18.1.11

Rhaaah! Enfin!


J'aime la pluie quand je peux rester au lit et lire. Sinon, je hais la pluie.
J'aime la neige s'il y en assez pour en faire des bonshommes. Sinon, elle m'indiffère.
J'aime le froid sec, seulement si je suis assez couverte. Sinon, je grelotte.
J'adore le beau temps. Le ciel bleu. Les yeux qui plissent. La peau qui chauffe. Le dos qui se détend.
Je n'aime pas être malade. Mais alors pas du tout. Il y a comme une immobilisation de tout ton être à décider que rien ne fonctionne, même les mots deviennent maux, tu t'en mords les doigts, l'impuissance. Tu sais qu'il suffit d'attendre. Mais en général, c'est là que te vient en tête tout ce que tu dois faire, tout ce qui est en retard, les trucs urgent à rendre pour hier, et tous les projets qui ne peuvent plus avancer parce que là, non, vraiment, tu es mieux, dix mille fois mieux, sous la couette.

Ce matin, je me suis levée AVANT les enfants (ceux qui connaissent savent que).
J'ai pris une douche AVANT mon café.
J'ai enfilé deux collants. Deux tee-shirt. Un (un seul?) pull. Un jean (deux, ça rentre pas).
Et puis, quand c'était le moment, j'ai sorti ma petite moto de derrière sa cachette. 
Et là.

Non, toi qui ne grimpe jamais à selle de bête à injection, tu ne sais pas.
Ne t'imagines pas que je pilote un bolide. Pas besoin. Pour l'instant. J'ai une moto sans permis, une 125. Mais comme dirait l'autre "elle a tout d'une grande".
Au début, je n'avais pas les gants, ni la veste. Et puis j'avais la trouille. Jamais monté un deux roues motorisé. Jamais. Toujours eu l'envie. Mais.
Alors, avant mes quatre heures de cours, le vendeur m'avait juste montré l'embrayage, les freins, les vitesses. Enfin, où ça se situait mécaniquement parlant, parce que je ne savais même pas ça. J'étais capable de freiner avec l'embrayage, tu vois, comme à vélo, et puis à deux doigts en plus. 
Alors, timidement, après ma première heure, j'ai mis le contact de ma Yam. 
J'ai calé.
Puis, je suis allée sur le chemin en terre tout proche de la maison. Pour le rejoindre il y a donc une centaine de mètres de route. Ben. 
J'étais, je crois, je suis sûre, crispée. Je positionnais mal les mains sur les poignets, mal mes coudes, mal mon centre de gravité. Et puis je suis montée jusqu'à cinquante. 
Tu décolles là, tu sais, quand tu ne maîtrises pas le truc. Tu as l'impression que le vent va te rabattre le caquet. Si tu croises un ami, et que par malheur il te fait coucou, toi, crâneuse, tu veux lui répondre, tu lâches la poignée gauche, tu lèves le bras, mais ton bras, malheureuse, il faut le tenir, sinon, il se barre en arrière, n'oublies jamais le vent que tu crées avec ta vitesse (tiens, ça me rappelle les histoires de vent réel et vent relatif en bateau).
Pour résumer, au début, tu te fais discrète. Tu cherches les routes cachées, les coins secrets. 
Plus tu t'équipes (les gants, les bottes) plus tu fais pro, plus tu as peur d'être ridicule. Oui. 
Seulement, tu es maman, tu sécurises au maximum, tu sais que la moto tue. Tu n'as peur du ridicule que le temps de te dire, oui, mais.
Et puis, les kilomètres.
Les jours. Les saisons. 
Un jour, tu passes les 3000 km, tu râles, parce que tu n'as pas vu les trois zéro. Nan. Ce matin j'ai vu 3009. 
C'est rien 3000. Il paraît qu'avant de savoir conduire correctement, il en faut 20 000. Si tu enlèves les jours de pluie, les mercredi, les dimanches, les vacances et les jours de gel et neige...il ne te reste pas tant que ça de jours où. 
Aujourd'hui, 89 km.
Rhaaah, NDD, ce que ça fait du bien!
Voilà, je vais te raconter.
C'est un jour exceptionnel, où le soleil brille assez pour que le cuir de ta selle soit chaud. L'air est froid, mais ta moto est déjà tiède. 
Tu tournes la clé. Tu appuies sur le contact. Et tu entends le ronronnement. Elle ronronne ma moto, c'est vrai. C'est pas un truc de crétin, ces pots d'échappement trafiqués, juste pour enquiquiner le voisin. C'est pas non plus le roulement de la Harley hein. Non. Celles-là, tu les entends de suffisamment loin, pour avoir juste le temps de courir et les regarder passer. 
Tu appuies du bout du pied gauche pour la première, et tu sors de l'allée. Tout de suite tu passes ton bout de pied sous la manette des vitesses, parce que les prochaines sont vers le haut. Et tactac, tac, tac, tac. Vroum. 7000 tours minute, 90 à l'heure. 
Yes!
Tu choisis la route en courbes. La petite route. Je l'ai déjà écrit quelque part, ça, je vais radoter, mais j'aime tellement. 
Quand on roule, en voiture, on regarde le paysage. 
En moto, tu regardes le paysage et, tu le ressens. Tu vois la côte, avant de la sentir,  et puis ton corps monte la côte avec la moto, tu fais corps avec l'engin, pour appréhender le paysage, les ondulations, les hauts, les bas. Les odeurs. Tu grimaces quand la puissance n'est pas suffisante pour garder la vitesse, les montagnes te font ralentir, tu ris quand la descente arrive et t'emporte, il y a ce vent, cette force, contre laquelle tu luttes, avec laquelle tu batailles.
Il y a le ciel bleu qui fait que parfois, le soleil chauffe tes jambes glacées, il y a les champs verts, la lumière du soleil dans les arbres, les quelques vaches dans un pré.
Il y a le bruit régulier du moteur, la vibration qui te prend toute entière, quand tu arrêteras ta monture, elle continueras de ricocher dans tes veines, à travers ce fourmillement qui te possède des pieds à la tête.
Tu pousses la porte de ta maison, dans laquelle tu entres avec un sourire hilare.
Tu poses le casque, les gants, les sous-gants. A l'heure où j'écris, je tremble encore. De froid et de plaisir.
C'est sûr, il y a des jours où tout va bien.


12 commentaires:

  1. Petite moto thaïe19 janvier 2011 à 07:59

    Oui, la moto il faut essayer même quelques petites fois, comme moi, toute novice sur une île thaïlandaise ( alors là hein, sans gants ni cuir, le panard intégral - et même pas de casque : une folie) pour comprendre, même à minima....ce truc qui s'empare de toi.
    Et puis les frissons qui durent , même après, dans les jambes...Ce serait pas une affaire de femmes la moto, finalement ?? Ououohhhhouh, je me tais.

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  2. Comme je comprends ce texte. Celui qui ne connais pas la sensation de la ballade motorisée, du blue jean gainant une selle puis le moteur, de l'extrèmité du pied enclenchant la vitesse supérieure, de l'air glacial s'infiltrant dans le casque ne peut pas savoir...
    Je n'ai plus de moto, je ne fais plus de moto. à chaque fois que je croise un homme plus encore une femme chevauchant un gros cube je ressens une émotion, à chaque fois !!
    Je te souhaite de connaitre la jouissance du pilotage d'une motocyclette puissante... rien à voir avec une cent vingt cinq. (je dis bien puissante pas nécessairement rapide !) tout vient a qui sait attendre, tu l'auras ta grosse moto ça se sent dans les lignes que je viens de lire, bonnes ballades !!

    Bleck

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  3. OOoh la belle moto... ;)
    mais pas cheveux au vent... non... remarque je sais que tu es sage..

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  4. Belami: oui, ah quel vent ! brrrr!
    Petite moto thaïe eh eh, tu as vu sur Tumblr la photo que j'ai "rebloguée" d'un autre site: photo si surprenante avec toute une famille sur la moto et le bébé dans un seau!
    Bleck: motard un jour, motard toujours? Oui, j'espère bien passer le permis un jour et avoir une plus grosse cylindrée, la 125 sur la voie express c'est un pu court :-)
    Merci pour les balades!
    Charles, oui hein? :-)

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  5. A deux comme à quatre roues, plus ça va, moins j'aime la route. Tiens tu vois, si j'avais été sur deux roues tout-à l'heure, et bien je ne commenterais plus nulle part.

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  6. je veux passer mon permis moto depuis un de ces moments, tu ne peux pas savoir!!dis-moi que tu mesures 1m55 et que ce n'est pas être trop petite...

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  7. Marcus donc, comme dit au téléphone: soupir, gros soupir...je ne bouderai même pas mon plaisir NA.
    Maja, comme tu dois déjà le savoir, il existe des solutions pour régler la taille de la moto à ta morphologie. Je mesure euh 15 cm de plus que toi (ouille, pas taper) et mes genoux sont légèrement fléchis quand je suis sur ma moto qui n'est pas immense. Une de mes cousines doit mesurer ta taille, elle a réussi le permis ET a une moto dont la selle est retaillée pour elle. Un coq en pâte, enfin...une poule...

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  8. Très bon, ça donne envie de franchir le pas. Merci pour cette virée au grand air!

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  9. Vérifier le harnais, tous les mousquetons, la toile et les fils qui tiennent notre vie, mollement étalée sur l'aire d'envol, croissant coloré frémissant au moindre souffle de vent, avaler l'air à grandes goulées, fermer les yeux, un pas, puis deux, plus vite, encore plus vite et ne plus sentir le sol sous ses semelles de chaussures, s'installer confortablement comme dans un fauteuil et faire, faire comme l'oiseau, voler. Plaisir éphémère qui ne donne toujours qu'une envie : recommencer. Le tien de plaisir a l'air bien agréable. Je n'ai fait de la moto que comme passagère mais peut-être un jour... autre bouffée

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  10. Mister superO Oh! oui, franchir le pas,suivre la route, mais toujours prudemment nsspas?
    Pincée de Thym, ah oui, je vois, mais là, j'ai déjà peur :-)
    C'est excitant d'avoir peur?

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  11. Avoir peur, c'est comme lire un livre, les doigts se mêlent au fil des pages ou aux fils de la toile, le coeur bondit d'anticipation à la découverte du nouveau chapitre ou de ne plus sentir le sol sous ses pieds, frôler l'inconnu et enfin, se plonger dedans. Oh oui alors, c'est excitant d'avoir peur !

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Un petit mot n'est jamais si petit.

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