C'est l'hiver.
Pas encore, en fait, même qu'une agapanthe me fait une fleur, mais quand même, le matin il y a l'envie de mettre un pull supplémentaire, ou de faire un feu.
Sortir de chez soi, prendre un peu de bois, avec les bottes que tu ne fermes pas, rentrer en claquant des dents, car dehors il fait bien plus frais que dedans. Et puis le gris.
Allumer un feu, voir les flammes lécher la vitre, avoir chaud rien que d'avoir ramassé le bois.
Et ailleurs, y en a qui sont dehors même la nuit.
C'est quoi une maison pour toi?
Un condensé de ta personne? de tes goûts? une collection de tes souvenirs? toute ta vie en un lieu? un endroit où tu n'es jamais? qui n'a pas d'importance? l'endroit où tu travailles? juste un toit?
Pusiqu'ici c'est "moi je", je vais te donner ma version.
Ma maison, celle où je vis, celle que j'ai la chance de pouvoir acheter à ma banque pour encore un bout de temps, celle qui est le lieu où vivent ceux que j'aime.
C'est mon foyer.
Alors, c'est hétéroclite un peu. C'est de plus en plus "nous".
Au début, on avait les meubles de récup. Ceux des parents, ceux d'Emmaüs, un minimum. On s'en contentait. Ils remplissaient leur fonction.
A partir de quand et pourquoi on a eu envie de changer? A partir de quand et pourquoi on a décidé qu'on préfère garder une vieille voiture pour s'acheter un fauteuil.
On a pas la clim, mais on a un canapé.
Tout ici a été choisi à deux. Ce sont de choix dont on a discuté, qui sont parfois un compromis, souvent un accord absolu. C'est aussi pour ça que mon bureau, ma pièce ne ressemble pas au reste d'ailleurs. Le seul point commun étant le bazar.
L'autre jour je disais à un ami qu'on avait de beaux meubles. Qu'est ce qui m'a pris de dire ça? ce sont des beaux meubles pour moi, parce que esthétiquement ils me plaisent (d'autres les trouvent moches), je les aime, mais ils ne valent rien en dehors de la conscience aiguë que j'ai d'avoir une chance folle.
Parce que je suis à l'abri du froid.
Ils ne valent rien contre la possibilité d'aller chaque jour faire un tour à la mer.
Et de pouvoir rentrer faire un thé, ou un café.
Je m'en suis voulue de dire ça. Quelle prétention! Je t'en foutrais des beaux meubles!
Je m'assois dans la cuisine, le jardin est sous un rayon de soleil hivernal, il brille.
J'ai. Je possède, la belle affaire! Je suis presque propriétaire. Je mange tous les jours.
Mais qu'est ce que ce serait si j'étais seule à en profiter?
Est-ce que j'étais moins heureuse avant assise dans mes fauteuils pourris? Ou bien dans un salon fait de bric et de broc? Je sais bien que non. Je m'embourgeoise, je me bobo-ïse.
Mais même si une légère culpabilité me traverse quand je pense aux autres, j'assume aussi, parce qu'on a fait des choix. On ne part pas en vacances (c'est en passe de devenir un mensonge, ça, puisqu'on est en train de s'en organiser), on se serre la ceinture, et puis on a "hérité", aussi.
On a des fauteuils, c'est pour que les amis s'y posent. On a un toit, il faut se battre pour le garder, on a toujours cette angoisse.
On a une maison, un toit, un abri, un chez-nous.
J'aurais voulu ne pas avoir à me poser ces questions. Que tout le monde puisse avoir un toit me semble évident. C'est la trêve hivernale, un minimum quoi.
Et peu importent les meubles, une chaise pour prendre un café avec quelqu'un avec qui on passerait des heures à causer, c'est ça l'essentiel.
et puis tu vois bien le bordelum là?