La descente est rapide, que tu la fasses à pieds, en voiture ou en rollers. Pour les sensations, en voiture c'est le premier jour des vacances qui est le plus efficace. Les retrouvailles. Pour l'excitation, c'est le roller, quel que soit le jour.
Tu descends et ton coeur bat. Très vite, très fort.
La courbe est franche, large.
Tu aperçois la maison. Pour marquer notre arrivée, un ou deux coups de klaxon. Tu as l'impression que ça fait une éternité que tu n'es pas venue. Tu ouvres la portière, et dans l'encadrement de la porte verte, tu vois le sourire de Mamie et son confortable coeur. A chaque fois, tu cours vers elle. Et tu serres.
La maison est dans une courbe de virage; il y a une cour, juste devant, avec un poteau blanc, luminescent à son sommet à la lumière des phares, la nuit tombée. Le crépi est vieux usé, un jour pourtant, il a été refait, gris. La maison reprenait des airs nouveaux. Et puis un bout de toiture, une fenêtre de toit. Dessous, tu sais qu'il y a une pièce avec un coin salle de bain. Et une armoire, où elle rangeait encore les affaires de Papi... Le caban bleu marine, que j'ai porté, mes années de Fac.
A l'autre bout de la maison, comme une dépendance dépendante, le côté où vivent parfois mon cousin et sa famille. Dans cette pièce, il y a une cheminée aussi, immense, dans laquelle rentre un banc de bois. On aime s'y assoir, nous les enfants.
Le jardin est derrière la maison. Plein d'herbes folles. Ça fait bien trop longtemps que Mamie vit seule pour s'occuper de l'entretien de son jardin. C'est là que les toilettes se trouvaient avant mes dix ans. Une cabane, au fond. C'est avant la réfection du crépi et de la toiture. Et du sol. Parce que je n'aimais pas la terre battue. J'imaginais que pouvaient en surgir des serpents, ma phobie. Ils seraient venus de la terre et auraient grimpé le long du pied de la table où nous mangions.
Dans la cour, une fois par semaine, ou deux peut-être, la camionnette de l'épicier. Des grappes de raisins blonds et des tablettes de chocolat au lait. Elle ne disait jamais non, Mamie, son seul bonheur étant de faire le nôtre.
Cette maison, était une ancienne auberge. Elle avait gardé les anneaux, où j'imaginais qu'on attachait les chevaux. Elle était en pierres, cette pierre de schiste, plate, large, grise avec des tons jaunes parfois. Ce n'st pas une pierre économique puisqu'on ne la pose pas debout pour faire les murs, non, mais bien à plat. Des murs larges, épais.
Un jour, Mamie n'était plus.
Je la voyais dans mes rêves, même le jour, à dix mille kilomètres de là, qui passait devant mes fenêtres. Sa coiffure si particulière. Son sourire et nos disputes bruyantes qui nous réconciliaient facilement.
Un jour, sa maison n'était plus.
Les bulldozers sont passés, il fallait diminuer la courbe du virage, le rendre moins dangereux avec un nouveau tracé de route.
Ça ne s'est même pas fait. L'endroit subsiste, nu, recouvert par la végétation à l'abandon, sans plus aucun entretien.
Son fils, mon père, a récupéré les pierres de la maison.
Ce sont des pierres dont on dit qu'un jour...
Depuis 1986, un an avant notre retour, les pierres sont dans le jardin de notre minuscule maison de vacances, dans le centre Finistère. Contre un petit mur en parpaing, puis dans un coin du champ. Depuis ce temps, elles sont englouties sous la terre, l'herbe, les bonnes et les mauvaises, on ne les voit presque plus. On les oublie. Presque.
Etaient.
Les pierres étaient.
Comme une idée qui trotte, on n'y croyait plus.
Mais un jour, il y a eu des plans. Des fondations ont été posées.
Ailleurs, à quelques centaines de mètres à vol d'oiseau, de l'endroit où vivait Mamie, une maison se construit. Celle de mes parents.
Comme une idée fixe, utiliser les pierres.
Les pierres sont.
N'est-ce pas un peu de la maison de Mamie que je vois là?
Oh quelle belle histoire et ces pierres là, magnifiques et debout ! PFFFIOU !
RépondreSupprimerL.
Et quand c'est une vraie histoire, imagine un peu! :-)
RépondreSupprimerJ'aime la permanence de ces pierres. J'aime aimer les pierres.
RépondreSupprimerHâte de voir le resultat !
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