J'ai rêvé.
Je ne sais plus bien si j'étais endormie, un peu moins que le chat sur mon ventre, au coin du feu et du canapé gris, ou bien sous la chaleur bariolée de mon oreiller.
Je dormais.
J'ai vu cette route, ce lacet clair, se faufiler sur la plaine. La lumière qui frappait de beauté les vignes, le marron et le vert, et l'ombre d'une voiture qui te fait réaliser la grandeur de l'espace.
Il faisait beau ce jour là.
Un jour de ces vacances inoubliables, celles qui m'avaient fait revenir chez moi, un temps. Nous avions une ridicule petite, toute petite voiture, le siège bébé seul passager possible, petite voiture légère pour monter les cols, tourner les épingles à cheveux, pour accéder là-haut.
Je tenais le volant. J'y tenais. Ma route, comme si moi seule devait la tracer. Pélerinage des souvenirs.
Dans mon rêve j'étais seule.
Au coin d'un feu, d'une rue, celle qui te fait rencontrer le vent en pleine face alors que tu tournes à l'angle de ta rue.
J'ai vu ce sentier tracé au milieu de quelques arbres éparpillés, égrenés par une main aimable, oubliés par le vigneron, heureux homme.
La plaine est brune, rouge, ocre, noire, brûlante du soleil du matin, qui n'était encore rien. Nous roulons. Muets. Ecrasés par la grandeur de cette route 66 en plein milieu d'une île. Un désert de sable. Nous savons que c'est exceptionnel. Le temps bleu. La route. Le sable. J'étais loin de penser qu'il y aurait du vent sur cette plaine. Ni celui d'un pont, ni celui d'un bord de mer. Là, nous étions dans le coeur de la Fournaise, si proche. Nous rentrerions, huit heures plus tard, après avoir descendu la caldéra, atteint le sommet, fait son tour. Rouges écarlates, alors que le vent frais nous avait fait oublier le danger du soleil à plus de deux mille mètres d'altitudes, sous les tropiques.
Je vois cette image d'une plaine, dans mon rêve, une plaine métropolitaine,(au fond je crois bien que j'avais la chaleur du chat sur mon giron), et, tu ne sais pas, mais dans mon esprit, il n'y a pas de doute qu'elle se confond avec la plaine des Sables. Si loin, si proche.
J'ai rêvé, sans doute, mais c'est comme si c'était vrai.
C'est quand le chat est parti, que je l'ai su.