13.9.10

Bretagne•2.


Un jour, j'ai haï la Bretagne.
C'était en hiver. Un foutu mois de janvier gris et humide, la ville de Quimper. J'entre dans le collège, tête basse, déjà fatiguée d'être là, de marcher les bras serrés contre moi à tenter de me réchauffer. Je me demandais ce que je faisais là.
Je haïssais tout le monde ce jour-là.
Il faut dire, que la Bretagne, avant d'avoir été mon lieu de naissance, était mon lieu de vacances. L'été, les grandes plages de Primel, le petit garçon de l'hôtel, la fille du palier en dessous, que par un hasard extraordinaire pour moi, j'ai retrouvé dans le même lycée que moi des années plus tard. Nous n'étions plus amies alors, j'avais trop changé, c'était trop loin, ce temps où nous faisions des trous immenses dans le sable pour y construire notre maison. On posait des galets bien à plat pour faire un plancher. On créait des étagères dans les murs friables, on faisait des coquillages, nos tasses.
Et puis, la campagne, du centre du monde, celle qui est verte toute l'année même en plein été, les grands chênes, les noisetiers, les mûres, les round-balls. Fallait voir aussi comme la balançoire des voisins était haute, avec de vrais anneaux, un trapèze balaise, bon, les aoûtats parfois.
Le grand-père qui me tordait le nez, et qui m'apprenait les bigorneaux, la grand-mère qui m'interdisait de sortir de table avant la fin de mon assiette alors que l'autre m'achetait des tablettes de chocolat au lait Milka.
Bref.
La Bretagne de mes vacances était devenue la Bretagne de mes errances. Je déprimais, je crois. A posteriori.
Il m'a fallu du temps.
Sans doute, beaucoup de balades le long de l'océan, le nez au vent, décoiffée toute l'année, trempée de la tête aux pieds bien souvent, vive le climat brestois et vive la voile en décembre.
La voile et les voileux.
Faut reconnaître que si je n'en suis plus partie, c'est parce qu'un breton indéboulonnable avait réussi à m'attraper le coeur. Ils sont forts les bretons, têtus, décidés, attachés à leur terre, il leur pousserait des feuilles de chêne au sommet du crâne ce ne serait guère étonnant tant ils s'enracinent.
Et pourtant, la Bretagne est une ouverture au voyage. Tous les pays peuvent s'y retrouver au détour d'un virage, en haut d'une montée.
La première fois que j'ai pensé ça, je m'en souviens, j'allais au centre nautique où je commettais quelques cours le WE, à des gamines qui faisaient de la compèt en optimiste. J'étais dans la voiture d'un parent, qui m'avait retrouvée devant l'hôtel de l'Hôpital-Camfrout, où le car m'avait déposée un peu avant. Nous roulions donc (cesse de digresser nom d'un chien), la campagne, les arbres verts, les virages, la route noire, humide sûrement, et le ciel, bleu, et blanc aussi. Quand tout à coup, la mer.
C'est ça, tu passes en une fraction de seconde d'un paysage champêtre, au plus bleu des océans, juste après avoir dépassé un tournant.
C'est pour ça.
Que la Bretagne et moi.
On ne peut pas s'ennuyer ici, ni se lasser. La mer, c'est un perpétuel changement, une vague, un coup de vent, et tout est différent.
Tu sauras?
Venir se perdre ici, c'est laisser un bout de son âme à la magie de cette terre vivante. Ta venue l'enrichit. Si tu restes un peu, si tu restes longtemps, tu finis par être nourri d'elle, et de ceux qui l'aiment. Et au final...
Tu vois?
C'est pour ça.

12 commentaires:

  1. C'est donc pour ça.

    On va tout savoir, peu à peu.^^
    Besos la bretonne !

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  2. Oui...je vois....

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  3. Oui, c'est ça.
    Quand je suis revenue du Laos j'ai postulé pour travailler à St Brieuc. Ca y est me suis je dit. Cette fois...Je suis allée deux fois pour deux entretiens et à chaque fois je me disais " ça y est, tu es prête ?". J'étais. Mais le boulot ne me convenais pas tant que cela, j'ai dit non. Les bretons étaient très très déçus de mon refus. Moi aussi, pour la Bretagne, j'étais déçue...mais ailleurs il m'attendait encore.
    Depuis , ce pays de lumières où je vis m'a attrapée par le cou, plein de bisous et de matins roses. Je suis pognée. Bretons, survivez...Un jour....?

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  4. C'est superbement écrit, c'est tout mon ressenti... j'aime ta prose :-))
    j'y suis arrivée aussi un beau matin, seule... et puis tout doucement, mais surement avec amour, attention et humilité, la bretagne m'a conquise, elle me donne ce petit pincement au coeur que j'aime à sentir lorsque j'y pense, et que je retourne en mon finistère, ce pays du bout du monde dont je suis l'adoptée...

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  5. Il faut du temps pour s'attacher et les coups de foudre sont parfois fugaces... Et puis on apprends à connaître, on se reconnait et on s'adopte, et on ne peut plus se quitter :) C'est bien lorsqu'une terre nous possède, c'est comme trouver sa voie... Je crois tu as trouvés la/les tiennes :)

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  6. Jack, tout? nooon :-).
    Bleupilomawenn, ah oui, aussi? bises ma belle :-)
    La fiancée des nuages, pourtant avec un nom pareil, je t'assure la Bretagne, c'est pour toi :-). Bon, Ok les ciels roses et tout ça, et il aussi, bien sûr...
    La Tribu :-) merci, je suis contente de te voir ici! l'adoptée du Finistère, c'est joli ça :-). Et puis le Finistère, c'est si...enfin, oui, c'est.
    Virginie, c'est mieux qu'un coup de foudre, c'est une évidence. Un peu comme Obelix, si tu tombes dedans...;-)

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  7. Tu dis : "tu passes en une fraction de seconde d'un paysage champêtre, au plus bleu des océans, juste après avoir dépassé un tournant."
    C'est exactement ça, bien plus encore que sur mon île où dominent les grandes horizontales. Ta Bretagne, c'est un pur cristal de roche dans un écrin de verdure assiégé par l'océan. C'est comme ça que je la ressens. La mer, la montagne et la campagne, des villages et leurs écarts les plus typiques, le tout "dans le creux d'une main".
    Tu pourrais dire aussi le granit. Il exprime la rudesse, mais aussi la force et la solidité.
    Tu pourrais dire aussi le vent, la houle.
    Ici la force du paysage et des éléments a forgé le caractère des hommes et des femmes de ce pays et le sens de la parole donnée.
    C'est bien, Tifenn, que tu sois parvenue à te réconcilier avec ta terre natale.
    C'est bien que tu écrives si bien pour le dire. J'y vois toujours personnellement la marque de l'ambivalence de tes sentiments. Malgré la déchirure, c'est bien qu'avec le recul et ta conscience paysagère peu commune, tu parviennes à en parler avec autant d'amour et de sincérité.
    Et si par impossible tu n'étais pas là, si d'aventure tu avais fait un autre choix, je crois que tu manquerais singulièrement à cette Bretagne que je découvre avec passion un peu grâce à toi, ma très chère guide.

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  8. Et un pont sur la Laïta.

    Quidam.

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  9. Marcus, moi, une guide,ah ah. En fait non, montrer mais laisser faire. Ne pas forcer. Mais la Bretagne est nombreuse, un peu comme moi, alors forcément, nous nous accordons bien toutes les deux. Merci en tout cas de ce beau commentaire qui me touche :-)
    Quidam...poupou pidam? wizzz sur le pont de la Laïta :-)

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  10. Sourire. Pourquoi il y a souvent une grand-mère qui interdit et une autre qui vire dans l'enfance et qui devient notre meilleure confidente ?

    La Bretagne de mes vacances, deviendra-t-elle un jour celle de mon quotidien ? J'ai le droit d'en rêver, non ?

    Je te serre fort.

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  11. Nous on adore la Bretagne. Oui mais tu me diras que je suis Belge et que bien sur la "grisaille" (toute relative) de la Bretagne c'est toujours mieux que la grisaille bien réelle de la Belgique. Peut être ! Mais on adoooooore la Bretagne.

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  12. Dana, et le meilleur, c'est que je les ai aimé toutes les deux, très fort. Bretagne, terre d'accueil, garde ça en mémoire :)
    Cricri S, bienvenue! et moi, j'adore les Belges! j'en ai accueilli trois couples depuis le début de la chambre d'hôtes, et à chaque fois, c'était bien!

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