30.1.11

Les réverbères.


Moi, je ne pleure pas.
Ça fait des mois qu'on en parle, des semaines qu'on s'équipe. Il y a polémique sur l'intelligence d'un tel projet, à la maison. Parce que, même si on est aidés, ça coûte une jambe. Et puis tu rajoutes toujours des trucs de dernière minute. Une valise par exemple. Un pull chaud supplémentaire. Rien plus rien plus rien, ça fini par peser.
Mais.
Ça fait des jours que tu ne tiens plus, que tu en rêves, tu sais déjà tes compagnes de chambrée.
Hier, j'ai trouvé d'urgence un nouveau bonnet, car tu as oublié le tien à l'école. Et de la crème solaire.
Moi, je ne pleure pas.
Quand tu es allée à l'école la première fois, je ne pleurais pas. Je crois que j'étais trop épuisée pour réaliser ton abandon dans une classe avec des inconnus.
La radio s'est déclenchée à cinq heures ce matin. J'ai enfilé mes affaires et je suis allée à pas de loup dans ta chambre où dormaient aussi ton frère et ta soeur.
Je t'ai caressé la joue, tu n'as pas réagi. J'ai prononcé ton nom, tu as bondi autour de mon bras, tu a été rapide comme jamais pour t'habiller.
J'ai pris tes chaussons, tu as mangé des céréales, un pamplemousse, j'ai réveillé ton père pour un bisou.
On était à l'heure.
5H45. J'en frissonne encore.
Nous n'étions pas les dernières, ni les premiers, au vu de la soute déjà pleine. J'apprenais par la même occasion, que l'on peut transporter tout son dressing dans une valise à roulette. Mais une grosse. J'ai pensé, mais qu'ai-je pu oublier? j'ai forcément oublié quelque chose, vu la taille des armoires dans la soute.
Une pensée émue pour l'adulte ou l'enfant qui va devoir traîner ça derrière lui. Une pensée émue pour toi, si j'ai oublié de mettre un truc essentiel.
Moi, je ne pleure pas.
Il y a avait les mamans, les papas. Vous êtes monté dans le car, qui faisait la lumière à lui seul. Les clignotants qui rythmaient le temps. Le bruit du moteur, prêt.
Tribord, dernier tiers. Tu as fait un signe de la main, engoncée dans ton bonnet, dans la doudoune rose.
Moi, je ne pleure pas.
Il ne partait pas le car.
J'entendais des mamans pleurer. En riant. Ça reniflait. Je voyais des enfants dans le car, s'essuyer les yeux.
Nous, on était fortes, on souriait.
Parce que moi, je ne pleure pas. Et toi, tu fais comme moi.
Et ce foutu car qui ne partait pas.
Enfin, la directrice a dit, ne vous inquiétez pas, on vous tient au courant, quelques-uns on répondu, on espère bien... La porte s'est refermée.
Je te faisais coucou, tu me faisais coucou.
Tous les enfants faisaient coucou.
Les réverbères ont grésillé.
La masse blanche du car s'est ébranlée. Il a commencé la descente de la rue.
Sur l'autre rive de la route, le car dévoilait ce geste uni, des parents comme un seul parent, le bras levé pour vous saluer, des parents qui voient partir leur enfant.
A l'heure où les réverbères s'allument, tu es partie pour le pays des montagnes blanches.
Moi, je n'avais jamais pleuré.

24.1.11

5.

Alors, un soir, j'ai appelé mes amis. Je leur ai dit, c'est maintenant, vous pouvez venir? Il était tard, il faisait nuit, mais voilà, c'était l'heure.
Ils sont arrivés en moins de trente minutes, nous les attendions, nous étions prêts, il fallait quelqu'un à la maison, de toute façon.
C'était la troisième fois que ça nous arrivait cette histoire là. Je ne pensais pas que ce serait la dernière, je ne le voulais pas, mais c'est comme ça, les cadeaux il ne faut pas en abuser.

Hier, tu as voulu un gâteau au chocolat et aux framboises avec de la vanille. Tu dis vanille pour chantilly. Ta soeur à ton âge, disait gentil chili. Je crois que la chantilly, ici, doit s'apprendre encore un peu.
J'étais pressée. On est toujours très pressées à la fin. On en peut plus de ne plus voir ses pieds, de ne manger que des portions de moineau, plusieurs fois par jour, mais quand même. On a fait la chambre, le sac, on a tout prévu. On attend. Cette attente qui fait le plaisir aussi. La surprise du moment, j'aime cette idée de ne pas maîtriser cet instant où tout se déclenche. Il faut cette part de hasard.
Nous avons roulé. Nous avons attendu à l'entrée du service. Tu sais, les hôpitaux, la nuit, il faut sonner. Quelqu'un vient te chercher. Et puis tu prends l'ascenseur. Je ne sais pas, si de l'endroit où tu te trouvais tu planais un peu avec cette idée d'ascenseur. Comme dans les avions en apesanteur.
Moi, ça faisait neuf mois que je ne savais plus ce que voulais dire apesanteur. Ou plutôt, je sentais bien fort la pesanteur.
Je ne sais plus rien des jours d'avant. J'ai oublié, tu te rends compte? Trop pressée, je te dis. L'attente. C'est terrible l'attente.
Je te sentais bouger. Je voyais un talon, une fesse. Je te faisais rebondir d'une paroi à l'autre. Je t'aimais déjà. Même si je ne savais rien de toi.
Là, ami lecteur, tu te dis, bla bla bla, sujet rabâché mille fois...Il faut que tu saches, mon ami, que pour chacun, c'est différent. C'est terrible, c'est merveilleux, c'est douloureux, c'est tout ce que tu veux, je m'en fous, c'est unique, et c'est.
Rien n'est comparable.
Hier, tu avais du chocolat jusqu'aux coudes à lécher le bol. Et quand tu as déballé un de tes cadeaux, tu as dit: oh, c'est moche. 
Alors, on a fait comme d'habitude, oui, on a regardé tout ça, on a dit, oui, vous avez bien fait de venir, installez vous, et voulez vous la péridurale, j'ai dit oui, cette fois, parce que tu vois, je suis confortable comme fille, et puis, j'avais déjà connu les deux avec et sans, dans cet ordre, j'avais béni les dieux de l'avoir eu la première fois parce que sinon j'aurais eu La Générale (tu sais comme la femme du commandant, celle qui assomme même les plus endurants), j'avais trouvé jouissif la délivrance de la deuxième fois, nom d'un chien ce que ça fait du bien quand c'est passé, mais là, cette fois, je voulais prendre mon temps.
Et puis, j'ai eu une "copine" en guise de sage femme, elle s'appelle Mylène, je la connaissais d'un autre biais, alors on s'est fait la bise et tutoyé. Cette femme, je la remercie encore d'avoir été là.
Et puis, tu as voulu mettre ta robe de princesse, bleue à paillettes, ça te fait au moins quatre robes de princesse mais quand tes copines viennent, tu les prêtes. Ta grande soeur t'a maquillée, tu avais du bleu sur les paupières et du framboises aux lèvres. Tu as demandé si tu étais encore plus belle, parce que oui, tu es belle tout le temps, et tu sais y faire. 
Je ne vais pas tout te dire, juste que c'était parfait. Vraiment. J'ai eu mal comme il fallait, pas trop, j'ai pris des positions bizarres pour mettre au monde ce troisième enfant, parce que Mylène savait, j'avais confiance.
On t'a posée nue, sur mon sein, dès ta venue au monde et je t'ai gardée contre moi, juste essuyée, je ne voulais pas que tu prennes un bain, je ne voulais pas qu'on te brique, je ne voulais pas qu'on t'agresse.
Je voulais, que tu sois contre ma peau, chaude, je voulais te sentir.
(J'espère qu'un jour, tu ressentiras cette sensation d'un petit être glissant que l'on pose sur toi, cette chose pleine de vie et si faible à la fois, ce fabuleux présent, auquel tu ne peux pas penser jusqu'au bout, tant l'abysse est grand de la peur, de l'amour, de cette vie qui est devant).
Je savais ce que je voulais. Parce ce que c'était la troisième fois et que je ne me laissais plus faire.
Mylène nous a laissés, toi, ton père et moi.
De longues heures.
Tu as trouvé ta nourriture toute seule. Je t'ai laissé agir. Tu as été contre moi toute la nuit, d'un côté puis de l'autre. Tu t'es accrochée de ta bouche gourmande, même s'il n'y avait encore rien, tu ne pleurais pas tu étais bien, nous étions bien.

Hier, tu as eu cinq ans. 
Pendant des mois, tu es restée contre moi dans l'écharpe. Maintenant, tu es contre moi, parfois, je te sens encore sur mon dos quand nous descendons l'escalier, ou bien tu t'allonges sur moi sur le canapé. Tu es fusionnelle, tu te moules à moi si naturellement. Je te vois grandir, je suis fière et j'ai peur à la fois.
C'est pour ça que j'écris ces mots, là, c'est grâce à toi, ce blog. 
Pour ne pas oublier. 
Pour partager.
Ça ne sert à rien, c'est juste  pour dire ce qui est.
Et puis, un jour, si tu me lis...
Je t'aime. Merci d'être. 



23.1.11

Où la musique adoucit...

Il arrive que le hasard fasse de beaux moments.
En ce moment nous avons belle maman et beau papa à la maison, pour fêter quelque chose dont je te parlerai peut-être ultérieurement, je ne radoterai donc pas tout de suite.
C'est difficile pour moi d'être loin de mon ordinateur, des mots que j'ai envie d'écrire, mais c'est comme une discipline, parfois je ferme la pomme et je n'y pense plus pendant de longues heures. Ainsi, je me suis forcée au départ, à ne plus penser à rien en pixels quand je suis en famille, ou le moins possible.
Je me nourris aussi de leur présence, j'aime profiter de ces moments qui avec le temps se réduiront, qui, un jour, ne seront plus. Je ne veux pas avoir à regretter de ne pas avoir été là quand c'était possible.
Actuellement, tout le monde dort encore. C'est pourquoi.
Parce que hier soir, j'ai passé un très bon moment. Nous, avons passé un très bon moment. Je me suis même payé le luxe d'un fou rire. Un vrai. J'en pleurais.
En général, nous faisons un peu ripaille. Apéro, repas...copieux, vin. Hier soir j'étais très raisonnable (comme toujours). Après le dîner, les enfants vont se coucher, rien que de très normal en somme. La grand-mère leur raconte une histoire, le grand-père les calme comme il faut en leur faisant force chatouilles, nous soupirons de concert, avec un petit sourire, parce que c'est toujours pareil. Les enfants aiment leurs grand-parents, ils le leur rendent bien.
Et puis, nous "passons au salon" pour discuter un peu.
En général, on parle de la situation politique, de la société, enfin, ils en parlent, ils s'insurgent, ils argumentent, parce que j'en suis bien incapable, parce que je pense comme eux, et parce que j'ai bien du mal à parler tout le temps de la même chose et parce que mon ignorance m'empêche d'en dire plus. Il refont le monde, ce monde qui tourne encore malgré tout.
Hier soir, j'ai osé faire une entorse à ma règle.
Il faut savoir que j'ai très peur du regard critique de beau papa. Il va toujours où ça fait mal, il remarque toujours le truc qui ne va pas. Il ne complimente pas. Quand je montre une de mes photos, je fuis, ou bien je bouche mon oreille, ou bien je me suis préparée à ce que je sais que je vais entendre.
Hier soir, je n'ai pas montré une photo j'ai fait lire un texte. Maso, je suis.
Tu sais que je participe à l'écriture (non, tu ne sais pas?) d'un "roman à plusieurs". Ça peut te paraître bizarre, c'est vrai, plusieurs auteurs à écrire sur un même thème, c'est risqué. Il faut que je te dise que c'est un exercice qui me plaît, qui m'amuse, et même si je ne parviens pas à être totalement "moi", parce que ce n'est pas moi qui tire les ficelles, et que je ne connais pas "la fin", j'aime ce travail qui n'en est pas un.
Je considère que c'est un exercice qui me dégrossi. Et qu'à force d'écrire, peut-être qu'un jour, j'écrirai vraiment.
Enfin, c'est pas ça que je voulais te dire.
Non.
Hier soir j'ai donc fait lire ma dernière production au projet, beau papa y a trouvé des allusions érotiques, ah bon, disais-je, non, c'est pas vrai, une carabine est un engin aussi, un engin, ce n'est rien d'autre. Enfin, je riais, et puis s'il critiquait c'était pas grave, j'assume. Enfin, il parlait d'érotique et donc j'ai poussé le vice à lui faire lire "l'habit" en bas, tu sais, ce texte qui m'a attiré une majorité de commentaires masculins et de nouveaux lecteurs.
S'il savait, si tu savais, hein. Si...
Nous avons donc parlé littérature. Comme j'étais contente. Pour une fois on parlait d'un truc auquel je pouvais apporter ma pierre.
On a parlé de John Irving qui est intervenu dans une émission littéraire que je ne regarde pas (horaires), de Le Clézio etc...
Je ne sais plus comment le sujet a dévié sur la musique française.
Une des phrases de belle maman, sans doute, "c'est comme Jacques Douai, tu sais la chanson..." et elle chantait, et beau papa retrouvait le titre et belle maman disait "oh oui, j'aimerais bien réécouter cette chanson".
Tu vois, l'ordinateur était à mon côté, en veille mais accessible, je me suis dit : pourquoi pas et j'ai trouvé la chanson.
Et puis une autre.
Et encore une autre.
Parce qu'à chaque fois : "oh oui et puis celle-là aussi tu crois que tu pourrais la trouver?"
Mon ordinateur est un véritable petit génie, il a trouvé Jacques Douai, Bernard Haillant, Léo Ferré oui bien sûr et puis le tout premier disque de Brel avec la chanson "les pieds dans le ruisseau" ou bien " Sur la place" titre de l'album aussi.
Ils étaient émus, tu peux me croire. Plus de trente ans qu'ils n'avaient pas entendu ça. Plus de trente ans et belle maman qui connaît encore par coeur les paroles de toutes les chansons. Respect.
Belle maman a dit "oh, ce serait bien, hein Lu, d'avoir un ordinateur"...
Et puis, le fou rire aussi.
Souvent, dans les repas de famille, il y a le démarrage, on parle de tout de rien, et puis y a un truc qui dérape, une parole qui se bat rompue avec une autre, et avec un peu de chance, tout le monde se marre.
Tu vois, on a cherché la soeur de Maxime Le Forestier. Tu savais qu'il avait une soeur? ben, si. Catherine. J'ai trouvé. Elle a chanté une si belle chanson, écoute, me disait belle maman, écoute.
Oui, j'écoutais.
Mais comme j'avais trouvé le morceau sur Yout**, ces couillons là, ils se sont sentis obligés de mettre des images. Il n'y a pas de clips parfois, pas de concert, juste la musique et puis, pour remplir la case vidéo, ils te mettent des images.
Faut que tu saches que belle maman est pudique. Très pudique. Parfois elle te sort des mots qui ne le sont pas, mais c'est presque à l'insu de son plein gré.
Là, il y avait la jolie chanson de Catherine, et des photos défilaient sous nos yeux. (Belle maman et moi on est sur le canapé, les gars en face, ils ne voient rien, ils écoutent, eux).`
J'ai commencé à sourire dès les premières photos. Ne t'inquiète pas je te mettrai le lien, tu les verras aussi si tu veux. Des photos très classiques en quelques sorte, pas très originales, mais j'ai commencé à rire quand j'en ai vu qui me faisaient penser au calendrier des rugbymens. Tu vois, y avait belle maman pudique à côté qui voyait ces photos de beaux mâles, musclés, luisants etc...j'ai proposé de baisser l'image pour qu'on aie que la musique parce que vraiment non, ça n'allait pas avec.
Elle a dit non.
Tu penses bien que là, j'étais déjà en larmes. J'ai montré aux hommes, les couples à demi-nus des photos, pour qu'ils comprennent ce que regardait belle maman. Ce que voulait voir belle maman.
Il y avait la chanson très fleur bleue sauf si tu y mets les images sus-mentionnées, belle maman qui ne voulait pas que j'enlève l'image, et je n'en pouvais plus.
Je ne me souviens même plus de paroles de la chanson, c'est gâché, Catherine Le Forestier elle restera dans ma mémoire pour ce rire-là.
C'est par le grand Jacques, qu'on a fini la soirée.
C'était beau, tu sais. On en fait plus des chansons comme ça, disaient-ils.
C'est vrai. C'est de la poésie en musique, c'est une envie de chanter qui vient, c'est...bien.
J'ai voulu leur parler du Slam, de Grand Corps Malade, d'Emily Loizeau, de Babet, d'Arhur H, d'Higelin, bien sûr, mais à quoi bon.
Hier soir, ils sont redevenu adolescents, ils se sont couchés tout tendre, tout sourire.
C'était un bon moment.

18.1.11

Rhaaah! Enfin!


J'aime la pluie quand je peux rester au lit et lire. Sinon, je hais la pluie.
J'aime la neige s'il y en assez pour en faire des bonshommes. Sinon, elle m'indiffère.
J'aime le froid sec, seulement si je suis assez couverte. Sinon, je grelotte.
J'adore le beau temps. Le ciel bleu. Les yeux qui plissent. La peau qui chauffe. Le dos qui se détend.
Je n'aime pas être malade. Mais alors pas du tout. Il y a comme une immobilisation de tout ton être à décider que rien ne fonctionne, même les mots deviennent maux, tu t'en mords les doigts, l'impuissance. Tu sais qu'il suffit d'attendre. Mais en général, c'est là que te vient en tête tout ce que tu dois faire, tout ce qui est en retard, les trucs urgent à rendre pour hier, et tous les projets qui ne peuvent plus avancer parce que là, non, vraiment, tu es mieux, dix mille fois mieux, sous la couette.

Ce matin, je me suis levée AVANT les enfants (ceux qui connaissent savent que).
J'ai pris une douche AVANT mon café.
J'ai enfilé deux collants. Deux tee-shirt. Un (un seul?) pull. Un jean (deux, ça rentre pas).
Et puis, quand c'était le moment, j'ai sorti ma petite moto de derrière sa cachette. 
Et là.

Non, toi qui ne grimpe jamais à selle de bête à injection, tu ne sais pas.
Ne t'imagines pas que je pilote un bolide. Pas besoin. Pour l'instant. J'ai une moto sans permis, une 125. Mais comme dirait l'autre "elle a tout d'une grande".
Au début, je n'avais pas les gants, ni la veste. Et puis j'avais la trouille. Jamais monté un deux roues motorisé. Jamais. Toujours eu l'envie. Mais.
Alors, avant mes quatre heures de cours, le vendeur m'avait juste montré l'embrayage, les freins, les vitesses. Enfin, où ça se situait mécaniquement parlant, parce que je ne savais même pas ça. J'étais capable de freiner avec l'embrayage, tu vois, comme à vélo, et puis à deux doigts en plus. 
Alors, timidement, après ma première heure, j'ai mis le contact de ma Yam. 
J'ai calé.
Puis, je suis allée sur le chemin en terre tout proche de la maison. Pour le rejoindre il y a donc une centaine de mètres de route. Ben. 
J'étais, je crois, je suis sûre, crispée. Je positionnais mal les mains sur les poignets, mal mes coudes, mal mon centre de gravité. Et puis je suis montée jusqu'à cinquante. 
Tu décolles là, tu sais, quand tu ne maîtrises pas le truc. Tu as l'impression que le vent va te rabattre le caquet. Si tu croises un ami, et que par malheur il te fait coucou, toi, crâneuse, tu veux lui répondre, tu lâches la poignée gauche, tu lèves le bras, mais ton bras, malheureuse, il faut le tenir, sinon, il se barre en arrière, n'oublies jamais le vent que tu crées avec ta vitesse (tiens, ça me rappelle les histoires de vent réel et vent relatif en bateau).
Pour résumer, au début, tu te fais discrète. Tu cherches les routes cachées, les coins secrets. 
Plus tu t'équipes (les gants, les bottes) plus tu fais pro, plus tu as peur d'être ridicule. Oui. 
Seulement, tu es maman, tu sécurises au maximum, tu sais que la moto tue. Tu n'as peur du ridicule que le temps de te dire, oui, mais.
Et puis, les kilomètres.
Les jours. Les saisons. 
Un jour, tu passes les 3000 km, tu râles, parce que tu n'as pas vu les trois zéro. Nan. Ce matin j'ai vu 3009. 
C'est rien 3000. Il paraît qu'avant de savoir conduire correctement, il en faut 20 000. Si tu enlèves les jours de pluie, les mercredi, les dimanches, les vacances et les jours de gel et neige...il ne te reste pas tant que ça de jours où. 
Aujourd'hui, 89 km.
Rhaaah, NDD, ce que ça fait du bien!
Voilà, je vais te raconter.
C'est un jour exceptionnel, où le soleil brille assez pour que le cuir de ta selle soit chaud. L'air est froid, mais ta moto est déjà tiède. 
Tu tournes la clé. Tu appuies sur le contact. Et tu entends le ronronnement. Elle ronronne ma moto, c'est vrai. C'est pas un truc de crétin, ces pots d'échappement trafiqués, juste pour enquiquiner le voisin. C'est pas non plus le roulement de la Harley hein. Non. Celles-là, tu les entends de suffisamment loin, pour avoir juste le temps de courir et les regarder passer. 
Tu appuies du bout du pied gauche pour la première, et tu sors de l'allée. Tout de suite tu passes ton bout de pied sous la manette des vitesses, parce que les prochaines sont vers le haut. Et tactac, tac, tac, tac. Vroum. 7000 tours minute, 90 à l'heure. 
Yes!
Tu choisis la route en courbes. La petite route. Je l'ai déjà écrit quelque part, ça, je vais radoter, mais j'aime tellement. 
Quand on roule, en voiture, on regarde le paysage. 
En moto, tu regardes le paysage et, tu le ressens. Tu vois la côte, avant de la sentir,  et puis ton corps monte la côte avec la moto, tu fais corps avec l'engin, pour appréhender le paysage, les ondulations, les hauts, les bas. Les odeurs. Tu grimaces quand la puissance n'est pas suffisante pour garder la vitesse, les montagnes te font ralentir, tu ris quand la descente arrive et t'emporte, il y a ce vent, cette force, contre laquelle tu luttes, avec laquelle tu batailles.
Il y a le ciel bleu qui fait que parfois, le soleil chauffe tes jambes glacées, il y a les champs verts, la lumière du soleil dans les arbres, les quelques vaches dans un pré.
Il y a le bruit régulier du moteur, la vibration qui te prend toute entière, quand tu arrêteras ta monture, elle continueras de ricocher dans tes veines, à travers ce fourmillement qui te possède des pieds à la tête.
Tu pousses la porte de ta maison, dans laquelle tu entres avec un sourire hilare.
Tu poses le casque, les gants, les sous-gants. A l'heure où j'écris, je tremble encore. De froid et de plaisir.
C'est sûr, il y a des jours où tout va bien.


17.1.11

Pas de deux.

C'est mon Amérique à moi.
Un matin, tu te lèves, avec le ciel en plein hiver.
 Ni bleu, ni blanc, ni gris, c'est pas encore fini,
 La nuit. 
Un matin, tu te lèves et tu attends.
Ton corps te dit baille, tu bailles, il te dit, 
Rallonge-toi, 
Tu te rallonges, 
Il te dit que ce matin c'est pas encore le bon. 
Un jour, un matin, ce sera bien. 
Tu ouvriras un oeil et c'est le ciel qui te verra.
 Il te dira, lève-toi, mais tu seras déjà debout,
 Il te dira marche, tu seras déjà vêtue, 
Un matin ce sera comme ça,
 Bien.

Tu as l'humeur entre deux eaux,
 Ton caractère se désespère d'atteindre la terre ferme, 
Parfois, 
Il s'en veut de flotter, alors qu'au fond,
 Y a pied.
Sans doute qu'un jour, 
Un matin, 
Peut-être un soir, qui sait?
 L'espoir, le noir, 
Y croire, 
Et voir de quoi demain sera fait.
Tu as l'humeur qui flotte, 
Pour un peu, le mal de mer. 
C'est à cause de l'hiver.
Tu crois?

14.1.11

"Sauver l'amour"

J'ai 13 ans. Il fait chaud tous les jours. Le flamboyant flamboie. Ou le jacaranda.
Tous les jours, je rentre du collège, balance mon sac sur le marbre vert, et cours me rafraîchir dans ma chambre climatisée.  Ça en fait du bruit un climatiseur, mais qu'est-ce que c'est bon de s'affaler sur les draps frais de mon grand lit. Accessoirement, le climatiseur nous servait à faire la courte échelle pour grimper sur le toit, mon frère, son copain et moi.
Je ne t'ai jamais vraiment parlé de ma chambre. Tu te souviens que la maison est un gros cube blanc, avec un patio spacieux en son centre, dans lequel d'ailleurs s'ébattent plusieurs couples de perruches.
Pour rejoindre ma chambre à partir de l'entrée, je parcours un couloir en forme de L. Ce couloir distribue à main droite d'abord la chambre de ma soeur, puis celle de mes parents, la salle de bain et enfin la chambre de mon frère.
A main gauche, les toilettes, puis l'angle du L qui fait le tour du patio. Moi, je suis après le patio, au bout, en face de la chambre des garçons. On disait toujours "les garçons", l'ami de mon frère est quasiment un frère puisqu'il est là tous les jours.
Ma chambre est grande et claire. Il y a même une petite salle de douche, que je n'aime pas, à cause du carrelage marron. Mais j'ai une grande porte fenêtre, qui donne sur un balcon rouge. C'est marrant ce balcon quand j'y repense, parce qu'il est à la hauteur du jardin, je n'en comprends pas la nécessité. Les volets sont "blindés", conçus pour résister aux cyclones, marrons foncés, lourds, ils raclent le béton rouge, quand je les ferme chaque soir, à l'heure de ma prière aux étoiles.
Quand je rentre de Saint Charles, je cours donc, me faire du froid, avant même d'aller goûter (des beignets banane d'Amélie par exemple).
Sur mon bureau, je ne sais plus du tout à quoi il ressemble tiens, je n'ai pas dû y passer assez de temps, sur mon bureau, il y a le lecteur de cassettes de mon père. Un rectangle en plastique noir, avec une housse en faux cuir noir. Lourd. Presque d'architecture URSS, comme on disait encore. J'ai tellement usé cet engin.
J'appuyais sur la touche "eject", j'introduisais ma cassette, je refermais le capot, et je tournais la mollette du volume.
"Qu'est-ce qui pourrait sauver l'amou-our"?
Balavoine.
Mon idole à 13 ans.
J'écoutais inlassablement "Tous les cris les SOS", je crois bien que je connais encore les paroles par coeur.
Je ne crois pas, je sais que je les connais par coeur, parce quand d'aventure l'auto-radio diffuse n'importe quel morceau de cet album "Sauver l'amour", je chante avec lui, les hauts comme les bas, m'égosillant s'il faut, même pas peur, si je suis seule.
J'ai pleuré sur ses chansons. J'étais amoureuse déjà, non, je ne vous dirai pas de qui, il a une vie (publique) aussi, manquerait plus que ça.
Un jour de janvier 1986, le 14, c'était les grandes vacances, j'ai vu le sable du Paris-Dakar aux infos de RFO. J'ai vu des débris. J'ai vu des visages et j'entendais les chansons de Balavoine. Je n'aime pas le Paris-Dakar. (Tiens, un mort Argentin hier encore, pas un concurrent bien sûr).
C'est la première fois que la mort d'un chanteur me touchait.
Ce matin, quand j'ai entendu la jolie chronique sur France Inter, de Didier Varrod, j'ai entendu 25 ans. Ça fait 25 ans.
Et c'est pourtant comme si c'était hier.



Découvrez Daniel Balavoine!

12.1.11

L'habit...

Tu es devant moi, fier et droit, perdu dans la foultitude, et je me demande ce qui me pousse vers toi.
Vous êtes si nombreux, il faut faire un choix, pourquoi toi?
Il y a ceux qui sont vêtus de noir avec une légère trace de rouge, pour attirer le regard, la reconnaissance. Il y a ceux qui sont tout de blanc amidonnés, raides, aussi fiers que toi?
Et puis, les tailles, grands petits, épais, minces, un vaste panel de tes semblables.
Tu m'as fait de l'oeil. J'ai vu. Mais je n'étais pas libre. Pourtant, tu as tenu bon. Tu es revenu à la charge, ou bien plutôt, je t'ai revu tant et tant, si patient, que.
La première fois que tu m'as possédée, je me souviens. J'étais allongée, semi-allongée, c'est souvent le cas avec toi, et je te tenais entre mes doigts. Tu m'as fait vibrer. Cette sensation de basculement, cette révélation, ces moments éternels à jamais gravés en moi, à l'envers de ma peau. J'ai pleuré, aussi.
Parfois, tu m'as tellement émue, qu'il a fallu du temps avant que je recommence à te fréquenter.
Il faut du temps entre nos histoires.
J'ai pu bouder. Te voir, là, arrogant, inaccessible, comme un trésor à convoiter, comme une perle qui ornerait mes souvenirs d'une pureté éclatante, j'en étais malade, envieuse, jalouse. Je t'ai dédaigné, pour que tu saches que tes beaux habits ne me feraient pas succomber.
Tu l'as bien compris.
C'est dans ton plus simple appareil que je te préfère. Brut. Rugueux. Pur.
Je te caresse alors avec délectation, de mes mains, je te retiens de tomber, de mes doigts je suis tes lignes, de mes yeux, je m'abreuve de tes mots. Je fais d'incessants va et viens quand décidément tu me résistes et que tu tiens bon, à tel point que je doute. Je ris alors, quand je réalise comme tu me manipule. J'aime, quand tu me troubles, quand tu m'entraîne dans des faux-semblants, quand tu me fait croire ce que tu veux. J'aime aussi quand tu me fais rêver. Nous pouvons aller partout, rencontrer qui l'on veut, croire que tout est beau ou se faire peur par des horreurs que l'on ne veut même pas imaginer. Alors même que je les regarde en coin, m'en repaître pour m'en éloigner. Tu as tant de pouvoir. De charme. Charismatique.
Tu entres en moi comme un fleuve. Tu me donnes tout, je prends tout, j'assaisonne ma vie de ce que tu m'apportes. Tu es mon sel, mon poivre, mon piment, mon parfum favori. Tu es tout quand je te tiens dans mes mains.
Je m'abandonne.
La fin, est une petite mort qui me fait soupirer. Je te regrette dès que je rabats la couverture. Tu me manques presque tout de suite.
Toi.
Mon livre.

11.1.11

Paysage

Je voudrais un paysage.
Prendre ma tasse et m'assoir, sur le bord d'une fenêtre, ou bien devant mon bureau devant une fenêtre, une baie, un grand verre qui me permettrait d'être dehors, dedans.
Il faudrait que je sois en hauteur. Une courbe lente. Une colline comme celles des Highlands, un paysage non agressif. Il y aurait l'horizon.
L'horizon serait mien. Ou je partagerais peut-être avec un lointain, très lointain cube blanc qui serait une autre maison.
Je voudrais que mes yeux caressent ces courbes douces, sans autre obstacle qu'un arbre, un grand chêne que la foudre n'aurait jamais su trouver au milieu d'un champ. Un bosquet peut-être aussi, de ceux qui rougissent en automne, de ceux qui tranchent avec le vert et le bleu, avec le marron des champs moissonnés.
Si je m'assois à cette table, devant ce paysage, je vois passer les saisons. Un jour de pluie précèderait un grand beau temps. Un paysage après la pluie a une intensité plus forte, une luminosité plus grande. Des nuages effilochés se battraient contre le vent qui les chasserait. Là, les arbres du bosquet, je les entendrais bruire, aux mouvements des feuilles, au frisson des branches. Je pourrais croire, rien qu'à les voir, qu'ils m'abritent, et que les petites gouttes encore posées sur les feuilles luisantes, se laisseraient tomber sur le sol, sur moi. De ma maison, j'aurais un peu froid de cette humidité là, et je m'ajouterais un pull. Un grand pull. Trop grand. Un pull masculin et difforme, qui recouvrirait presque mes mains. Mais la tasse.
L'hiver bien sûr, il y aurait de la neige. Je ne reconnaitrais plus rien, tout serait différent. Je voyagerais dans un autre pays, grâce à ce paysage aliéné. Mon esprit vagabonderait, alors que des idées germeraient sous mes doigt qui tapoteraient l'écran. Ce serait presque magique. La neige qui imprimerait des mots sur la neige de ma page blanche.
Un jour, des oiseaux pépieraient sur l'herbe, sur le rebord. Ils seraient colorés, bruyants, je devinerais le printemps. La vie ferait bouger ma ligne d'horizon, comme si toute l'herbe des collines frémissait à l'unisson. J'aurais l'impression de voir flou.
Je voudrais un paysage, devant ma fenêtre. Il ferait bleu et j'ouvrirais en grand pour sentir le vent caresser mes cheveux, alors qu'un jus de citron laisserait couler sa buée fraîche autour de la base du verre, à l'exact endroit où se pose ma tasse de thé, prolongeant ce cercle formé, indélébile à force des saisons.

10.1.11

Les journées Virus...

Parfois, ça arrive, comme dirait ma fille de bientôt 5ans.
Parfois, l'un des miens est malade.
Je n'ai pas à me plaindre, ça "n'arrive" pas si souvent. Rien à voir avec les soucis qu'on a pu avoir il y a deux ans. Non.
Les petits virus qui traversent l'hiver et les corps. Les rhumes, les petites fièvres, et cette fois, la désagréable attaque des parois intestinales...
Les journées virus, où tout le monde se lave les mains plus souvent que d'habitude, ou j'interdis les bisous (mais pas les miens, je ne peux pas), pour une fois ils peuvent se demander pardon (quand ils se disputent, ils se réconcilient par le mot "pardon" et par un bisou) sans bisou, et où ils doivent boire leur verre d'argile (bé oui, quoi, que crois-tu qu'est le smecta, si ce n'est de l'argile avec un arôme artificiel très beurk, alors argile verte et basta)
Les journées virus, on a le droit de rester en pyjama après midi et de se blottir sur le canapé à faire des journées télé.
On est pas forcé de finir son assiette, faut dire que le riz tout nu, ça lasse.
Quand je pense que dans mon EX entreprise, on avait le droit à 5 journées enfant malade par an, quel que soit le nombre d'enfant...
Il n'y aurait pas eu la journée bonus.
Celle où tout va bien, où j'ai l'impression que c'est passé, puisque le désir de s'habiller, de manger "j'ai faim, j'ai tellement faim", puisque les pas de danse sur n'importe quelle musique, et puis le babil incessant, on oublie même de porter le pouce à sa bouche et bien nous en prend parce qu'on a les mains pleines de pastel sec.
La journée bonus qui se traduit par "oh, elle a trop d'la chance" des autres qui, les pauvres, doivent eux, aller à l'école.
Les journées virus ont duré deux jours et une nuit, du weekend, nous privant un peu quand même d'une sortie sous le ciel bleu, mais on ne va pas se plaindre, il y aura d'autres journées de ciel bleu.
Le bonus, c'est avoir maman rien que pour soi, aussi.
Maman qui va quand même ne pas oublier de te dire d'aller à la sieste ma chérie, tu as besoin de te reposer de toutes ces activités artistiques, de tout ces films visionnés, de tant de rires et de blagues.
Non mais.

9.1.11

Extraits.

Un des plus beau film que j'aie jamais vu.





Et celui-là aussi.





Deux films qui m'ont fait de l'effet.
Bon dimanche...

8.1.11

Souvenir souvenir.

Aujourd'hui on célèbre l'anniversaire d'un mort. D'un président, un homme d'Etat.
Je l'ai vu en vrai.
Pas très grand, pas très rapide, déjà très malade en fait ; il était venu inaugurer la Fac à laquelle j'appartenais en 1994. C'était un jour gris. Mais les murs de cette Fac étaient encore très colorés, c'était nouveau, c'était beau, c'était rouge, jaune, orange et noir. Moi, j'aimais bien.
A vrai dire, j'ai toujours un pincement au coeur quand je passe devant l'U.B.O.
C'est le symbole de mes envies, de mes échecs, de mes lacunes, de mes envies encore. A chaque fois, je me demande si ceux qui y travaillent ce jour-là, dans la bibliothèque, ou au CRBC connaissent leur chance.
Je ne réalisais pas bien à l'époque. Je suis quelqu'un qui comprend vite à qui il faut expliquer longtemps.
J'associe François Mitterrand à la culture, à l'intelligence, à l'humanité aussi. C'était quelqu'un. Pour moi, il n'y a aucun doute là-dessus, je continue de lui porter un grand respect. Jusqu'au bout il est resté digne. Bien sûr les "affaires". Les secrets. La part d'ombre. Et bien tant mieux. Il en faut bien des erreurs, pour apprendre.
Pourquoi je pense à lui, ou pourquoi est-ce à la Fac que je l'associe?
Parce que les deux sont liés.
Continuer d'apprendre, se cultiver, rester curieux, pour pouvoir s'exprimer, comprendre, et apprécier les choses à leur juste valeur. Je suis persuadée que de la connaissance naît la compréhension, et que cette compréhension est indispensable pour une certaine harmonie sociale.
La Faculté, est un espace de liberté pour apprendre. Rien n'est ou ne devrait être tabou, tout peut s'étudier, s'expliquer. Il est possible de communiquer avec les "sachants". S'ils ne savent pas, le statut d'étudiant est un sésame pour aller plus loin, une autre ville, une autre bibliothèque.
C'est l'accès à tout le monde quelle que soit sa condition sociale dès le Bac en poche, au monde. A l'Autre.
Il faut juste avoir envie. D'aller plus loin. Ne pas se contenter de ce qui est sur la table devant soit, mais aller voir sur le livre d'à côté. L'étagère du dessus. Ne se fixer de limites que celles de sa résistance physique. Avoir un poil dans la main rend les choses plus difficiles. Les regrets des années plus tard de ne pas avoir eu suffisamment de lucidité sur ces clés qui nous sont quasiment données...
Evidemment, la nécessité de payer un loyer et de se nourrir, raccourci considérablement les ambitions.
Mais c'est parce que je ne voulais pas vraiment. Je suis sûre que si j'avais vraiment voulu, si et si et si...j'aurais agi autrement.
Donc, regretter, mais se rattraper.
Mieux vaut tard que jamais. Vieux motard que jamais.
Vive la Fac, quoiqu'on en dise.

PS: aujourd'hui: Emily Loizeau, "Pays sauvage"
Youn sun Nah, "Voyage"
et Eddy Mitchell, "Grand Ecran"

Yes.

6.1.11

Le Fauteuil.

Un de mes premiers souvenirs est ce fauteuil crapaud. Dans la maison de ma grand-mère, il est dans les "appartements" de Bon. Sur la droite quand tu entres. C'est une pièce éclairée d'une seule fenêtre, en rez-de-chaussée (la maison a quatre niveaux, le principal donne sur la rue). 
Le lit de Bon est recouvert d'un couvre-lit couleur vert irlandais, avec un liseré doré qui en dessine le rectangle. Il se place contre le mur en face de la fenêtre, sur sa longueur. Il y a la façade noire et travaillée d'un lit-clos breton contre ce mur. Ça se fait encore je crois, cette façon de ne garder du lit-clos trop petit et exigu, que les doubles portes coulissantes, comme un panneau décoratif. Un moment dans cette pièce, il y a eu la maquette, en couches de liège superposées, de la région, le relief vallonné tout de courbes et de bosses, avec les couleurs peintes. Je crois voir mon grand-père travailler encore sur cet ouvrage, impressionnant crois-moi. Je l'ai gardé très grand dans ma mémoire, au moins un mètre carré. Je ne sais plus parfaitement, je ne l'ai pas revu depuis longtemps. 
Le fauteuil crapaud est très exactement à la bonne taille pour que je m'y blottisse. Bas, proche du sol, avec un dossier arrondi comme un U posé allongé sur quatre pieds. Je crois bien qu'on ne voyait pas ma tête dépasser quand je m'y posais, du haut mes trois pommes. C'est le premier fauteuil que j'ai adopté. 
Nous avons de nombreuses fois déménagé. 
Vers mes six ans, il y avait un fauteuil style Louis XVI (tu me diras Mamutter si je me trompe?) aux pieds droits cannelés, à l'assise large et confortable (style fait par et pour les femmes, fallait bien qu'elles placent tous leurs frou-frous), au dossier en médaillon.  Ce fauteuil est au salon, dans la maison du nord, dans le coin droit quand tu entres dans la pièce. A la droite du fauteuil, la porte vitrée qui donne sur le petit jardin. Ce fauteuil, je ne l'utilisais pas. Pas encore. Non, je me mettais à plat ventre sur la moquette, à m'en faire mal aux coudes, mais c'est comme ça que j'aimais lire les livres rapportés du Furet du Nord, fantastique lieu de découverte pour moi. 
E puis, nous sommes partis. Du nord au très sud. Tu le sais depuis le temps que tu me lis. Là-bas, les meubles étaient déjà en place. Au départ, d'affreux mais confortables fauteuils vert-bouteille, aux coussins épais. Assortis au sol en fait. Oui, marbre vert. Très chouette pour les glissades.
Je ne me suis attachée à aucun meuble dans cette maison, ils n'étaient pas à nous, c'était des meubles sans histoire. Ou plutôt y avons nous apposé la nôtre et comme nous sommes repartis sans eux, autant dire que nous les avons oubliés. 
C'est ensuite que j'ai ressenti le besoin de me créer mon cadre. 
Comme un refuge. 
Sans doute qu'un peu perdue, j'avais besoin de me raccrocher à des choses connues, tangibles, inamovibles. Comme un bureau aux pieds torsadés, avec plein de tiroirs, dont un secret. 
Et puis, ce fauteuil Louis XVI donc. 
J'y passais entre mes 15 et 18 ans, énormément de temps. A lire. Il était encore confortable, même avec les ressorts un peu détendus. J'y avais assez de place, et mes coudes se posaient à la bonne hauteur pour retrouver les pages en face de mes yeux. 
Il ne rentrait pas dans mon premier studio. Où j'étais tout, sauf studieuse. Mais ensuite, il a suivi chacun de mes déménagements estudiantins, 6 en tout, seule, à deux ou en colocation à trois. Je n'ai pas bac+6, non. J'ai dit : pas studieuse, il y a donc eu des reprises. 
Ce fauteuil était la pièce maîtresse de mes chambres. C'était le seul meuble pas en toc. Du vrai bois, noir, des vrais ressorts (de plus en plus pointus), du vrai tissu rouge et crème, le seul endroit confortable en dehors de mon futon (vrai futon).
Je sais depuis cette époque, que quoiqu'il arrive, j'ai besoin de créer mon espace de vie, l'intérieur a de l'importance pour moi, j'aime les objets avec une histoire, même si elle n'est pas mienne. Plus le temps passe et plus j'aime le vide, le dépouillement (non, ne dis rien toi qui connaît mon bazar), j'ai tendance à vouloir de l'air, du clair, de la lumière. 
Mais, j'ai encore besoin d'un truc "à moi", que je m'approprie, mon coin.
Maintenant, alors qu'ici toutes les pièces sont à tout le monde, je manque d'un endroit où je pourrais me réfugier, une bulle, un lieu de calme avec des objets à mes goûts. Une maison est un compromis de goûts, on ne peux pas imposer à l'autre ce qu'il n'aime pas. 
En attendant, un jour peut-être un bureau, une pièce rien qu'à mon bazar, j'ai mon fauteuil rouge.
Large, profond, confortable, en toc mais qu'importe, c'est de la vrai toile de coton dessus, et il se referme juste assez autour de moi pour que je m'y sente cachée. Il a contenu les ventres ronds de mes grossesses, mes bras plein d'enfants allaitant des mois durant. Et tant d'autres souvenirs liés. Autant que de mots dans un livre, avec tous ceux que j'y ai lus.


J'aime les maisons meublées de souvenirs avec la vie qui court au milieu et la possibilité de tout changer comme l'envie te prend. Mais toujours avec un fauteuil. 
Et toi? 

1.1.11

Jour 1.

Nos deux pieds sont dedans.
Hier, il faisait gris, aujourd'hui le bleu prédomine. 
La frontière c'était cette nuit, alors que le calendrier faisait tourner la molette du temps, en une seconde tu gagnes 365 jours.
Pour fêter l'arrivée de l'an neuf, nous sommes allés à la rencontre de l'horizon. Ici, c'est facile, rien ne masque une vue illimitée, on peut même imaginer le nouveau monde, là-bas, de l'autre côté du grand lac salé. 
Ce soir, j'ai pour la première fois constaté que les vagues avaient le pouvoir de trancher le rayon du soleil sur l'étendue bleue, tu vas me dire que tu le savais déjà. 

Le soleil était en pointillé. 
Comme mes pas en ce début d'année. Je marcherai en pointillés, faire des bonds ou des sauts de puce, marcher sur des oeufs ou voler, il y a tant à faire. 
C'est le jour un d'une nouvelle vie.
C'est le jour un de l'espoir qui point, croire que tout est possible, et faire ce qu'il faut pour.

Que 2011... 
Vous apporte. 
Vous soulage.
Vous caresse.
Vous embrasse.
Vous fasse grandir.
Vous tienne debout.
Je vous embrasse à la bretonne : quatre bises. 


L'instant où.

Ce soir, c'est LE réveillon. Celui que nous avons choisi. Avec nos Amis. Ceux avec qui on partage, le doux, le dur, les tout, les riens.
Je porterai une robe, noire. La table sera dressée, j'espère qu'elle le sera quand tu liras ici. Rien de trop ostentatoire, même l'or du sapin se fera discret. Bien sûr les bougies. J'aime les bougies. Plus exactement leur lueur. Une musique, indispensable, je sélectionne déjà Melody Gardot, Stan Getz, Chet Baker, Rabih Abou Khalil et Anouar Brahem, du doux, tu vois, du feutré. 
Je voudrais créer un cocon. Avec des reflets. 
Tout le monde a mis la main à la pâte. G. s'occupe du repas gastronomique des enfants. Chips et jambon. De toute façon, ils auront englouti toutes les petits choses que N. va apporter pour l'apéro. 
Ce sera un réveillon fait par nous-même. 
Les enfants (8) auront leur table, une carrée, deux par côté. Nous (6), l'habituelle, cachée sous ce que je vais trouver pour une déco simple, s'il faisait beau la balade d'après la sieste pourrait ramasser de la mousse, des feuilles ocres, des branches. 
En entrée, des noix de Saint-Jacques, tu sais, j'hésite encore entre deux recettes. Puis un Tajine. Le plat sucré-salé qui mijote, le plat de partage par excellence, et chaud. 
En dessert, une Torta di Mandorle, avec un glaçage au citron vert. J'ai haché les amandes, elles ont tellement plus de goût et de moelleux que celles qui sont toutes en poudre vendues, déjà.
A un moment donné, nous saurons que c'est le moment de parler à nos amis restés bloqués par la neige en Allemagne. Alors, j'irai chercher l'ordinateur et je les appellerai pour une vidéo instantanée, des voeux virtuels mais sincères, parce qu'ils nous manqueront. 
Il y a bien d'autres personnes que j'aurais aimé avoir à notre table. 
Je sais bien que je mettrai autant de bougies que d'absents. Pour qu'ils soient avec nous, un peu, pour leur chaleur, pour leurs sourires, pour...tout.
Toi, tu viens lire, tu n'es donc pas avec moi. 
Le message sera différé, mais là, maintenant, tout de suite, je pense à toi. Si fort. 
Ce sera l'instant où je pourrais poser mes lèvres sur ta joue et te souhaiter une année belle, une année d'espoir, nous n'en manquons pas, une année de sourires voire de rires, une année tendre et douce, autant que vivante et gaie. 
Un abbracio di Auguri, de tout mes bras de toutes mes forces...
Je sais, le verre est vide...:-)
Il est 2011, un jour nouveau se lève.