8.11.08

Les Autres

Elles ont les cheveux courts ou mi-longs, les cheveux vite coiffés. Parfois, ils ont des mèches de couleur, parfois ils sont colorés. Et souvent, ils sont tissés de fils blancs.
Elles se retrouvent souvent à l'école le midi ou à seize heures, le temps de ramasser les courants d'air que sont leurs enfants.
Les enfants; elles en ont un ou deux, plus rarement trois. Elles les voient grandir, elles les comparent même sans le vouloir.
Elles les inscrivent aux cours de dessin, au poney club ou au foot. Le foot. Il en passionne plus d'une, d'autres n'y voient aucun intérêt.
Elles se connaissent par leur prénom, elles se font la bise, savent vaguement où l'une et l'autre habitent. Elles savent mieux de qui elles sont la mère, de qui elles sont la fille, de quelle entreprise elles sont les employées, quelles voiture elles utilisent.
Parfois, elles se parlent plus longuement, en allant accompagner leur enfant à l'anniversaire d'un autre. Alors elles prennent un café, parlent des unes des autres, commèrent, un peu.
Elles ont des visages communs, se regardent dans le miroir le matin pour éviter une bavure de rouge, dissimuler une nuit trop courte, grimacer sur une ride, une tache brune. Elles s'habillent pour le travail, le costume qui leur va, la banque, le chef de rayon. Ou elles ne mettent que le jean inusable, celui qui porte encore des traces de peinture de la chambre du dernier, celui qui a 4 ans maintenant, mais peu importe, il est confortable et de toute façon plus personne ne les regarde.
Elles ont pris du poids, des cuisses ou du ventre, ou bien elles se sont asséchées, creuses poitrines, lèvres plus fines, mains aux os saillants.
Elles ne pensent plus à leurs rêves, ceux de leur jeunesse, celui de la grande famille nombreuse, ou du château en Toscane. Elles ne sont pas plus riches qu'une autre, elles sont parfois plus à l'aise, leurs enfants sont habillés de neuf ou des habits du premier ou d'une copine.
Elles courent, ne se rappellent plus de leur dernier fou rire, ah si, mon Dieu, c'était bête pourtant, elles voient leur boite à bijoux, les trésors qui font rêver leur fille, ils prennent la poussière.
Alors, elles engagent des baby sitter, parce qu'il faut, pour se coiffer, s'habiller, se faire belles, ou un peu mieux, pour lui, pour elles, pour le reflet du miroir, plus flatteur le soir.
Ces nuits là, elles respirent à plein poumon l'air de la ville, les mets du restaurant, l'odeur de la personne qui les accompagne. Elles trouvent que les lumières citadines sont belles, que les étoiles brillent plus fort, que la vie vaut la peine qu'on lui donne.
Elles se réveillent encore avec des projets, des envies, les solutions pour les réaliser. Parfois non.
Elles sont mères, elles sont à la maison, elles sont au bureau ou dans une boite, elles vivent pour leur travail, pour leur famille, pour elles, pour lui.
Elles sont nombreuses, elles vivent à deux pas, dans la grosse maison là, sur le bord de la route, dans le lotissement au bourg, dans la ville au loin. Elles se reconnaissent, se saluent, voudraient en savoir plus, échanger, regrettent de l'avoir fait, recommencent pourtant.
Elles sont différentes, mais tellement semblable, parfois ça me fait peur.

5 commentaires:

  1. Et puis un jour les enfants quitteront l'école, et elles ne se verront plus ou presque, car on ne va plus guère à la messe le dimanche. De temps à autres elles se croiseront, de loin. Elles se salueront d'un sourire et d'un signe de la main. Elles échangeront quelques mots de temps à autre à la caisse du super U, l'une donnera des nouvelles de son petit dernier qui a eu son bac avec mention, l'autre de sa grande qui prépare son capes…
    Déjà ! répondra-t-elle.
    C'est fou comme le temps passe.

    Certes, mais ce n'étais pas du temps perdu.

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  2. Tout comme Marcus ci dessus, et les chateaux en Toscane refleuriront sur le chemin.

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  3. je veins de regrder mes photos de mariage; j'ai peine à me reconnaître: j'étais belle, sans soucis semble-t-il, pas de cernes... Mais les mamans même si elles sont moins jolies ont un coeur plus beau, non? enfin c'est comme ça que je me console!

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  4. Marcus: et on peut s'y résoudre?
    Kitem; ou faire de sa cabane un chateau...
    Anonyme; regarder ses photos de mariage? ne jamais faire ça un jour de pluie...attendre l'été, un soir après la plage, avec un thé sur la terrasse...quelle que soit l'anonyme (hem, merci) je peux dire sans mentir, oui, vrai, belle!!
    Et puis, les mères ont une autre beauté..mais bon, quand même...

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  5. Oui, tellement semblables!
    C'est pourquoi, s'il fallait une raison de plus, nous ne pouvons juger les autres, si semblables à nous!
    C'est ce que je dis à mes élèves ( ben oui, cela arrive d'offrir en partage une "connaissance" que certain(e)s désirent découvrir ): nous sommes tous de la même chaux, du même sable, seules les proportions diffèrent qui nous rendent différents et nous font toucher des richesses autres que les nôtres.
    Cela rend humble (de humus, la terre!)et aussi plein d'enthousiasme parce que tout ou presque est à notre portée car la terre est malléable, façonnable, d'elle peuvent naître des merveilles...
    NB Non, je ne suis pas potière, hélas!

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Un petit mot n'est jamais si petit.

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