2.6.10

Odeurs.

En discutant avec toi, j’ai eu envie de parler aussi des odeurs, des parfums que j’aime. Ceux qui, comme les fleurs, ou le ciel bleu, mettent de la couleur dans la vie, quand tout est gris.
Je te parlais de cette maison de torréfaction devant laquelle je passais chaque après-midi, en allant prendre mon bus pour rentrer à la maison.
Avant ce parfum-là, il y en avait d’autres sur mon parcours.
D’abord, souvent, l’odeur de la pluie. Parfois, elle est agréable l’odeur de la pluie, quand elle a lavé la ville de ses relents, quand il ne reste que la brume légère qui sourd de la chaussée alors que le soleil est revenu et chauffe, à faire sécher l’eau, le sol encore humide.
Je marchais, dans une rue pavée, et je passais devant la boulangerie aux beignets. J’avais un faible pour les beignets aux pommes à l’époque. Ils étaient énormes, encore tièdes, et la compote qui coulait sur mes doigts avait un parfum si doux que je ne me permettais pas d’en perdre une goutte.
Je marchais en finissant mon beignet, et je passais devant les halles, où parfois je faisais un crochet (les fois sans beignet) parce qu’il y avait là, il doit y avoir encore, une crêpière infernale, une dame brune d’un certain âge qui tournait la pâte fine avec dextérité, son poignet devait avoir même en dormant, encore le réflexe de tourner aussi habilement, tant elle avait de la rapidité et de la dextérité. Bien sûr, la quantité de beurre avait de quoi faire frémir, mais la chocolat en poudre qui y fondait, ou bien les pommes râpées de frais, ou bien le sucre aussi, avait un goût de paradis, alors que la chaleur de la crêpe te brûlait la langue.
Les halles sont juste à côté de la maison de torréfaction. Une brûlerie, on appelle ça.  À l’époque, et ça m’étonne encore, je ne buvais pas de café, et cette odeur au départ ne m’étais pas agréable. Trop forte, trop loin des plaisirs sucrés. Je ne savais pas encore que peu de sucre, c’est bien meilleur et qu’avec un café c’est du bonheur.
Un jour, j’étais retournée sur mon île, et j’ai vu avec stupéfaction, Amélie faire son propre café. Je n’avais jamais pensé que cela fut possible, faire son café. Elle le grillait à la poêle, toujours la même, à force elle n’était plus bonne qu’à ça sans doute cette poêle, et elle le moulait (j’ai vérifié, je n’étais pas sûre) et le passait sous de l’eau très chaude. C’est une opération qui prenait le temps qu’il faut, mais tu vois, ces gestes-là m’apprenaient que d’elle je ne savais rien, que j’avais aussi vécu dans mon monde sans me poser de question sur le sien, alors que.
Elle nous servit un café très noir, très épais, au goût prononcé. Un genre de café que les puristes italiens n’auraient pas renié, tant il avait de caractère. Je m’étais fait la réflexion que tant que je n’arriverais pas à aimer ce café-là, c’est que je n’aimerais pas vraiment le café.
À présent que je suis en éveil perpétuel sur les odeurs et les parfums, que j’ai envie de savoir leur nom, je découvre avec bonheur ceux que je ne connais pas.
J’ai eu des grandes émotions grâce aux parfums, tu sais, le colis pays, mais je sais bien que j’en aurai d’autres.
Je crois bien que je pourrais en parler des heures, il suffirait de marcher en ville ou à la campagne, un matin de printemps ou un soir d'été. Les heures où.

11 commentaires:

  1. Encore un billet qui sent bon la richesse et la finesse et la délicatesse de son auteure...
    Mais "on" va encore dire que je suis partiale, alors je me tais!

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  2. Hum...
    Un nez de vie, vivre le nez dedans, complètement ivre.

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  3. Mmmm... on a envie d'y aller manger un beignet et boire un café de caractère !
    ça me rappelle des souvenirs d'enfance et toutes ces odeurs des fois dont tu sais plus à quoi elles se rapportent mais qui sont restées ancrées !

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  4. Etre en éveil perpétuel pour les parfums, oui. Que c'est bien dit ! Je me sens comme ça, moi aussi. En éveil.

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  5. Plein de bonnes odeurs à attraper...C'est ce que j'apprécie le plus depuis que j'ai arrêté de fumer, il y a longtemps ;)

    Et une odeur de fille brune qui...hmm...^^

    Besos Tifenn !

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  6. collectionneur d'odeurs? pourquoi pas...?

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  7. Tamutter, tu me fais rire alors, à quand ton blog à toi, que je commente aussi?? tadaughter.
    Le courant d'air qui passe dans le vent, tu as le temps d'avoir le nez dedans? oh, oui, toi, tu es nez avec ;))
    Roréa, les beignets shuis sûre qu'il doit être possible de trouver. Le café de caractère, c'est autre chose :))
    Phil, m'étonne pas que tu sois comme ça aussi, avec tes histoires de route qu'on découpe :))
    Jack, ah oui? les Brunes? qui? ah? c'est bien d'avoir arrété de fumer :) on a plus ce mauvais vent dans le nez!
    Opéra, ben oui, collectionner les odeurs et les mots qui les disent à défaut d'avoir un labo de petit chimiste :))

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  8. C'est quoi déjà ton odeur...

    attends...

    oui...

    je crois bien qu'il y comme un soupçon de : "Bergamote, néroli, ylang-ylang, rose, lilas, muguet, jasmin, iris, clous de girofle, coriandre, géranium, patchouli, vétiver, vanille, ambre, santal."

    http://laviequonaime.blogspot.com/2008/01/arpge.html

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  9. Lena, mon parfum d' hiver...
    Sauras-tu celui d' été?

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  10. chez moi aussi tout fonctionne avec ce sens olfactif. si je suis contrarié, avec Shalimar par exemple, je tourne les talons direct. zou... au revoir...

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  11. J'ai encore en mémoire l'odeur des grosses locomotives à vapeur qui manœuvraient tout à côté de mon jardin (c'est rien de le dire). C'était une odeur moite et chaude faite de carbone et de vapeur d'eau mêlée.
    Oui je sais c'est moyen comme souvenir, mais on fait ce qu'on peut avec ce qu'on a.

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