23.7.08

L'Arbre à Cannes

Tout a peut-être commencé sur un coup de vent. Ou un oiseau polisson.

Ma mémoire immobile, mon coeur en cercles cachés ne me permettent pas de me souvenir de ma première racine. Il me plaît à croire qu'une terre noire a abrité mes espoirs. J'imagine qu'un peu d'eau a couru sur ses mottes, eau du ciel sans doute car de montagne ici je ne vois pas.
Et puis un jour j'ai fait ma première feuille.

On pouvait croire à l'époque que la main d'une fée sortait de la terre sacrée de Bretagne. Mes feuilles si vertes encore, ont cinq doigts, comme vous, fourmis d'humains.

Par un sens de la farce incroyable, je suis un roi qui a vu la Révolution sous ses branches, Roi qu'aucun Républicain n'a décapité. J'étais jeune encore, je n'effrayais pas.

A présent j'ai toute ma force, et j'impressionne. On sait où je commence, mais pas où je finis. On me voit en détail, jamais en entier, je suis trop grand. Pour m'appréhender, il faut du recul. Voire, un sens de la vision céleste. Vu d'en haut je suis petit. Peut-être.

Une petite fille qui s'accrochait à ma branche ce matin me chatouillait de loin.

Oui, je me laisse toucher, caresser, embrasser, mais jamais je ne me donne à vous.

Oui, vous prenez soin de moi, vous me soutenez, mais jamais vous ne connaîtrez mon histoire.

Je vous laisse seulement imaginer.

Je suis livre sans être en papier. Ma sève est l'encre qui couvre vos vies, vous me quittez avec regret et cela vous questionne.

Savoir tout de moi vous apporterait moins que votre ignorance.

Le respect que vous m'accordez a la valeur de votre foi.

J'ai quatre cents ans à peine. Et quelques cannes d'acier pour vous en souvenir...

6 commentaires:

  1. Tu te rends compte Tifenn, il a assisté à la conspiration du Marquis de Pontcallec.

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  2. Je connais aussi un arbre immense et glorieux qui a vu passer beaucoup d'hommes et d'enfants ton texte me fait penser à lui.

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  3. "savoir tout de moi vous apporterait moins que votre ignorance"
    Superbe! tellement poëtique, en plus !
    Et j'acquiesce, même si un doute m'effleure : le savoir est déjà grisant mais n'ampute pas le désir d'en savoir davantage, et quand on passe à la connaissance, alors, cela devient plongée merveilleuse dans ..l 'inconnu.

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  4. Je suis aussi une amoureuse des arbres. Celui-ci est magnifique,...

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  5. Si vous saviez comme mes phoots ne lui rendent pas justice!! il est absolument immense!

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Un petit mot n'est jamais si petit.

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