11.4.10

Le Rêve. (Conte du Hamac)



Personne ne pensait que cela fut possible. Mais pourtant.
Un jour, je fis un rêve et je m’en souvins.
C’est à cause du vent.
Pas celui qui rend fou, juste le vent pas sage.
Parce que moi, je suis sage. 
Enfin, permets que je le croie, dans mes rêves, je suis sage.
Je suis assise au sommet de la colline et le vent me contourne. Il passe contre moi, il me frôle, il murmure à mon oreille, me fait cligner des yeux, mais jamais ne me fait basculer ni tomber, juste il me fait frissonner.
C’est tout le bien qu’on souhaite au vent pas sage, n’est-ce pas ?
Ainsi, personne ne lui en voudra.
Ca, c’est dans mon rêve.
Dans la vraie vie, celle des soucis et de la pluie, celle des tempêtes et des orages, celle du vent fou et des nuages, dans cette vie-là, le vent pas sage a un pouvoir sur moi.
Mais je ne te le raconterai pas, parce que là, je raconte juste mon rêve.
Le vent pas sage de la colline a descendu à rebrousse poil, un chat qui passait par là. J’ai vu le pelage se dresser, le chat sursauter, le vent mugir à ses moustaches.
Je ne saurais dire si le chat était content. Un chat qui se mord la queue, ça n’a ni queue ni tête, comme un rêve, en somme. Alors ça tombe bien me diras-tu.
Le chat fit alors plusieurs tours sur lui-même. Pour rattraper mon rêve ? pour courir après une chimère ?
Non, un papillon lui faisait tourner la tête. Parce que le papillon et le vent pas sage sont de grands copains, et quand ils se voient, c’est farandole, sur le dos du chat.
Moi, au sommet de ma colline, je rigolais.
As-tu déjà ri au sommet d’une colline, dans un rêve, avec le vent qui te contourne, murmure à ton oreille, te fais cligner des yeux, sans jamais que tu ne chutes ?
Je te conseille de l’essayer au prochain rêve où tu te décideras à te souvenir.
Juste parce que tu ris, tu ouvres la bouche et le vent pas sage s’engouffre. Et là, ton cœur bat. Oui. Même dans un rêve.
Revenons au chat.
Le chat qui danse avec le papillon et le vent dans ses moustaches.
C’est beau tu sais, le bond du chat. L’envol qui se veut pareil à celui du papillon. Avec les courants du vent.
De ma colline, je vois tout.
Le papillon, le chat, le vent qui va chuchoter l’oiseau.
Le vent pas sage est fripon, tu t’en doutais.
Et l’oiseau, ah ah, il sait aussi, l’oiseau. Il a ses armes. Un chant plus grand que le murmure du vent. Il trille, il hulule, il coucoule, il pisote, il zinzinule, il gajole, il babille, il pépie, il jacasse et il chuchote aussi.
De là à dire qu’il n’a pas peur du vent, il n’y a qu’un passage, le chas du chat, la moustache qui frise.
C’est un rêve te dis-je, dans les rêves parfois…
Le papillon, le chat et l’oiseau s’accompagnent du vent. Je les observe du haut de ma colline, d’un peu loin ; il ne faut pourtant pas que j’oublie que j’ai avalé à gorge déployée un bout de ce vent fripon.
Tu sais quoi ?
C’est bon.

Je ne peux pas te raconter le vent pas sage dans ma vraie vie, tu rougirais.
Oh, je sais que tu n’as pas peur de rougir, ou que bien peu de choses te font rougir, alors je rectifie, c’est moi qui rougirais. Il ne le faut pas, n’est-ce pas ? toi qui ne me connais pas en vrai, qui n’a que des images de rêves, les morceaux que je te raconte, du fond de mon hamac.

Le vent pas sage a déposé quatre chatons à ma porte ce matin. Le premier va s’appeler Papillon, le deuxième Zinzinule, le troisième, Vent-fripon.
Le quatrième ?
Et si je lui donnais ton nom ?

Une histoire à ma façon.
D’un rêve sans façon, qui se permet ses aises, et de couler d’encre.

Conte du Hamac.


6 commentaires:

  1. Un vent qui amène des chatons en zinzulant, j'en veux de ce vent là ! Papillon dans ce hamac qui m'a l'air très vaste et accueillant : j'en redemande aussi.
    J'ai connu un chat nommé Papillon : yeux bleus translucides, pelage doux blanc-grisé, tigre blanc. Se glissait chez moi en douce, manger dans la gamelle des deux chats. Un chat-caméléon.
    Colline est aussi un joli nom, pour une fille pas sage, sans doute, avec des moustaches qui frise et des oreilles agiles au vent, comme des voiles.

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  2. Et vous ne m'avez pas vue ? cette farandole silencieuse qui se dansait autour de vous ? Pourtant je me retrouve si bien dans votre rêve!

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  3. tout un rêve qui se gonfle comme le chat qui fait le dos rond de vent le chas pas sage du tout le rêve qui souffle le long de la colline comme le vent chaud qu'attire le Hamac des contes d'été sans queue ni tête portés par le vent qui se rit de nos vies

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  4. Je crois bien avoir vu une colline à Locoal, ou était-ce un songe ? Mais si (petite) colline il y a vraiment, elle doit bien être fertile pour inspirer tant de choses à ton imagination. A moins que ce ne soit-elle, tout simplement.

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  5. Un conte en coup de vent, comme une feuille d'automne qui zigue et zague en tombant vers la flaque, pour se recomposer en canoë. Etc.

    Merci, bonne journée Tifenn !
    Jack

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  6. le vent qui rend fou est chez nous.. le tien est plus sage et comme les cigognes, il est porteur de 4 nouvelles petites vies...

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