17.6.11

Pluie.

Depuis des jours, elle marchait comme dans un désert. Le bitume de la ville fondait sous le caoutchouc de ses semelles, la retenait, l'empêchait de lever haut les genoux, elle se trainait, emportant avec elle un bout de route à chaque pas. Sur ses épaules, la courbe du soleil qui ne faiblissait jamais, à toute heure il était midi, elle sentait sa peau frire comme un bacon anglais, ce qui lui donnait encore plus soif.
Levant la tête, le ciel était immanquablement bleu.
Chaque voiture qui frôlait ses jupes, laissait s'échapper un vent nauséabond de fumée toxique, qui n'apportait aucune fraîcheur. Juste une plus grande apesanteur.
Il lui restait le secours des boutiques, au grand dam' de son porte-monnaie, la réfrigération des grands espaces sous une lumière blafarde lui donnait le cafard. Elle sortait presque en courant, abattue de tant de mauvaise volonté.
Sous la tonnelle, un café.
Au plafond, à l'ombre, une vigne, dont elle aurait aimé manger les grappes, vertes et juteuses, hors de portée. Un thé, comme concocté avec les mains de son amie, au fruits rouges, parfumé, odorant, une promesse de plaisir avant même que l'eau frémissante en recouvre chaque feuille plissée pour la rendre entière, de l'eau, enfin.
Elle se lève, sentant à la lisière de la ville l'appel de la campagne, de l'herbe, drue et sèche, assoiffée comme elle, soeur jumelle recherchant au fond de la terre, à travers de longues racines, la nappe où se repaître.
Levant la tête, soudain, des nuages, noirs, menaçants, attendus, espérés. Vont-ils?
Elle marche. Sa jupe collée à ses cuisses, bouffant parfois, quand une rafale de vent.
Entends-tu? Ils grondent, ils rouspètent, de toute cette chaleur accumulée.
Ils se crèvent d'un coup, un rideau, une masse, une pluie torrentielle qui la noie, bouche ouverte.
La terre, près d'elle se soulève, s'aère, s'ouvre, se gorge, elle sent une odeur particulière, musquée, chaude, la pluie qui fait l'amour à la poussière, une brume de chaleur trouble la netteté du sol, elle respire, elle aspire, ouvrant les bras à cette onde fraîche.
La terre, sous elle, trempe ses pieds de boue, s'insinue entre ses orteils, recouvrant la peau craquelée d'un baume bienfaisant.
Elle voudrait se jeter au sol, imprégner sa peau, absorber, l'eau et la terre mêlée.
Il pleut.

6 commentaires:

  1. Pas mal, Tifenn.

    On sent que ça colle entre les orteils...

    Besos ♥
    Jack

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  2. C'est un peu vite fait, mais pas moyen de me poser en ce moment...merci El Jack!

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  3. En te lisant, j'ai eu des images de pluie de mousson, quand la pluie recouvre tout.
    Ici quand la première pluie arrive, c'est comme en France métropolitaine quand la première neige arrive. On va à la fenêtre si on est enfermé (les élèves dans la classe) et si on peut, on va dehors, recevoir les gouttes de vie...
    Bises Tifenn

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  4. La fille qui aime la pluie maintenant20 juin 2011 à 16:38

    L'odeur de la pluie après la chaleur...c'est plus qu'une odeur, c'est une atmosphère, un univers une planète qui s'ouvre
    j'aime la boue sur tes mollets, là.

    Et pour le Judoka...Hourra !!!

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  5. cette odeur de pluie me manque. J'ai pourtant essuyé une des plus fortes tempêtes de ma vie vendredi, avec flash floods et l'eau jusqu’à la carrosserie de la voiture.

    Forcement, hein, je sortais de chez le coiffeur.
    et bravo pour le judoka!

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  6. Chriss, et à La Réunion, elle est chaude...ça change tout.
    La fille qui...en fait c'était un jour en voiture. Tout le monde roupillait, il a plu, il a cessé de pleuvoir et il a fait chaud, en quelques minutes à peine le parfum de la terre humide sur la route mouillée qui fait schiiiit, sous les roues...
    Ariana, Ah, oui, mais là, c'est pas de la pluie, c'est de la noyade! et les cheveux dans l'eau, ça flotte?

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