1.11.09

Du


Du, c'est "noir" en breton.
Le drapeau, on l'appelle "Gwenn ah Du" blanc et noir, vous aurez traduit.
Novembre, c'est Du aussi en breton.
Ce matin, j'ai ouvert les yeux, il faisait noir, le noir de la nuit.
Mais ce n'était pas le silence; la pluie tambourinait aux fenêtres, le vent pliait les arbres dont les feuilles frôlent le toit.
Il faisait nuit, il faisait noir, mais c'était le jour.
Le premier du mois noir.
Dans le pays de l'Ankou, je m'imagine, il y a bien des années, dans une vie antérieure, une vie que je n'ai pas vécue, dans une maison en pierres, humide, froide, la boue chassée du dehors qui s'engouffre sous les portes.
J'entends les bêtes dans la crèche à côté, là, il y fait plus chaud. Le bois dans l'âtre craque et fume, il est humide aussi et dispense peu de chaleur. Juste de quoi chauffer le brouet de la journée.
Les enfants ne sortiront pas, il pleut trop fort, je les laisserais jouer aux osselets sous la table en bois qui leur tient lieu de cabane.
Il faut quand même que j'aille tirer un peu de lait de la chèvre, elle risque de souffrir sinon. Et je dois chauffer les châtaignes ramassées hier, dans le sous bois.
Dès qu'un rayon de soleil fait son apparition, c'est le bonheur qui entre dans la maison, la lumière chasse la pluie, le noir et les soucis.
Là, je me vois dans un manoir, dans une bergère devant une cheminée qui dispense un feu d'agrément. La robe à corset et crinoline me fait la taille fine, mes cheveux mordorées sont bouclés et attachés sur le sommet de mon crâne. Je lis, puisque la bibliothèque est la pièce la plus confortable. Il ne me reste qu'à tendre la main pour saisir mon Sherry. A la fin de la journée, je sortirais avec mon chevalet portable, je m'installerais en haut de la butte qui surplombe la vallée, et je tenterais de peindre les merveilleuses couleurs de l'automne.
En vrai, la lueur de l'écran me fait le visage bleu, il est bientôt midi et la lampe de mon bureau est allumée, car il fait sombre encore.
Hier soir, dans la voiture en allant chercher les pommes au verger, la radio donnait les informations. Nous apprenions que le premier novembre, demain, aujourd'hui donc, c'était la Toussaint.
Mon fils, assis derrière entendant le flash, s'exclama:
"demain c'est la fête de tous les saints?"
Oui, répliquai-je, on fête les morts.
Ah? Maman, je voudrais bien aller faire la fête moi aussi avec tous les morts."

C'est pourquoi, même les jours de pluie, les phrases comme ça on en fait de la brioche! et on pense avec émotion à tous ceux qui sont partis en espérant qu'ils participent aussi à la vie de famille...

10 commentaires:

  1. Quand on est petit, la mort est une abstraction. Puis vient le temps des premières funérailles, du premier mort aperçu furtivement au bord d'une route. Parfois c'est un animal…
    Alors, progressivement tout ça prend du sens, même s'il est clair que l'on n'aura jamais toutes les réponses à nos propres interrogations.
    Et sans doute est-il mieux ainsi.

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  2. Marcus le dit bien lorsque l'on est petit la mort est une abstraction...
    Pour mes 12 ans je perdais un petit oiseau et toute les larmes de mon corps et à 16 un grand-père... Et là on prend conscience, un peut plus...
    J'aimerai que ce premier novembre ne soit pas triste, tu as raison c'est une fête mais ici aussi, brouillard, vent et pluie... Alors on se souvient... Le soleil est moins enclin aux souvenirs...

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  3. Hum... évidemment, si tu les habitue à jouer aux osselets sous une de bois le jour de fête des morts, ils vont jouer de la flute avec les tobias de l'ankou.

    Je déconne (ça ne t'étonne plus, non?), j'ai adoré ta transcription de l'ambiance de ce "miz du" qui a commencé cette nuit par un fracas de tempête, y'a des anaoun qui ne sont pas contentes...

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  4. Oui, ca on peut dire que tu sais raconter l'automne un peu plus joliment que moi.
    Le train qui m'emmenait a l'aeroport hier soir etait bonde de gens colores en orange, saignants, degoulinants, des toiles d'araignee dans les cheveux, ils savent faire la fete aux morts ces anglishes, fiston fera bien de meme un jour.

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  5. Ils savent faire vraiment la "fête aux morts" dans le sud de l'Italie : cadeaux pour les enfants portés par les morts et tour des cimetières ensuite pour les remercier, comme quoi le fiston a pas si tort dans son expression... ceci dit, même si la fête peut sembler un peu étrange c'est un beau moyen d'échanger des anecdotes sur les anciens avec les enfants...

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  6. Oui, c'est vrai Marcus, et aujourd'hui on a entendu l'expression "cadavre vivant" purée, il y a des étapes pas faciles dans la vie des parents ...
    Zélie, c'est triste, mais c'est un morceau de vie...je ne leur apprend rien, c'est la mort du petit chat qui jusqu'ici les a le plus touchés. Parfois, une conscience que les gens peuvent aussi "disparaitre".
    Patrick, ah non, plus rien ne m'étonne ;-)...en tout cas je préfère mon époque pour le miz du, c'est plus facile d esupporter la colère des anaoun...tu nous racontes quand une histoire qui fait peur? je sens que tu as des réserves sous le coude ;-)
    Kitem, on ne parlait pas d ela même chose ;-) toi, l'automne, moi, les morts ... j'aime tes reportages, tu le sais ;-)
    Roréa, je voudrais bien voir ça! sur les livres uqe je lis de la Chine, j'aime aussi l'idée des ancêtres que l'on nourrit...on a à apprendre dans chaque culture!

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  7. j'aime beaucoup tes chroniques explicatives sur ta région...
    mais moins l'évocation de la mort.. brrrr...

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  8. Je ne connais que deux phrases en breton : Breiz eo ma bro et Da garout ar ran , on me les a offertes il y a longtemps déjà etje les garde dans mon coffret d'acajou des souvenirs.
    Il est magnifique ton automne...

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  9. Oh Tifen,
    qu'il est beau ce Turner breton,
    pas le temps de te lire mais je repasserai.

    Bises soufflées de Montpellier

    ps: j'aime beaucoup ta présentation

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  10. Charles: moi expliquer? non, j'invente, à partir de ces personnages légendaires qui accompagnent les enfants...la mort, oui, elle est là pourtant ;-)
    Dana, je n'ai pas de mots en roumain moi, tu m'en apprendrais? merci pour l'automne ;-)
    Alterdom, Turner, waouh!
    En faisant la photo, je me disais justement que c'était bien un tableau que je ne pourrais jamais peindre ;-)Merci beaucoup et bienvenue!

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