24.4.12
Corsica #4 (Les villages, Porto)
C'est un caillou que cette île là. Au début je ne voyais que ça. La pierre, partout, taillée sèche, raide, et droite, piquante. Grise ou ocre. Brute. Belle, large et plate, empilée comme par magie, sans colle, juste le poids.
La pierre noyée dans le vert de la végétation qui se lève au printemps, noyée dans les jardins à peine entretenus. Tu ne vois pas un seul endroit de pelouse tondue. Non. C'est comme inachevé, en mouvement, toujours en cours de quelque chose, un labour, ou rien, juste l'herbe qui pousse, les vaches ou les chèvres viendront s'en charger.
C'est un immense champ sauvage, où tu n'imagines pas la moindre cisaille. L'arbre pousse libre, entier, il n'est pas défiguré.
Il pousse sur la roche, elle aussi partout, pelée, tendue, douce ou agressive, grise et blanche, les premiers jours que tu marches dans les petits villages.
Calenzana, Sant Antonino, et Santa Restitude surtout. Il te plait celui-là. Pas tout à fait abandonné, entretenu aux abords des maisons, sauvage dans la pente qui s'éloigne du caillou, préservé, immobile et silencieux. Pas d'âme qui vive, sauf ce chat, et encore un autre.
Depuis que tu es arrivée, tu te demandes où sont les Corses. Tu n'as pas vu d'école, tu n'entends pas les voix, tu ne vois pas de banc occupé par un vieux ou une vieille, tu entends parfois l'aboiement d'un chien, tu sais l'heure juste grâce aux cloches des églises, seul bruit de vie constant et certain dans ces ruelles étroites et ombragées. Tu as vu des gens à Calvi, dans la ville des touristes, aux nombreuses boutiques de souvenirs, tu en as vu au supermarché, mais tu ne leur a pas parlé, pas encore.
Tu as pu constater que le Corse est chez lui : il se gare au milieu de la rue où ne peut passer qu'une voiture, pour aller faire sa course ou papoter avec son copain. Toi, tu es derrière, il le sait, il s'en fout. Pas grave, toi tu ris, tu as le temps, tu es touriste.
Tu n'es pas encore tout à fait séduite par le paysage. C'est joli, te dis-tu, pas encore beau, ça ressemble à la Bretagne, ça ressemble à la montagne, ça voudrait ressembler à La Réunion, tu t'agaces de penser ça, tu t'en veux, mais tu n'y peux rien, tu vois même l'Italie que tu ne connais pas, partout dans les maisons, les couleurs, les églises, les moulures, les formes....
Tu écrits quelques cartes, celles qui sont encore dans ton sac, tu vois le ciel souvent gris, tu apprécies la charcuterie que tu découvres au hasard, et les canistrelli.
Et puis, il y a le quatrième jour, le premier où il fait vraiment beau... et où tu prends la route du sud, par la côte ouest, la route qui tourne et qui tourne encore, tu es accrochée à ton siège parce que c'est Le Taiseux qui pilote et que toi, tu as juste le précipice à droite. Les Yeuxbleus sera malade là, juste une fois, le breton n'est pas montagnard.
Nous voyons nos premières vaches, Lesfossettes veut faire des photos, nous nous arrêterons mille fois pour les vaches, les biquettes et ce satané paysage dont tu sais bien qu'il ne donnera rien dans ta boite, alors qu'enfin tu es soufflée.
Enfin, oui.
Là, j'ai vu quelque chose que ne connaissais pas, qui ne ressemblait à rien, juste à cette couleur que tu préfères au-delà de tout, et que jamais tu n'aurais imaginé voir sur la roche, ce rouge si dense, cette couleur intense qui tranche la mer bleue profond, sur un ciel voilé, alors que le vert maquis saigne entre les plis de la montagne.
Descendre ou monter à Porto, c'est se taire et juste admirer.
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Ouaip un seul corse et c'est suffisant pour créer un embouteillage. On ne les voit pas et tout à coup y'en a un qui bouche tout le paysage, Ouarff.
RépondreSupprimersinon , j'ai à dire que, comme toi, je trouve énervant de comparer. je ne pratique pas trop perso. D'autant plus que c'est un truc qui me semble très franchouillard " ah tiens, c'est comme chez moi, ou ah tiens, c'est comme à x.....l'année dernière, ah beurk dis donc t'as vu c'est pas comme à y....., ah ben dans ma cuisine j'ai la même, ah ben on se croirait à machin mais en moins bien, etc". j'ai découvert ce défaut vulgaire en grèce à 18 ans. Face à l'Acropole des c.....de frenchy qui rouspétaient..pour la bouffe qui n'était pas comme ci, pour l'herbe qui n'était pas verte comme dans leur champ, pour ceci, pour cela " ah on dirait.....ah c'est comme.....". Sans doute l'arrogance et le besoin de se rassurer. Pourtant aucun coin ne ressemble à un autre, ou alors c'est qu'on a de la m.....dans le ciboulot.
Ouais, complètement nul de comparer... n'empêche que ça faisait comme ci, y'a qu'après que ça s'est détaché de mes souvenirs. Ouf.
SupprimerBelle conclusion, aussi bien amenée qu'illustrée. Venant de Bastia, c'est un peu la même impression que j'avais ressenti en découvrant la baie de Saint-Florent au détour d'un virage.
RépondreSupprimerLa première fois que j'ai vu Saint-Florent, j'ai rien vu c'était déluge.
RépondreSupprimerLa deuxième fois, vu du col de Téghine...joli d'en haut oui, gros port de plaisance, très touristique encore. Non, j'avoue préférer et de loin, les villages de montagne...Ou Centuri, village de pêcheurs qui a toute mon affection, hors-saison...