J'avais 17 ans à mon premier chat.
Un chat que j'étais allée chercher dans la ferme de Marie-Françoise, avec ma petite soeur qui en choisirait un aussi.
J'ai croisé ses yeux à travers un tas de bûches de bois mises à sécher sous la grange. Ils étaient verts, même pas effrayés car sa cachette ne me permettait pas de l'atteindre. J'avais beau tendre le bras, dans l'espace d'un bout de bois ôté pour mieux la voir, mes doigts à quelques centimètres de son petit museau rose, elle me regardait, impassible. Ainsi donc, avec mon bras écorché, il me faudrait la séduire pour qu'elle se laisse attraper.
Elle était trop petite pour être séparée de sa mère mais nous ne le savions pas, néophytes en matière de chats.
Ma soeur avait jeté son dévolu sur une petite chatte toute grise, elle non plus pas décidée à nous suivre.
Mon frère fabriqua un piège, avec un bout de bois qui ferait chuter le carton sur le chat à son passage. En vain.
Nous commencions à désespérer, la lassitude nous envahissant avec la chaleur du soleil dans notre dos, nous prenant par surprise, quand soudain, je réussis à saisir l'animal pas plus grand que ma main, et le blottis contre mon coeur, battant aussi fort que le sien.
Elle était chaude, douce et soyeuse comme les chatons le sont, avec un poil gris sur fond blanc. Un J était dessiné sur son pelage, je décidai de l'appeler Jazzy.
Nous rentrâmes avec les deux chattes, la grise et la bicolore, fières, heureuses, excitées, responsables d'une vie de chat.
Jazzy fut mise dans ma chambre, je lui installai une litière dans le bas de mon placard-salle de bain, avec un bol de croquettes pour chatons et de l'eau.
Elle était apeurée, mais le soir, dans la nuit, je la sentis monter sur mon lit et s'approcher de ma tête.
Immobile, je la laissais s'installer sur mes cheveux, elle y fit comme un nid contre mon cou, se pelotonna et se mit à téter goulûment ma boucle d'oreille, une perle de culture. Elle m'avait adoptée, elle fut ma compagne une douzaine d'années.
Un soir, je rentrais de l'agence où je travaillais, dans le gîte que nous avions loué pour une période hors saison en attendant de trouver un appartement. En ouvrant la porte, je vis mon chat, ma Jazzy couchée sur un de mes pulls qu'elle avait descendu de l'étage, pur le poser juste à l'entrée, elle dessus, mourante. Je ne comprenais pas, j'étais affolée, je partis chercher sa caisse pour l'emporter chez le vétérinaire, mais il était visiblement trop tard, alors je la caressais en pleurant, émue de voir ce que son attachement l'avait poussée à faire, attendre que je rentre, allongée sur un vêtement que je portais souvent. Elle mourût quelques minutes plus tard.
Je me souvins de toutes les fois où nous partions en balade, la chatte à nos basques, nous suivant comme un chien le ferait, de sa chute du deuxième étage d'un autre appartement qui la dégoûta des hauteurs pendant quelques semaines, de ses puces, de ses crottes qu'elle dissimulait très intelligemment, de ses coups de langues sur mon oreille, toujours la même, de ses morsures sur mes mains en jouant, des ses griffes qu'elle ne sortait jamais contre nous, de la tapisserie déchirée, de sa façon de se poser dans le cercle de lumière de ma lampe de bureau ou sur la feuille blanche posée sur ce même bureau.
Je me retrouvais seule le lendemain soir, le gîte silencieux, sans le bruit des coussinets ou le miaulement de faim de l'animal, si discret, si présent, absent définitivement.
Et je courus chez le vétérinaire pour trouver une adresse de quelqu'un ayant des chats à donner.
Ainsi vint Léo, the Cat.
Léo the cat, chatte à ses heures, a eu plusieurs portées depuis que la vie à la campagne nous héberge.
L'une d'elle s'est faite sans nous, dehors, in the garden, et nous ne vîmes les objets du délit que bien trop tard pour les attraper.
Oui, encore.
Hier, alors que la décision de faire quelque chose s'imposait, ces chats là ayant bientôt un an, ces chats là venant parader devant nos fenêtres à monter leurs beaux minois et leurs poils splendides, se laissaient caresser uniquement par moi, uniquement à l'heure des repas.
Hier je me mis au soleil, comme un chat. Ma présence se faisant discrète, non menaçante, je tendis la main vers l'un d'eux, le blanc avec un masque noir et des poils à en faire des noeuds.
Il se laissa faire. J'insistai alors, continuant à enfouir ma main dans son pelage noueux, grattant entre ses oreilles, derrière sa tête, il en oubliait de s'enfuir...plus tard dans l'après midi, il vint se frotter à mes jambes, et je l'entendis ronronner.
C'est bien.
Pouvoir savoir qui est chat et chatte, leur faire un planning familial pour que la population féline ne dépasse pas la population humaine.
Pouvoir les garder ces chats, les laisser courir sur la terrasse, sauter sur les papillons, les moustiques, se cogner contre la vitre, faire des trous à la recherche des mulots qu'ils nous ramènent en nombre chaque hiver...
Ces chats qui nous gouvernent.
Magnifique... ton texte... moi qui ai eu des chats, je m'y retrouve totalement...
RépondreSupprimerMoi qui pourrait difficilement vivre sans minou (ou minette)...
RépondreSupprimerles photos sont extra !
Ce sont de vrais bêtes à chagrins... On se retrouve toujours dépourvu lorsqu'ils viennent à manquer. Le chat : un art de vivre.
RépondreSupprimerCharl' carla' magnet, merci, je ne me suis pas trop foulée, quand même mais ils sont tellement beaux ces chats là que je ne veux pas les donnner...;-)
RépondreSupprimerLisenn, oui, j'ai un bon appareil, vrai!
Tartine, j'ai pleuré pour mon chat, c'est vrai que je me suis sentie seule..un chat ne remplace jamais un autre, mais il le suit. Ils ont 9 vies, faut pas l'oublier ;-)
Oui, ça je l'ai vérifié avec la chatte qui m'a accompagnée du CE1 à la licence... Increvable ! Et pourtant...
RépondreSupprimerDu CE1 à la licence!!! respect!
RépondreSupprimerSans redoublement ça fait quand même une belle vie de chat :)
RépondreSupprimer"quand même mais ils sont tellement beaux ces chats là que je ne veux pas les donnner...."
RépondreSupprimerAh bon?....oh zut alors il va falloir que je trouve un autre "fournisseur" pour Noël 2209....Bah oui...une maison en bois sans chat...c'est pas une maison en bois....
Je suis une fan absolue de chats
RépondreSupprimerUne amie a moi , avait aussi un chat qui s'appellait Jazzy
Et le pauvre , c'est fait écraser , alors nous lui avaons donné un chaton Ficelle et le voilà parti ..
J'en ai deux , je ne pourrais pas vivre sans eux , et dans quelques jours , nous aurons encore .... des chatons
Etrangement , nous n'avons aucun mal à les donner , c'est une bonne maison
Ils ont 9 vies mes chats ?
T'es sûre qu'on avait que cet âge-là? Il me semble que c'était plus tard. M'enfin peu importe. Merci de les avoir évoquées, ces deux soeurs si jolies et si futées.Quand on commence à connaître les chats, on ne peut plus s'en passer; et quel que soit leur nombre, on se souvient de tous et de toute cette joie, ces rigolades, ces câlins, et cette peine toujours présente lorsqu'on ressent le manque et leur départ. Merci chats!
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