4.5.11

Un métier.


On roulait. On roule beaucoup en vacances. Soudain, elle a dit : « je voudrais faire un métier… »
Oui, pensais-je, pleine d’espoir, saurait-elle déjà, du haut de ses neuf ans le métier qu’elle veut faire ? sera t-elle libraire, que je lui choisisse ses livres et les lise avant les autres ? sera t-elle reporter, qu’elle voyage au bout du monde et que sa connaissance des gens soit si infinie qu’elle ne puisse que les comprendre ?
Je me disais, à son âge, je voulais être avocate, journaliste-reporter, c’est surtout le reporter qui comptait, et puis j’ai laissé tomber le « avocate » pour ne garder que le « journaliste-reporter » et puis je n’étais pas assez bonne à l’école, trop flemme, trop sûre de mes capacités aussi sans rien faire pour les développer, et puis pas assez confiante en mes capacités en même temps, il m’a toujours manqué le culot, ou il m’aurait fallu le coup de pied aux fesses, que quelqu’un sache me persuader que j’étais faite pour ça et me donne la recette pour y parvenir….
« Je voudrais faire un métier où… »
Non, pensais-je, serais-je comme tous ces parents à vouloir que leur enfant fasse ce que lui n’est pas parvenu à faire ? reporter sur lui, ses rêves, ses désirs, ses frustrations ? Ne me suis-je pas toujours interdit de penser cela ?
Pourvu qu’elle choisisse un métier qui la rende heureuse, où elle s’épanouisse, où elle puisse avoir au moins un fou rire par jour…
« Je voudrais faire un métier où je gagnerais plein d’argent pour pouvoir t’offrir la maison de tes rêves ».
Nous roulions. Sans doute avait-on passé Quimper déjà. Sa sœur et son frère étaient endormis autour d’elle. La radio ne captait rien, puisque quelques jours avant, j’avais passé la voiture sous les rouleaux, et cette fois, celui du dessus avait réussi à emporter l’antenne et à la casser.
Le silence n’a pourtant pas duré longtemps. Entre le rire incrédule, le serrement de cœur, et la raison, j’ai bafouillé.
Il paraît qu’aujourd’hui tous les enfants veulent gagner plein d’argent. Que c’est ça qui compte le plus. Pas le métier en lui-même, pas le bonheur en famille, pas la réalisation de quelque chose qui leur semblerait important. Non. L’argent. L’exemple de cet argent facilement gagné, des millions en courant après un ballon.
J’ai bafouillé. C’est vrai, les enfants ont toujours, souvent, des questions qui peuvent être anodines, et dont on sent pourtant qu’elles engagent un morceau de leurs valeurs. Ou de celles qu’on voudrait leur transmettre.
Je lui ai dit qu’elle était bien gentille de vouloir me faire un cadeau. Et puis que j’avais déjà la maison de mes rêves, celle où toute ma famille est réunie, avec un jardin et à 5 mn de la mer.
« Oui, mais la maison dans le catalogue ? »
(Une fabuleuse maison, au milieu d’une pièce d’eau, avec des passerelles, des petits ponts pour en sortir et rejoindre un jardin non moins magnifique. Une maison avec du verre partout, des toits terrasse, une maison qui flotte, légère comme une bulle dans un paradis vert.)
Aaah, ma chérie, il faut toujours avoir des rêves, ils permettent d’avancer, d’avoir envie, de se pousser soi-même pour aller plus loin.
Je lui ai dit que le plus important était qu’elle trouve un métier qui lui plaise. Aller travailler 8 heures par jour pour faire quelque chose qu’on n’aime pas, n’est pas le secret du bonheur. Et puis que ceux qui avaient construit cette maison ne devaient même pas en profiter, tant elle avait dû coûter cher, tant ils avaient dû travailler tant et tant qu’ils ne devaient jamais y être. Autant ne pas se faire de mal ni d’illusions, pas vrai ?
Il arrive parois qu’on roule pour partir en vacances quelques jours. Il arrive aussi que les enfants nous fassent réfléchir sur nous-même et sur ce qui compte le plus. L’important. L’essentiel.
Ces enfants qui nous font grandir. 

7 commentaires:

  1. C'est vrai que les questions essentielles sortent souvent de la bouche des enfants. Et y apporter des réponses...
    :-)

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  2. Je n'aime pas trop que les enfants veuillent faire le bonheur de leurs parents, du moins le leur disent. Cela me met mal à l'aise, chacun n'est plus à sa place. Sans doute parce que j'ai grandi sans connaitre les préoccupations matérielles de mes parents ? On se souciait de ce dont moi j'avais besoin, le reste n'était pas mon affaire.
    Mais c'est comme tu dis : expliquer qu'avoir des rêves cela pousse à faire vivre ses propres réalités. Expliquer aussi qu'il y a des tas de choses visibles, à admirer, c'est de l'art, de la beauté, mais ce n'est pas fait pour entrer dans la maison tel que.
    Celui qui "copie" n'apprend rien, celui qui veut "la même chose" ne créé rien, à moyen terme...Je dis même cela dans mes cours d'alphabétisation : essayez vous même, faites des erreurs, ne copiez pas sur la voisine sinon votre tête ne grandira pas.

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  3. Je trouve que c'est une réaction très saine de la part d'un enfant, d' avoir envie d'offrir. Un enfant qui sait déjà recevoir ? Un enfant à qui on a apprend le rêve et la beauté...
    A nous de ne pas projeter sur lui nos propres ambitions éventuellement déçues.

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  4. J'ai mes tiroirs pleins des cadeaux que les enfants me font...des dessins, des colliers.
    J'étais mal à l'aise avec cette histoire de maison. Peut-être qu'en ce moment mes "rêves" sont "ses" rêves...qu'elle se cherche une identité en passant par la mienne. A nous de savoir lui montrer qu'elle même a une personnalité propre qui est belle, qui n'appartient qu'à elle, et qu'il n'est nul besoin d'imiter, au contraire, se différencier. A l'école déjà, elle est différente. Elle est mieux seule qu'avec ses "camarades". Dans les activités extra scolaire en revanche, elle a beaucoup d'amies. Je crois qu'elle cherche une stabilité, et qu'on est pour le moment, sa seule référence. Alors elle veut être et faire comme nous.
    Je vais faire attention. Un cadeau gros comme une maison, n'est pas un cadeau, mais une demande d'attention.

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  5. Oui, un appel, comme une envie de sécurité.
    C'est fou comme les enfants en ont besoin. Sans cesse et sans qu'on le devine parfois, je trouve.
    Je me souviens de ce petit garçon de trois-quatre ans très instable, "intenable", adorable mais TRES fatigant quand son père lavait avec lui ( parents séparés). Son histoire était particulièrement particulière.
    J'ai dit à son papa, un ami : tu lui as fait un album photos avec ses "géniteurs" avec vous, votre histoire et lui et vous trois, etc ?
    - Pas trop....
    ...

    Sis mois plus tard, je revois un enfant qui ne réclame plus autant l'attention, qui trouve mieux sa place et tient mieux en place (ne grimpe plus sur la table, ne parle pas non stop, il écoute, il sourit). Ils ont passé des heures autour des nouvelles photos de papa et maman et lui, on lui a raconté comment il est né, comment il est arrivé ( juste ce qu'il faut, je ne parle pas de déballage d'adulte).

    Aujourd'hui c'est un jeune chercheur de 25 ans, parti en Afrique étudier les bonobos, l'histoire de l'origine de l'Humain, avec le Musée de l'Homme.
    Pfffff....!!

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  6. C'est peut-être la maison de SES rêves ; )


    Quoi qu'il en soit, je suis bien d'accord avec toi, ta maison sent le rêve assouvi et le bonheur.
    Comme je me sentais apaisée devant la tasse de thé nocturne, la lumière tamisée et Lhasa...

    Et je suis encore d'accord : ne pas choisir pour eux. J'ai fait l'erreur de "diriger" un peu et je le regrette parfois.

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  7. Laure, c'est compliqué parfois la vie. C'est bien de rencontrer des gens comme toi, qui ont des clés :)
    Dana, en fait, il se peutr qu'elle rêve à la chambre de ses rêves aussi. Puisque nous sommes en travaux, et que c'est en projet. Mais on est pas rapides...
    Il n'y a pas de parent parfait. Hélas et tant mieux. :-)

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