27.4.12

Corsica #7 (Bastia)

Je t'ai promis Bastia. J'avais écrit. Et puis par je ne sais quel coup du sort, mon Bastia d'origine s'est effacé.
Un peu comme les cartes postales qui sont toujours en bas. Un coup du sort aussi peut-être, le hasard d'un nombre de timbre insuffisant dans l'instant où il avait été convenu que nous envoyâmes nos cartes, rédigées sur la petite table du premier gîte. Qu'à chaque fois que je me trouvais dans les rues bastiaises, un coup du sort me fit perdre la présence d'esprit de chercher un buraliste, voire une poste, pour m'enquérir des timbres indispensables au voyage, tout comme le serait un bateau ou un avion. Sans doute que le sort encore voulut me perdre à errer le nez en l'air, attiré par les façades, les couleurs, la vie citadine et multiple de cette ville que je ressentis comme un savant mélange de vieux et de neuf, de cultures variées, de parfums, de bruits, de secret assemblage qu'une touriste d'une semaine ne serait pas à même de démêler, et tant mieux, Bastia me garde son mystère, je ne l'aime que plus.
Alors, nous avons débarqué sur elle, du haut de la montagne, ayant passé le col de Téghine dans un aveuglant brouillard, qui, par la force des sommets, s'est éclairci juste quand il fallait, nous dévoilant les toits oranges et l'étang de Biguglia encore flou, derrière nos essuies-glaces éreintés.
Une route littorale qui se multiplie en voies sous-tunnels ou en parallèle à l'air libre, nous fis un instant craindre de nous être perdus, nous faisant penser que Bastia était immense, bien plus grande en tout cas que Calvi. Il nous fallu en réalité quelques passages sur cette route pour comprendre son schéma global et ne pas nous engager plus de dix fois dans des quartiers où les sens interdits se multiplient aussi vite que diminue ma provision de Canistrelli.
Le lendemain de notre arrivée diluvienne, le soleil nous fit reprendre un peu de courage et plein d'entrain nous décidâmes de descendre dans la vieille ville, puisque "ce serait une erreur de l'éviter" disait notre routard.
De fait.
Je cesse de parler comme David Copperfield, c'est en somme assez fatiguant, je ne conjugue pas assez bien les temps pour me passer du présent.
Bastia.
Comment dire comme je l'aime sans savoir bien pourquoi, tout en sachant que cet amour pourrait être contrarié par un trop long séjour.
Nous avons commencé par trouver une place qui ne coûte pas 1,30 €, même passé 18H00, qui ne soit pas en double file sur l'avenue, n'ayant pas même osé faire comme les autres et nous placer gratuitement sur un rond-point, juste nous nous sommes accommodés d'un savant créneau, contre un mur qui ne nous permettait pas d'ouvrir la porte, dans le "faubourg" de Saint-Joseph. Nous commencions ainsi par le côté le plus "décrépi" de Bastia. Et pourtant.
Ici, le mur est vieux mais solide, il est en pierre. Il est chargé d'histoire et malgré son état tu ne peux que lui témoigner du respect. Je ne sais pas qui loge dans ces appartements délabrés, mais ils jouxtent les plus jolies façades de couleurs, verte, orange, rouge.
J'aime cette vieille ville qui donne sur la citadelle et sur la mer. Ses rues étroites, où la voiture est de trop.
Nous pique-niquons dans le jardin Romieu. Il se pare des couleurs d'un arbre de Judée magnifique, dont le mauve se pose sur le bleu profond de la méditerranée, avec un unique voilier en contrebas. Parce que nous ne voyons pas encore le reste du port. Nous enfilons l'allée de palmiers, nous remontons vers les murs saumon de la citadelle et le palais du gouverneur et nous nous perdons autour de l'église Sainte-Marie de l'Assomption, dans les ruelles qui toutes finissent par conduire à la mer, où je serais restée des heures à photographier les perspectives, les couleurs encore...
Enfin, nous longeons le front de mer jusqu'au vieux port avec l'église Saint-Jean Baptiste, à deux clochers et jaune sur fond bleu. Vieux-port, où les cafés et terrasses font tout le tour, où nous dégustons une excellente glace à la Gélateria. Je me sentais encore touriste, mais moins qu'à Calvi, parce que le nombre fait qu'on se perd dans l'anonymat, aussi.
Un jour encore nous irons flâner sur la place Saint-Nicolas et dans la nouvelle ville, là où tu trouves tout. Les gens, les boutiques, les souvenirs, tu ne peux pas éviter toutes ces échoppes de pacotilles où tu iras malgré tout te perdre parce que tu veux rapporter quelque chose, même si tu sais que rien, absolument rien, n'est fabriqué ici.
Un soir, j'irais encore seule faire un tour, appréciant de ne plus me perdre, de finir quand même par payer ces foutus 1,30 € en bas de la place Saint-Nicolas, parce que décidément se garer est difficile, léchant les vitrines avec application, oubliant encore ces fameux timbres, et finissant par passer le seuil de Mattéi, une des plus belles boutiques qu'il m'ait été donné de voir, tant par son "authenticité" (et je n'utilise pas souvent ce mot) que par son agencement. J'étais seule, j'avais toutes les vitrines pour moi, je n'avais pas mon APN et tant pis et tant mieux, je me suis restreinte au niveau des achats parce que, bon, hein, mais le rouge des boiseries, le plancher noir qui craque sous chacun de mes pas, le parfum suranné et les beaux produits qu'on y trouve, il y avait de quoi rester des heures. Mais je suis raisonnable, chacun sait ça.
Il y a eu une menace d'attentat pendant que nous étions là-bas, mais nous devions être en cours de promenade car nous ne l'avons appris qu'en regardant Corsica Sera (ça nous changeait du An Taol Lagad)  et ma foi nous ne nous portions pas mal.
Chaque matin, un café en haut des marches devant la porte de notre charmant gîte, chaque soir un verre de Patrimonio accompagné de Lunzo ou bien de saucisson fumé au bois de châtaignier. La gastronomie Corse nous avons profité un peu, nous ne sommes pas allés au restaurant parce que nous sommes 5, je ne sais pas si on aurait bien profité de ce moment qui devra être particulier tant il me semble qu'il y a nombre de recettes. Le petit village de San Martino di Lota, on s'y faisait de mieux en mieux, les voisins nous disaient bonjour, on entendait l'accent corse des jeunes qui remontaient la pente en tapant leur sms en même temps qu'ils parlaient, le cri et les rires des enfants à l'école primaire en contrebas, tout le monde n'était pas en vacances, loin de là.
 Nous, si.


2 commentaires:

  1. Toute la 2ème partie de mon prochain polar "Sans tête" se passe en Corse, dans la région de Bastia et de Tattone. J'y invente un château qui n'existe pas et une mama Corse très séduisante et atypique. Mon livre sortira le 18 mai,demandez-le et dites moi ce ce que vous en pensez. Au moins les Corses sont montrés sous leur meilleur jour, celui de la solidartité vis à vis de ceux qui sont en danger.

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    1. Bienvenue Jeanmi
      Oui, j'entends souvent parler de cette hospitalité solidaire, comme en Bretagne où on mettait "l'assiette en plus" à Noël, au cas où un nécessiteux se présenterait à la porte. Avoir toujours une place en plus.
      Ce n'est pas en deux semaines que j'ai pu faire connaissance avec les Corses, je pense qu'il faut savoir attendre pour ça, ou être introduit d'une manière autre que touristique, comme familiale ou amicale pour pouvoir juste mieux percer le secret. En attendant je ne peux qu'imaginer.
      Bonne édition alors!

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