25.5.12

Be quiet.

Il s'est fait attendre.
Des jours, des semaines, des mois, peut-être un siècle? à l'aube de nos espérances, le temps n'a plus la même importance.
Il y avait ces matins blêmes (qui a dit ça?), ces aubes froides, ces ciels si bas, qu'on aurait pu se croire nimbés de pluie. Il y avait ces nez rougis, cette incertitude matinale de savoir quel habit ferait au plus chaud le moine, quelles chaussures tiendraient mieux la boue.
Les arbres nus désespéraient d'écrire à la plume de leurs frissons, les oiseaux se terraient sans doute au plus profond d'un buisson.
Heureusement parfois, il y avait la mer qui se mouchetait de blanc, ou bien encore un crépuscule magnifique de nuages déchirés, arrachés de leur nappe épaisse, par un doigt de lumière vengeur.
Il s'est fait attendre.
Un jour nous avons cru qu'il serait possible de faire respirer notre peau, lui donner à boire de l'air iodé, nous avons ouvert les tiroirs du bas, ou bien ceux du haut, là où se cachent les plus légers manteaux.
Seulement voilà, les faux-semblants sont fréquents, on a pas pu y croire bien longtemps.
L'hiver a tenu bon, le froid ne décollait pas, la pluie tenait le bout de nos cordes, aux chiens le temps même devait paraître ingrat.
Attends, je reviens, il a dit.
On l'a attendu longtemps.
Et puis, comme une porte qui claque, un volet qui s'ouvre, comme le jour après la nuit, bang, il est arrivé.
Nus pieds, dépenaillé, encore humide de son chemin laborieux, il a cogné son poing sur notre coeur ébouriffé, il nous a fait un chaud et froid, tourner la tête, vaciller.
Debout dans l'herbe tendre, sec comme le bois qui flambe, du plus beau bleu des mers du sud, il nous trempe, il nous émeut, il nous gangue, il nous moite, il nous tremble, il nous attrape.
Le beau temps que voilà.
Jamais l'eau ne m'a parue si douce, jamais l'algue de mousse ne m'a autant été si tendre, jamais, ou plutôt si, comme un vieux souvenir oublié, mon corps est revenu à lui, entier, sans qu'aucun mal ne le défasse, de la pointe du pied à la racine de mes cheveux le courant est passé, pas de court-circuit, pas de heurts, une nage sans encombre, pleine.
 Embrasser la mer de toute ma peau. Enfin.


PS : et donc merci au chirurgien qui a réparé mon genou mal en point, en septembre 2011. Il aura fallu tout ce temps pour que je retrouve mon "intégrité"soit deux étés sans nager...inconcevable quand on est moi :-).

6 commentaires:

  1. La beauté de ton texte témoigne de la frustration que tu as subie à ne pouvoir nager. Je te souhaite donc un bon été et beaucoup beaucoup de plaisir retrouvé.

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  2. Merci Amartia! oui, frustration c'est le mot, je n'avais même pas envie d'y tremper le pied, à quoi bon me disais-je... m'enfin, c'est fini, et c'est tant mieux! Je ne vais plus que pro-fi-ter! (avec la mer à 10 mn à pieds, ce serait dommage...) (quand c'est marée haute bien sûr, sinon, y'a pas d'eau ah ah ah, et faut aller à 10 mn en voiture...)

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  3. Quel texte magnifique, surtout en hors d'oeuvre dominical.. Merci, et vogue au gré des flots, it's all so quiet.. :))

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    1. Merci ! je vais voguer demain encore j'espère.. :-)

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