9.3.08

Le Nid.

Cette immobilité me dérange.
Je ne comprends pas pourquoi, à intervalles réguliers, tout se fige et se tait. Je me sens tellement seul!
C'est ainsi depuis mon dernier demi-tour. Je crois que j'en ai encore pour un moment. La dernière fois, j'ai tenté de faire comprendre mon malaise: j'ai donné des coups, mon talon poussait fort contre la barre qui surplombe ma membrane. Ça a failli marcher; le corps s'est levé, lentement, pendant deux bulles j'ai cru que le roulis allait continuer suffisamment pour que je m'apaise. Mais il s'est renversé, j'ai manqué me retourner à nouveau, et le calme est revenu.
Quand je distingue une certaine lueur, je sais que le mouvement sera plus vif, et qu'en fin, je vais me dégourdir.
C'est dur vous savez de rester là, roulé en boule, avec l'infime possibilité de bouger! depuis que j'ai trouvé mon pouce, je me détend virtuellement, mais impossible de tirer une jambe vers le haut, ou un bras sur le côté; tout se fait en contrainte, et lentement.
Ce que je préfère le plus, c'est quand le rythme de la chaloupe est régulier, un roulis parfois abrupt qui me fait rire au point de me donner le hoquet!
Et puis le bruit, j'adore! Ça fait comme un bourdonnement, une chatouille qui remonte le long de ma colonne jusque dans le cortex de mon intelligence. Je dis intelligence, parce que je comprends tout, j'analyse tout, mais croyez moi, ce n'est pas une sinécure.
De temps à autre, des cris, des tressautements me surprennent et me ravissent. Des vagues conduisent l'onde tout autour de moi, comme une chaleur qui m'enveloppe. C'est bizarre ce que je vous raconte là, je n'ai jamais eu froid.
Tiens? Une irrésistible envie me pousse à tenter quelque chose de nouveau: pousser des deux pieds avec toute la force de ma volonté. C'est vrai, cette lumière diffuse m'attire, je voudrais savoir ce qu'il en est. Après tout, il m'est permis d'être un aventurier, c'est dans le contrat: tout est possible, au départ!
Ooooh, je ne savais pas, ce que c'est douloureux!
Non, j'ai mal, je sens, j'ai froid, je souffre, mes yeux, mes poumons.
Là, tu m'as parlé, je reconnais le son, oui, je distingue ton âme, tu es ma mère, regarde moi, je te fais toi.
Porte moi, colle moi à ton côté, rend moi la chaleur qui s'échappe de moi, et ce liquide chaud qui apaise ma douleur. Je te parlerai plus tard. Laisse moi m'engourdir, me détendre, sucer ton sein et boire goulûment.
Je suis enfin sorti. Tu vas m'aider, tu me l'as dit. A tout à l'heure.

C'est le texte de Zoridae sur les tortues de mer qui m'a donné l'inspiration du mien. J'en ferai un sur les tortues vraiment un de ces jours...

3 commentaires:

  1. C'est très très beau et à la fois très original, la naissance remise en perspective du point de vue du bébé.
    En lisant cela, je me dis que tu as un rapport à la maternité très proche de celui que mon épouse a eu avec nos deux filles, qu'elle a par ailleurs allaitées longtemps et même plus que ça. Il y a sans doute des mamans nées, tu en fais très certainement partie.

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  2. Bonjour Tiffen,
    j'ai bien aimé lire ton texte.
    Des sensibilimots comme je les appelle.
    Je ressens des choses comme ça aussi parfois, à part pour "la mère".
    Des vagues d'intérêt ou d'indifférence, des sensations ou simplement des idées que l'on se fait, comment savoir vraiment.

    Bonne continuation.

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  3. Marcus a très probablement raison.
    Voir Tifenn avec ses enfants est un beau spectacle, un Beau spectacle, de cette vraie et unique Beauté, celle qui vient du fond du coeur.
    Si j'avais été mère, voilà comment j'aurais aimé être, point d'accoutumance, point de "blasage" (vous voyez ce que je veux dire? ), une patience infinie, une douceur indicible (qui n'empêche pas la nécéssaire fermeté)et ET l'EMERVEILLEMENT toujours renouvelé devant les petits actes, les prises d'autonomie, les créations, les découvertes,les messages de ce petit peuple toujours en train de nous apprendre.
    Tifenn,dont l'un des multiples avatars est la Douceur...

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