31.3.11

Exposer.

Ça a commencé comme une phrase qu'on lance à la volée, légère, qui ne porte pas à conséquence : "Tu devrais venir assister à la réunion que la mairie organise à la mi-décembre...ils invitent les artistes amateurs pour un projet au printemps..."
C'était donc un soir bien noir, bien froid, pour la première fois j'entrais dans la salle du conseil municipal, grandes tables rassemblées en une seule immense table, une bonne vingtaine de personnes, deux connues de moi seulement, j'étais juste curieuse. Un peu excitée aussi.
Le chargé de la culture a dit son étonnement de nous voir si nombreux. Et puis, il a aussi dit, "vous êtes là donc pour exposer vos oeuvres". Je pensais, oui, bon, c'est juste une réunion d'information...
Mais nous avons fait un tour de table, il a fallu se présenter, parler de ce qu'on faisait, puisqu'on était là...
Il n'y avait donc pas que des amateurs. Il y avait des professionnels ou des amateurs avec "de la bouteille". Je crois qu'on était deux ou trois à n'avoir jamais exposé. J'ai dit "je fais des photos".
On a trinqué au cidre, au projet du printemps.
Il y a eu une deuxième réunion, puis une troisième. Il a fallu donner un nombre de grilles à réserver.
Je pensais encore, oui, bon, j'ai des photos en stock, j'ai le temps.
C'est le genre d'objectif qui reste en tête. Qui, même quand les mains ne font rien, continue de grandir dans la tête, évolue, vire à gauche, à droite, s'ensevelit, ressuscite.
Je commençais à avoir une idée. Un truc un peu flou. Une ligne directrice.
Tout en gardant à l'esprit que je pouvais continuer de faire des photos, tomber sur une occasion, un petit quelque chose qui pourrait me faire changer encore de sens.
Et puis, cette pneumonie qui m'a privée des vacances avec les enfants et d'autant d'occasion de photos dans la nature, les balades sur la côte, le sable fin des Abers, et celui, grossier, de la Ria.
Il me restait quinze jours.
Il faut savoir que je n'avais jamais imprimé mes photos sur papier. Enfin, parfois avec l'imprimante maison.
Je me lasse vite de mes images. La photo est faite, elle a une durée de vie variable dans ma mémoire, à force de les voir, je ne peux plus les voir. Et puis, je remarque surtout leurs défauts.
On fait des photos, des tas de photos, en théorie on progresse, on évolue. On change de technique, on évite les erreurs au bout du dixième plantage. On rechute.
Il faut, pour que je les aime à nouveau, que je les oublie. Ou bien, qu'elles remplissent leur utilité première, ma rappeler une émotion, un instant de ma vie que j'ai voulu impressionner dans le labyrinthe de mes souvenirs. La main d'un enfant qui me tend un coquillage. Une fleur dans un champ, un soir d'été.
Je n'avais que quinze jours, j'étais fatiguée de mon indisposition passagère et pourtant, je voulais du neuf, partir de rien, de zéro.
Faire des photos pour les exposer, ce n'est pas le même geste que de faire une photo pour un souvenir.
Je n'avais ni le temps, ni beau temps pour parcourir les chemins. Il ne me restait que le solution de ce que j'avais sous la main. Un fruit, une noix, une pâte à tarte, des mains.
Et puis mon nouveau jouet.
J'apprends tous les jours de lui.
En quinze jours, j'ai fait plus de six cents photos. C'est effrayant quand on y pense.
Je posais sur un pied, je changeais l'exposition, l'ouverture, le retardateur... la position, le cadrage...
Et puis, un matin je suis allée voir un photographe. Un vrai. Enfin, un qui vend du matériel photo et qui imprime. Parce que les portraits mariage et bobines floutées de gamin pour qu'ils soient beaux, j'aime moyen.
J'ai découvert le coût d'une photo. Comme avant. Au temps de l'argentique.
J'ai réalisé aussi que mon écran d'ordinateur est flatteur pour mes couleurs. Une fois imprimées, elles sont "plates". Va falloir que j'étalonne (mais je ne sais pas comment) l'écran.
Ensuite, il y a eu une matinée à faire le tour des "soldeurs" pour trouver des cadres. Parce que parfois on trouve des images (superbes!) déjà encadrées, moins chères qu'un cadre nu.
Alors, il a aussi fallu adapter la dimension de mes photos à ces cadres.
Ainsi, pour faire une expo, il faut des sous, plein, ou de la débrouille. Ou accepter de ne pas faire "exactement" ce que tu voudrais faire.
Ma dernière photo exploitable date de ce matin. Mais, l'imprimeur (celles en noir et blanc finalement, elles sont allées aussi chez l'imprimeur) l'a complètement ratée. Pas le temps de recommencer ou d'aller encore chez le photographe.
Je suis partie du thème "culinaire" mais j'ai aussi mis deux, trois photos "classiques".
Trois formats de photos, 30/30, 24/30 et 20/30. J'aime le format carré.
Des gros plans, des paysages, des fleurs. De la couleur (peu) et du noir et blanc. J'aime le noir et blanc.
Quatorze photos. Je ne pense pas qu'elles prendront trop de place dans la chapelle, où nous serons finalement quatre à exposer. J'espère que tout va rentrer, et que tout le monde respectera la place des autres.
C'est aussi ça, l'expo, la diplomatie. Parce qu'il existe quelques tensions, entre les gens "du cru" et nous les "pas d'ici". On était trois "pas d'ici" à exposer à la chapelle et un quatrième "du cru" s'est "inscrit" depuis trois jours. C'est moi qui ai les clés, et c'est moi qui suis "l'interlocuteur" qui transmet.
Demain, on dégage les bancs de la chapelle.
On voit l'espace qui sera disponible.
Je gère mon espace et celui de mon voisin qui ne sera pas là.
Samedi matin, on fignole, ça m'étonnerait que tout soit réglé vendredi soir.
Et samedi après midi, c'est parti!
J'avoue n'avoir aucun recul. Aucune idée. J'ai appris beaucoup ces derniers jours sur les "possibles" photos. C'est comme de pousser une porte et d'entrevoir une pièce qu'on devine très grande. Si je n'avais pas eu cette envie, ce projet, j'aurais mis plus de temps à parvenir où j'en suis aujourd'hui.
Et puis.
Et puis, pour une fois, j'ai mené à terme un travail. Même s'il ne correspond pas tout à fait à ce que je voulais, j'ai fait ce que j'ai pu, avec les moyens que j'avais, autant financiers que temporels et "intellectuels".
Je suis contente. Oui, je suis contente de l'avoir commencé, poursuivi, et fini. De A à Z.
C'est peut-être un début.
En tout cas, c'est une étape.

J'expose cette photo là, dans ce cadre là, et cette chapelle là. Celle de Saint-Jean.

30.3.11

En attendant...


En attendant l'Après.
Que le temps soit.
Les mots ne viennent pas au temps de la photo.
Comme si je ne pouvais pas "dire" et "montrer" en même temps.
Alors, en attendant, je montre pour vous dire.

Le Printemps des Artistes à Locoal-Mendon, ce sont les 2 et le 3 avril entre la salle Emeraude, la chapelle Saint-Jean et deux ateliers...
Peintres à l'huile ou à l'acrylique, potiers, céramistes, photographes, bédéistes, pleins de talents, et pas que des amateurs, croyez-moi. Du coup, de la pression tiens!
Je fais de la pub, mais je me ferai toute petite le jour dit. Trop les chocottes!

Et Bon anniversaire Frangin!


24.3.11

Nouveau jouet.

Un billet est en attente de l'autre côté. Je l'ai interrompu parce que je citais mon nouveau jouet, et je me suis dit qu'il méritait bien un billet.
Il y a des folies. Il y a des choses déraisonnables. Et puis aussi, il y a la volonté et se décarcasser pour ce qu'on a envie, envie d'avoir.
On réfléchit, on calcule, on lit les chiffres, à l'envers ou à l'endroit ils restent les mêmes, toujours trois, toujours chers.
J'enrage parfois. Je trépigne, je tape du pied. Et puis je cherche des solutions. N'oublie pas que les bretons sont...têtus.
J'ai additionné 1+1+1+1+1+1 pour avoir 6. J'ai mis des "si" en bouteille. Ça chante à travers le verre, les "si", aussi, tu sais. Le chant des sirènes vient de là, c'est sûr.
Il y a parfois des occasions. Des opportunités. Des coups de chance. Des promotions.
Avec l'homme, on regarde les magazines photos comme les magazines déco. On compulse. On s'extasie. On s'horrifie aussi. Très difficile de trouver assez de 1 pour faire des 6 ou des 7.
Depuis trois ans, il existe, il me fait de l'oeil, bien trop loin, comme un rêve inaccessible. Il y a trois ans, j'avais fini par choisir un modèle fiable, costaud, dans les moins onéreux du lot. Même si.
Cette fois, j'ai bénéficié d'un enchaînement de coïncidences heureuses, comme si le temps me remerciait de ma patience. Il est "vieux" mais il reste une référence et honnêtement, il me plaît.
Je suis allée au moins quatre fois dans le magasin, d'abord le tenir en main, et puis pour comparer aussi on ne sait jamais. A chaque fois, un vendeur différent,  persuadé que sa chapelle était la meilleure. Ainsi, les Canon contre Nikon contre Pentax. C'était drôle.
Le dernier jour, ils étaient tous les trois autour de moi, à se lancer des blagues, en me passant sous le manteau une carte mémoire, en me félicitant de mon choix (quand même, ils se sont mis d'accord, l'essentiel reste de vendre), même si j'aurais dû choisir Canon, non Pentax, avec encore un sourire.
Depuis, donc, je teste, je reteste, je ne maîtrise pas tout, parce qu'en plus je me suis mise à "Lightroom" et là aussi c'est pataugeoire et champ de bataille.
Mais comme je m'amuse.
Tu veux savoir hein? Ça ne te dira peut-être rien, mais c'est un grand, cet appareil-là, le Nikon D90.
Même que l'homme va pouvoir me passer ses objectifs argentique. Enfin, je vais les lui emprunter.
En fait, c'est déjà fait.
Aujourd'hui, j'ai passé des heures avec le pied, pour photographier ce que je voudrais exposer...dans 9 jours...
Je ne suis pas satisfaite. Faire des choix. Obtenir ce que je veux. Avoir l'illumination. J'aurais l'impression de tricher si je reprends d'anciennes photos. Alors, je fais du neuf. Mais c'est compliqué.
Je crois que j'en tiens trois. Seulement trois. Alors que j'en veux dix.
Tu vois.
Non, tu ne vois pas? moi non plus, pas encore...mais j'y crois.

Ces photos sont faites avec, sans retouche autre que le cadrage, elles ne seront pas exposées, parce quelles ne se mangent pas :-)
Mais je les aime bien, parce que ce sont les "premières".

22.3.11

Là.

Je suis assise à la table.
Celle qui est en verre et qui reflète le moindre objet. Sauf que j'y ai posé une sorte de plaid, un "tapis" qui cache et qui dévoile, où je peux poser les clés de la moto sans faire claquer le fer contre le verre, où le contact se fait feutré, comme une voix douce.
J'ai devant moi l'écran qui brille, il ne me dit rien encore car je viens de l'ouvrir et j'hésite, je tatonne, où vais-je, que vais-je lire, vais-je écrire? Au fond j'ai peu de temps, celui d'une pause entre deux mouvements, celui du rangement et celui qui s'impose juste après, le grand chambardement, puisque bientôt les enfants vont rentrer. Chef d'orchestre en attente.
Je suis assise et je fais face à la fenêtre, ou plutôt, au jardin, puisque la fenêtre est grande ouverte, et tu sais toi qui est déjà venu(e) que quand c'est ouvert, je suis dehors ou presque. Je vois l'air vibrer. Une sorte de brume lumineuse qui rend les angles moins tranchants, les contours moins nets, des teintes pastels, comme effacées par un doigt joueur. Dans cet air trouble, de petits points minuscules dansent à tout va, mus par un courant d'air, par un souffle, par le bruit de la lumière, celui que l'appareil photo peut régler d'un tour de mollette paraît-il. Comme si la lumière pouvait faire du bruit.
Pourtant, j'entends bien un vacarme, comme si les brins d'herbe avaient décidé de se frotter à la salsa, ou au flamenco, à moins que ce ne soit juste que le pépiement des oiseaux. Ils s'en donnent à coeur joie.
C'est le bruit du printemps.
Sous mes doigts, le clavier, devant moi ces fenêtres, celle de la vraie vie et celle de la vie d'ici, juste un instant où le temps suspend son vol, juste une minute paisible où je sais qu'il faut que je sache à quel point parfois, c'est bien, d'être là, à cet endroit, à ce moment, quand le chant de l'oiseau tente d'imiter la lumière du soleil, celle qui nous fait enfin le plaisir de recouvrir nos pauvres carcasses de ses caresses inespérées.
Derrière moi, le pain s'étire, bienheureux.

19.3.11

Dans la salle d'attente, de la vie.


Cette salle d'attente, l'autre jour, alors que je respirais mieux mais qu'il fallait une preuve. Les salles d'attente, il s'y passe toujours quelque chose. 
On y est rarement seul. 
Cette fois-ci, une jeune fille avec sa maman, deux dames âgées (je ne dirai plus "vieille" plus le temps passe) dont une qui faisait la tête et avec la moustache, et puis, une maman avec un bébé.
Ce sont elles que je regardais. 
J'imagine que le bébé était une fille. A cause des cils. Longs. Mais bon, je me trompe peut-être.
La maman était en face de moi, le bébé sur ses genoux. Enfin presque. 
A six mois, je te portais contre mon ventre, encore, mais souvent tu étais bien réveillée, un petit haricot sauteur, comme le foetus qui me chatouillait le ventre. Je devais alors défaire l'écharpe, de laquelle tu tentais de t'extirper, avec force mouvements de tête et de pieds. S'il nous arrivait de devoir faire du sur-place, comme dans une salle d'attente, il fallait que je te maintienne; je posais alors ma main sur ton ventre, toi, tournée vers les autres, vers l'avant, et tu te mettais debout, tonique, forte, fière. Je me souviens de ta menotte entière dans ta bouche, alors que tu mâchonnais de futures dents. Ton regard, fixe, grand ouvert, droit sur la personne que tu avais choisie. Je souriais, étonnée de cette confiance, de cette certitude que tu mettais dans tes yeux alors que tu regardais ces inconnus, ces gens qui ne pouvaient s'empêcher de sourire en te voyant. Tu te donnais toute. 
Ce bébé, debout sur les genoux de sa mère, faisait des bonds. Et puis, elle me regardait. Vlan, droit devant. Toi, je ne te rate pas, ose baisser le regard pour voir. Je vais te prendre en otage, avec un sourire espiègle, comme seule l'innocente sait le faire. On ne peut rien cacher à un enfant, on ne peut qu'avoir peur de lui parce qu'il te met en face de toi. Je ris, je fais des  sauts de cabri, regarde, il y a ce rire qui rebondit jusqu'à mes genoux, comme un ressort bien huilé qui va déclencher ton hilarité, puisque je te fixe et que je suis un boomerang. 
Toi, ma puce, tu m'as appris à parler aux autres, parce que tu déclenchais leurs commentaires. Comment taire. Tu les envoutais comme ce bébé me mettait dans sa poche, et si je sentais bien ce qui se passait, je n'en prenais pas la mesure. Quelle puissance avez-vous, les tout petits, à nous apprivoiser? Que regrettons-nous quand nous vous voyons? de quoi nous souvenons-nous que nous aurions perdu? 

Dans toutes les salles d'attente, je sais bien avoir cru que je n'oublierai rien, qu'il fallait que chaque moment se grave en moi comme unique. Que chaque instant devait être une mesure de ma chance et de mon bonheur. Je me souviens avoir souri, moqueuse, aux remarques du genre "c'est si mignon quand c'est petit, ça passe si vite". Pour moi, chaque seconde a sa propre valeur, que tu aies un mois ou dix ans. C'est bien quand vous êtes petits, c'est bien quand vous êtes grands. Les nuits ne sont pas les mêmes, les heures de sommeil en moins n'ont pas les mêmes raisons, néanmoins, tout se vaut d'être vécu.
Mais dans cette salle d'attente, je me suis prise à penser, sait-elle seulement la chance qu'elle a cette maman, de ce regard d'enfant que sa fille nous tend, comme un abandon absolu, une confiance sans limite envers l'humain qui lui sourit.
Tu as neuf, sept et cinq ans, tu me regardes parfois en baissant les yeux, tu tentes de me raconter des bobards, mais toi et moi nous savons bien qu'au fond nous nous connaissons encore si bien, que ta farce ne fonctionne que parce que je le veux bien. Tu as l'âge d'être mon enfant, de te serrer contre moi encore souvent, de réclamer ce câlin qui nous emmène dans le lointain, comme avant, qui nous emmène loin, vers l'avant.
Ceci dit la vieille à moustache, n'a pas souri d'un iota, alors que l'autre et moi on se regardait, attendries.
Quant à la maman, elle avait juste fort à faire à retenir cette anguille rieuse, qui ne demandait qu'à se balader.
N'est-ce pas bientôt le printemps?
La Vie qu'on Aime, quatre centième. 

18.3.11

Des mots.

Les mots étranges font voyager.
Je les lis, je suis incapable de les prononcer quand il faut les dire, et je m'aperçois que je les reconnais visuellement dans le texte sans avoir besoin de les entendre.
Sans doute que je suis malhabile à l'oral parce que je ne dis pas assez ces mots imprononçables.
Erlendur. Arnaldur.
J'ai mis un certain temps avant de pouvoir dire "normalement" Haruki Murakami,  et l'écrire sans regarder l'orthographe. Je sais aussi que quand je le prononce à quelqu'un d'autre, à moins que cette personne ne connaisse l'écrivain, je ne serai pas comprise.
Elingborg. Sigurdur Oli.
Je lis les polars Islandais, tu l'auras compris. Arnaldur Indridason. J'aime beaucoup. J'avais lu il y a un moment "La femme en vert". Scotchée aux plumes, j'ai eu la chance de me voir offrir des polars.
Il a du caractère le commissaire Erlendur.
Et puis, j'apprends. Sans apprendre, parce que je sais bien que je vais oublier. Ou bien je reconnaîtrai à l'intonation, au nombre de lettres, qui est qui. Elingborg, c'est la femme flic qui écrit des livres de cuisine. Sigurdur Oli, c'est son collègue, conservateur, qui essaie d'avoir des enfants avec sa femme. Erlendur, le commissaire, lui, il vit avec son passé, entre un frère disparu et une ex-femme terrifiante, avec deux enfants paumés qu'il connaît à peine, et pourtant qu'il aime. Mais il ne sait pas le dire.
C'est un héros au nombre de valises incommensurables, qui le rendent très humain. Même si parfois, j'ai envie de le secouer.
J'apprends aussi en passant, que les Islandais s'appellent uniquement par leurs prénoms. Le nom de famille est constitué du prénom du père, patronyme, avec en terminaison "sson" pour "fils de" et "dottir" pour "fille de". Ceci peut expliquer leur nombre infini de prénoms.
Ça, c'est le voyage agréable. Le voyage imaginaire, une fiction qui te permet de voir à ta façon comment est un pays, qui sont ses habitants, comment ils vivent, quel paysage est le leur?
C'est tellement différent d'ici que je suis dépaysée , et ça me plaît.
Ces derniers temps je suis noyée de mots étranges. Etrangers. Qui ne me disaient rien.
Et puis, il y a eu les images. Les mots répétés mille fois sans que j'aie eu besoin de les lire. Ainsi, je sais les dire, mais saurais-je les écrire?
Fukushima Daiichi. Minamisanriku. 
Catastrophe.
Ces mots ont le pouvoir d'arrêter mon voyage. Ils se heurtent aux images. Ils ne veulent rien dire, parce que c'est inimaginable.
Tanakia a mis un lien sur son blog vers le site du New-York Times. On y voit des photos. Beaucoup de photos. En grand. Je les regarde. Elles défilent. C'est sans mots comme dit Tanakia.
Et puis soudain, me traverse l'esprit que je trouve ces photos belles. 
Elles montrent la laideur, la destruction, le néant. Mais elles sont belles, et je suis choquée de penser ça. Enfin, surprise. C'est la première fois que je réalise  que la laideur peut-être belle. Tu vas me dire "il est temps".
J'ai cette pensée en transmettant le lien sur le réseau social amical que je fréquente ponctuellement. 
Et puis là, comme une coïncidence, sur un autre sujet qui parle de "tremblements" mais pas ceux de la Terre, les tremblements de la danse orientale, Solenn qui a plein de blogs (et autant de talents),  me transmet un autre lien, celui de Yasmine Louati. Qui parle du joli et du beau. 
Je me souviens du "tremblement de terre" d'Ernest Hemingway dans "Pour qui sonne le glas". Ou plutôt de ses mots "la terre a tremblé". Pour parler de la jouissance. Cette "petite mort" dans le sens que lui donne Georges Bataille. 
C'est si proche au fond, le laid, le beau. 
Sans doute par leur force. Par ce bouleversement que chacun d'eux provoque en nous. 
Le bouleversement de Fukushima, j'espère qu'il va nous conduire plus loin, plus intelligents, plus respectueux, plus conscients de la folie des hommes, et aussi de leur adaptabilité. 
Qu'enfin, on se respecte. Et la nature. Parce que nous ne ne sommes que de passage.


Sinon, ce blog a quatre ans là, aujourd'hui. 
Comme tout a changé depuis. 399ème billet. Même pas fichue de faire un compte rond. 
Plouf plouf. 





17.3.11

Oh when the Saints...

...go marching in...
Je n'en connais qu'un de Patrick. Et je ne me souviens que d'une seule Saint-Patrick que j'aurais fêtée. Rire. Danser. Ces trucs qui te mettent en joie, qui te démangent les doigts, les pieds.
C'était les années 90's. Je vivais dans une ville où déjà les panneaux étaient bilingues et les salles de classe aussi. Une ville vieille, pleine de charme, une ville de pavés, mais bien trop bourgeoise pour y trouver la moindre plage en dessous.
C'était après les cours.
Je n'aimais pas l'école. (Comme je regrette qu'on aime pas l'école dans ce pays, alors que c'est si bon d'apprendre). Chaque fin de journée, avec mon amie, on rentrait en général chez nous, l'une en voiture, l'autre en bus. On traversait la ville jusqu'au point de rendez-vous. "Traverser la ville". Tu pourrais croire qu'elle était grande, mais en fait non, toute petite. Dix minutes pour rejoindre l'arrêt de bus. Sauf quand on faisait un arrêt boulangerie, et qu'on se mettait plein les lèvres de sucre de beignet aux pommes, un truc que je n'arrive même plus à manger aujourd'hui tellement le sucre.
Parfois, on avait plus de temps, soit par autorisation parentale, soit parce qu'on en avait décidé ainsi. Alors, on allait au Café Le Bretagne. Celui des quais. Il y régnait une ambiance immuable. On s'asseyait soit près des fenêtres pour regarder les passants, soit plus au fond.
C'était un endroit qu'on aimait bien, comme des ados s'approprient un endroit à eux. On buvait un chocolat chaud avec de la crème fouettée. A l'époque, je ne buvais pas de café.
Un soir, il y a eu la Saint-Patrick.
On est restées en ville ma copine et moi, un soir avec autorisation parentale. On se baladait. C'était un 17 mars sûrement, puisque.
Nos pas nous ont conduit naturellement à notre café.
Mais il n'avait plus rien à voir avec le café sage de l'après-midi. On nous l'avait changé. Plus un seul gamin, plus une seule bourgeoise en vison.
C'était un café joyeux, un café vivant, où se mêlaient rires et chansons, bruits d'instruments inconnus pour un plaisir contagieux.
On a trouvé une place. On se calait les uns contre les autres, et on regardait ce concert comme improvisé, sans scène ni projecteurs, juste des musiciens prometteurs.
C'est là que j'ai eu la confirmation que j'aimais les percussions. En dehors d'un concert dans la cathédrale, le Requiem de Mozart, où j'avais été subjuguée par les cymbales monstrueuses, et puis les concerts de Jazz, avec les chtong de la contrebasse, je n'avais pas souvent été mise en contact avec les vibrations de ces instruments à peau.
Le Bodhràn. Le type le tenait à l'avant-bras, et son autre main tenait le sticker entre le pouce et l'index. Il jouait magnifiquement à une vitesse si folle que le sticker en était flou. C'était magique. Je crois que les pulsations du sang trouvaient leur rythme dans la peau du Bodhràn. Je battais fort. Il vibrait puissant.
Il y avait un violon. Bien sûr. On ne parle pas de musique irlandaise sans violon, si?
Je dois être bon public, mais j'étais presque en transe.
Les concerts, en vrai, même si le son n'est pas aussi parfait (trop parfait?) que sur un disque, c'est une dimension supplémentaire. Un plaisir qui passe de fibre en fibre et qui se multiplie à l'infini du nombre des spectateurs. Je crois bien aussi que le-dit spectateur est acteur. D'ailleurs, nous tapions des pieds, nous battions des mains, nous n'étions pas statiques, et c'était bien.
Il y a des soirs comme ceux-là, où le temps se doit d'être élastique. Il y a des moments magiques qu'on oublie pas. Le sait-on seulement à l'instant où on les vit?
Tiens, comme ce matin dans la salle d'attente...non, je te raconterai plus tard, si j'y pense.

15.3.11

Nuages.

C'est certain, en ce moment on ne s'amuse pas partout, n'est-ce pas.
Je ne regarde pas souvent les infos à la tivi, mais quand je tombe dessus, je tombe aussi des nues. Je ne connais pas le Japon, il n'y a que quelques jours que j'ai eu la curiosité de regarder où habitent mon cousin et sa famille. Je connais le Japon pour ses appareils photos. Et Yoko Tsuno. J'aime ce pays du soleil levant à travers le peu d'images que j'en ai. Je crois aussi que j'imagine un Japon qui n'est pas le vrai. J'aime ses jardins. Les montagnes. J'aime une image stéréotypée. Je ne connais pas le Japon.
Et maintenant?
Maintenant, je vois un pays où tout sera à redessiner. Avec fatalisme, réalisme et courage. Je ne peux pas imaginer abandonner un pays qu'on aime, où on est né. Parce qu'il est devenu inhospitalier. Dangereux. Sur du long terme. Certaines régions vont être stériles. Dans quelques années on y tournera des films. Ce seront des régions exemplaires. La belle affaire. Les Japonais orphelins de leur terre.
Pourtant, je regarde dehors, je vois des coins de ciel bleu et de beaux nuages blancs. Ce genre de nuages que je photographiais il y a quelques années déjà, ce genre de nuages qui dit que tout est en mouvement, que le ciel se traîne, et qu'après la pluie le beau temps.
J'aime les nuages. Ils donnent du relief au bleu, ils occupent l'espace, ils agrémentent, ils nous perdent aussi, en rêves.
On y voit ce qu'on veut. Un château dans le ciel, un éléphant dans un chapeau, un canard, une fée.
Je veux croire qu'un jour, on apprendra à se tourner vers l'essentiel, l'humain, celui qu'on tue volontairement souvent, celui qui meurt parce qu'il a l'impudence de croire qu'il sera le plus fort. Ou bien simplement, qui accepte son sort, parce qu'il vit dans un pays à risques, qu'il le sait, mais qu'importe. Ou bien, il n'a pas choisi, et c'est à lui que je pense, cet innocent qui subit les erreurs des autres.
Il n'y a pas de mots pour décrire le nuage qui plane au-dessus du Japon, comme il n'y a pas de mots pour parler de tous ces nuages qui sont une menace, qu'on ignore encore, ou qu'on feint de ne pas voir.
Je ne suis pas optimiste, c'est vrai, je suis écoeurée.
Même par moi, qui ne bouge pas le petit doigt.
Parce que je ne vois pas les mauvais nuages, je ne veux pas.
Peut-être que demain il fera beau.

13.3.11

Blabla.

Il fait une apparition cet après-midi, et je l'en remercie. Un coin de ciel bleu, un rayon de lumière, de quoi faire des heureux.
On est si peu de chose, me dis-je parfois, que ce soit en constatant les révolutions démocratiques, ou les menaces nucléaires. On continuera quand même à clamer haut et fort que le nucléaire c'est bien, y a pas mieux, tout est sous contrôle. Ben tiens. Y en a qui se sont fait mettre à la porte alors qu'ils pensaient avoir tout sous contrôle.
C'est rassurant aussi de constater, qu'après tout, rien n'est jamais sous contrôle. L'abus de pouvoir, la mégalomanie, les certitudes...un séisme populaire, un tremblement de terre, et chacun est remis à sa place.
Au prix, toujours, de vies humaines.
Dommage collatéral? Pertes nécessaires?
Bêtise humaine.
Bref.
Il fait beau. J'ai quinze jours pour faire, et développer des photos. Les encadrer aussi.
Le thème que je compte travailler, par manque de temps et parce que je ne peux pas attendre que le temps se mette au beau à ma demande (et qu'en plus je ne sais pas si je serai assez courageuse pour aller marcher des heures dans la campagne maritime), sera donc culinaire.
En couleur et en noir et blanc. Les mains, la farine, les fruits...
J'ai les gestes en tête, les couleurs et les contrastes, me reste à les mettre sur papier.
Bien sûr, je serai en retard, comme toujours, les derniers détails au dernier moment. Même si je prévois tout à l'avance, même si j'anticipe, je sais bien que comme il est d'usage, je serai plus efficace dans l'urgence.
Je déconseille cette méthode. On ne peut jamais savoir si l'échéance sera respectée. Le travail exécuté. Mais quoique je fasse, je termine toujours au dernier moment. C'est comme ça, je m'y suis faite.
Si ça se trouve c'est pour ça que je n'écris rien. Mon roman sera terminé sur mon lit de mort, je le vois gros comme une montagne...Ah ah ah.

11.3.11

12 Jours et 2 pots de Nutel** plus loin...

Craaaaack...
J'ai cassé l'oeuf. J'ai le poil tout mouillé, je suis toute blanche et j'ai la peau lisse.
Pas de bol, il fait gris.
Il me reste une petite gêne mais j'arrive à mener à terme un bâillement sur deux. Le soir j'ai la carcasse endolorie et je suis un peu lente, il me faut plus d'effort pour le souffle, mais globalement je crois que je suis sortie d'affaire.
Les enfants ont passé plus de temps que prévu chez leurs grands-parents.
Il a fallu manger pendant tout ce temps. Mais l'appétit s'était fait la malle. L'effervescence des analgésiques m'a arraché le palais, tout était réuni pour que je ne mange pas.
Mais.
Un matin j'ai eu la révélation.
Je cherchais un truc doux, un truc sucré avec l'argument de se réveiller un peu, des sucres rapides, un truc à manger. Et voilà que Nutel** m'a sauvée. Avec de la brioche (j'avais trop mal avec la croûte du pain).
Un matin, j'ai donc, du bout des lèvres quand même, avalé deux tranches de brioches avec la pâte tartinée dessus.
Il me reste un demi-verre. Oui, l'homme n'a quand même pas acheté le pot familial. On ne sait jamais il pourrait en rester.
Les vacances se terminent. Demain les enfants. Qui ne reconnaîtront pas la maison car en plus, on a fait quelques travaux. Je ne peux pas dire que c'est fini, ah non, ça, je ne peux pas dire, c'est même un bordelum comme c'est pas permis. Genre chaos.
Tiens, j'ai commencé ce billet ce matin, là c'est le soir, le soleil éclaire en plein les tâches sur les baies vitrées, il y a deux échelles, un escalier avec la moitié de sa rampe, de la poussière de bois partout, un plan de travail à terre, avant qu'il soit remonté ailleurs, tout ça avant demain...
Comme on a cassé le bar dans lequel on rangeait tout un bazar, le dit bazar est dans le couloir et ailleurs...
Oui, ça va mieux, j'y crois, on va y arriver.
Je dis On parce que même si c'est l'homme qui fait tout, je suis l'assistante. Je passe le scalpel, je trouve, je visse même avec une vraie visseuse d'homme, pas un machin ridicule. Et puis quoi, c'est moi qui dit "et si On mettait ça là? et si On déplaçait ça?".
Vous êtes comment dans les travaux? bavard(e)(s) et toujours de bon conseil, ou silencieux(se)(s), genre je laisse faire et je dis après? Savez-vous vous éloigner quand il est encore temps, quand l'orage gronde? ou bien, mettez-vous l'huile sur le feu avec des petites phrases de soutien comme "moi, j'aurais pas fait ça" ou alors "je te l'avais dit"?

Je suis assez fière de dire quant à moi, que nous fonctionnons bien tout les deux. Quand un truc ne fonctionne pas, on se tourne à l'unisson vers le couillon de fabricant qui vend de la merda. Et on s'épaule, tout contents de savoir que face à l'adversité, on est deux.

Mais bon. On a pas fini.

Je voulais aussi vous remercier de votre attention, de votre gentillesse, et de vos mots doux qui m'ont vraiment fait du bien. Je me sentais soutenue et ça compte. Merci.

8.3.11

L'oeuf.

C'est à chaque fois la douleur qui me sort de l'abattement de la nuit. C'est le petit matin, je vois encore les étoiles, les mouvements que je tente, constatent l'échouage du corps sur lequel a dû passer un rouleau compresseur.
Un cachet analgésique qui m'arrache la bouche, une nouvelle position pour tenter de retrouver le sommeil.
Pourtant, il y a des moments de mieux. Je n'ai plus constamment mal, juste quand je tousse, quand j'inspire et parfois par surprise.
Je me fais l'effet d'être un oeuf.
Tout passe sur moi sans m'atteindre, qu'on me serre ou qu'on me presse, que l'eau coule, ou la terre me tache, je ne change pas d'aspect, tout m'indiffère.
Je passe du lit au canapé au lit, autant d'heures qu'un chat sur sa flaque de soleil, sans rien produire, ni dormir, ni rêver.
Je perds du temps à couver, je suis un oeuf, mais stérile.
L'envie de rien, même de manger. Je ne lis pas encore, j'écris parfois, la preuve, et voilà.
Je crois bien que je me reconstitue. Brique après brique, respiration après respiration. Je finis l'hiver en véritable hibernation.
Ceci pour me faire pardonner de ne pas vous lire, vous commenter, vous rire.
Petit à petit.
L'oeuf.

5.3.11

Le jour où je me suis faite dépasser par une petite vieille...

Je me suis extirpée de la voiture, laissé la portière se refermer, j'ai regardé à gauche, à droite, à gauche, pourvu qu'aucune voiture n'arrive, et j'ai traversé. Je devais être en face du numéro 32, j'avais rendez-vous au 26 de la rue d'un général. J'ai donc commencé à longer le trottoir. Soudain, j'ai senti à ma gauche (sentir, parce que comme je suis sourde de ce côté là, il me faut un contact pour savoir qu'il se passe quelque chose) quelque chose frôler ma jambe gauche.
C'était un choux-fleur.
Un choux-fleur dans un sac plastique transparent aussi fin que ceux qui se percent à la queue d'une pomme, sac porté par une main ridée, sans doute, un corps frêle, voûté.
La petite vieille format Mémé Magique, portait aussi un autre sac à sa main gauche. Je n'ai pas bien vu à quoi il ressemblait celui-là tant j'avais du mal à me remettre de ce qui m'arrivait.
J'avais été doublée, dépassée, quasi coursée par le quatrième âge.
Là, j'ai su avant même de passer la radio que c'était bien une pneumonie que j'avais.
De voir cette petite vieille et ses deux pochons (avec l'accent, tu entends comment ça fait? ), je me suis souvenue de la grand-mère de l'homme, celle que son arrière petit-fils appelait Mémé Magique, parce que devant elle, les portes des magasins s'ouvraient toutes seules.
Elle aussi allait faire ses courses, à pieds dans les rue de Brest, de Kerinou à Saint Martin, ça monte à l'aller et ça descend au retour. Un sac dans chaque main, elle ne voulait pas qu'on la décharge, on l'aurait déséquilibrée sinon.
Mémé était une femme magnifique. Elle a travaillé jusqu'à 75 ans dans son petit restau d'ouvriers de l'arsenal, ne se plaignant jamais, elle aimait son travail. Ses enfants l'aidaient parfois au service, mais je n'imagine pas ses horaires et l'énergie qu'il faut pour ce genre de métier.
Je ne l'ai connue que 6 ans. J'aurai aimé la connaître plus longtemps.
Sais-tu ce que nous faisions quand nous allions chez elle?
Au début, on faisait la totale, avec le repas. Le repas, c'était une entrée comme des carottes râpées, la moitié de ton assiette en steack, l'autre en frites, et un dessert léger comme un far.
Arrosé comme il se doit.
Puis le café dans les verres.
Et enfin, la partie de domino.
On essuyait la toile cirée des miettes, on recalait nos reins au fond de nos chaises, on formait les équipes et on jouait. Mémé tenait ses sept dominos dans sa petite main. Ça demande de l'agilité tu sais? essaye pour voir.
On jouait. Concentration, silence, bruit de l'ivoire sur la table, et à la fin d'une partie, le cri joyeux, avec le claquement victorieux du pion vainqueur de Mémé avec une phrase en breton que je n'ai jamais pu retenir, parfois même un "youhouu" et un rire bref.
Vers la fin on y allait plus que pour les dominos. Des parties de quatre heures. Si. J'adorai ça. Nous adorions ça. Elle avait beaucoup de complicité avec ses petits enfants, et elle était très aimée de tous. Je crois qu'elle nous manque encore.
La petite vieille qui m'a doublée hier, allait peut-être cuire un chou-fleur à des enfants et des petits enfants qui l'aiment. Je le lui souhaite.

2.3.11

D'une île à l'autre.


C'est Chriss de son île inoubliable qui m'a donné l'idée de ce texte.
Un jour j'ai eu 17 ans, et c'était une fabuleuse année. L'année où j'ai grandi, je crois, le plus.
Ma grand-mère, celle qui parlait des colonies parce qu'elle était de cette époque, qui avait un père commandant dans la marine marchande et ayant voyagé avec Charcot, un père qu'elle plaçait plus haut que tout, bref, ma grand-mère vivait seule, avait encore des envies, toujours cet art de la représentation, je crois qu'elle n'était pas encore malheureuse, qu'elle y croyait encore malgré tout.
Mais au fond qu'en sais-je?
C'était son dernier voyage. 
J'ai encore, mais sans la possibilité de les visionner, tous les films qu'elle a fait en Inde et à Ceylan, ces voyages qu'elle avait organisé de sa petite commune du centre Finistère, un grand projet, avec tous les "anciens " de la commune. Ce n'était pas si courant à l'époque (mince, je ne sais pas l'année, mais je dirais fin 70's ou début des 80's), il n'y avait pas encore tous ces cars de "Tamalou".
Elle m'a demandé de l'accompagner. Faut savoir que s'il y a bien un truc que je ne refuse jamais c'est l'idée d'un voyage. Tiens, si on me proposait un voyage de mon lit au jardin aujourd'hui je dirais oui, mais je ne tiens pas debout.
J'ai dit oui.
Elle avait pris une formule tout compris, voyage, sorties, repas, hôtel etc...et car de Tamalou donc.
J'ai l'air de me moquer et sans doute qu'à l'époque, certains aspects du voyage ne me faisaient pas envie. Que des vieux. 
Sauf que bien sûr tout ne se passe jamais comme on le prévoit, l'imagine, le subodore. 
L'avion a fait son virage pour aborder la piste et nous avons tous très bien pu voir sa longueur, plutôt sa courtesse, et la fin de la piste sur des pilotis dans l'eau. 
J'étais excitée. La piste a été rallongée depuis 2001 lis-je aujourd'hui.
Nous avons atterri, je m'y connaissais en atterrissages puisque j'avais pris l'avion plusieurs fois sur de longues distances, n'est-ce pas. Et je confirme que c'était très court.
J'avais 17 ans mais je ne m'étais pas du tout documentée sur la destination. Madère, une petite île.
C'est pourquoi, mon coeur a fait des bonds à la sortie de l'avion. Le même vert, le même "air" qu'à La Réunion. C'était en avril. Il ne faisait pas encore trop beau ni chaud, il y avait de nombreux nuages sur les sommets. Mais quand même, j'avais cette impression de déjà vu qui m'a tiré les larmes.
Ensuite, nous avons parcouru Funchal en car, à pieds, rien n'est plat, il y a des marches larges en lieu et place des trottoirs pour casser la pente.
Funchal est traversée par une rivière que l'on ne voit presque pas car elle est recouverte d'un manteau de bougainvilliers retenus par des fils de fer, c'est un spectacle fabuleux. Là encore, les mêmes fleurs que là-bas.
Tout le séjour a été de rebondissements en rebondissements, du spectacle des Tamalous qui n'ont mal nulle part à partir de minuit quand il s'agit de guincher, et sans complexes, à la nuit où j'ai "fait le mur" pour suivre un des employés de l'hôtel qui voulait me faire visiter sa ville...hum.
En décapotable rouge, un petit restau sympa, les lumières de la ville, non, non, c'était très bien, vraiment.
J'ai donc appris beaucoup cette semaine-là.
Chriss nous montre les oiseaux du paradis, ils sont nombreux à Madère aussi.
Tout ça pour dire que c'est une île superbe, où les chauffeurs de car sont des virtuoses du volant (faut voir les routes à flanc de montagne), et où tu peux retrouver les quatre saisons au fur et à mesure que tu t'élèves dans l'île. Il n'est pas étrange qu'au même endroit poussent des bougainvilliers et de magnifiques forêts de mimosas.
Je ne sais plus trop où je voulais en venir, si ce n'est de dire que j'avais été émue de cette île qui me rappelait tant l'autre. Et sensiblement moins loin. Ce qui ne change rien, me diras-tu. Soupir.
Tiens, un cadal, moi à 15 ans sur la plage des Salines, tu reconnais Chriss?


1.3.11

Faire de sa vie un roman

Hier soir, je regardais un film. Pas mal d'ailleurs, un bon polar, avec de bons acteurs "36, quai des Orfèvres".




Je me disais que c'était chouette cette idée de Balthazars, je n'aime rien tant que les coups de foudre et coups de coeur. Parce qu'il faut bien reconnaître qu'au bout d'un certain temps ou d'un temps certain, on se lasse de chercher celui qui plaira, et puis, nous sommes si tellement nombreux!
Hier soir j'étais vautrée sur le canapé, me disant que la fatigue.
Souvent je pense à l'écriture. A la "matière". Ce qui nous donne l'impulsion, ce qui alimente, nourrit les textes.
Dans ce blog ici présent, c'est ma vraie vie que je romance légèrement, mais ailleurs, je tente la fiction. Est-ce vraiment de la fiction? Au fond, je n'en suis pas bien sûre, on ne parle bien que de ce qu'on connaît bien.  On peut se documenter, ou se mettre dans la peau de, mais il y a toujours de nous, dans l'histoire.
Alors, ici, je note, je compile, je réfléchis à voix haute. Aide-mémoire aussi. Comme les vieux journaux intimes que j'ai retrouvés il y a quelques mois dans le grenier parental. C'est surprenant de lire ça. Je ne me souviens pas de grand chose et en même temps, je sais bien que c'est moi qui était là-dedans, je me reconnais telle que je suis encore à présent. C'est rassurant ou flippant, cette constatation que je ne vieillis pas ou pire, que je  n'ai pas grandi!
Hier soir, dans la vraie vie, j'ai commencé à claquer des dents.
J'ai pris tous les plaids et je m'y suis enveloppée. Ma tête se faisait lourde.
Une idée m'a traversé l'esprit, prendre ma température...c'est un truc que je ne fais jamais pour moi, et pour les enfants seulement quand j'ai un doute. Parce que si tu as de la fièvre de toute façon l'objectif est de la faire descendre, alors à quoi bon se faire peur entre un 39 ou un 40?
Donc je l'ai prise, et avant que le thermomètre sonne et que je rajoute les 0,5 degrés (dans la bouche, faut faire ça paraît), j'étais déjà à 39. Une belle pointure pour des chaussures que je n'achèterai pas.
Je grelottais.
Je n'ai pas réussi à tenir le verre avec le cachet effervescent dedans pour monter l'escalier, je tremblais comme jamais. Mes muscles se contractaient, je me faisais l'effet de n'être qu'un seul muscle tétanisé.
J'ai monté l'escalier, me suis couchée en jeans, chaussettes, tee-shirt et deux pulls sous la couette en plumes. J'avais trop froid. La seule solution que j'ai trouvée pour calmer mes tremblements, la respiration type accouchement sans douleur. J'étais concentrée, ça fonctionnait.
Pendant la nuit j'ai eu trop chaud et puis trop froid, je n'ai pas dormi, j'adhérais au drap, comme un sac de sable inamovible, chaque mouvement étant un créateur de douleur.
J'ai la grippe.
Je me suis souvenue de celle de mes 15 ans, j'avais perdu 5 kg, je me souviens que j'en avais été ravie.
Tu sais à quoi j'ai passé ma nuit? à la façon dont j'écrirais tel ou tel événement.
Ce texte ici présent n'est pas le même que celui de cette nuit, forcément. Les phrases, quand elles te viennent, faut pas les lâcher, faut les noter. Mais pas la force.
Souvent, c'est une événement précis qui lance le texte. Parfois un mot. Parfois encore une association de mots qui me semble réussie, et c'est là surtout qu'il faut noter. Sinon, crois-moi, tu auras beau répéter mille fois, ça partira.
Les plus beaux textes sont écrits la nuit. Entre les neurones de minuit et minuit et demi.
A mon réveil, je n'en vois plus la couleur, seulement un ersatz.
C'est ce que je me dis, quand je trouve que c'est noule ce que j'écris !
Et toi? tu écris quand? comment? souvent?