14.2.11

La voile et moi et moi et moi...

A l'impossible nul n'est tenu et même qui veut, peut.
Ce sont vos commentaires, So' et Dana qui m'ont refait penser à ce credo que je m'appliquais un jour de l'été 1990.
Je découvre en passant, que je peux avoir un texte en tête, le penser, le pré-écrire, en repassant. Dessus les draps bleus, je lisais des mots. Que cela ne s'ébruite pas, si on savait que j'arrive à réfléchir au moment du repassage, je serais perdue.

Un jour donc, mon père, sacré toi, m'a dit "mais si, bien sûr, tu feras de la voile, tu as ça dans le sang puisque tes ancêtres sont marins".
Je lui ai ri au visage, (ou bien je lui ai fait la tête?)  il s'en fallait de peu que je me moque vraiment de cette affirmation faite le jour où Ils (mes parents) décidèrent que je serais monitrice de voile.
Rappelons un fait simple : en tout et pour tout, j'avais deux semaines (une de chabok, non pas Shadock, mais je ne sais même pas comment ça s'écrit, et une autre de caravelle) de voile, ce jour où donc ils commirent l'irréparable, m'inscrire à Moulin-Mer.
Père, me disait donc, que puisque, fallait que.
Je rappellerais, la vengeance étant un plat qui se mange froid, voire dans ce cas, congelé, que ledit Père, avait peu de temps avant, failli couler en dériveur devant la plage de Bénodet, mettant la honte de sa vie à son fils adolescent, même que nous avons failli appeler l'Abeille Flandre... (apprenez par la même occasion, qu'un vide-vit' ne se débouche qu'à terre).
Comme je m'amuse.
Ainsi donc, un matin, nous débarquâmes la belle marine, (dix kilos de plus que maintenant et même pas du muscle), puisque dans le sang elle a, au centre nautique, où ma foi, elle ne reconnut aucun des bateaux qui se trouvait là.
En revanche, elle signait l'arrêt de son  coeur à la rencontre de celui qui deviendrait l'homme de sa vie, le seul l'unique, même encore aujourd'hui que le coeur a continué de battre finalement.
Ce grand escogriffe dégingandé et aussi peu bavard que maintenant, y a des choses qui ne changent pas, était (est) beau comme un dieu, bronzé, tablette de chocolat et yeux couleur de l'eau, au point qu'il me fallu 6 ans pour m'y noyer avant qu'il ne repêche la damoiselle en détresse. (oui, des fois, je mélange le je et le tu, c'est quand je ne m'en sors pas).
Bref.
Puisque dans mon sang battaient les vagues de l'atlantique et de la méditerranée, et pourquoi pas de l'océan indien, il me serait facile, n'est-ce pas, d'obtenir ce diplôme qu'on appelait B1D1, monitrice de voile, ça le fait, pas vrai?
Nous étions 11 dont 9 mâles. A cet âge, on dit mâles, parce que c'est surtout ça qui s'exprime.
Premier jour :
Celle qui avait ça dans le sang se retrouve avec un laser à gréer. Un laser c'est un truc pointu et tout plat avec une voile, grande, très grande, qui s'enfile comme une chaussette sur un mât haut, très haut, et ensuite, faut porter le dit mât et l'introduire dans le trou adéquat à la pointe du laser.
Ben là, tu vois, il m'a fallu quatre jours pour y arriver seule. La technique, le poids, tout quoi.
Premier jour encore :
Une fois qu'un mâle goguenard et méprisant, a aidé la fille à gréer son bateau, nous avons mis les bateaux à l'eau.
En théorie, tu files droit vers le large.
Sauf que celle qui a ça dans le sang, ne sait pas trouver le vent, gouverner, enfin, le BA.Ba.
Imagine la situation.
Tous les lasers sont déjà loin, sortis de la baie. Sauf un.
Et puis, tout autour de l'anse, il y a les enfants, les ados, de tous les groupes de voiles, de l'Optimist à la Caravelle, du Chabok à l'Equipe.
La fille, dans son bateau à la voile fasseyante, aux joues rouges et aux larmes bouillantes, elle ne voit que ces petits points orange (les gilets de sauvetage) qui la regardent en riant.
Elle fini par être remorquée en pleine mer.
"Celle qui", a donc subi des humiliations comme pas souvent. Elle a rongé son frein. Elle a tapé du poing. Elle en a bavé pendant deux semaines. Elle haïssait ses parents qui ne voulaient pas qu'elle rentre.
Côté théorie, c'était tout bon, l'exam haut la main.
Mais il a été nécessaire de faire un stage de voile sportive intensive comme ils disent. Trois semaines avec Vé, celui qu'on disait Sanquer et sans reproche.
Vé, c'était le pote de l'hommedemavie. Un gros ours au coeur tendre. Un coffre à décoiffer les Bigoudènes sur deux siècles en arrière, il avait dû apprendre à parler sur un bateau en pleine tempête.
Bref.
Voile intensive. 9H/17H dans l'eau. Sur l'eau. A l'eau.
Apprendre à dessaler et ressaler surtout. Des bleus sur les bras à dessiner la planète terre vue du ciel.
Apprendre à maîtriser.
Apprendre à sentir.
Un jour, il n'y avait pas de vent. C'est pas bien quand c'est "pétole". La mer est un miroir et le bateau n'avance pas. Sauf si tu l'aides un peu.
Je me souviens m'être mise à l'avant du Laser, debout, tenant le mât à deux mains, faisant tanguer la coque de gauche à droite, vite, fortement, et je me suis rendu compte que je n'avais plus peur. Que je savais, enfin, faire de la voile. Il y a eu un déclic ce jour-là. Je me suis sentie forte, et même si c'était faux, c'était bon.

Alors oui, à l'impossible ... et vouloir c'est pouvoir.
Faudra que je m'en souvienne.

10 commentaires:

  1. Je suis mort de rire...
    J'ai beau chercher dans ma mémoire de sous-mono (ouais, au Club Nautique de Plouguerneau où y'avait des filles pathétiques aussi, mais pas que), je ne vois aucun dériveur dont le nom s'approche de "chabok", mais il s'en invente tellement... T'es sure que ce n'étaient pas des Pabouk?

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  2. Les chabok, bateaux caisses à savon en métal qui pèsent le poids d'un éléphant mort.
    Mort de rire? ici aussi on en rit encore, ayant poussé la masochisme à épouser un gars témoin de cette journée fâcheuse pour le moins. Ça fait partie de la légende familiale. Le genre de truc qui pousse au voyage, loin, très loin :-)

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  3. Ca me fait penser que nos hommes nous ayant vues dans les situations les plus humiliantes possibles, après on peut tout leur dire, on n'a rien de "pire" à "cacher" et on se sent aimée pour ce qu'on est!
    N'empêche Merci Papa Merci Maman Tous les ans On voudrait qu'ca r'comennnnnnnnceuuuuuh!
    La suite la suite la suite! la chronique des Celle qui!

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  4. Enfin je confirme, "avoir ça dans le sang" je n'y crois pas un instant, moi qui panique dès que je n'ai plus pied!

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  5. Finalement, c'est grâce à eux, ces monstres de, ces pîtres de , ces moins que rien de parents que tu as rencontré l'Homme...non? Alors tout va bien!

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  6. Anonyme un, dis donc t'as pas encore pigé le truc où tu peux te mettre un pseudo genre, soeurette?
    C'est vrai qu'une fois qu'ils ont vu ça ils ont tout vu :-)
    Bon, j'ai une autre chronique honteuse à raconter, décidément la voile c'est quelque chose :-)
    Samutter, ben vrai, jamais je n'oserais faire un tel Raccourci!! non mais :-)

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  7. C'est quand que tu mets les voiles, maintenant que c'est toi qui dis ce qu'il y a dans ton sang, Bon sang bon souèrrre !!???
    Hi hi.
    Restons dans l'optimisme et avec nos gilets...
    Biz

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  8. J'ai tout compris (sauf les termes techniques, mais bon, ne dois-je pas apprendre tous les jours ? ) : )
    Romantique indécrottable, tu imagines que j'ai regardé la date de la note, même si tu n'y as pas pensé, je me disais "en voilà une de déclaration d'amour " ! Couleur chocolat et océan, ou nuages ou , enfin, lhommedetavie, largue les amarres et laisse-toi au vent, et surtout, oui, souviens-toi !

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  9. "un vide-vit' ne se débouche qu'à terre"… sauf chez les sabordeurs. :o)

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  10. "grand escogriffe dégingandé et aussi peu bavard que maintenant". Oh ! Là tu forces le trait.

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