Voilà la dernière partie.
La première partie là et la deuxième là...
Elle raconta la vision du ciel bleu ce matin et les parfums des fruits qui se lovaient sur ses genoux.
Elle nous faisait comprendre à quel point la vie qu'elle menait dans ce pays tout gris manquait de couleurs et de saveurs. Que c'était comme ces fruits, posés là, innocents et si puissants. Un concentré de vie et de chaleur. Des teintes et des parfums inconnus d'ici.
L'amour qu'elle nous portait, me disais-je, devait être démesuré pour qu'elle puisse trouver assez de joie, pour rester, si loin de là-bas.
Je savais néanmoins, parce qu'elle me l'avait dit, que parfois, c'est l'éloignement qui rend plus fort ce qu'on a perdu. Le rare et le précieux.
Ce n'était pas de la tristesse, peut-être de la nostalgie.
Elle replaça le couvercle sur la boîte.
Au moment où elle fit ce geste, je revis l'image forte du matin, celle du ciel bleu au-dessus de l'eau claire, l'air du dehors nous chatouillant la nuque, alors que j'avais enfin réalisé que la piscine avait fait coulisser le toit pour libérer le bassin en plein air. Nous avions nagé dehors, et maman l'avait compris tout de suite. C'était le pourquoi des couleurs et surtout de la lumière se reflétant dans l'eau scintillante. Comme quand elle était petite. Le soleil fait tout briller. Surtout les yeux de ma mère.
Elle refermait la boîte, laissant à l'intérieur tous les parfums et les saveurs. Tout comme le moment où, partant de la piscine, je m'étais retourné, surpris par le bruit que j'entendais ; le toit de la piscine qui glissait, cachant la lumière du soleil dans le cube de verre.
C'était son talent à elle. Faire un pas de danse avec l'ordinaire, le rendre beau, extraordinaire.
J'avais six ans, j'en ai soixante. Tout à l'heure, nous mangerons des letchis, et des mangues, nous irons nager dans l'eau salée, avec les poissons multicolores qui se cachent dans les coraux.
Je viens de refermer la dernière boîte de ma mère, il y a trois jours, j'ai clos ses paupières.
Le ciel est bleu, elle a rejoint sa terre.
et bien moi je vois ton texte aussi beau et magique qu'un arc-en-ciel surgissant dans le ciel gris après une grosse ondée... il nous éclaire avec ses mille couleurs.
RépondreSupprimeret puis on a tous, en soi ou chez nous, quelque part, de telles boîtes qui ne parlent qu'à nous et nous donnent tant.
merciiiiiiiii....
Je sais.
RépondreSupprimerJe lirai à tête reposée.
:-)
JE
sirocco
Ce texte est un vrai texte. Il m'a séduite d'un bout à l'autre. Bravo TOI.
RépondreSupprimerIl faut que ce soit pensé très fort, puis distillé, pour être écrit si bien. Je crois bien que je suis tombé dedans...je veux dire, l'émotion est là.
RépondreSupprimerà bientôt,
Roger
Charles, la première boite m'a parlé si fort, que quand la deuxième a ouvert son ciel, ça m'a paru évident. Merci !
RépondreSupprimerSirocco, Tu? ah ah. A tête reposée, c'est impossible, il paraît qu'on peut n'y rien comprendre à ce texte :-)
Lôlà, merci TOI TOI TOI :-)
Roger, tes photos nous mènent très loin, et tes mots sont forts, je tombe souvent dedans aussi, je vois donc bien ce que tu veux dire :-) Merci!
Beau texte...Et bonne idée pour illustrer "L'exil" !
RépondreSupprimerBesos :)
Tifenn, une magie ton texte :
RépondreSupprimerMalgré des histoires différentes chacun s'y retrouve
Les regards les couleurs les boites : Je conjugue les trois mots en tous sens.
Je retrouve les couleurs des regards et les boites de couleurs.Je pense au boites de ma mère à ses derniers regards...
Alors demain à l'atelier les enfants vont peindre ce qu'ils imaginent dans les boites à souvenirs .Elles deviendront les boites de l'avenir.
Et nous, nous reprendrons nos boites de couleurs pour mettre des couleurs à l'hiver...
Bravo! J'ai beaucoup aimé toute cette sensibilité exprimée.
RépondreSupprimerJack, merci :-)
RépondreSupprimerMarie Anne, ton commentaire me touche beaucoup. Les boites de l'avenir comme les boites à souvenir, c'est une belle idée. Et oui, il faut que nous reprenions nos boites de couleurs pour l'hiver, et même tenter de copier les couleurs de l'automne.
Jeaneg, merci aussi :-)
Vos commentaires à tous me font plaisir!
"parfois, c'est l'éloignement qui rend plus fort ce qu'on a perdu. Le rare et le précieux."
RépondreSupprimerEt souvent, heureusement, c'est le rapprochement qui rend plus fort ce que l'on (re)trouve.
Indisciplinée, comme d'habitude, j'ai commencé par la fin, je recommence, je continue...
Et je t'embrasse fort, belle Tifenn.
Superbe texte, et les commentaires! oh dear! tout aussi beaux, tu les merites bien, bravo pour ton talent et merci de nous le faire partager.
RépondreSupprimer