Les dames longeaient la route avec leurs parapluies noirs, ouverts sous un ciel azuréen. Il faisait chaud, comme en toute saison. Leurs robes légères et fleuries se soulevaient parfois, ondulaient sous la cadence de leur pas nonchalant.
Et puis, elles levaient la tête, le temps de faire un signe de croix discret au passage de la petite statue nichée dans le rocher noir.
Il faisait chaud. C'était l'été de janvier, celui que l'on passe sous les palmiers.
Bras dessus bras dessous avec une amie, au cinéma nous rendions. Tranquillement.
Le pas est lent au soleil, il profite, il s'étend.
Nous devions voir un film d'action dont j'ai perdu le titre en route, un film défendu, un film avec des méchants.
Quand on a 14 ans, il n'y a pas de méchants. C'est néanmoins ce que nous devons croire.
Non, mais il y a des garçons. Et ils sont nombreux. Et bavards. Et bruyants.
Au soleil, la chaleur cogne les hormones, elle les attise, les rend fébriles.
A notre passage, bien sûr, un concert fantastique de sifflements. Au sifflemètre, avec ma copine, on était assez haut placées.
Il faisait chaud, sous nos chemises légères (innocentes, les filles restent quand même des filles ).
Enfin, nous arrivâmes. La file était longue, même pour un après midi de semaine.
Et ce qui devait arriver arriva, la salle était pleine, nous ne pouvions plus voir le film que nous étions venus voir.
Que faire?
Il faisait chaud, l'ombre des salles obscures était bien trop attirante, nous choisîmes un autre film. "Le thé au Harem d'Archimède" . Choc. Incompréhension, totale, absolue...
Il reste du gris, de la violence, des injures, du malheur.
Notre monde à nous, loin, très loin de ce monde là, était fait des petits bobos de l'adolescence dans un milieu privilégié. La banlieue, était un mot, les cités, inexistantes, la misère, effondrée dans l'alcool, mais avec le sable des plages en guise de banc sous l'abri bus.
Dehors, quand les derniers spectateurs se sont égayés dans la ville, il n'y a plus personne. Même les petites dames aux parapluies ont dû rentrer à l'ombre de la case.
Ici, la vie se passe le matin, à la fraîche.
J'ai vu un enfer, et j'ai du mal à retrouver ma place .
En rentrant, on s'est pris un savon.
La journée était chaude. Sans doute.
Et la mère au retour, apprenant l'aventure du film vu en " remplacement" était rouge de colère,( la chaleur, sans doute!) regrettant l'autorisation donnée d'aller, en grands, au cinéma, voir un film autrement anodin pour leurs âges.
RépondreSupprimer( C'est bien un truc de garçon,ça, tiens, d'aller voir un autre film que celui qui est choisi, sous prétexte qu'il n'y a plus de place pour lui!)
Enfin, anodin, certes pas mais au contraire éveillant et tellement drôle que la cassette en fut pieusement conservée par la suite.
Rappelez-vous, " les dieux sont tombés sur la tête" ! Ca c'est du film bon pour la santé !
Ca sent le S. Maugham, ton texte, surtout les vieilles dames!
G.
Belle tranche de vie, entre cancer et capricorne, une sorte de "coup de torchon" sur la mémoire.
RépondreSupprimerJ'aime.
Je corrige : l'île Bourbon, c'est un peu plus bas. :-)
RépondreSupprimerI y a très longtemps, ma tante Byelle (abrévation pour Gabrielle) disait à ma mère toute jeunette qui se plaignait que les garçons la sifflent dans la rue:
RépondreSupprimer-"Tu te plaindras encore plus quand ils ne te siffleront plus, ce sera signe que tu vieillis".
Et toi, ils te sifflent encore?
"la chaleur cogne les hormones, elle les attise, les rend fébriles" il y a des phrases comme cela fortes, percutantes et tellement vraies.
RépondreSupprimerJ'aime bien cette urgence pour raconter un moment une impression. Tu vas vite sur ton sujet et ce que tu veux dire.
Le Capitaine: je pardonne, je vérifie aussi histoire de ne pas confondre...
RépondreSupprimerKitem: depuis que les enfants me vouvoient je vieillis...mais aujourd'hui on m'a demandé mon âge...et on a été surpris...
Marc, merci! j'écris trop vite aussi, je ne prends pas le temps de travailler, ce qui est un tort...
Ca c'est une particularité du "blog". Il veut de la matière le bougre, au jour le jour. Il y a même parfois des visiteurs qui s'impatientent. On a faim!!!
RépondreSupprimerAlors qu'un texte a parfois besoin de reposer, d'être lu, relu, caressé, avant d'être publié.
Cela dit je modifie souvent des textes déjà publié, normal c'est moi le chef!!! Et je fais ce que je veux!!!!