27.11.11

L'oiseau sans "tu" for Jack.

C'était hier, ou avant-hier. C'était un jour comme un autre, dans ce paysage qui m'est familier, qui n'est jamais tout à fait le même ni tout à fait un autre.
C'est le matin. C'est toujours mieux de raconter une histoire du matin, on a de l'espoir sur le reste de la journée. Et puis le matin, il y a la lumière.
C'était un matin, il n'y a pas bien longtemps.
Le soleil avait peine à ouvrir les yeux, parce que la brume lui faisait comme un manteau d'organza. L'organza c'est beau, on en fait des robes de mariée, pour le jour le plus beau. Il paraît.
Alors, ce matin là, le ciel scintillait d'un soleil organza.
Et puis la mer.
La mer, elle est partout pareille, une formule d'eau et de sel, un peu plus d'eau, un peu moins de sel, que sais-je, parce qu'ici, c'est la mer, mais pas tout à fait. Il y a de la rivière dedans. Cette eau qui vient de loin qui descend des montagnes, qui longe la terre, qui se marie au sable, qui entraîne les graviers pour en faire une poudre dorée.
L'eau, un peu douce un peu salée, jamais amère, est de soie tissée sous le vent irisé. Pas une vague, pas un blanc d'écume, pas un souffle, pas un regard de regret vers le ciel calmé.
Sur la mer, un peu de relief. L'eau qui descend soumet à nos yeux encore innocents, le travail des hommes. Ces tables qui s'étirent à n'en plus finir, qui épousent les méandres avec leurs parallèles régulières, ces bâtons noirs non rompus de fatigue mais juste bavards de situer les parcs, comme si de les voir allait limiter le temps, comme si chaque barre était la mesure à quatre temps, tac tac tac tac, la musique que voilà.
Ce matin-là, ce ciel de soie, cette eau vibrante et les portées musicales, forment la partition d'un jour serein.
Un oiseau est posé sur la portée du Sol, il forme une croche, dont la hampe est le cou, et le crochet le long bec. Il va chanter sans doute?
La note est tranquille, elle ne se déplace pas, elle réfléchit. Me laissera t-elle approcher, me laissera t-elle l'admirer?
En contre-jour sur la deuxième ligne, la note se tait.
Plus loin là-bas, le chaland brille d'une lueur douce, je vais y monter, l'eau est déjà à mi-cuisse, nous y sommes presque.
L'oiseau reste sur sa portée, muet.
La clé du moteur cliquette, et le rugissement éteint un instant la paix du moment. L'oiseau n'est plus là.
Il s'est envolé, je le vois dans le ciel encore rose, je l'espère non loin de mes yeux quand il se pose. L'oiseau nous suit.
Il ne faut pas que je l'oublie : sur cette mer, sur cette rivière, sur cette eau nourricière, il est chez lui. C'est moi qui suis de passage, c'est lui mon guide.
Il s'est rapproché. Assez pour que je remarque ses pattes. Ses pieds. Des mains gantées de jaunes, à trois ou quatre doigts, avec le petit ourlet qui termine le gant, juste au début de la tige de sa jambe. J'admire et je devine sa dextérité à se déplacer sur les tables-portées, aux fines lignes de fer rouillé.
Son cou s'étire ou se plie, semblable aux méandres de l'endroit, sa plume lui fait une coiffure de roi, distingué comme un coq de basse-cour de haute tenue.
Soudain, il s'envole à nouveau et je devine l'appui de ses ailes sur l'azur, et j'entends le bruit de ses voiles puissantes, comme un battement de coeur.
C'est un oiseau de mer, ou bien de terre, c'est un oiseau chez lui, de par-ici.
Cui-cui.



2 commentaires:

  1. Et bien voilà ! Chapeau Tifenn !:)

    Même si cela ne raconte pas la même chose que le précédent, le ton est plus léger et la plume court sur la feuille au point d'oublier le temps et la longueur du texte...

    Cui-cui ma belle ♥

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