.

Vendredi (pas check)
Zotes (autres)
Encadrement,
Ouverture chapelle,
vider chapelle de ses bancs,
poser les grilles,
accrocher les photos, pas check...

Samedi (non plus)
Ouverture chapelle pour public
Vernissage
Expo...
Est ce que je fais des petits gâteaux?

Dimanche (non plus, mais presque)
Expo...
Famille et amis et anniversaires...pas check, pas check.
Va falloir que je fasse un GROS gâteau! (4 anniversaires).

Et je te dis pas le rangement, les repas, les courses, le linge...
Oh, mais si je suis là, c'est que je n'ai rien à faire ou que je décide pour plus tard?




Il élucubre, le poulet.

"Hématologie des poulets frisé".
Oui, je sais, y'a une faute. Il manque un S.
C'est la recherche qui a été faite sur le net et qui a conduit à mon blog.
Je ne peux pas satisfaire la demande, jusqu'à aujourd'hui.
Je ne sais absolument pas ce qu'est un poulet frisé.
L'hématologie, je vois vaguement.
Les deux associés me laissent pantoise.
Bien sûr, du sang coule dans le poulet. Même si au moment de le mettre au four et bien qu'il ait la tête coupée, rien ne semble donner le moindre signe de vie. Même, on pourrait dire que le poulet est sympathique, parce qu'il est blanc. Et non pas rouge. C'est moins "gore" tout de suite. C'est propre, aseptisé.
Evidemment, je ne fourrage pas souvent à l'intérieur, sauf quand je le farce d'un citron confit, ou de moutarde, ou d'oignons, ou de raisins. Tout est possible pour le poulet.
Ya pas très longtemps me semble t-il que j'ai fait le lien entre le poulet au four et le poulet sur pattes. Genre, tu savais, enfin, tu réalises que le poulet qu'on te présente sous son emballage alimentaire, il est à l'envers. Le ventre à l'air?
Ne pas rentrer dans les détails surtout parce que sinon tu n'en mangerais plus.
Frisé.
Un poulet frisé.
Ça m'est arrivé c'est vrai de trouvé des poils de poulet frisé brulés. Tu vas me dire, c'est pas des poils.
C'est pas faux.
N'empêche que ça fait une boucle, des fois.
Un poulet afro-américain?
Un poulet vert comme une frisée?
Un poulet comme un mouton?
Peut-être que frisé c'est aussi autre chose que des boucles.
Peut-être que c'est la cervelle du poulet qui est frisée, un poulet comme fou. Mais le poulet n'a pas de cervelle, sinon on en mangerait pas.
Non, vraiment, je ne peux accéder à la demande.
J'ai le cerveau qui frise, mon poulet.

26.3.12

Voyage #5

C'est le tour des hôtels. On ne va pas descendre en une fois. Pas fous. Finalement, ne rien prévoir c'est tout prévoir. 
Les cartes routières je n'en ai pas de cette région. Le sud de la France. J'ai des images de paysage, des souvenirs de traversées du massif central, pas grand chose en fait.
Je n'ai pas de carte mais j'ai des outils que j'apprends à lire. Faire glisser les doigts sur le trackpad pour agrandir ou rétrécir, garder le pouce appuyé pour aller à l'Est, à l'Ouest, au Nord, au Sud. Utiliser ses cinq doigts pour tracer le chemin virtuel. C'est une autre lecture du paysage.
Les hôtels c'est pas compliqué, on a choisi la même chaine, même si j'abhorre ce genre de logement, mais on est 5, on compte ma brave dam'.
Je tapais le nom de l'hôtel sur la page, sur un onglet à côté je tapais ce qu'on voulait voir, sur un autre le chemin conseillé. Je lisais le nom de la ville, j'agrandissais l'image de la carte, je devinais l'endroit où vit une amie. Et puis un peu plus loin, celui où vit une autre amie. Et puis encore plus loin,  un ami pas vu depuis... je ne sais plus.
Sur le magnifique réseau social où je me fourvoie encore pas mal, j'ai tapé les étapes nuit. Locoal/Rivedoux/Toulon/Calvi/Bastia/Valence/Tours. Juste ça.
Mes amis sont formidables : en quelques minutes j'étais invitée partout. Moi, et mes miens. Je ne sais pas si mes amis réalisent.
Les hôtels sont réservés, j'ai tapé le numéro de ma carte.
Les vacances c'est au final une histoire de cartes et de taper.
La carte d'identité, la carte routière, la carte bleue et taper la cloche.
Je ne sais pas si on pourra s'arrêter voir les amis. D'abord parce que ce sont "mes" amis, et je ne sais pas si l'homme sera d'accord, ensuite parce que j'ignore réellement le temps qu'on va mettre entre chaque étape. Ma seule certitude est l'horaire du bateau.
Et les sacs de couchage sont en route, avec le filtre polarisant.
Ma seule certitude est que je compte les jours.
J'aime ça.



25.3.12

Le champ de sable #the other last :-)

Elle riait, elle riait à s'en former des vagues sur le ventre. Elle en pleurait presque.
Le militaire commençait à être contaminé. Ses yeux s'éclaircirent, le coin de la bouche frémissait.
"Mais enfin madame, que vous arrive t-il?
Elle ne pouvait bien sûr, pas répondre.
L'homme s'approcha un peu plus, jeta un oeil dédaigneux sur la cadavre, un autre sur l'enfant dans les bras de Macha et s'écria
-Vous trouvez qu'il y a de quoi rire?
Derrière eux, sur la dune verte et mouvante, la grappe des soldats chuchotait.
Dans l'énorme et bruyant hélicoptère, une porte voix hurlait :
-Coupez, coupez!
Sur les rails posés sur le sable (péniblement, l'équipe technique avait posé une centaine de mètres de rails miniatures pour les travelling de Macha suivant le sentier) le petit train de la caméra s'arrêta, le conducteur descendit de son petit siège, et s'approcha furibond, prêt à morigéner l'actrice.
La femme allongée, le cadavre, se redressa, telle une morte-vivante, et le visage hilare, tapa sur le dos de Macha pour tenter de la calmer.
-Macha, t'es pas sympa, j'avais déjà froid sur ce sable humide, va falloir tout recommencer!
Le bébé attrapait les cheveux blonds de Macha pour en faire un hochet, elle le fit cesser en le reposant sur la poussette.
-Je suis désolée, finit-elle par hoqueter, mais vous êtes tellement, tellement vrais et si... ridicules, j'ai pas pu m'en empêcher.
Le script précisait qu'elle devait se fâcher avec le colonel émergeant du champ de sable, le traiter d'irresponsable d'avoir tiré à balles réelles sur cette pauvre femme qui passait par là.
Le colonel devait quand à lui expliquer que ce n'était pas un champ de sable mais un champ de tir, et qu'ils n'étaient pas là pour jouer à la poupée.
Macha était sensée reconnaître la femme morte comme celle ayant kidnappé un bébé dans la maternité où elle travaillait, le bébé en question étant dans ses bras. On laissait peu de place à l'explication de l'acte d'enlèvement, tant il est vrai que seul le désespoir de la solitude pouvait entraîner ce comportement. Ou bien la folie. Le spectateur peut décider comme il veut le sens d'un vol.
Il y avait sûrement une morale à cette histoire, mais chacun sait bien que dans la vie c'est ni blanc ni noir, et qu'en vrai on fait ce qu'on peut avec ce qu'on a.

Voyage #4

L'euphorie du départ commence à m'atteindre. Je sens l'allant qui vient.
Il y a eu les cartes. Tu sais, ces bouts de plastiques bleus où il ne faut surtout pas sourire. La mienne a juste un an. L'autre datait de 1987. Sans doute qu'au lieu de me demander si c'est normal tous ces traits sur mon cou, comme ce matin, en regardant la photo de 87 ma fille aurait demandé si c'est normal tous ces boutons.
Pour faire les cartes, il faut remplir un dossier. En dehors du fait que tu te demandes si tu dois signer pour tes enfants, oui, et que tu ne dois pas dépasser les traits de la case en plus (quand tu connais ma signature et que tu vois la taille de la case y' a de quoi bloquer le plus déluré), bref, il faut aller faire les photos.
Les photos où tu ne dois pas sourire.
Ni porter de lunettes sauf si vraiment t'y vois que dalle et là alors il faut fixer devant toi.
Ni avoir de mèches sur le front.
Ni de bandeau pour tenir ta mèche tiens.
Les enfants riaient au début, mais le discours lénifiant de la voix synthétisée toute droite sortie de la machine contribue à te faire retrouver ton calme.
Et ton sérieux.
E ta triste mine.
Et puis, une fois que les photos sont faites, il faut les extraits d'acte de naissance. J+5 sur le net, en direct à la mairie du lieu de naissance. Fastoche.
Le dossier est parti. Les dossiers.
Et puis on a commencé à réfléchir couchage. Sac de. Et puis je suis allée voir. Alors je suis revenue avec des chaussures de marche et même des tongs.
Puisque ce matin, il faisait un temps que même le beau temps en rougit encore. Le printemps ça me fait ça. De l'effet pré-kiss-Corse.
Cet après-midi, je regardais la carte de la route pour "descendre".
Ça fait quand même une vache de route dis donc. 1200 et plus kilomètres. Avec une courte pause chez des amis. Juste le temps de fermer un oeil.
On va revenir de là grandis, hein mes petits?
Avant le départ, l'expo. Tu sais. J'ai choisi les photos. Une semaine avant c'est un record. Mais je ne les aurais en main que la veille de. Alors la veille de, j'aurais tout à mettre sous verre. Là, je penserais encore que je suis mal organisée, mais que au fond, j'aime ça, le coup de feu de l'événement.
L'expo 3 jours avant le grand voyage.
Et au retour du grand voyage, les élections. Le jour même.
J'espère qu'il fera beau.




24.3.12

Le champ de sable #the last

Il la regardait, interloqué.
Pourquoi riait-elle?
Macha n'arrivait pas à s'arrêter. Le rire nerveux qui la secouait semblait inextinguible. Le militaire n'avait pas encore vu le corps, il l'a prendrait vraiment pour une folle quand il serait plus près. En même temps, elle ne pouvait pas lui expliquer qu'après la vision de la femme allongée au sol, les voir apparaître ainsi grimés, comme sur le champ de bataille qu'elle n'avait jamais vu qu'à la télé, le ridicule de la situation avait pris le dessus.
Il était sérieux, le regard de l'homme. Presque agacé. Elle dérangeait.
"Vous n'avez pas vu les panneaux?"  gronda t-il
Les panneaux? quels panneaux? ceux qui, à chaque sentier qui descendait sur la plage, indiquaient "baignade interdite"? ou bien "naturisme toléré"? comme si elle avait envie de se baigner, nue encore moins, avec cette bise piquante!
Elle ne répondit rien, toute à reprendre son souffle.
C'est alors que l'homme des sables vit l'enfant et la femme inanimée.
Il fit un geste à son équipe derrière lui, pendant que le super-frelon qui tournait encore au-dessus de la dune s'éloignait, évitant de projeter le sable à tout va.
Il ne toucha pas le corps, attrapa la radio fixée sur son plastron pour donner des directives à l'hélicoptère, et transmettre les données.
Il regardait la femme muette à présent que son rire s'était éteint, elle lui rappelait sa Katy, mais la ressemblance s'arrêtait là. Les cheveux sans doute. Elle les avait blonds et longs, même si elle les avait rassemblés en une queue de cheval épaisse. Le vent s'était chargé du crêpage, efficacement.
"Vous connaissez cette femme? demanda t-il.
-Non, répondit-elle enfin. Je marchais sur la plage. Et non je n'ai pas vu les panneaux. Pourquoi"?
-Vous êtes sur un champ de tir madame, nous sommes en plein exercice. Vous n'avez pas le droit d'être là.
 L'enfant dans les bras de Macha se tortillait à nouveau.
A y regarder de plus près, le visage de la femme brune au milieu du sentier perturbait les souvenirs de Macha. Elle l'avait déjà vue, elle en était sûre. Peut-etre une touriste comme elle, qui avait quitté la grisaille parisienne pour venir se ressourcer sur la côte ouest. Tout le monde va sur la côte ouest. C'est à la mode. Le Parisien aime la côte. Il se nourrit du sable et de l'air iodé, il engloutit des crêpes, s'achète un ou deux T-shirt rayés, ou bien une veste de quart qui le protégera du cuir des sièges de son véhicule tout terrain, garé sur les trottoirs parisiens.
Une image lui revint en mémoire.
Le couloir de son service, et le sourire timide d'une femme, petite et brune, qui emportait son bébé.
Sauf qu'ensuite, l'hôpital tout entier avait vibré d'émotion quand on avait appris qu'un bébé avait été enlevé de la maternité. Au moment de l'enquête elle avait parlé de cette femme qui marchait vers la sortie, elle en avait fait un portrait robot, et seuls les quelques mois écoulés avaient effacé de sa mémoire les traits de la femme qui se trouvait à ses pieds.
"Je la reconnais! s'exclama t-elle.
En un instant, Macha avait saisit l'ironie morbide de la situation. Une balle des militaires en exercice avait sans doute touché la femme, femme recherchée dans tout Paris et alentours depuis des mois, en vain et pour cause, par les services de police débordés.
Macha s'était souvent posé la question du pourquoi d'un tel acte, le vol d'un enfant. Elle avait vu le désespoir de la mère, l'impuissance, la haine, la colère, la tristesse infinie à mesure que s'écoulait les heures. On avait jamais retrouvé l'enfant.
Et voilà que dans ses bras se tenait sans doute le petit être qui avait à peine connu sa mère.
Macha se disait qu'il n'y avait pas de hasard.
Elle se disait aussi qu'il y avait bien des peines.
Au loin, une ambulance hurlait.

End.

20.3.12

Le champ de sable #5

Le sable s'était introduit dans ses chaussures quand elle avait grimpé la dune avant de trouver l'enfant. Elle s'en agaça en se relevant après avoir chancelé devant le spectacle morbide qui l'accablait. Elle s'étonnait d'avoir pensé au sable dans ses chaussettes alors que près d'elle gisait un corps. Un moment d'immobilisme, à se demander quoi faire. Elle savait déjà que le portable ne passait pas à cet endroit de la côte, elle ne pouvait ni abandonner le bébé, ni laisser le corps à ses pieds. D'ailleurs, elle ne voyait pas le visage de ce qui semblait être une femme. Bien couverte d'une parka brune, une écharpe enroulée plusieurs fois, des chaussures de marche... Elle semblait minuscule, à peine plus grande qu'une adolescente, brune aux cheveux courts. Macha se pencha en avant pour constater son état. Peut-être respirait-ele encore?
Elle retourna le visage vers elle avec une sensation de dégoût, vit les yeux bleus ouverts et l'expression de surprise, mais aucun signe de vie.
Pourtant, elle eut une impression de déjà-vu. Ce visage lui était familier, ce masque mortuaire neutre et inanimé, elle l'avait rencontré quelque part, mais où?
Elle prit le bébé dans ses bras, ce qui l'apaisa en quelques minutes.
Elle regardait autour d'elle, ne sachant quoi chercher, faisant semblant de réfléchir alors que ses pensées s'entrechoquaient brutalement entre les parois de son crâne.
La dune bougeait.
Elle vibrait, comme l'air chaud qui se dégage du sable et forme un mirage.
Un vrombissement énorme lui emplissait les oreilles.
Ce ne furent pas des centaines de lapin sortant des terriers qui faisaient ce mouvement irréel, mais plusieurs hommes en tenue de camouflage, qui s'avançaient vers elle.
Le bruit insoutenable était celui d'un super-frelon qui s'approchait, sans doute pour récupérer sa cargaison de fusiliers-marins.
Elle se crut dans "la ligne rouge" sans les papillons ni les oiseaux, juste l'affreux bourdonnement de la grosse guêpe qui relançait les pleurs de l'enfant.
"Que faites-vous là, madame? " lui lança de loin celui qui devait être le chef.
Interloquée, Macha ne sut quoi répondre. Elle regardait ce déferlement de virilité campagnarde, et fut prise d'un fou rire incongru.

Le champ de sable #4

Comme chaque jour, Camille préparait la balade. Léa babillait dans le parc, du haut de ses six mois elle commençait à se retourner avec vigueur, jouait avec tous les objets qui passaient à portée de main. Camille avait décidé de ranger la nacelle du landau qui se faisait maintenant un peu étroite pour Léa. Elle enleva les garnitures en coton rayé pour les mettre à laver. Le fin matelas en mousse s'enlevait facilement de la base du couffin qui avait un dossier relevable. Elle senti sous ses doigts le petit bonnet qui entourait la tête de Léa à sa sortie de la maternité. Tout lui revint en mémoire.
Elle ressenti à nouveau la sensation qui l'avait saisie alors qu'elle passait les portes coulissantes de l'hôpital, Léa dans ses bras. Elle se souvint de son coeur qui battait à tout rompre, de sa frayeur, de son bonheur. Elle n'avait pas souffert la naissance, elle n'avait pas senti la douleur, elle n'avait pas entendu le premier cri, mais cet enfant était sa fille, elle le savait, elle le voulait, elle l'avait tant attendue. Elle n'avait croisé qu'une sage-femme dans les couloirs, elle lui avait souri, en continuant d'avancer, Léa contre elle, endormie.
Elle avait rejoint sa voiture, l'air doux caressait le visage, elle avait tout prévu déjà, puisque la nacelle était déjà fixée aux ceintures de la banquette arrière.
Elle avait posé Léa tendrement et avait démarré, vite, l'euphorie de cet instant magique où elle se sentait enfin mère.
Quelques jours sur les routes, quelques nuits dans les hôtels le temps de rejoindre la côte ouest où elle avait sa maison qu'elle avait quittée quelques mois avant, le temps de se préparer à sa nouvelle vie.
Camille referma la porte de ses souvenirs, de l'angoisse qui l'étreignait à chaque fois qu'elle tournait le bouton de la radio ou qu'elle effeuillait les pages du journal.
Elle était heureuse.
La poussette était prête, le temps idéal avec ce ciel bleu et frais, elle décida de longer la côte, empruntant le sentier qui sinuait entre les dunes. A sa droite elle verrait l'océan, à sa gauche les douces ondulations de l'espace naturel protégé qui rendait la région si belle.
Ce n'était pas encore la saison touristique, elle ne verrait encore personne, peut-être un ou deux cyclistes, peut-être des marcheurs.
Mais elle n'avait pas pensé à ça, non, elle n'avait pas pensé à ces silhouettes qui rampaient dans l'herbe, dissimulées par les tenues de camouflage.
Elle ne pensait pas à ça quand la balle avait sifflé à son oreille.


19.3.12

Le champ de sable #3

Il allait profiter de sa perm' il se le jurait à lui même. Plus qu'une semaine, et il retournait dans l'Est, vers ses montagnes, il avait le mal du pays dans cet univers si plat, où rien n'arrêtait le regard. Pour ne rien arranger, Katy lui avait envoyé une carte postale qui lui mettait l'inquiétude au coeur, une des cartes qui n'annonce rien mais qui prédit tout, une carte dont on voudrait soulever chaque mot pour savoir ce qui se cache dessous. L'anguille.
Le réveil des fusiliers marins était susceptible d'intervenir à toute heure, toujours prêt devait être le credo. 
Mais cette fois, il ruminait. Sa peine de coeur lui jouait des tours au moral, au lieu de s'endormir comme une masse, il faisait des entorses à ses draps, ils ne s'en remettraient jamais, la preuve, il parvenait mal à les lisser le matin. Ses camarades le chambraient, ils ne pouvaient pas savoir, Katy et lui ça remontait à si loin, il n'avait connu qu'elle, et cette dernière carte était...
Ils s'étaient connu au collège. Elle avait des cheveux si blonds qu'il en avait été ému. Quant à elle, elle aimait dire que son aspect sauvage l'avait intéressée, puis défiée. Elle l'avait dans sa poche, il le savait, il l'acceptait, c'est ainsi que vont les hommes et les femmes.
Ils se marieraient et auraient beaucoup d'enfants, quand il aurait avancé dans sa carrière militaire, le seul endroit où il avait réussi à se sentir bien, les règles des casernes étant trop strictes pour se permettre de déraper, et assez cadrées pour lui donner un mur, un sol, un toit, de quoi créer son foyer.
La caserne c'était chez lui, ses collègues, sa famille.
Alors quand il avait lu qu'elle ne prendrait pas de congés pendant son séjour, qu'elle devait lui parler... son sang avait fait un tour, et puis plusieurs, parce que les chocs empêchent de réfléchir, et il avait imaginé qu'elle avait trouvé quelqu'un d'autre, après tout depuis trois ans il était absent la moitié de l'année, et elle avait du mal à le supporter. Il se disait que quand les enfants seraient là, ils l'occuperaient suffisamment pour qu'elle n'aie plus envie de travailler, ou même de continuer à voir ses copines, celles qu'il n'aimait pas, les intellos, les folles du ciboulot, les empêcheuses de penser droit.
Il avait tout prévu, l'achat de la maison, avec ses primes de déplacement, les missions à l'étranger, le théâtre des opérations extérieures comme on disait, il avait risqué sa vie pour lui payer une maison, elle n'allait pas le lâcher maintenant, non. Il avait anticipé la naissance des enfants, mais n'avait appris que récemment qu'elle prenait encore la pilule alors qu'il s'occupait d'elle comme il fallait à chacune de ses visites.
Elle retardait ses projets. Il avait piqué une colère noire. Elle l'avait regardé ahurie. Et elle était partie en claquant la porte. Il avait dû être très persuasif pour qu'elle revienne, ça lui avait pris du temps, toute sa disponibilité quand il était rentré l'hiver dernier pour les fêtes de Noël.

.....

18.3.12

Le champ de sable #2

Quand on la voyait passer au volant de son gros break VW, on se demandait d'abord où étaient les irresponsables parents qui avaient laissé trainer leurs clés de voiture. Sa tête affleurait à peine le volant. Au deuxième coup d'oeil, on reconnaissait la tête brune, les rides de maturité, et on était tenté de lui proposer au moins un siège réhausseur. Pourtant Camille avait bien son permis, depuis une bonne quinzaine d'années, et elle conduisait son break avec assurance. 1, 55, 45 kg toute mouillée, sa silhouette androgyne lui donnait cet air adolescent vite démenti par le regard triste.
Personne ne la connaissait vraiment. On ne lui savait pas de famille. Sa maison, aussi petite que grosse sa voiture, était au bout d'une impasse qui avait pour elle une vue mer, très dégagée. Une maison héritée.
Camille travaillait dans les assurances, allait au club de gym,  faisait les courses au supermarché du village, prenait deux semaines de vacances à l'étranger, c'est ce qu'on disait, ne souriait jamais, ne parlait pas souvent.
Un jour pourtant, on a vu s'accumuler le courrier dans sa boite, entre les publicités et les journaux, le facteur n'avait reçu aucune consigne, et continuait de croire qu'elle allait rentrer.
Il se passa six mois durant lesquels les bavardages allaient bon train et sans que personne n'aille chercher plus loin. Ici, chacun sait ce qui se passe chez le voisin, mais n'interviendra pas.
Et puis, le break fut de nouveau garé devant le portail blanc, et les volets roulants rentrés.
On vit Camille avec une poussette, une belle, on vit aussi que son regard n'était plus le même.
Les spéculations atteignirent un sommet. Mais qui était le père?
Jamais personne ne prenait d'apéro chez Camille, jamais une autre voiture ne se plaçait derrière la sienne, jamais on n'eut la moindre suspicion d'une aventure possible.
Et pourtant une métamorphose semblait s'être opérée. Camille souriait, Camille parlait aux gens, allait se promener tous les après-midi en poussette, et les lumières de sa maison restaient allumées tard dans la nuit.
Elle invita les voisins à fêter son "retour" et présenta sa fille à qui voulait et qui s'en fichait tout autant, mais la curiosité était la plus forte.
Personne ne se risqua à poser plus de question sur le père hypothétique après qu'elle eut annoncé qu'il s'était tué dans un accident de voiture. Un drame horrible, la voiture sous un car, elle l'avait connu à son travail, il s'assurait chez eux, et ils allaient se marier surement un jour.
Camille ne demandait l'aide de personne pour s'occuper de son bébé, et ne le quittait jamais, ni d'un oeil, ni une minute. Elle ne s'attacha à personne en particulier bien que de nombreuses voisines, attendries par l'histoire de cette petite, se proposèrent de dépanner pour les courses ou pour peut-être une soirée cinéma, elle devait bien avoir envie d'aller passer un moment de loisir, non? Non.
Camille et sa fille, Léa, devinrent le couple le plus soudés et le plus célèbre du village et pourtant le plus anonyme aussi.

....


16.3.12

Du sable, du sable... (fiction pour s'amuser)

C'était au moins la quatrième fois depuis le début de sa balade, qu'elle se disait qu'il lui aurait fallu un bonnet chaud, quand elle entendit les cris.
Elle était partie du pont, juste en dessous, là où elle avait pu laisser sa voiture, et avait longé la côte. Elle en était à son septième kilomètre à vue de nez, d'après la carte qu'elle avait étudié la veille, depuis la chambre douillette où elle avait posé ses valises quelques jours.
Le vent glacial, elle n'avait pas prévu. Il faut dire que le ciel du matin avait été trompeur, la lueur rosée du soleil qui se reflétait dans les branches de l'arbre en face de la fenêtre de sa chambre lui avait donné des ailes. Il allait faire beau, tel était le message qu'un rayon tendre posait sur sa couverture.
La clé dans le fond de sa poche, la carte dans celle qui faisait le revers de son coupe-vent, ses chaussures de marche toutes neuves, elle allait d'un bon pas depuis trois quarts d'heure.
Devant elle, l'horizon, dégagé de tout nuage, entièrement bleu. Une ligne transparente qui se fondait dans l'océan. Le sable lourd sous ses pieds lui avait fait choisir de marcher sur la partie mouillée. Elle résistait à la tentation d'ôter ses godillots rigides pour aller goûter l'écume blanche qui léchait son pied droit.
L'endroit était désert.
Ou presque.
Elle avait cru un instant au hurlement d'un goéland. Mais seule une sterne s'amusait à jeter ses ailes pointues dans l'eau claire.
Elle porta son regard un peu plus loin, devant elle et à sa gauche, là où la dune abritait un sentier carrossable qu'elle avait ignoré, préférant de loin suivre la plage.
Non, elle ne rêvait pas, il devait s'agir d'un bébé.
Elle ne voyait aucune silhouette. Pas un passant. Les hurlements incessants la décidèrent à grimper sur la dune, passer les ganivelles malgré l'interdiction portée sur les panneaux qu'elle avait lus à l'entrée du sentier. Elle rejoignit vite le chemin de terre et chercha des yeux l'origine du bruit.
C'était tout près.
Le guidon d'une poussette à trois roues, de ces modèles de luxe aux pneumatiques gonflables, les seuls à pouvoir supporter le roulage dans le sable fin des bords de mer, dépassait de la légère inclinaison du sentier.
Soudain, elle eut une pensée émue pour l'excellent petit déjeuner, plein de café et de gâteau de beurre dont elle s'était rempli la panse avant de partir, qui se retrouva au bord de ses lèvres en moins de temps qu'il ne faut pour le dire.
Près de la poussette où un bambin aux joues rouges d'avoir trop longtemps hurlé, se trouvait allongé un corps de femme, sans vie.

...


13.3.12

Mille et onze bêtises



V'la ti pas qu'on me taggue. Deux fois en fait, ce qui fait que je me sens un peu obligée là. Mais je suis mauvaise joueuse, c'est toujours moi qui arrête les chaines, et qui ne fait pas rebondir la balle. Alors je vais répondre aux questions, plus ou moins honnêtement, en poser 11, très honnêtement, mais je laisserai la main à qui veut. Na.

Donc pour ce TAG, il faut : Poster les règles sur votre blog, révéler 11 choses à propos de vous même.
Répondre aux 11 questions posées par la personne qui vous a tagué /Créer 11 nouvelles questions pour les personnes que vous taguerez /Taguer 11 blogueurs et mettre le lien de leur blog sur votre post/Prévenir les personnes taguées.

11 choses sur moi :
Livre, avion, hélico, moto, musique, chat, enfants, amour(s), orchidée, soleil, partir.


And the questions are:
From Armatia 

Quel auteur lis-tu en ce moment ?
Patricia Wentworth, Paul Auster.

Où as-tu passé tes dernières vacances ?
En Dordogne, en 2004.(et je ne compte pas l'île de Ré, parce qu'on était chez nous, ou tout comme, c'était pas "à l'étranger" en 2010)

Quelles langues (autres que le français) parles-tu ?
Un superbe meltingword franglais.

Combien de temps (par jour, par semaine) passes-tu sur ton blog ?
Sur mon blog? deux heures par semaine. (c'est vrai on ne parle pas d'internet là, juste du blog).(et je suis en train de me faire mentir avec ce tag).

Quel est on plat préféré ?
Ça c'est une question très très difficile. Je ne sais pas. Trop de choix.

Un souvenir que tu as gardé de tes premières années d’école ?
M'endormir en classe.

Quel rêve aimerais-tu encore réaliser ?
Autant que de plat que je préfère. On va dire, avoir la possibilité de voyager où je veux quand je veux, et écrire un livre. C'est pas dans l'ordre, les deux sont ex aequo.

Lève-tôt ou lève-tard ?
Lève-tard.

Couche-tôt ou couche-tard ?
Couche-tard!

Comment as-tu choisi le titre de ton blog ?
Parce que c'est ainsi.

As-tu un talent particulier ?
Non.

From Lisenn


Aimerais-tu changer de sexe pour une heure, pour un jour, pour une vie?
J'avoue que ça m'amuserait, un jour serait suffisant. Décomposé en plusieurs heures. Genre : une heure à la machine à café, une heure dans un magasin de chaussures, une heure ou deux au restau, une autre ou deux à une soirée coquetail, une minute en tant que chef d'une grosse entreprise, deux heures pilote d'un avion de chasse, deux heures au moins dans un hélico au dessus de la mer d'Iroise, (j'en suis à combien d'heures là?) allez je rajoute une heure de journaliste radio.

As-tu des tics, des manies?
Toujours un oeil sur le ciel au réveil? Tasser le café dans la cuillère pour avoir juste la dose qu'il faut. Plier les serviettes de toilette toujours dans le même sens pour qu'elles s'attrapent facilement. Lire le journal en commençant par le milieu.
J'en sais rien...

As-tu réalisé tes rêves d'enfant?
Euh. Mes rêves ont grandi. Je pense avoir réalisé autre chose, pas mieux, pas pire, en devenir.

Qui es-tu en 11mots?
Il est impossible de me définir en onze mots et toc.

Que représentent tes amis pour toi?
Tout. (elle est facile celle là elle est vraie aussi).

Quel est le roman de ta vie?
Je ne me suis jamais lue. C'est que ça doit être d'une banalité si exceptionnelle que ça ne vaut pas la peine d'en parler. Ou bien c'est si exceptionnel qu'il ne faut pas raconter pour ne pas rendre jaloux.

Quel est le plus beau cadeau qu'on t'ait fait?
Continuer de me supporter.

Quel est ton site préféré pour commander des tissus?
Mazette! jamais commandé de tissus!

Pourquoi as-tu voulu des enfants ou pas?
Pour connaître la peur? pour connaître l'amour? Par égoïsme et par altruisme? Un jour, j'ai eu envie.

Dans quelle région aimerais-tu vivre?
Ahah ah! ICI!


Voilà les filles!


A qui la patate chaude?

Mes questions :
Quand on te demande "que fais-tu dans la vie" tu aimerais répondre quoi?
Quand tu voyages, qu'est ce qui compte le plus?
Quand tu découvres un nouveau livre, un nouveau disque, comment réagis-tu?
Maison ou appartement?
Chien ou chat?
Tu débarques dans une ville inconnue et tu es seul(e), tu vas où?
Combien de temps aimes-tu rester à table?
Ton film préféré?
Choisi ta question, là je suis en panne.
Les jeux de société sont-ils ta tasse de thé?
Quel est l'objet à droite de ton ordinateur en dehors de la souris si tu en as une et que tu es droitier(e)?

Yep. Allez lancez-vous.


12.3.12

The day book

je vais faire une série de photos "à hauteur de nombril" je commence là. 

J'étais ravie dans la librairie du même nom, même si elle avait changé de place. A l'époque, je sortais du lycée pour aller lire quelques BD sous l'oeil désapprobateur du libraire, un grand type dégingandé à la mèche rebelle et aux lunettes cerclées de noir. Il savait bien que je n'achèterai pas. Il n'avait pas la conscience que lire est un besoin vital, et qu'un jour j'y mettrai mes propres sous. Dans une autre ville, une autre librairie, avec les canapés pour lire, où j'ai autant lu que dépensé.
Vendredi il faisait beau, j'ai acheté trois livres. Ça fait bien longtemps que le libraire ne me voit plus, et puis sa librairie elle a bien changé, dix fois plus grande.
Ma soeur aussi a acheté des livres.
On est rentrées avec nos sacs rouges, dans la voiture, on les a posés à ses pieds, et puis je l'ai laissée à sa voiture un peu plus haut, vers le Likès.
Arrivée une heure plus au sud, je me suis aperçue qu'on avait échangé nos sacs. Pas grave. Je lirai ses choix avant les miens. Et puis on se voit dimanche.
J'ai à peine eu le temps d'en commencer un, à vrai dire, que je savais déjà que j'allais lui emprunter les autres du même auteur. Et lui rendre son livre.
Quand tu achètes un livre, tu sais à l'avance le goût qu'il aura. Enfin, tu espères. Tu imagines. Tu te fies parfois à la couverture, parfois aux premiers mots lus sur la page, ou bien la quatrième de couverture.
Ou encore, l'avis qu'on t'en a donné.
Parfois, tu fais un échange spontané et tu découvres quelque auteur que tu n'aurais a priori pas choisi.
Tu te délectes des premiers mots, tu dégustes ou tu dévores.
Je ne pouvais pas ne pas rendre tout de suite son livre à ma soeur. Je le lirai plus tard.
Dimanche, j'avais son sac rouge avec les livres dedans.
Je lui ai dit que je lui emprunterais bien ceux de l'auteure. Elle est allée en chercher deux qu'elle avait. Je les ai mis dans mon sac besace et lui ai tendu son sac rouge. En réclamant le mien.
Dix minutes plus tard on cherchait encore.
Quand soudain, on a pensé à la chambre des parents.
Comme un cadavre sur le lit, le sac rouge, vide. Une preuve qui nous semblait évidente. Mais bon sang mais c'est bien sûr, un sac de librairie tout neuf à la maison, c'est forcément que papa allait le prendre.
(Oui, parce que pour quelques jours encore ma soeur vit chez nos parents avec sa famille). On s'est dit ça, parce que depuis notre naissance quasiment, les batailles de livres en rentrant du Furet ou bien de Dialogues étaient hebdomadaires, on s'attribuait les livres, à celui qui disait prem's, à celui qui gueulait le plus fort "non, moi!" à celui qui voulait bien céder son droit légitime éventuellement. Donc, il était raisonnable de penser que puisqu'il y a des nouveaux livres, les parents les liraient.
Nous avons soulevé les livres sur la table de nuit, sur l'autre table de nuit, regardé sous le lit, sous l'oreiller, sait-on jamais, rien, nada, no book à moi.
Quand papa est entré dans la chambre "les livres? ben je les ai mis dans ton sac"
Aaah, ok, bon, je vais voir alors.
Entre temps j'avais aussi récupéré quelques livres prêtés récemment ou anciennement, des livres que j'avais presque oubliés.
Mon sac, à main, était gonflé comme une baudruche, mon APN n'aidant pas.
Mais dedans ni mon Paul Auster, ni mon Ake Edwarson, ni...ni, je ne savais plus ce que j'avais acheté dis donc. (je dis mon, t'as vu, les livres sont à moi).
J'entendais les voix dans le couloir, je criais que les livres n'étaient pas là, j'entendais le "mais si", quand ils réalisèrent que les livres, papa les avaient mis dans le sac de ma soeur.
Ben tiens.
Pour résumer, j'ai acheté trois livres à Ravy, je suis rentrée avec, et quatre autres de ma soeur et cinq autres rendus. Tout n'est pas rentré dans mon sac, finalement, j'ai aussi récupéré le sac rouge, le mien.
Mais après avoir porté une table en verre sur 300 m, soulevé un argentier léger, un secrétaire lourd, des chaises, en bois, je n'ai plus de bras. Alors pas de...
Oh, si, quand même, je peux encore bien soulever un livre.


10.3.12

Colors of mine.


 C'était un soir de fête. Ils allaient chanter le Requiem.
Peu avant dans la journée, j'avais pénétré le choeur où l'orchestre jouerait. J'avais vu et frôlé les timbales dont la percussion me faisait et me fait encore vibrer. Il faisait froid, les bouches carrées dans le dallage de la nef soufflaient un vent chaud à la Marilyn, mais j'étais en pantalon, comme toujours.
La cathédrale bancale, qui dévie de la tête comme si elle hésitait à filer droit, a retrouvé ses couleurs. Je l'ai vue grise, je l'ai vue emmaillotée, je la vois colorée. J'aime cette voute monochrome, où chaque élément est indépendant de l'autre, avec juste ce qu'il faut d'ombre et de lumière.


 Dans les rues, les maisons à colombages, dont l'équilibre reste magique tant il est suspendu dans le vide. Parfois, à l'angle, quelques statues, on les protège d'une bulle, on préserve, on patrimoine, on conserve, on cache pour mieux garder, on dévoile juste, on met en appétit.
Le ciel est bleu, profitons-en.


Un homme est couché dans la vitrine. Est-il apte aux cacahuètes? ou bien attend-il un improbable pique-nique? J'ai envie de lui dire, tu es trop chic pour ainsi t'alanguir dans l'herbe, mais c'est vrai j'ai sursauté, il ne passe pas inaperçu le bougre. C'est ma soeur qui passe devant. Elle joue mannequin, elle pourrait.


On sortait du lycée. Cette rue y mène. Ces chaises n'existaient pas, elles sont devant la boulangerie où je prenais des beignets aux pommes, sucrés, impossible d'aimer maintenant, mon café est sans sucre, alors un beignet...


Les couleurs sont plus fausses que vraies, tu t'en doute, néanmoins je suis bien certaine que c'est ainsi qu'elles pourraient être. Sur la gauche le torréfacteur, je suis entrée pour regarder les prix, je suis sortie c'est quatre fois plus cher que mon budget. Tu vas me dire que ça en vaut la peine, je te dirais qu'aller en Italie aussi.

Tu peux voir les autres photos LA. Elles ont toutes une histoire, mais je ne peux pas tout te dire.

7.3.12

Blabla matutinal (j'adore ce mot)

Le réveil égrène ses notes.
Elles sont forcément stridentes pour parvenir à me sortir du sommeil où je me noie.
Je tends le bras vers l'homme près de moi, il grommèle, je lui dis il est six heures vingt, il se lève.
C'est ainsi, je règle mon téléphone pour une heure de sommeil de plus.
C'est toujours en plein milieu d'un rêve que je sursaute. C'est toujours alors que je pensais m'endormir juste, me sentir bien seulement, qu'il faut être tirée du confortable abrutissement nocturne.
L'autre soir, la pleine lune faisait un phare dans le carré de ma fenêtre. Comme si j'avais besoin d'elle pour me guider sur le noir de la nuit.
Ce matin, je ne me suis pas rendormie.
Ou plutôt si, juste avant d'être réveillée par le mot qui m'est le plus familier : maman?
Il y a mon fils, au pied du lit, il me pose une question.
J'ai appris assez vite qu'on n'est jamais assez réveillé pour un enfant. Depuis leur naissance, il y a un fait, le sommeil n'est plus jamais le même. Je me sens toujours en déficit. Un peu comme quand il fallait se réveiller pour aller au lycée. Je n'aurais jamais mis en cause mon manque de sommeil sur les livres que je finissais jusqu'à 3 heures du matin.
Un jour, mon fils m'a dit que quand on dort, on dirait qu'on est mort.
Je crois que c'est pour ça que les enfants testent notre vitalité chaque matin. Après tout, une fois qu'ils ont vus qu'on est bien vivant "laisse-moi dormir, nom d'une pipe!", on peut se rendormir et eux aller jouer, rassurés.
Le café passe dans la cafetière avec la toux d'un asmathique en fin de vie.
La table est couverte des restes du petit déj : miel, beurre, confiture, miettes, épluchures de pommes et kiwi, tiens ce matin une clémentine aussi.
Il faut que je m'habille, eux se sont mis sous une couette, sur le canapé, ma grappe de fruits encore tout chaud que j'embrasse, un câlin chacun.
Hier, il faisait beau. La lumière du ciel éclairait la maison, un rai qui passait d'une fenêtre à l'autre, laissant dans son sillage une suspension de poussières d'argent. Aujourd'hui, je pourrais me servir des nuages comme page blanche pour dessiner nombre d'élucubrations, du bout du doigt, les mains pleines, les yeux aveugles.
Ma table de nuit est ensevelie sous les livres que j'ai lus, que je dois lire. Mon bureau est enseveli sous les papiers que je dois classer et le linge que je dois ranger, la table du déjeuner se cache sous une nappe tachée et les natures mortes que sont les restes d'un matin ordinaire.
Je m'ensevelis naturellement, alors que j'ai besoin de lumière. Je me cache en attendant le printemps peut-être.
C'est fou comme on peut baguenauder le matin, alors qu'il y a tant à faire.



5.3.12

Voyage #3

On nous a parlé du voyage.
On nous a demandé si on avait préparé un peu.
On nous a proposé des lecteurs DVD pour le trajet en voiture, arme de dissuasion de disputes enfantines, peut-être. Et un sac de couchage qui fait lit. Pour l'hôtel.
Fut-un temps, j'aurais fait une liste. J'aurais prévu. Je me serais posé des questions. Sur la distance, le temps, la façon.
Je prévois pour les enfants. Obligé. Ça, on ne peut pas faire autrement, les enfants il faut leur donner des limites, une route, la voie.
Mais, je crois bien, qu'en dehors de la mécanique et des repas, des ustensiles et des habits, je ne prévois rien. Pas de plan de visite, pas de certitudes.
Je voudrais rouler, et laisser les choses, les paysages, les autres, les vues les bruits, les couleurs les lumières, la pluie et le soleil s'abattre sur moi. Je voudrais me laisser faire et emporter. J'espère être emportée.
Mais surtout ne rien prévoir. Les plans sont faits pour être défaits. Les routes sont faites pour être suivies et détournées. Les ponts sont faits pour être jetés entre deux rives et admirés.  Prévoir, c'est s'imposer, se contraindre. Je ne veux plus. Je ne peux plus.
Chaque fois que j'ai prévu, quelque chose a déraillé. La surprise est-elle plus facile à gérer que les plans B?
La surprise maintient en vie, l'imprévu maintient vivant, aux aguets, l'aventure un peu, pour se faire bousculer.
Le premier outil du voyage sera de ne rien prévoir pour mieux se laisser émouvoir.

Carnavalesque Locoalo-mendonesque.

Samedi, mon APN a chauffé. Grave. C'était un jour plein, un de ces jours où tu n'as que le temps d'agir, tu fais, tu fais, sans réfléchir, tu sais que c'est inutile de penser, que ça viendra après.
Samedi, c'était carnaval, et je savais que le canard prendrait quelques unes de mes photos, alors j'ai laissé tomber mari et enfants dans le défilé, le fils lui est allé à son cours de dessin, les zotes m'ont vue maquiller les filles, et partir en courant d'air faire mon travail, mais honnêtement m'éclater.
Je ne pensais pas que ce serait aussi bien. Locoal-Mendon, pour sa troisième année de carnaval laissé aux mains du comité des fêtes et des habitants, fait vraiment un travail formidable.
Je vais vous montrer, patience.
Et, pendant le carnaval, une amie m'avait demandé si je voulais bien venir faire les photos du mariage de sa belle-fille. J'avoue que j'ai eu un peu peur, parce qu'un mariage, ça doit rester dans les souvenirs, et bien souvent, les photos ravivent ce souvenir. C'est pas rien les photos de mariage. Je regarde les miennes avec émotion, en me reconnaissant à peine, mais je nous trouve pas si mal.
Je m'étais dit, chouette, je vais me lacher. Mais, en regardant les photos, j'ai aussi pensé, mince, non, je ne peux pas me lâcher tant que ça, un mariage c'est sérieux, ce sont des photos qui feront le tour de la famille, qui montreront aux absents, qui seront aussi le souvenir d'un moment.
Alors j'ai décidé que je serais sérieuse, je les laisserai beaux comme ils l'étaient (sans rire, un mariage comme ça où tout le monde est beau, vrai, sans mentir, c'est presque trop facile!). Mais, aussi, je doublerai les photos par mes arrangements à ma façon, parce que j'avais aimé ça aussi dans l'album du nôtre, les petits effets entre amis.
C'était un samedi plein, je vais vous en montrer quelques traces...


Et puis






Bon, j'en ai un peu plus sur l'album Carnaval de Locoal-Mendon. J'en ai gardé 28 des 200 et quelques prises...
ICI

Et du mariage, je ne vous montre que ça :



Voilà.
Have a nice day!

1.3.12

De la brume de café



Ils sont tous habillés, parés pour la journée. Il leur suffira d'enlever leur pull, vers midi quand le thermomètre aura pris dix degrés supplémentaires, en attendant il fait frais, ils montent dans le car.
La route longe un champ, et des maisons. Sur le champ la brume est blanche presque luminescente. Je marche plus vite en me disant que peut-être, ce matin est une occasion d'attraper la brume dans mon objectif. Je rêve de capturer son voile blanc.
Je prends le pied, et je cours presque vers mon coin caché, celui qui se cache dans les broussailles et qui donne directement sur la rivière Saint-Jean.
Il n'y a plus de café à la maison, je suis un peu en manque, un goût de moins dans la bouche, mais le nez et le cou réveillés par l'air piquant.
Je traverse la haie, telle une blanche qui cherche à faire l'indienne, mais qui fait comme une blanche et un tapage suffisant pour faire s'envoler le héron et les goélands posés sur l'eau. Je ne les reverrai plus que de loin, j'ai pris ma première leçon.
Le pieds dans la vase, je le règle en biais, la grève est en pente naturellement.
Je tente de trouver le bon réglage, je m'étais dit vitesse lente, mais il y a tellement de lumière que j'obtiens des images blanches.
Je n'ai pas encore compris comment faire pour avoir une vitesse lente et une petite ouverture, bref, va falloir que je fasse un peu de technique pour avoir ce que je veux. Je remballe.
Je croise la jeune voisine blonde qui revient de la boulangerie, elle voit la rivière Saint-Jean de sa fenêtre d'étage, je le sais de l'époque de l'ancien locataire.
Rentrée à la maison, toujours pas de café, mince, y a urgence.
La voiture démarre la deuxième fois, avec un panache de fumée blanche que je n'aurais eu aucun mal à photographier, lui.
D'abord je m'arrete au tabac, je dis bonjour à la porte de prison qui le tient, et puis je descend vers la boulangerie. Des voix sur le trottoir, j'aperçois les membres de l'association cétavoir, tiens, et si je leur demandais? non, c'est pas le moment, ça papote, et ça va sûrement en réunion.
J'achète une baguette qu'il faudra manger vite, c'est du pain qui sèche, c'est du pain rapide, c'est pas du bon pain et en plus il est cher, mais j'ai faim, les enfants ont fini tout le pain de ce matin, du vrai pain.
Dans la voiture, y a Pascale Clark et Tony Gatlif.
J'arrive à la petite superette, j'achète mon paquet de café en intraveineuse, je me souviens qu'aujourd'hui je veux acheter un moulin, et la petite grand-mère à la caisse devant moi, préfère qu'on lui rende la monnaie en billets de 5 €. Je lui demande si c'est pour ses petits enfants, elle me dit, non tiens, je n'y avais jamais pensé, mais j'ai un mari qui joue aux boules, alors... Alors je lui dit, ben oui, c'est ça, c'est pour les petit-enfants. Tout le monde rigole.
Je rentre.
Ya la radio que j'avais pas éteinte, et la machine à café qui attend sa dose pour être utile.
Il est 9H45. J'aime le matin.
(et je mettrai une photo après).