20.3.08

Ecriture.

Elle est pointue.
Parce que la rondeur se limite à ses formes.
Le reste, elle exige l'acuité de trait, la noirceur de l'encre, la rigueur du point. Elle se défend des fins de phrases silencieuses, des points sur les i qui en racontent plus que le mot qu'il accentue.
C'est pourquoi elle n'écrit plus qu'avec son clavier. Pour ne pas agresser l'interlocuteur, qui involontairement tressaille de cette autorité qu'il n'imaginait pas en la voyant. Quoi? cette femme gironde, douce, serait-elle aussi sévère envers l'espèce humaine que ne peut le laisser croire son sourire enjôleur?
Fuyons.
Alors, éconduite par des missives importunes, mal lues parce que non lues, non lues parce qu'offensives à la vue, elle se résout aux lettres fugitives, celles qui ne nécessitent qu'un clic à la place du timbre, celles qui permettent l'écriture ronde et accorte, ou bouclée et féminine, mais surtout pas pointue. Ni vulgaire. Enfin, croit-elle.
Et puis, surtout, éviter la rencontre. La confrontation. Le regard de l'autre avec la parole qu'elle ne peut rendre. Elle sait son incapacité chronique au dialogue, à l'écoute, à la compréhension mutuelle. Le mot, elle doit le mâcher, le retourner, en faire du chewing gum avant de tracer la bulle sur le dessin de sa vie.
La fille a cru pouvoir s'enfermer dans un monde de carrés noirs écrits en blancs. A cru pouvoir échapper à l'autre. Se contenter de l'écran blanc, où elle changeait de peau comme de lettre.
Et puis les factures, le facteur, les voisins, le vent, la nature, elle a mis le nez dehors, pour tester le monde réel. Elle avait maigri, on aurait pu voir à travers elle si elle n'avait pas mis ces vêtements amples, ceux qui sont amis de la tempête pour reconnaître sa silhouette.
La même tempête qui avait réduit à néant l'antenne relais qui la reliait au monde des vivants via le monde du rien.
Alors elle a écrit un livre.
Mais on n'en sait rien, parce que la fille n'existe qu'en lettres. Ni rondes, ni pointues. Juste écrites.

4 commentaires:

  1. Hello, bonsoir l'amie.

    Super, j'ai beaucoup aimé ce texte.
    Eux, nous, l'écriture et lecteurs.
    Et des moi(s) qui s'intérrogent.
    Se lasse, laisse ou relance.

    --

    Je fais une pause web,
    mais je te dis quand même à bientôt.

    - Vagues et vogue -

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  2. ELLE a ecrit un livre? ah? ecrit a la main je suppose, d'une ecriture "pointue" peut etre?
    pointue ou ronde ou n'importe comment, l'ecriture manuelle dit bien plus de chose que le clavier, elle est plus belle aussi. Mais Dieu Clavier est en train de gagner la partie on dirait.

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  3. Ce qui est écrit est finalement toujours lu. Le moyen importe peu, ce qui ne change pas, ce sont les yeux qui lisent.

    Accent Grave

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  4. Ah quand même,je peux enfin avoir accès aux commentaires qui m'étaient interdits, sans doute à cause du microdébit de mon ordinateur en "vacances" (" 3G", ça doit vouloir dire : 3 générations AVANT)!
    Jolies idées, jolies phrases, jolies trouvailles, jolies formules...
    Ce qui est lu a parfois le privilège de n'être qu"entendu" par un autre que le lecteur, ainsi la phrase peut-elle s'élancer et danser sur la musique de la voix et des émotions mêlées, celles de l'auteur, celles du lecteur. Parfois seule la lecture (à voix haute )lui donne t-elle tout son poids, par cette voix qui transforme en paroles (si ça vaut le coup ) les mots seulement écrits. car les yeux ne sont qu'une partie de l'instrument, une partie de l'être qui lit, comme on déchiffre une partition. Les silences, paroles en continuité du son, de la musique, prennent avec elle une autre dimension, et là, c'est l'instrument dans son entier qui joue ( et peut danser aussi alors en plus..).
    Bon, ce sont les retrouvailles avec mes volcans bien -aimés qui me mettent dans cet état...

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Un petit mot n'est jamais si petit.

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