Ces fois où il fallait enfiler un jean encore mouillé, qui tenait debout avec son sel, sous la salopette de toile cirée.
Se faire violence devant la douleur d'un corps endolori, courbatu, d'avoir tant lutté, tenu bon.
Enfiler sa brassière, inconfortable, qui te faisait une poitrine qui dépassait de sous ton menton.
Tenter de retenir les cheveux qui se défaisaient de ta tresse pour ne pas qu'ils soient arrachés par les bouts*.
Grelotter des mains en saisissant le mât froid et humide du dériveur. Enfiler la voile à son sommet en faisant l'équilibriste, il te paraît deux fois plus lourd que toi.
Refaire le gréement, avec tes doigts devenus calleux.
Tirer le chariot à deux roues, le laser gréé posé sur le berceau, avancer dans l'eau jusqu'aux cuisses pour le faire glisser dans son élément.Il devient léger d'un coup, il partirait si tu ne laissais pas la voile choquée et ton bateau se mettre bout au vent.
Enfin tu enjambes la lisse, tu attrapes l'écoute, dès le début tu dois sortir tes fesses de la coque, car le vent prend immédiatement dans la toile.
Alors, tu coinces tes chevilles sous la sangle et tu bordes la voile.
Enfin, tu es en mer.
Et là...
Là, ça va vite.
Tu serres l'écoute dans tes dents pour border plus fort, tu sors ton corps au plus loin, tu tiens la sangle du bout des pieds, tu sens que le bateau commence à gîter, gîter si fort que tu es presque debout, ta voile bordée va frôler l'eau, là en bas, tu relâches un peu tu ne veux pas dessaler, pas tout de suite.
Tu sais pourtant que ton corps ne représente rien, un poids si léger pour ce puissant moteur qu'est cette unique grande voile, ce n'est pas la radiale, elle était prise par un autre.
Force 5, ça fait 20 mn que tu serres les dents, que tes abdos font leur exercice de bétonnage, tu es dure, et pleine de bleus, tu es forte, et si petite, allez, tu perds un peu l'attention...ça ne rate pas, le bateau t'élèves dans les airs, la voile touche l'eau, vite tu passe ta jambe sur le bord tribord et tu t'assois, épuisée, sur le côté de l'esquif, les pieds sur la longue dérive.
Avant c'était pire, tu tombais à l'eau, il te fallait remonter en passant tes bras sur cette dérive, si haute et si inaccessible avec ton encombrante brassière, en poussant des pieds sur l'eau autant dire sur du vide.
Alors, assise "au sec", tu es presque fière!
C'est facile de remonter la voile de l'eau, il suffit de laisser ton poids aller en arrière et tirer l'écoute, le bateau se redresse brutalement, tu te place rapide à ta place, et tu rebordes ta voile, hop, c'est reparti pour le plaisir pur de la vitesse, de la glisse, de l'eau salée chaude qui arrive en vagues sur ton visage...tu es excitée, tu n'as plus peur, tu maîtrises l'engin enfin apprivoisé!
Tu rentres au port, en coton, tu es trempée de la tête aux pieds mais tu n'as pas froid, tu as faim.
*:prononcer "boutes"
Ton récit est magnifique et moi qui ai encore la phobie de l'eau je n'ai pas eu peur parce que je n'étais pas seule !
RépondreSupprimerComme je t'envie de pouvoir te dépasser, et d'affronter des sensations que tu ne connaissais pas ...
Les photos sont belles et c'est une bonne idée d'avoir changé ta bannière !
Merci de nous envoyer ton air et ton iode...
Bises et bonne nuit !
wonderful and refreshing....
RépondreSupprimerVirginie, j'adore l'eau, c'est pour moi du bonheur, j'avais donc l'avantage de ne pas avoir peur de tomber dedans...
RépondreSupprimerla voile, on m'a fait tomber dedans, je n'aiamis pas trop avant, dépassée par la technique, le bateau lui même...et puis, un jour, il y a eu un déclic, je réussissais tout, et j'aimais ça, passionnément...cela doit faire 10 ans que je n'ai pas mis le pieds sur un voilier, c'est long 10 ans...
Merci pour la bannière ;-)
Charlemagnet...yes? blue and fresh...sweet aussi...merci ;-)
Tout est beau, comme d'habitude, le texte, les photos, merci à toi pour ces moments de beauté.
RépondreSupprimerKitem ;-) merci à toi de me lire ! et d'aimer en plus!
RépondreSupprimerBonjour,
RépondreSupprimerj'étais passée par là il y a quelque temps. J'aime bien visiter vos blogs et penser à la Bretagne où je vivrai quand je serai grande ( là j'ai 50 ans, c'est encore trop tôt) ou plutôt quand je serai encore assez décidée pour vivre un rêve d'enfant, oui ( bientôt, donc). Mes essais en voilier remontent à loin maintenant, toujours accompagnée et un peu trouillarde parfois. Donc, quand je serai plus grande et surtout encore enfant, je ferai du voilier moi aussi. J'ai donc adoré cette page. Merci à vous ! Encore des embruns ! Encore de la témérité ! Encore du rêve dans les cheveux noués !!
Anonyme...de 50 ans et de mille rêves, merci. J'aime aussi ce commentaire, plein de vie et d'envies...maintenant, il faut le faire, vous m'en direz des nouvelles ;-), denouez l'aussière, poussez du pied la cale, embarquez, la route est belle.
RépondreSupprimerQuel beau blog, plein de lumière et qui donne envie de s'évader vers la mer... Merci!
RépondreSupprimerPasser les rivières je crois vous avoir déjà lu(e) sur ce blog...merci de passer, et merci de votre blog de mots si beaux.
RépondreSupprimerm'ouais ! Ça ne vaudra jamais un bon diesel. ;o) Surtout pour remonter la ria d'Etel jusqu'à Locoal. M'enfin la voile a sûrement de l'avenir mais pas pour le chalut.
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