23.8.10

LES BOITES 1/3

Voilà, je passe ici mettre une partie de nouvelle, écrite pour un concours. Je me suis lancée dites donc.
Le thème c'était :
"L'Exil".


Un jour, j'ai vu pleurer ma mère.
Ça ne date pas d'hier, mais c'est tout comme. Nous habitions ce pays gris, alors, gris de ciel et de murs.
C'était un jour ordinaire, un de ces jours où l'on se lève, sans savoir. Ce n'est pas facile de déterminer le moment où plus rien n'est comme avant.
C'est peut-être quand nous avons décidé d'aller à la piscine, c'est peut-être là que l'ordinaire a fait un pas de travers.
La piscine, je la connaissais bien, nous y allions le mercredi, avec maman, et c'était un plaisir que nous partagions ensemble.
Le bâtiment, un carré de verre était hors d'âge, déjà. Les vestiaires rudimentaires, avec les impossibles cabines où le toit fuyait l'eau du ciel.
Les bancs communs, avec leur structure de fer qui porte manteaux et serviettes. Les casiers, numérotés avec la clé que l'on fixe au poignet. Ou à la cheville pour les plus aventuriers. Ici, j'étais encore petit, je suivais ma mère dans les vestiaires des filles. J'en ai vu, des femmes, de toutes tailles, de toutes corpulences. J'aimais cette promiscuité, imposée mais acceptée.
Ce jour-là, après le pédiluve, je tenais la main de maman quand nous avons franchi les portes en rideau de plastique.
Maman s'est arrêtée. Sa main s'est crispée puis détendue sur la mienne, elle s'est exclamée d'un air joyeux que je ne lui connaissait que les jours de soleil : « regarde ! ». Je levais la tête pour suivre la direction de son doigt, et constatais que le plafond était bleu.
Bon.
Je ne comprenais pas le sourire de maman et ses yeux joyeux. Ni même pourquoi cette lumière. Et ce plafond bleu.
Il me vint à l'idée que c'était encore une histoire de couleur. À la maison, nous avions beaucoup de couleurs. C'était maman qui les y avait mises, qui les avait choisies, surtout le mur framboise de la cuisine. On en aurait mangé. Papa essayait bien d'y mettre le ola, parfois, mais, à la maison, aucun mur n'était vraiment blanc. Alors le bleu du plafond de la piscine, avait dû donner une idée à maman.
Je le lui demandais.
Ce jour-là, où l'ordinaire a trébuché sur la margelle de la piscine, j'ai compris les couleurs de maman. Elle m'expliqua que dans son pays, rien n'était gris. Si quelque chose le paraissait, il était vite recouvert d'une couleur. Les cases multicolores aux dentelles de lambroquins (c'est ainsi qu'elle prononça), les fleurs à profusion dans les jardins, les verts partout, le ciel bleu chaque jour, et si un jour, la pluie, même elle, était aussi chaude que l'eau de mon bain.
Maman parlait, sa bouche souriait, son regard portait ailleurs, elle était belle. Je me sentis soudain triste, et je lui demandais alors d'une voix tremblante pourquoi elle ne retournait pas là-bas, dans son pays de couleurs ? Elle m'expliqua, me regardant droit dans les yeux, qu'elle avait choisi ce pays tout gris, mon pays, car c'est grâce à lui qu'elle avait fait la connaissance d'un petit garçon extraordinaire, qui la consolait de tous les gris de la terre.



3 commentaires:

  1. Touchant...Il y a donc une suite. On attend alors...^^

    Besos Tifenn, et bon concours !

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  2. Délicieux, comme une petite pâtisserie. Là au moins y a du talant dans l'écriture, ça donne envie.

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  3. MAGNIFIQUE (comment? seulement 2 commentaires?)

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