27.10.11

Rentrer.

Elle pose son sac sur la table en verre, ça fait chblong comme si elle avait un lingot d'or dans la besace en toile. La maison est sombre, les volets clos, quelques traits de lumière entre les fentes des lamelles de bois, il fait encore jour dehors. Le chat miaule à son mollet de poils déposés, elle verse les croquettes pour ne plus entendre le cri affamé. Elle a pris le courrier au début de l'allée, trois enveloppes blanches et humides d'avoir passé plusieurs jours dans la boite alors que dehors la tempête faisait la grande marée. Elle ouvre un volet, elle enlève sa veste de cuir et met un pull, elle ôte ses escarpins hauts, quelle idée pour rouler en voiture, elle voudrait faire un feu, mais d'abord lire qui lui écrit.
Seulement, elle est fourbue. Les nuits sans sommeil, un travail qui la fait partir presque chaque soir, des journées de recherche sur des sujets qu'elle ne connaît pas, les lunettes à choisir parce qu'elle avait envie d'en changer, c'est comme les chaussures, elle change tous les trois ans même si c'est pas usé.
Elle a les yeux qui brûlent depuis la veille, elle a beau les fermer, le sommeil la fuit, elle sait bien qu'elle n'a rien d'autre à maîtriser que sa fatigue et elle n'en mène pas large.
Une enveloppe est plus grande que les autres, un organisme de crédit qui lui prête 900€ presque gratuitement. Bon pour le feu. Une autre est étroite, une invitation à un vernissage. Elle ira.
La maison est froide, elle a froid plus exactement.
Une odeur, un parfum qu'elle ne connaît pas, même s'il lui est familier, une saveur indiscernable.
L'enveloppe épaisse?
Elle a bien sûr reconnu l'écriture. Les couleurs, en fait, avant même les lettres, elle sait qui est l'auteure.
Elle devine que le parfum vient de là, et déjà, elle a un peu moins froid. La maison est comme habitée. On l'attendait, au frais, à l'humide d'une boite en fer blanc.
Elle va faire un feu. Pour brûler les enveloppes sans fenêtres, pour réchauffer l'air, et puis elle va faire frémir un peu d'eau. Elle sait que la tasse brûlante entre les doigts, une effluve exotique d'un pays de montagne, (ou pas, mais c'est comme ça qu'elle l'imagine : une maison avec une vue sur les brumes et les roches énormes, dodues comme des éléphants, des couleurs du rose au noir, des incertitudes de ciel comme on en fait peu, mais toujours un émerveillement parce qu'ici, elle ne se lève même pas aussi tôt, et sa seule montagne est haute comme une colline), cette tasse, elle pourrait la partager sans mots dire, parce qu'elle ne sait pas dire merci.
Tiens, je n'ai pas encore fait de feu.

2 commentaires:

Un petit mot n'est jamais si petit.

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