25.5.11

Un soir...

Le soir, souvent, on essaye de regarder un film. On en a plein des films. Des déjà vus, des pas encore vus, des anonymes enregistrés sur une soirée trop tardive, ou bien parce qu’on a égaré le crayon, et ceux qu’on rapporte d’ailleurs. On aime.
On espère que les enfants dorment.
On espère que la pluie ne crépitera pas trop fort sur les fenêtres.
On espère que le film sera bien. On s’interroge.
Puis y a des soirs où on choisi la facilité. Une série de ci de là.  Avec la coupure pub idoine pour que j’aille façonner le pain et une deuxième pour que j’aille enfourner.
Un vrai film, c’est dur d’interrompre, de mettre sur pause, le temps d’avoir les mains pleines de farine.
Alors parfois, on sait que le matin, ce sera crêpes.
On s’assoit. On regarde un film anonyme, et on voit le titre s’afficher. On se demande. Et puis on reconnaît le nom de tel ou tel acteur. On se dit chouette. J’aime bien Tommy Lee Jones par exemple. J’ai confiance. Clint Eastwood aussi, bien sûr. Des films où l’humain mène la trame.
Ce soir, on fait exception.
D’abord, il n’y a pas de pain à faire, et puis on n’est pas tombés tout de suite sur un film qui nous parlait.
Dans le ciel, les nuages s’amoncellent, pleuvra t-il demain ? Ce ne serait pas un mal, il fait si sec. Ils le disent bien à la météo, que ce soit à la télé ou à la radio. Cette météo si mal fagotée que ça devient un sujet de plaisanterie entre nous. A la radio, on ne sait pas comment est habillée la voix. On devine les images, on réapprend sa géographie. On se situe à l’ouest, ce bout de monde à part, si souvent caché par une paire de seins.
Avant, j’écoutais parfois la météo marine. Du temps de Marie Pierre Planchon. Qui n’est plus à la météo je crois. J’aimais ça, comme une chanson. Je ne comprenais pas tout. Fox time et dogger, je ne sais toujours pas ce que ça veut dire, mes leçons sont restées au fronts chauds et froids, je comprends le vent de terre et les beauforts, mais les nœuds m’emmêlent.
Ce soir, donc, pas de film.
Il se trouve que je suis accrochée à un livre depuis hier soir, il ne me lâche plus, je l’ai même pris à la plage, écoutant le son des vagues et des mouettes, la voix de celui que j’aime et des enfants d’un air distrait, entre deux pages où des grains de sable coulaient parfois. C’est que les petits pieds enfantins balaient vite et loin.
C’était l’autre jour dans la librairie folle, celle qui pousse aux folies plutôt, au fait les canapés n’y sont plus bleus mais jaunes et je n’ai pas vu de table Le Corbusier, l’autre jour quand je me suis ruinée à acheter 5 livres.
Oui, j’ai choisi presque au hasard, la couverture, le titre, ou le bref résumé. Aucun ouï-dire ne m’a guidée.  J’ai fait au hasard, comme j’aimerais faire à chaque fois, avec le luxe de ne pas regarder le prix, juste me contenter de l’apparence et de quelques mots.
Là, je lis « si vous recevez cette lettre » de Sarah Blake. Paraît que c’est un best-seller.
Je l’ai commencé hier soir, j’en suis à la page 236 et ce soir je ne regarderai pas de film.
Non, le film est dans les mots que je lis. C’est en 1940. Entre Londres et l’Amérique. Et tous les pays traversés des hordes de « réfugiés » qui ne sont à l’abri de rien, à la merci de la peur et de la mort qui les attends, mais ils ne savent pas encore. C’est une journaliste de radio en quête de vérité, une receveuse des postes amoureuse et consciencieuse et la femme d’un médecin. 
La journaliste me plaît beaucoup. La postière aussi.  Je plains la femme du médecin. Je ne la connais pas encore, je ne sais rien de son passé, ni de celui des autres, mais elles sont tellement ancrées dans la réalité.
Ce soir, je voyage avec Frankie Bard, qui enregistre sur son magnétophone de 15 kg qu'elle trimballe d'un train à l'autre, des voix humaines qu’elle croise dans le train en Europe, le train qu’elle prend pendant ses deux semaines de visa, elle n’a pas de destination autre que celle de faire parler les gens sur le temps de 90 mn dont elle dispose sur ses bandes, des voix dont elle voit la mort en direct, ou dont elle ose à peine se demander le destin. Elle n’a plus que quatre jours de visa à l’heure où j’en suis. La page plutôt.
Lire est aussi important que d’écrire n’est-ce pas ?


6 commentaires:

  1. Ce qui est important c'est de s'intéresser aux choses. De nourrir son imaginaire, pour faire travailler son imagination. Lire ? Oui, on peut lire par curiosité, utilité...Aussi important ? Non, certainement pas pour moi. Toi, tu fais comme tu veux...^^

    Par contre, j'adore les films ! Et ça me donne encore envie de raconter mes histoires, pour me faire mes films ;)

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  2. "Forth, Tyne et Dogger" ;-) ce sont des zones maritimes à l'est de la grande Bretagne, deux côtières et l'une de haute mer (Dogger). "Paire de seins", je ne vois pas par contre, seulement une île plutôt plate... ah si ça y est, tu causes de la présentatrice?

    Je me suis promis depuis longtemps d'écrire un billet sur cette météo marine qui me fait toujours rêver.

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  3. L'écriture et la lecture, deux soeurs siamoises qui grandissent ensemble ?
    Beau titre
    et contenu qui donne envie
    Ce matin je te dirais bien :
    "Si vous recevez cette carte"....

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  4. Jack, si, pour moi c'est aussi important :-) Je pense même que tant que je n'aurais pa assez lu, ou bien lu, je n'écrirai pas "bien". Faut toujours se frotter aux mots des autres.
    Pat, ah ah ah, mdr! fox c'était pas mal non plus pas vrai :) ça fait trop longtemps que je n'ai pas écouté, ça paraît tellement plus vrai quand tu l'écris! Oui, vas-y pour ce billet météo, ce serait très drôle,bien, efficace!
    L. j'ai fini le livre! une carte? :-))

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  5. J'ai pensé à ton billet en lisant celui-là, cela parle aussi de lecture et d'écriture... ;)
    http://passouline.blog.lemonde.fr/2011/05/23/ces-librairies-ou-les-vendeurs-sont-du-batiment/#xtor=RSS-32280322

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  6. Tanakia, très bon billet, il me donne envie de répondre à la question que je pose un peu de façon rhétorique, mais qui finalement a son importance.

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Un petit mot n'est jamais si petit.

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