31.3.10

Le Combava

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"Cet après midi, je vais voir mon père à l'hôpital"
(Ps: c'est en bonne voie, ne vous inquiétez pas)
Cette phrase, je l'ai dite des années.
Pendant les vacances ou les jours sans école.
Il s'agissait alors de traverser le jardin, donc remettre des chaussures, parce que l'herbe n'était pas douce, et puis il fallait éviter les fourmilières (tu vois, le genre de fourmilière ras du sol, ça ressemble à un sable marron, ce n'est pas comme de la terre non, et puis c'est étendu au sol comme une flaque d'eau. La flaque d'eau elle rentre dans les bottes, la fourmi, elle pique).
On traversait donc le jardin (on, parce que mon frère ou moi), et il fallait aller jusqu'aux filaos. On dit FilaO au fait, pas Filaossss comme Cilaos. Même si Goog** ne reconnait pas ces mots, ils existent tellement que je ne les ai pas oubliés.
Les filaos, sombres, un jour j'ai eu une véritable frayeur en arrivant à leur hauteur.
Je devais courir j'imagine, et je me suis retrouvée nez à nez avec une araignée. Pas une petite araignée. Pas même un Babouk, genre d'araignée de maison, qui se retrouve dans le bestiaire effrayant des animaux domestiques de là bas. Ouais, domestique, parce que t'en vois souvent quand même.
Enfin bref, cette splendide araignée avait tendu sa toile entre deux troncs. Ca te donne une idée de sa taille n'est ce pas? j'ai crié je crois. Elle était jaune et noire, rayée. Même si je ne suis plus sûre des couleurs, elle faisait peur.
Une fois qu'on était arrivé(s) aux filaos (ça prend des allures d'aventure hein, d'aller voir papa à l'hôpital) on passait dans le jardin du voisin. Ceux là, parfois c'était nos amis, parfois nos ennemis. Leurs deux filles et le garçon. Alors, parfois, vraiment, on se cachait, des fois qu'ils nous verraient.
Et puis on passait un petit portail (oui, mais un vrai en dur, en fer, pas un petit machin en bois non non) et là, c'était le parking de l'hôpital.
On traversait, ce n'était pas bien long et on arrivait au bureau de papa.
En vrai, on allait voir papa à l'hôpital mais on ne le voyait jamais, il était en réunion, ou en déplacement, ou occupé. Mais sa ou ses secrétaires étaient toujours très gentilles avec nous. Et on revenait avec le courrier. (même que déjà, j'écrivais des lettres, à mes grands parents en fait).
L'hôpital, c'était pour nous là où travaillait papa, pas un endroit qui fait peur.
Un jour, j'ai même acheté mon cadeau de fête des mères à la boutique de l'hôpital, c'est pour dire!
Cet après midi, je vais voir papa à l'hôpital.
Un soir, il y a longtemps, il est rentré à la maison, après avoir eu un accident de voiture. Il est rentré presque plus tôt qu'un jour où il travaillait. Il marchait de travers, il avait mal, mais moi, je suis un peu bizarre, j'ai ri. J'ai ri de voir se démarche bizarre. Maintenant que je suis vieille, je sais que j'évacuais mon stress, il n'est jamais malade papa.
Il y a deux jours j'étais en Chine.
Enfin presque.
Dans le XIIIème arrondissement, de Paris. J'étais au moins en Asie.
Papa était déjà à l'hôpital, mais tu vois, je n'y pensais pas plus que ça.
Parce que ce sont des choses dont on ne parle pas. Bien que la tendance soit au changement.
Bref, dans ce quartier, j'aurais pu croire que j'avais à nouveau 13 ans. Les mêmes sons, les mêmes odeurs, les mêmes objets, les mêmes vitrines.
Et l'ami qui m'entraîne dans les couleurs des épiceries, des tas de trucs que je ne connais pas, qui sont autant d'idées à prendre que de recettes à faire.
"tu vas prendre des combavas quand même"
Oui, il a dit "quand même", parce que comme je suis fauchée je m'agrippe à mon appareil photo pour ne pas dépenser les sous que je n'ai pas, même si je suis à Paris, et j'y suis parce que c'est mon cadeau d'anniversaire en avance (oui, t'as vu le message subliminal, trop forte hein).
Combavas.
Je suis sur le front de mer, en tong et paréo, devant la baraque à frites.
La baraque à frites elle s'appelle comme ça, parce qu'il ya des frites, mais franchement la frite ne fait pas la majorité, non.
Il y a des nems, des samoussas, des bonbons piments, et puis...les bouchons.
Un truc qui se mange en une bouchée, avec un pique en bois, tu trempes dans ta sauce.
La sauce au combava, par exemple.
Oui, je veux des combavas, je veux des bouchons, je veux y retourner, un peu.
(ma vie est ici maintenant, ça je l'ai compris enfin, et puis mes amis aussi sont ici)
Cet après midi je vais voir mon père à l'hôpital, ce ne sera pas pour aller chercher le courrier, ce sera pour lui apporter un combava.

18 commentaires:

  1. Beau et bon comme un combava ce billet. Bon retablissement a papa.

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  2. un très joli voyage, comme si souvent, au pays des mots et de l'enfance, entre l'île Bourbon et celle d'Anne de Bretagne.
    tout mon soutien moral pour traverser ces moments pas si simples.

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  3. C'est beau. Je t'ai suivie dans les jardins, si si, même si j'ignore ce qu'est un filao. Les lieux lointains que j'ai envie de voir ne sont pas si nombreux, mais l'Ile Bourbon en fait partie. Après l'avoir vue à la télé, des racines et des ailes. Tes racines et tes ailes.
    Et crois moi si tu veux, mais je sais ce qu'est un combava.
    Bon rétablissement à ton père.
    :-)

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  4. Ici on en trouve pas, c'est pour ça, même si je n'en fait rien, ce sera juste pour le parfum :), merci Kitem!
    Charles, merci :) mais ça va aller!
    Phil, un filao, euh, ben tiens, c'est un arbre qui pousse très vite, sous lequel rien ne pousse, et qui a des aiguilles. Mes racines et mes ailes ;D bientôt je vais me prendre pour une Tortue ;)
    Merci aussi.

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  5. J'essaie d'atterrir avant de t'écrire qq mots....je me sens encore la chaleur du soleil et le goût du combava semble s'inviter dans mon palais...merci pour cette escapade...et bon rétablissement à ton papa!

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  6. Amitiés à tes parents et tous nos souhaits de prompt et complet rétablissement pour ton papa.

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  7. Je me suis promenée doucement au fil de tes mots, simples et beaux et je souhaite un bon rétablissement à ton papa... c'est à bichonner un papa, quand il n'est plus là il nous manque tellement.
    Le combava, j'en suis fan, j'ai mangé ce week-end un délicieux poulet noix de coco et combava, c'était délicieux.
    Bonne fin de journée Tifenn,

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  8. Et Papa il dit quoi du combava ? Il dit " ça va !" ? "je vais voir mon papa"...je crois que celle qui dit cela n'a pas encore enlevé ses chaussures devant les araignées géantes. Un jour, là bas retournée, dans très très longtemps, elle dira "Mon père..."
    Enfin, c'est comme cela que je vois la vie et qu'elle, elle me voit.

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  9. Je viens de te relire et de lire " mon père" et n,on "papa"...Embarquée dans ton enfance j'étais avec un/ton "papa" aujourd'hui aussi...Bon, Alors tes chaussures ? Et l'araignée ? Hum, c'est bon de t'entendre raconter, moi j'adore cela.

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  10. Ah ! Ca fait du bien de te lire :)
    C'est malin, maintenant j'ai une méchante envie de combava !
    Bon courage avec ton papa.

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  11. Maya, tu as atterri? demain je cherche des recettes ;) c'est bien beau tout ça, mais faut manger maintenant.
    Marcus, ayé, transmis, il a dit oh c'est sympa ;) (enfin, un truc comme ça )
    Marie France, merci de l'idée ;) bises!
    Zou, zoubida? je n'ai pas tout compris, mais ça va, le papa.
    :D
    Virginie, on dirait un cri du coeur :) merci :)
    En fait, je ne m'en occupe pas, les medecins et sa douce (mamutter) font ce qu'il faut :)

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  12. Fauchée, mais ne pensant qu'à ramener des cadeaux à tes enfants. Ravi que tu aies apporté un combava à ton père. Moins ravi des photos floues ;-))

    J'espère que tu reviendras vite, au moins à Lannilis si ce n'est en Asie, je sais aussi où trouver des combavas à Brest...

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  13. Je ne connais pas le combava...mais j'ai vécu, comme toi, des journées où je courais, le souffle coupé, retrouver ma mère à l'hôpital car elle y travaillait, j'y faisais mes devoirs et ramenait plein de chocolats offerts par les malades ; )

    Je crois que je te prépare une surprise, mais je n'en dis pas plus !

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  14. Patrick, ah bon, j'avais l'air si "préoccupée" par ça? Des combavas à Brest, ouais, je te crois. Y en a peut-être aussi à Vannes, mais je ne connais pas assez bien ;) Je viendrai donc à Lannilis. ;)
    Dana...tu as eu des chocolats? veinarde! Elle s'occupait bien des malades alors, sage femme hein?
    Et une surprise? ben dis donc. J'adore les surprises. J'en ai eu une aujourd'hui.
    Ca fait un effet terrible les surprises, j'adore, vrai.

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  15. J'espère que ça va mieux !
    Gros bisous et embrasse tes parents pour moi !

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  16. Ti Bi-Zou ici avec clin d'oeil.
    Un dimanche avec Tout le monde à table et personne à l'hopital, je vous le souhaite, et des bougies aussi ( en chocolat ?).

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  17. Très émouvant ton récit surtout pour moi qui suis sur l'île. Filaos, combavas, camion bar, bouchons, samoussas... que tous ces mots me parlent et sont remplis de senteurs et de souvenirs. Mes enfants qui vivent à Paris rêvent aussi de toutes ces douceurs.
    Bises douces de mon île
    Chriss

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  18. Chriss, aaaaaaah, tu me tues là.
    Tu sais que je suis abonnée sur l'imachin aux news de La Réunion et j'ai mis saint pierre aussi pour la météo :) aujourd'hui, nuages et orage...dit-il. Merci d'être passée :)

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