20.2.12

De l'improbable perfection.

Deux instants à se dire.

C'est parti d'un reflet.
Mon image je ne sais plus sur quelle surface, un truc lisse qui brillait, peut-être une route humide et noire trempée de l'eau du ciel, peut-être une vitrine de magasin, ou le fond d'une casserole rutilante.
Peut-être simplement mon reflet dans l'oeil de l'homme.
Je vis deux couleurs, du rose et du vert, je vis, le travers du gilet, le froissement de la veste. Et un pantalon plissé.
Je vis les rides et les valises, je vis le blanc salé des cheveux mal coiffés. Je vis la paupière tombante et la dent récalcitrante, celle qui ne rentre pas dans le rang.
Je vis la voussure d'un dos, les poings cachés, les miettes de moi éparpillées.
Je me suis sentie improbable.
Improbable celle d'avant, qui savait, qui croyait savoir, improbable accoutrement d'un désir oublié de se bien vêtir. Improbable choix de continuer ou d'arrêter. Improbable moment suspendu à ne plus savoir qui on est. Et de ne pas être sûre de vouloir savoir, tant il est vrai que la vérité est multiple.
Improbable chemin que celui de la vie.



Le canapé fait face à la table basse en verre, dont l'arrondi fait comme un nuage infini, un rond imparfait qu'on ne veut pas modifier. A main droite le poêle ronfle après une journée froide, la lumière des flammes éclaire le liquide rouge de mon verre. Les muscles de mon dos se détendent contre le coussin, ma main se réchauffe dans la lueur orange. Les lampes de salon sont douces, elles éclairent les livres, les ouvrages de papier dont je ne ne me lasse pas de repasser la main sur la page.
L'ordinateur est ouvert depuis la première fois en trois jours, il est branché aux baffles noires qui diffusent la voix qui rend l'instant parfait.
Nous ne parlons pas, c'est inutile.


Sur la table de verre, un classeur feuilleté dans la journée, pas ouvert depuis des années, des diapos d'avant.
D'avant les enfants.
Nous calculons... Dix-sept ans.
La musique égrène ses notes, je ne peux m'empêcher de chantonner, comme d'habitude. Depuis le temps où Ella Fitzgerald chantait sur la mini chaine de l'appartement, et où il constatait impuissant que je ne pouvais pas faire autrement que ce bruit de gorge, il a accepté.
Dix-sept ans que nous nous connaissons par coeur, que nous composons notre propre mélodie.
Oubliés les pas chassés, les scrupules au fond des souliers qui font une marche incertaine, douloureuse.
Cet instant là, nous savons ce qui nous a rapproché, ce qui nous uni.
Au fond, nous pouvons parfois nous souvenir que nous avons eu 22 ans, et que 17 ans après, nous savons les retrouver.
Il y a des instants improbables mais parfaits.


Même celui où on reprend contact avec le clavier.

4 commentaires:

  1. Il faudra que je cherche "improbable" dans le dico pour me remettre à, au, jour. calcul de probabilités ? Probablement mais pas sûr, attends je te dirai demain si oui ou non. Pas clair, flouté, bon sang ne fait qu'un tour il y en a des possibles, tu vois ? Improbabilités qui l'aurait cru, c'est le hasard des rues.

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  2. chasse l'improbable, il revient au galop. Bravo!

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Un petit mot n'est jamais si petit.

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