27.5.11

Lire ou écrire? Juste se nourrir... (de la tête aux pieds, ah ah ah)

Depuis que j’ai lancé cette question rhétorique dans le dernier billet : Lire est aussi important qu’écrire, n'est-ce pas?  La question continue de me trotter en tête.
J’avoue avoir été surprise de la réponse de Jack, qui dit que non, rien de plus important qu’écrire.
Et, tournait dans ma tête cette question : pourrais-je me passer de lire?

Quand j’étais petite, à l’école, on remplissait des fiches, profession des parents, etc… Et toujours la question : Activités  pratiquées.
J’aurais pu dire Karaté, ou bien musique, ou course à pieds. J’aurais pu dire n’importe quoi, ils ne vérifient pas, mais je marquais simplement : lecture.
Ça paraissait bête aux yeux des autres. Je cachais ma fiche derrière ma main, j’avais peur qu’on me prenne pour une andouille, une inadaptée sociale.
Et pourquoi pas ? me dis-je à présent.
Nos déménagements successifs ne m’ont pas aidée à m’intégrer facilement où que j’aille, j’ai toujours été un peu sauvage. Et pourtant je n’étais jamais seule.
Un jour, en CM2, j’ai pris un livre dans la classe de M. Blanc, « Le Lion » de Kessel.
Avant, je lisais déjà toutes les bibliothèques vertes, les « Alice », avec sa décapotable bleue,  « Langelot » l’agent secret, et des tas d’autres, parlant d’aventures, d’enquêtes, tout ce qui me tenait en haleine.
Mais « Le lion » est mon premier vrai roman, je crois. Je me souviens m’être sentie aussi triste que l’héroïne, rêvant d’avoir un lion comme animal de compagnie. C’est la première fois que je prenais la liberté de m’exclure des autres, que j’ai lu pendant la récré. Il ne pouvait plus rien m’arriver. J’étais dans le livre, dans les mots, la sonnerie qui me faisait retourner en cours me sortait du monde que je découvrais sur mes genoux, entre mes doigts des pages de trésors, de découvertes.
Les trois années passées au collège et j’ai lu tous les bouquins du CDI. Peut-être qu’il n’était pas si grand, mais je sais qu’à la fin je n’y trouvais plus mon compte.
A la maison, quand nous sommes revenus de l’île aux Paille-en-queues, nous allions le samedi le plus souvent, à la librairie. Et nous revenions les bras chargés, à nous battre pour avoir qui lirait tel livre le premier, on donnait des tours. Nous continuons encore, à nous faire des échanges de livres. Pas Un livre, non, des sacs de livres. Ce qui reste mystérieux à mon homme, cette frénésie d’échange, des livres de ma sœur en série, de mes parents idem, et les trous de ma bibliothèque quand tous les Connelly disparaissent d’un coup pour la maison parentale. Parce que nous lisons aveuglément, si j’ose dire. Nous sommes des livrophage, on dévore.
Parfois, je voudrais lire moins vite. Parce que finir un livre, c’est comme perdre quelque chose avant de le gagner. C’est le deuil et la rupture. C’est l’absence et le manque. Alors, il m’arrive de choisir un livre à son poids. Plus c’est lourd, mieux c’est. Pendant longtemps je détestais les « nouvelles ». Trop court. Pas le temps d’entrer dans la maison qu’on en sort déjà. J’ai toujours du mal avec ce genre littéraire d’ailleurs.
Alors oui, je confirme, lire est aussi important qu’écrire. C’est indispensable.
C’est comme si on se mettait à table à plusieurs. Les plats sont apportés, posés devant nous, nous admirons d’abord, ce qui pourrait être notre oeuvre, tiens, c’est moi qui ai fait le gâteau, et puis nous portons à nos lèvres la nourriture ainsi offerte. C’est bon. Souvent, on identifie le plat et le goût est conforme à notre attente. Les plats sont nombreux, on ne s’empêche pas de grappiller dans l’assiette du voisin, pour voir si c’est bon aussi. Là, on est surpris. On se demande quel est l’ingrédient qui fait la différence. Le petit truc. On cherchera à la maison, peut-être, à retrouver ce goût si particulier qui nous a enchanté. On n’y parviendra pas. Le goût appartient au cuisinier.
A d’autres moments le plat  est si fort en saveurs, qu’on ne peut plus rien avaler après. Notre palais est bouleversé. Transformé dans ses habitudes. Il a besoin d’être éduqué pour comprendre. Il n’y a pas un, mais mille ingrédients secrets. On n’oubliera jamais ce mets-là.
A la fin du banquet, on est repu.  On a appris beaucoup, découvert autant, il faut digérer à présent. Décanter. Laisser poser.
Il en va ainsi des livres. Une nourriture, des plats, des saveurs, des titillements, des étonnements. Impossible de cesser de m’en nourrir. Impossible de ne pas admirer, m’enthousiasmer, adorer.
Tanakia met un lien dans son commentaire...Très bon article de P. Assouline, à lire . Les librairies canapés...comme Dialogues! 

J’étais lectrice avant d’écrire. Les deux sont indispensables et indissociables.



7 commentaires:

  1. Ah bin, je suis ravi de t'avoir questionné et que tu aies répondu ainsi...
    Pour développer, s'il est bien de se nourrir, je reste persuadé qu'il faut ingurgiter des aliments autres que ceux qu'on peut produire. Un cinéaste va lire des livres, un musicien va se promener dans la nature, un peintre va prendre des photos...et un écrivain va rencontrer du monde au bistrot, lire des BD, faire des jeux vidéos, etc.

    Je crois que pour un écrivain ou tel, la lecture est un plaisir, un outil de culture ou un moyen de s'étalonner ou en discuter dans des soirées, mais surtout une manière de s'aider, de plagier sans dire, de nourrir son écriture directement par des réminiscences marquées. Mais bon, difficile de généraliser et de douter toujours de la sincérité de ll'écrivain qui lit...^^

    Essaye donc de ne pas lire durant un mois, et écrit durant ce laps de temps et après. Tu verras que cette absence de "guide tutoriel" mental te manquera, mais aussi fera renaitre en toi cette feuille blanche qui peut aboutir à une vraie liberté d'écrire !
    Besos ♥
    Jack

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  2. Te lire fait renaître en moi ces sensations et sentiments. La rupture douloureuse d'un "bon" livre, la nécessaire décantation parfois, le lent travail qu'effectuent certaines découvertes, lenteur exquise pleine de promesses de ce qui va advenir.
    L'opposé existe aussi. Les répulsions. Pas tant dans l'écriture, quoique, plutôt dans le sujet. ou parfois une raison inconnue qui bloque ma lecture. je n'ai jamais pu aller jusqu'au bout de "pour qui sonne le glas", je ne sais pas pourquoi, honte à moi!
    Partager les livres et donc les découvertes me donne aussi le plaisir d'un support de découverte de toi, de vous. Vos ressentis colorent encore l'étonnante et permanente découverte de ce que vous êtes, vivez, avez vécu. Et partager les mêmes enthousiasmes, ressortir les anecdotes ou l'humour de tel ou tel roman, évoquer les personnages et leurs caractères, cela crée , enfin, enrichit les liens entre nous;j'aiaiaiaiaime!

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  3. Jack, c'est vrai oui qu'il faut varier, lire, écouter, voir... d'où la photo, et la musique etc... C'est vrai aussi sans doute que même sans le vouloir, une partie de nos mots doivent être pétris de ceux qu'on a déjà lus et digérés. Mais pas de plagiat, non, même si j'essayais d'écrire à la "façon de" je crois que la mienne me rattraperai. Ou que ce serait un exercice de style qui me lasserait. Mais ne pas lire pendant un mois! oh, j'ai déjà dû me retrouver dans cette situation, temps, fatigue, mais de fait je n'écrivais pas non plus pour les mêmes raisons. Ceci dit, ça vaudrait le coup d'essayer pour voir :-)
    Mamutter, j'ai de la chance d'être née dans une famille de lecteurs! et que nos échanges continuent toujours!

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  4. Je rejoins Jack sur les regards croisés. C'est dans la peinture que j'ai compris l’acte créatif, et cette découverte vient soutenir mon écriture. C'est avec la photo que je résous certaines impasses en peinture. Je me pose les questions de composition, de lumière autrement. L’énergie créatrice se nourrit dans l'acte même de créer. créer une belle table, un bon repas,n décorer des assiettes, équilibre les couleurs de ce que l'on mange, tout cela ce sont des actes créatifs....

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  5. Lôlà tortue légère28 mai 2011 à 08:42

    je ne suis pas une grande lectrice comme toi qui dévore, t'en nourris. Et j'ai l'impression qu'on lit comme on caractère, comme on est. les peurs, les exigeances,les passions, les tolérances...Plus l'enfance qui nous a guidé ou pas vers...Et l'affectif qui fait tout et est tout, dans l'acte de lire itou, je le crois. On "y met" nous et notre rapport au monde.
    Je suis restée marquée par un père pour lequel lire était l'acte essentiel sans lequel tu étais un idiot, tout simplement, très autoritairement. Donc, j'ai rechigné, une ado de lire...une rebelle à entrer dans le rang des lecteurs.
    Molière puis Vian m'ont indiqué une source, juste avant Eluard et les poètes adorés. La haute voix, donc, entendre le son des mots et les jouer, prendre des bouts et en vivre, encore les poèmes, toujours, avant tout au commencement de mes lectures vitales...au même moment où...je les écrivais.
    Vian et l'amour en écume des jours et arrache-coeur et la sortie de la normalité, l'acte de choquer, de trancher dans les pages trompette de jazz en tue tête...au même moment où...

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  6. @Tanakia..j'aime peindre, mais je ne sais pas peindre. Je résous tout avec la photo, enfin, la photo me montre que chaque détail compte (entre autre, la lumière aussi oui bien sûr) et je suis en train de l'apprendre pour l'écriture. Alors oui, il faut tout utiliser, la main, l'oeil, la peau, pour ressentir, explorer, découvrir, interpréter, et peut-être réussir à retranscrire.
    @Lôlà, alors, tu as appris à lire avec la puissance des mots, leur pouvoir, et ce qu'ils font de nous. Il y a des livres qui marquent au fer plus que d'autres, ils nous apprennent qui on est ou qui on voudrait être, ils nous guident, nous emmènent. Peu importe la fréquence, le nombre, ce qui compte c'est la réception. :-)

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  7. Quelqu'un m'a posé un jour la question étrange de savoir lequel de mes sens me manquerait le plus si je venais à le perdre. La question est crétine, évidemment, n'empêche que sans hésitation j'ai répondu la vue. A cause de l'impossibilité de lire qui en découlerait. Je pense que l'écriture vient après la lecture. Je ne pense pas qu'on puisse écrire sans lire.

    Bon week end à toi :-)

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